• Non ci sono risultati.

Préface à: Partage des savoirs et influence culturelle: l'analyse du discours "à la française" hors de France

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Condividi "Préface à: Partage des savoirs et influence culturelle: l'analyse du discours "à la française" hors de France"

Copied!
1
0
0

Testo completo

(1)

Paola Paissa

Université de Turin, Italie

Juste quelques mots, pour inviter à la lecture ...

L’analyse du discours “à la française” (ADF) hors de France est depuis longtemps une réalité. Cependant, ce phénomène n’avait pas été cartographié jusqu’à présent. Que l’idée de dresser un pareil recensement vienne d’un pays comme l’Italie, arrivé bon dernier dans le panorama mondial de dissémination scientifique de l’ADF, semble relever du paradoxe. Or, à y regarder de plus près, ce paradoxe n’est qu’apparent, car le retard avec lequel l’ADF est apparue en Italie fait que, dans ce pays, on a connu quasiment en même temps les travaux des analystes français et ceux des analystes s’inspirant de l’ « École Française d’analyse du discours » (selon la formule de Guespin), travaillant en dehors des frontières hexagonales. En Italie, en outre, on a souvent lu les analystes dits de la « deuxième génération » simultanément, voire antérieurement, à ceux de la première, quitte à remonter, après coup, aux fondateurs de l’ADF. Ce parcours de découverte scientifique quelque peu à rebours et par ricochet ne va évidemment pas sans inconvénients (les lacunes et les limites, dont font état Antelmi et Raus, dans ce volume, sont nombreuses) mais il présente aussi quelques avantages, du moins face à une entreprise comme celle-ci. En effet, le recul qui dérive de leur retard met les chercheurs italiens en mesure d’apprécier aujourd’hui, peut-être plus que d’autres, l’extraordinaire portée, à la fois heuristique et herméneutique, des outils qu’offre l’ADF, ainsi que l’actualité et la clairvoyance des lectures critiques que Foucault, Pêcheux et tant d’autres avaient offertes, dès les années 60, de la société moderne et de l’énorme bruit discursif qui la parcourt. Ensuite, ce qu’on partage, en Italie, c’est une vision large et inclusive de l’ADF. Tout en étant bien conscients de l’existence des analyses du discours « à la française »1, l’ADF en Italie est exempte des particularismes, des divisions, des esprits de « chapelle » qui concernent d’autres pays et notamment sa patrie d’origine. Tout cela fait que les analystes italiens, bien que très peu nombreux et appartenant tous à un cadre institutionnel restreint (celui des « francisants », par ailleurs de plus en plus réduit, menacé qu’il est par l’anglophilie envahissante) ont été, dans ces dernières années, très motivés et plutôt actifs dans leurs recherches.

Loin d’être paradoxal, le projet qu’a conçu Rachele Raus – l’une des premières chercheures italiennes à s’être penchée sur l’ADF dès sa toute première formation – est donc parfaitement cohérent avec le contexte culturel et académique italien. En effet, celui-ci réunit, d’une part, une longue et riche tradition d’études humanistes (y compris dans le domaine de la rhétorique et de l’argumentation2) et, de l’autre, un vif besoin 1 C’est en effet au moins depuis 1995 qu’on a coutume, en France, d’utiliser le pluriel (les AD) pour indiquer les différents courants et tendances qui coexistent au sein de l’ADF (cf. Maingueneau 1995). Au Brésil aussi on a pu proposer l’emploi du pluriel, rendant compte des multiples facettes de l’AD (Cf., entre autres, Mendes – Machado 2011). En revanche, ce choix n’a évidemment pu être gardé dans ce volume, où le pluriel représente un trait constitutif de l’objet, qu’il était impossible de fragmenter davantage.

2 Si l’ADF a encore du mal à s’imposer en Italie et que les traductions d’ouvrages français sont rares (cf. Antelmi-Raus, dans ce volume), les études de rhétorique s’enracinent dans une tradition bien plus solide, remontant les siècles. Pour en rester au XXe, il convient de rappeler que les traductions des ouvrages fondamentaux de rhétorique et

d’argumentation de Lausberg, Perelman & Olbrechts-Tyteca (avec l’introduction de Norberto Bobbio), Barthes, Ricœur, Groupe μ, etc., sont parues de très bonne heure en Italie, contribuant à inspirer des travaux italiens relevant de la linguistique générale et italienne ou de la philosophie du langage (Bice Mortara Garavelli, Michele Prandi, etc.) Bien que l’application des outils d’analyse rhétorique ait principalement concerné les textes littéraires, cette tradition a sans doute contribué à construire un terrain favorable à l’acquisition de l’ADF. Ce n’est donc pas un hasard si l’une des premières et des plus dynamiques coopérations internationales du groupe italien ADF – DORIF a eu lieu avec l’équipe israélienne ADARR, dont les membres s’intéressent notamment à la synergie des dispositifs heuristiques de l’ADF avec ceux qui proviennent de l’approche de l’argumentation et de la rhétorique post-perelmanienne.

