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Le processus des ratifications du traité établissant une Constitution pour l’Europe et la période de réflexion

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Academic year: 2021

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EU ROPE A N U N I V E R SIT Y I NSTIT U TE

Le processus des ratifications du traité établissant une

Constitution pour l’Europe et la période de réflexion

JACQUES ZILLER

(2)

D

EPARTMENT OF LAW

Le processus des ratifications du traité établissant une

Constitution pour l’Europe et la période de réflexion

J

ACQUES

Z

ILLER

(3)

consent of the author(s), editor(s). If cited or quoted, reference should be made to the full name of the author(s), editor(s), the title, the working paper or other series, the year,

and the publisher.

The author(s)/editor(s) should inform the Law Department of the EUI if the paper is to be published elsewhere, and should also assume responsibility for any consequent

obligation(s). ISSN 1725-6739

© 2006 Jacques Ziller Printed in Italy European University Institute

Badia Fiesolana

I – 50016 San Domenico di Fiesole (FI) Italy

http://www.iue.it/

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ABSTRACT

The paper examines the process of ratification of the Treaty establishing a Constitution for Europe in the member states of the European Union, from the date of its signature in Rome on 29 October 2004 to the European Council of June 2006 which decided to prolong the “period of reflection” for two further years. It first analyses the constitutional constraints which have to be observed in the member states, distinguishing between ratification according to ordinary legislative procedure and according to a special procedure, the possibility to chose between a parliamentary authorisation or a referendum, the possibility of judicial review of the constitutionality of ratification and the powers of the Head of State. It then examines more deeply the different procedures followed for the authorisation of ratification, the referenda which took place or were foreseen and the delays in ratification, as well as the decisions of constitutional courts and the constitutional amendments adopted in view of ratification of the Constitution for Europe. The paper concludes with an appraisal of the so-called “period of reflection” and the reactions in member states

KEYWORDS

Political science themes referendum

Legal issues

European citizenship - European law - fundamental/human rights - German Constitutional Court - international agreements - judicial review

Treaty reform

Amsterdam Treaty – Enlargement - European Convention - founding Treaties - IGC 1996 - IGC 2000 - intergovernmental conferences - Maastricht Treaty - Nice Treaty - Treaty on European Union - treaty reform

Institutional issues

joint decision making - legislative procedure - majority voting - national parliaments - qualified majority - unanimity

EU institutions

Committee of Regions - Council of Ministers - European Parliament Countires

Austria – Belgium – Denmark – Estonia – Finland – France – Germany – Greece – Hungary – Ireland - Italy – Latvia – Lithuania – Luxembourg – Netherlands – Norway – Poland – Portugal – Romania – Scotland – Slovakia – Slovenia – Spain – Sweden – U.K.

Disciplinary background of paper law

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I CONTEXTE 1 II LES CONTRAINTES CONSTITUTIONNELLES POUR LA RATIFICATION

DANS LES ÉTATS MEMBRES 7

1 Procédure de ratification ordinaire ou procédure de ratification spéciale 8 2 L’autorisation de ratifier : voie parlementaire ou voie référendaire 11

3 Le contrôle de constitutionnalité : saisine et délais 14

4 Les pouvoirs du chef de l’Etat : obligation ou faculté de ratifier 16 III LES PROCEDURES DE RATIFICATION DU TRAITE CONSTITUTIONNEL

EN 2004,2005 ET 2006 17

Tableau 1 : procédures de ratification dans les Etats membres 17

1 Les procédures d’autorisation de ratifier 20

A Les autorisations de ratification par la seule voie parlementaire 20

B Les autorisations de ratification précédées d’un référendum 21

C Les rejets du traité constitutionnel par voie référendaire 21 Tableau 2 : Référendums sur les traités de Maastricht et de Nice

et sur la Constitution européenne 23

D Les retards de ratification malgré autorisation parlementaire 25

E Les procédures reportées 25

2 Les décisions de cours constitutionnelles 27

3 Les réformes en vue de à la mise en œuvre du traité constitutionnel dans les Etats

membres 29

IV LA « PERIODE DE REFLEXION » ET LES REACTIONS DES INSTITUTIONS DE L’UNION 30

Tableau 3 : chronologie des autorisations de ratifier 32

V APPRECIATION GENERALE 35

(6)

ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L’EUROPE

ET LA PÉRIODE DE RÉFLEXION

To be published in

G. Amato, H. Bribosia & B. De Witte,, GENESE ET DESTINEE DE LA CONSTITUTION EUROPEENNE

PART I-CHAPTER IV (Bruylant: Bruxelles - forthcoming)

CHAPITRE IV

LE PROCESSUS DES RATIFICATIONS ET LA PÉRIODE DE RÉFLEXION

Jacques Ziller

Dispositions de la Constitution : Article IV – 447; Déclaration n° 30 Dispositions correspondantes des traités : Articles 48 et 52 TUE

I. CONTEXTE

1. L’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe est subordonnée à sa ratification par tous les Etats membres de l’Union européenne, conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives. L’article IV-447 reprend les principes applicables aux révisions des traités existants, fixés à l’article 48 TUE. Il prévoit la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe conformément aux règles constitutionnelles des Etats membres et subordonne l’entrée en vigueur à la ratification par tous les Etats membres. Cette entrée en vigueur a lieu au plus tôt le 1er novembre 2006, au cas où toutes les ratifications seraient déjà intervenues à cette date, ou à défaut le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du dernier des vingt cinq instruments de ratification. La « Déclaration n° 30 concernant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe » – à laquelle il est souvent fait référence comme « clause de rendez-vous » – prévoit que si « à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature » (soit le 30 octobre 2006), les « quatre-cinquième des Etats membres » (soit 20 Etats) « ont ratifié ledit traité et qu’un ou

plusieurs Etats membres ont rencontré des difficultés pour procéder à la ratification, le Conseil européen se saisit de la question ». Cette déclaration a été remplacée depuis lors par les conclusions du Conseil européen des 15-16 juin 20061.

1 V. infra paragraphe n° 68

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2. Durant les travaux de la Convention, l’adoption de règles différentes avait été envisagée2, mais non retenue. Le traité constitutionnel est conçu pour remplacer les traités existants, TUE et TCE, ce qui est la conséquence logique de la suppression des piliers et du choix d’une personnalité juridique unique pour l’Union. Dès lors, l’adoption de règles différentes de celles prévues pour l’amendement de ces traités n’était possible qu’à travers une révision préalable de l’article 48 TUE – donc avec la ratification de tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. C’était en substance la solution envisagée par le projet Pénélope, qui prévoyait l’adoption à l’unanimité d’un petit traité rendant lui-même possible l’adoption du traité constitutionnel par un mécanisme qui en permettrait l’entrée en vigueur après un nombre déterminé de ratifications, sans que l’unanimité ne soit plus requise. Deux séries d’objections pouvaient être faites à l’encontre de ces solutions. Du point de vue du réalisme politique, il était peu réaliste d’envisager que l’un quelconque des gouvernements concernés se priverait de l’arme du veto en dehors du contexte final d’un package deal où il trouverait des avantages méritant ce sacrifice. D’autre part un certain nombre de difficultés étaient prévisibles devant un tel « saut dans l’inconnu », en particulier dans les Etats membres où ce traité de révision pourrait faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.

3. La formule finalement insérée dans la déclaration n° 30 avait quant à elle d’abord été insérée dans la première version du texte de l’article pertinent du projet de Constitution. Il y aurait toutefois eu une incohérence juridique à prévoir une telle disposition, s’appliquant à la période précédant l’entrée en vigueur, dans un texte qui par définition ne pouvait pas être en vigueur à la date où se seraient vérifiées ces difficultés. Pour cette raison, le projet final de la Convention avait déjà inséré dans une déclaration et non plus dans le texte constitutionnel lui-même la « clause de rendez-vous ». Le mécanisme de saisine du Conseil en cas de difficultés, prévu par la déclaration, est par ailleurs consacré pour les révisions futures de la Constitution par l’article IV-443 § 4. Nombre de précédents indiquaient que des problèmes pouvaient se manifester dans l’un ou l’autre Etat membre au cours du processus de ratification. Nul doute qu’ils étaient connus du Praesidium et du Secrétariat de la Convention, ainsi que d’un grand nombre de membres de celle-ci. Ils étaient particulièrement bien connus du Secrétariat général du Conseil – chargé du secrétariat de la CIG – étant donné que ce dernier avait eu la part la plus active à la recherche de solutions aux difficultés en question dans le passé.

4. L’Acte Unique Européen – première révision des traités communautaires portant sur les politiques communes – avait fait l’objet d’un accord de principe au sommet européen de Luxembourg de décembre 1985. Le Conseil des Ministres avait en conséquence fixé le 17 février suivant comme date de signature. Toutefois seuls l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Irlande, le Luxembourg, le Portugal et le Royaume-Uni signèrent le traité à cette date. En effet, le projet de traité avait été soumis au Parlement danois le 21 janvier 1986, mais une majorité de 80 voix contre 75 avait refusé de l’approuver, afin que le gouvernement danois organise un référendum

2 V. notamment P. Jerónimo, « Adoption and Entry into Force of the Constitution for Europe », in J. Ziller (sous la dir.), L’Européanisation des droits constitutionnels à la lumière de la Constitution pour

l’Europe – The Europeanisation of Constitutional Law in the Light of the Constitution for Europe, Paris, L’Harmattan, Collection Logiques juridiques, 2003, p. 173.

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pour en permettre la ratification. Ce référendum eut lieu le 27 février 1986, et le projet de traité obtint une majorité favorable3. Le lendemain, l’Italie, la Grèce et le Danemark signèrent à leur tour l’Acte Unique à La Haye. Les dispositions finales du traité prévoyaient son entrée en vigueur le 1er Janvier 1987. Ceci paraissait une innovation, car jusque là les traités communautaires ne fixaient pas de date pour leur entrée en vigueur – se contentant d’indiquer un délai suivant le dépôt du dernier instrument de ratification. Les traités d’adhésion suivaient néanmoins déjà la technique de l’indication d’une date fixe : 1er janvier 1973 pour le premier élargissement au Danemark, à l’Irlande et au Royaume-Uni, 1er janvier 1981 pour la Grèce, 1er janvier 1986 pour l’Espagne et le Portugal – à condition toujours que le traité ait été ratifié par tous les Etats membres et chacun des nouveaux adhérents. L’Acte Unique n’entra toutefois en vigueur que le 1er juillet 1987, avec sept mois de retard, c'est-à-dire, conformément à l’alternative prévue dans les dispositions finales du traité, le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du dernier instrument de ratification, en l’occurrence celui de l’Irlande. La loi autorisant la ratification du traité avait en effet été déférée à la Cour Suprême d’Irlande par M. Crotty, au motif qu’elle comportait un transfert de souveraineté non prévu par la Constitution d’Irlande de 1937. Cette dernière donna raison au requérant4, contraignant le gouvernement irlandais à l’organisation d’un référendum qui eut lieu le 26 mai 1987 avec un résultat positif5, ouvrant enfin la voie à la ratification.

5. Le Traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, prévoyait son entrée en vigueur pour le 1er janvier 1993. Un retard de 11 mois fut causé par deux événements imprévus. D’une part, le référendum organisé le 2 juin 1992 au Danemark eut un résultat négatif6. Les ministres des Affaires étrangères des 12 Etats membres, qui se réunirent le lendemain, décidèrent de ne pas rouvrir les négociations et de continuer les processus de ratification – le Danemark avait été le premier pays à entamer la procédure d’autorisation à cet effet. Le travail commun du gouvernement danois et de la présidence du Conseil européen (le Royaume-Uni à partir du mois de juillet) conduisit à l’adoption, lors du sommet d’Edimbourg des 11 et 12 décembre 1992 d’une décision à caractère déclaratoire7, qui n’était autre qu’une réaffirmation des dispositions déjà incluses dans le traité de Maastricht et des conséquences qui devaient en découler, accompagnée de déclarations du Conseil européen8 et du Gouvernement danois9. Entre

3 56,2 % des votants.

4 Crotty v. An Taoiseach [1987] IR 713. 5 69,9 % de votes favorables.

6 52,07 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation 82,9 %.

7 « Décision des Chefs d’Etat ou de Gouvernement, réunis au sein du Conseil Européen, concernant certains problèmes soulevés par le Danemark à propos du traité sur l’Union européenne », JO C 348 du 31 12 1992, p. 1

8 Une déclaration du Conseil européen explique que le traité « ne fait pas obstacle au maintien et à l'établissement par un État membre de mesures de protection renforcées compatibles avec le traité instituant la Communauté européenne […] dans le domaine des conditions de travail et de la politique sociale, […] en vue d'atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs […]en vue de réaliser les objectifs en matière de protection de l'environnement » qu’il « permet[tent] à chaque État membre de mener sa propre politique en matière de répartition des richesses et de maintenir ou d'améliorer les prestations sociales. » En fait il s’agit de rappeler ce qui avait été introduit dans le TCE par l’Acte unique européen, avec l’article 100A paragraphes n°s 3 et 4 (95 § 3 et 4 selon la numérotation post-Amsterdam). Dans une « Déclaration sur la défense », annexée à la « Décision », le Conseil européen « note que le Danemark renoncera à son droit d'exercer la présidence de l'Union