(2)

d’ouverture et de renouvellement culturel, s’accompagnant de la nécessité de s’engager dans la lecture d’un univers discursif de plus en plus multiforme, traversé par des tendances manipulatrices, des instances contradictoires et volontiers inquiétantes3. C’est, par ailleurs, l’existence d’une potentialité si riche qui m’a

personnellement persuadée, en 2013, d’accepter de coordonner, au sein du DORIF, une équipe de recherche italienne dans le domaine de l’ADF. Dès le lancement du premier appel pour la formation de ce groupe, réunissant à l’heure actuelle presque une trentaine de chercheur(e)s, issu(e)s de seize universités différentes et entretenant d’importantes coopérations internationales4, la réponse a été d’une ampleur exceptionnelle. Cinq ans après, le bilan est, somme toute, positif : si une certaine tendance à l’éclectisme des méthodes et des références, unie à un enthousiasme de néophytes, ont parfois engendré des recherches par trop disparates, n’allant pas sans quelques approximations ou naïvetés, la curiosité et la vivacité scientifiques des membres de l’équipe et la richesse des événements et des rencontres organisés ont rendu l’expérience passionnante.

C’est donc avec un grand plaisir que j’ai consenti à rédiger ces quelques lignes, en guise de préface à un ouvrage collectif dont la lecture m’a paru singulièrement riche et stimulante. Bien que le recueil présente quelques absences de taille, comme l’Allemagne ou la Suède (la complétude étant par ailleurs un véritable leurre dans ce genre de travail), il offre une vue d’ensemble significative de la diffusion d’un paradigme scientifique en dehors du pays et du cadre socioculturel qui lui a donné naissance. Or, une telle investigation n’est pas une mince affaire. Tout au long de l’ouvrage, le tableau que les auteur(e)s dressent de l’installation et de la circulation de l’ADF, se doublant constamment du récit de la vie culturelle des différents milieux et des vicissitudes intellectuelles des chercheur(e)s emblématiques du domaine (coïncidant souvent avec le/la signataire de l’article) fait que chaque texte, avant de constituer une étude, est un précieux document historique, un témoignage prégnant d’une grande aventure collective. Effectivement, dans cette revue des recherches se réclamant de l’ADF, menées sur trois continents, on peut lire l’histoire des institutions universitaires et de leurs relations avec les différentes formes du pouvoir. On peut également constater par quelles modalités le savoir est, selon les époques et les contextes géopolitiques, conditionné par le pouvoir, autant que le sujet (le chercheur lui-même) l’est par l’idéologie dominante, par l’entrelacement ou l’affrontement du/des discours hégémoniques et du/des contre-discours qui s’y opposent. On peut découvrir, enfin, l’angle de réfraction, l’éclatement, la dispersion centrifuge intéressant un système notionnel lorsqu’il est mis à l’épreuve d’une réalité discursive foncièrement autre que celle de départ et face à des conditions de réception complètement dissemblables. La diversité des lectures et des modes de réception de l’outillage épistémologique et méthodologique de l’ADF, les spécificités dérivant de la rencontre avec le savoir antérieur à l’apparition de celle-ci, son adaptation aux pratiques traditionnelles de circulation des connaissances (routines scientifiques et didactiques, habitudes académiques, etc.) représentent la caractéristique la plus séduisante de l’ouvrage. C’est par ailleurs là l’aspect sur lequel insistent toutes les études, qu’il s’agisse d’un pays de constitution relativement récente, démocratique depuis sa naissance, comme Israël, ou de pays sortant de dictatures, de régimes ayant longtemps « silencié »5 les voix critiques et cloisonné sous une lourde chape l’enseignement et la recherche (c’est le cas de la Roumanie, de l’Algérie, de plusieurs pays de l’Amérique Latine). Voilà alors que cet ouvrage parvient admirablement à boucler la boucle : l’ADF hors de France en forme l’objet et, en même temps, elle se propose comme une sorte de papier de tournesol, exhibant la validité et l’actualité des hypothèses qui 3 La portée axiologique et morale de cet adjectif est indéniable, mais elle est en même temps relative, car j’ai surtout voulu évoquer par là le titre, célèbre et suggestif, de l’ouvrage que Denise Maldidier consacre en 1990 à Michel Pêcheux (Maldidier 1990).