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temps, le référendum organisé en France par le Président de la République François Mitterrand, et que ce dernier concevait entre autres comme une réponse au « non » danois, avait donné le 20 septembre un résultat positif sur le fil du rasoir10. Les textes adoptés au sommet d’Edimbourg permirent au gouvernement danois d’organiser un autre référendum le 18 mai 1993, portant à la fois sur le texte du traité de Maastricht et sur les textes adoptés à Edimbourg. Il eut cette fois un résultat positif11. Néanmoins l’entrée en vigueur du traité de Maastricht fut encore retardée, du fait du recours déposé par un membre du Bundestag, M. Brunner, devant la Cour constitutionnelle fédérale allemande contre la loi autorisant la ratification du traité. Il fallut attendre la décision de la Cour constitutionnelle12 pour que le Chef de l’Etat allemand puisse déposer l’acte de ratification de son pays. Le traité entra donc en vigueur le 1er novembre 1993, comme prévu par ses clauses finales qui indiquaient, à défaut du 1er janvier 1993, « le premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'État signataire qui procédera le dernier à cette formalité ».

6. Il semble que les rédacteurs des traités d’Amsterdam et de Nice aient tiré la leçon de ces deux cas, puisqu’ils se gardèrent d’indiquer une date fixe d’entrée en vigueur, se contentant de la traditionnelle formule du « premier jour du deuxième mois… ». Le traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997 entra en vigueur quinze mois après, le 1er mai 1999, sans rencontrer de difficultés notables. Le référendum organisé au Danemark eut un résultat positif, mais dans l’indifférence générale, d’autant que ce pays ne faisait pas partie de la zone euro. En Allemagne, un recours en inconstitutionnalité fut rejeté par la Cour constitutionnelle comme « dépourvu de chances d’aboutir » (aussichtslos) sans que l’on puisse savoir si ce rejet était motivé par des insuffisances de type formel ou par l’insuffisance de son argumentation. En France, le Conseil constitutionnel avait indiqué en décembre 1997 que la ratification nécessiterait une révision préalable de la Constitution française, comme il l’avait déjà fait moins de cinq ans auparavant pour le traité de Maastricht. Tout ceci prit assez peu de temps. La durée de quinze mois nécessitée pour l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam est la conséquence d’une sorte de « grève des ratifications » que la section flamande du Conseil régional de Bruxelles avait observé à l’automne 1998 et chaque fois qu'une question concernant l'élaboration et la mise en oeuvre des décisions et des actions de l'Union ayant des implications en matière de défense sera impliquée ». Il ne s’agit pas d’une obligation nouvelle pour le Danemark, comme en témoigne son évocation dans une simple déclaration, et par ailleurs rien n’empêche un Etat membre de renoncer à présider une séance du Conseil européen ou du Conseil des ministres ; au contraire des règles de remplacement son prévues au règlement intérieur du Conseil.

9 Les déclarations unilatérales du Danemark ne changent rien à l’état du traité – elles ne le pourraient d’ailleurs pas s’agissant d’un acte unilatéral d’un seul Etat, dans un système qui n’admet pas les réserves, contrairement au droit commun des traités multilatéraux. Elles ne changent rien non plus au droit constitutionnel danois. Elles se contentent de rappeler les dispositions de la Constitution danoise qui avaient précisément conduit à la tenue d’un référendum : l’article 20 de la Constitution dispose qu’en cas de cession de compétences à une organisation internationale, l’autorisation de ratifier le traité pertinent ne peut être accordée que par le Parlement décidant à la majorité des 5/6èmes, ou bien par voie de référendum avec un quorum de participation de 30 % des électeurs inscrits. Le gouvernement s’engage à utiliser cette voie au cas où il souhaiterait que la position du Danemark évolue.

10 51,05 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation de 69,69 %. 11 56,77 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation 85,5 %. 12 Décision du 12 octobre 1993, BvR L 134/92.

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pendant l’hiver 1999, et qui ne visait pas particulièrement le traité d’Amsterdam, puisque le conflit portait sur des questions de politique interne. Depuis la révision constitutionnelle de 1993, en effet, la ratification des traités concernant la Communauté et l’Union nécessite en Belgique, du fait de la diversité des matières en cause, l’approbation des deux chambres du Parlement fédéral, des trois conseils régionaux (Bruxelles, Flandre, Wallonie) et des conseils de la Communauté française et de la Communauté allemande, soit un total de huit votes si l’on tient compte de la nécessité d’une majorité dans chacune des deux sections linguistiques du Conseil régional de Bruxelles.

7. La facilité avec laquelle s’était déroulé la ratification du traité d’Amsterdam explique l’étonnement suscité par les problèmes que rencontra la ratification du traité de Nice, signé le 26 février 2001. Le résultat du référendum organisé en Irlande le 21 juin 2001 fut négatif13. Comme pour le Danemark neuf ans auparavant, il fut décidé d’un commun accord entre tous les Etats membres de continuer le processus de ratification, et le gouvernement irlandais indiqua qu’il s’efforcerait de trouver une solution, qui pourrait être mise en œuvre après les élections au Parlement (Dáil). Celles-ci eurent lieu le 17 mai 2002. Lors du sommet de Séville des 21-22 juin 2002, le gouvernement irlandais14 et le Conseil européen15 adoptèrent des déclarations spécifiant que la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ne portait pas atteinte à la politique de neutralité militaire de l'Irlande. Le texte soumis au deuxième référendum en Irlande le 28 novembre 2002 était différent de celui de juin 2001 : non seulement il autorisait la ratification du traité de Nice mais surtout il prévoyait l’accord des deux chambres du Parlement16 pour que l’Irlande puisse exercer les options prévues à divers

13 53,9 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation 34,8 %.

14 Bulletin UE 6-2002, Annexes aux conclusions de la présidence. Dans sa déclaration, l’Irlande « réaffirme son attachement aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies », « rappelle son engagement en faveur » de la PESC telle que définie dans le traité de Maastricht, modifié à Amsterdam et approuvé chaque fois par le peuple irlandais par référendum et « confirme » que sa participation à la PESC n'affecte pas sa politique traditionnelle de neutralité militaire. Selon la déclaration, « Conformément à sa politique traditionnelle de neutralité militaire, l'Irlande n'est liée

par aucun engagement en matière de défense mutuelle et ne participe à aucun projet visant à mettre en place une armée européenne. Le Conseil européen de Nice a d'ailleurs reconnu que le développement de la capacité de l'Union de mener des missions humanitaires et de gestion de crises n'implique pas la création d'une armée européenne.» Enfin la déclaration rappelle que toute décision de l'Union conduisant à une défense commune doit être prise à l'unanimité et que « le gouvernement

de l'Irlande a pris vis-à-vis du peuple irlandais l'engagement ferme, consacré par la présente déclaration, d'organiser en Irlande un référendum sur l'adoption de telles décisions et sur tout traité futur qui conduirait l'Irlande à s'écarter de sa politique traditionnelle de neutralité militaire. […] L'Irlande réaffirme que la participation de contingents des forces armées irlandaises à des opérations menées à l'étranger, y compris dans le cadre de la politique européenne en matière de sécurité et de défense, nécessite a) l'autorisation de l'opération par le Conseil de sécurité ou l'Assemblée générale des Nations Unies, b) l'accord du gouvernement irlandais et c) l'approbation du Dáil Éireann conformément à la législation irlandaise. » La déclaration finit par l’affirmation que cette situation ne serait pas affectée par l'entrée en vigueur du traité de Nice.

15 La déclaration du Conseil européen prend acte de la déclaration irlandaise, en répète le contenu et confirme sa compatibilité avec le traité de Nice. Il n’y a donc pas de tentative de faire croire que l’Irlande obtient de nouvelles concessions dans le traité. Ces déclarations ne changeaient rien au contenu du traité de Nice et ne nécessitaient donc pas de ratification de la part des autres Etats membres.

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articles du traité de Nice17, et interdisait la participation de l’Irlande à une politique commune de défense 18. L’ensemble de ces textes fut approuvé19. Ceci permit à l’Irlande de ratifier le traité de Nice le 18 décembre, permettant ainsi l’entrée en vigueur du traité de Nice le 1er mars 2003.