4 Cf. la page AD, argumentation, rhétorique du site DORIF, au lien : https://dorif.it/gruppo-Analyse%20du%20discours

5 C’est bien en hommage à Eni Puccinelli Orlandi que j’utilise ce mot, dans l’acception qu’elle a définie dans son ouvrage de référence (Puccinelli Orlandi 1996).

(3)

forment son appareil épistémologique. Faire le bilan de ce que l’ADF représente dans le monde (le partage des savoirs, l’existence de réseaux, l’emploi de la langue française) revient ainsi à reconnaître, comme Rachele Raus l’explicite dans sa conclusion, que l’ADF constitue, au final, rien moins qu’un « espace de liberté »6. Poursuivant systématiquement la « déconstruction des évidences » (cf., entre autres, Krieg-Planque 2012 : 143), les instruments et les pratiques d’observation scientifique relevant de l’ADF délimitent un domaine supra-national d’ordre intellectuel, une sorte d’avatar moderne de la « République des Lettres ». Au-delà des spécificités des différents pays, cet ouvrage présente, de la sorte, un dénominateur commun patent, se résumant à un impératif, à la fois d’ordre scientifique et éthique, d’honnêteté et d’autonomie conceptuelles. En effet, l’ADF hors de France est un espace réticulaire, où des stéréotypes comportementaux et idéologiques figés et contraignants, tels que « la pensée unique », le globish, le « tout économique », etc. sont, à tout le moins, mis en doute. Or le doute – on le sait – à condition d’être cultivé avec intelligence et méthode, représente une véritable aubaine de l’esprit. En tout cas, c’est là peut-être un des plus précieux legs que la culture française a transmis au reste du monde.

Références bibliographiques :

MAINGUENEAU, Dominique, (éd), 1995, Les analyses du discours en France, Langages, 117. MALDIDIER, Denise, 1990, L’inquiétude du discours, Paris, Éditions des Cendres.

MENDES, Emilia & MACHADO, Ida Lucia (éds), 2011, « Approches de l’AD au Brésil » : « Avant-propos » et « Bibliographie sélective annotée de publications en langue portugaise sur l’argumentation, la rhétorique et les multiples faces de l’analyse du discours au Brésil », Argumentation et Analyse du Discours, n. 7,

http://aad.revues.org/1229.

PUCCINELLI-ORLANDI, Eni, 1996, Les formes du silence dans le mouvement du sens, Paris, Éd. des Cendres. KRIEG-PLANQUE, Alice, 2012, Analyser les discours institutionnels, Paris, Colin.

6 Par ailleurs, au Brésil, on a reconnu que l’ADF avait représenté, sous la dictature militaire, « un moyen de résistance » (Machado-Mendes 2011 ).

Riferimenti

Documenti correlati

Les patients IMC bénéficient de plus en plus fréquemment de thérapeutiques médicamenteuses nouvelles, d’une adaptation régulière des aides de marche et des orthèses ainsi

Pendant que des efforts importants étaient réalisés dans le dépistage des autres localisations, le cancer bronchique restait dans l’ombre d’études ayant montré une

Destiné avant tout au médecin ce livre s’adresse aussi aux professionnels de Santé et à tous ceux qui, soucieux de leur santé, ont une attitude proactive en matière de dépistage

Cet ouvrage détaille l'histoire naturelle du cancer du col, son incidence et sa mortalité, les différents aspects du dépistage : principes généraux, le programme de

Elle répond également aux besoins des jeunes médecins qui passent par une unité de réanimation soit en vue d'y faire carrière, soit dans le cadre de leur formation, ou

Il s'agit d'un des domaines qui a le plus évolué au cours des dernières années en cancérologie en raison de progrès importants dans les stratégies diagnostiques et la prise en

Certains aspects plus spécifiques sont abordés, le dépistage, le curage ganglionnaire, le « second look », la chimiothérapie intrapéritonéale avec ou sans hyperthermie, le

Près de 80 % de ces neurones sont des neurones sensitifs et les voies afférentes qui transmettent les informations du tractus digestif vers le système nerveux central jouent un