8. Les péripéties de la ratification en Irlande étaient bien entendu présentes à l’esprit des membres de la Convention européenne, qui travaillait déjà depuis un an lorsque le traité de Nice entra en vigueur. Quelques semaines plus tard, le traité d’adhésion des dix nouveaux Etats membres était signé à Athènes le 16 avril 2003, ouvrant la voie à une série de référendums dans les pays d’Europe centrale et orientale, pour lesquels les sondages prévoyaient des résultats très incertains. Dans ces conditions, les membres de la Convention et ceux de la Conférence intergouvernementale ne se faisaient pas d’illusion sur la possibilité d’une ratification dans des conditions semblables à celles du traité d’Amsterdam. Alors que la fixation d’une date précise pour l’entrée en vigueur de l’Acte Unique Européen et celle du traité de Maastricht avait pu sembler le résultat d’un naïf optimisme, la rédaction de l’article IV-447 et de la déclaration n° 30 contenant la « clause de rendez-vous » sont au contraire le signe d’un scepticisme prudent. Le bien fondé de ce scepticisme a été démontré par les incidents de parcours qui suivirent : référendums négatifs en France et aux Pays-Bas, gel sine die de la procédure de ratification au Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays, recours en inconstitutionnalité en Allemagne et en Slovaquie, décisions des cours constitutionnelles portugaise et slovaque20.La « clause de rendez-vous » ne contient en réalité aucune solution aux problèmes pouvant surgir dans l’un ou l’autre pays, et ne formule d’ailleurs pas de règle de droit. En particulier, rien n’empêcherait le Conseil européen ou le Conseil de l’Union de se saisir à tout moment des éventuels incidents de parcours, comme ce fut le cas en juin 1992 et en juin 2001. A l’inverse, une fois saisi automatiquement sur la base de la « clause de rendez-vous », rien ne l’obligerait à décider, pour la simple raison que les Etats membres sont libres de leurs choix, sous la seule réserve juridique du respect du droit des traités.

9. Il s’agit en l’occurrence des règles codifiées par l’article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, qui stipule :

« Art. 18 - Obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur

« Un État doit s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but:

« a) lorsqu’il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; ou

« b) lorsqu’il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l’entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée. »

17 Articles 1 par. 6, 1 par. 9, 1 par. 11, 1 par. 12, 1 par. 13 et 2 par. 1

18 V. l’article 29.4 de la Constitution irlandaise, respectivement aux paragraphes 7, 8 et 9. 19 Par 62,89 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation de 49,47 %.

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10. A la lumière de cette disposition, la date du 1er novembre 2006 fixée à l’article IV-447 et la déclaration fixant la « clause de rendez-vous » prennent une signification plus précise. En tout état de cause, un Etat membre ne peut pas considérer que l’entrée en vigueur du traité est « indûment retardée » avant l’échéance du 1er novembre 2006, et la clause de rendez-vous oblige les Etats membres à la concertation dans le cadre du Conseil européen, leur interdisant – sous peine d’engager leur responsabilité internationale pour ne pas avoir agi de bonne foi – des actes unilatéraux qui priveraient le traité constitutionnel de son objet ou de son but. Autant l’objet de ce traité est facile à déterminer – établir une Constitution pour l’Europe – autant son but peut donner lieu à des interprétations diverses21. Au-delà du formalisme du texte de la Convention de Vienne, il est clair que le caractère isolé des réactions des Etats membres ne pourrait que nuire au bon fonctionnement de l’Union et de la Communauté, ce qui explique l’importance des réunions du Conseil européen dans la période incertaine qui a suivi les votes négatifs en France et aux Pays-Bas 22.

II. LES CONTRAINTES CONSTITUTIONNELLES POUR LA

RATIFICATION DANS LES ÉTATS MEMBRES

11. Le renvoi aux règles constitutionnelles des Etats membres, tant par l’article IV-447 de la Constitution que par l’article 48 TUE a un double effet : en premier lieu il conditionne l’entrée en vigueur du traité à l’observation des prescriptions constitutionnelles pertinentes des Etats membres, et en second lieu il fait dépendre la ratification du seul débat politique interne dans chaque Etat membre, du fait de l’absence de toute autre indication dans les traités qui obligerait les Etats membres à se concerter par exemple sur la date des votes d’autorisation de ratifier. L’examen à lui seul des contraintes juridiques liées à la ratification dans le droit interne des Etats membres ne permet guère de prédire d’où peuvent venir les éventuelles difficultés, comme l’a démontré le déroulement des procédures de ratification à partir du lendemain de la signature du traité constitutionnel23.

12. Selon les Conclusions de la Présidence du Conseil européen des 15-16 juin 200624 : « depuis juin 2005, cinq autres États membres ont ratifié le traité

constitutionnel, portant à quinze le nombre total de ratifications ». Cette formulation reproduit l’erreur, trop commune, consistant à confondre la ratification proprement dite et l’autorisation de ratifier. La formulation de la déclaration adoptée lors du Conseil

21 Pour le moins, à notre avis, il s’agit de remplacer la Communautés et l’Union actuelles par une seule Union disposant de la personnalité internationale, de réformer les institutions et procédures de décision, de donner force obligatoire à la Charte ; mais le raisonnement peut être appliqué à chaque clause du traité, et il s’agit alors de vérifier l’importance de chaque clause du point de vue des buts rappelés en particulier par les préambules de la Constitution et de la Charte.

22 Sur la période de reflexion, v. infra paragraphes n°s 66 et suivants.

23 Dès le soir du 29 octobre 2004, le Président du Conseil italien annonçait qu’il souhaitait que son pays soit le premier à ratifier, mais malgré l’existence d’une large majorité favorable au traité Constitutionnel dans chacune des chambres du Parlement, les contraintes de l’ordre du jour parlementaire firent que l’Italie ne put le ratifier qu’en avril 2005.

24 Conseil de l'Union européenne, Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (15 et 16 juin 2006), Bruxelles, le 16 juin 2006, 10633/06, CONCL 2,

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européen des 16-17 juin 200525 était juridiquement plus correcte en tant qu’elle disait

« à ce jour 10 États membres ont conclu avec succès les procédures de ratification et ainsi exprimé leur adhésion au traité constitutionnel ». Cette dernière formule n’était pourtant pas tout à fait exacte non plus, si l’on estime que la procédure de ratification n’est véritablement conclue avec succès qu’au moment du dépôt de l’instrument de ratification auprès du gouvernement de la République italienne, qui en est le dépositaire. Même s’il s’agit là d’une formalité qui peut être exécutée fort rapidement, le respect de certaines contraintes constitutionnelles, ainsi que la possibilité d’incidents de parcours, peuvent prolonger le délai entre l’autorisation de ratifier – qu’elle soit donnée par référendum ou par voie parlementaire – et la ratification proprement dite. Trois aspects de la procédure de ratification méritent de ce fait d’être étudiés avec attention : l’autorisation de ratifier, qui peut être donnée au chef de l’Etat par le Parlement ou, dans certains pays, par voie de référendum ; la vérification éventuelle de la constitutionnalité du traité dont la ratification est envisagée ; et enfin la décision du chef de l’Etat de faire déposer l’instrument de ratification du traité. Un point préalable mérite également d’être évoqué : alors que dans certains Etats membres, c’est la procédure de ratification ordinaire, valable pour tout traité international, qui s’applique, dans d’autres Etats, des procédures spécifiques existent, prévoyant parfois des conditions supplémentaires par rapport à la procédure ordinaire.

1. Procédure de ratification ordinaire ou procédure de ratification spéciale

13. Trois cas de figure se présentent pour la ratification du traité constitutionnel, qui s’analyse comme une révision des traités communautaires et de l’Union, et qui modifie en partie – même si ce n’est le cas que de façon marginale – la répartition existante des compétences entre les Etats membres et l’Union26 : certaines constitutions nationales prévoient une procédure spécifique pour les traités européens, d’autres pour les traités comportant des « transferts de souveraineté »27, alors que dans nombre d’Etats il n’y a pas de distinction entre traités internationaux « ordinaires », traités comportant des transferts de souveraineté, ou traités européens.

14. Le cas le plus simple est celui où la constitution nationale prévoit un régime particulier pour les traités européens. Il en va ainsi de la Loi fondamentale (LF) allemande, qui établit un régime spécifique pour les traités relatifs à la Communauté et à l’Union européenne, depuis la révision constitutionnelle de 1992, adoptée pour faire accepter plus facilement le traité de Maastricht par les Länder. L’article 23 LF prévoit depuis lors que pour la fondation de l’Union européenne (par le traité de Maastricht) de

25 Conseil de l'Union européenne, Déclaration des chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres

de l'Union européenne sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe

(Conseil européen des 16/17 juin 2005), Bruxelles, le 18 juin 2005, SN 117/05.

26 C’est le cas d’une part avec la définition de nouveaux champs d’action en matière de politique extérieure, de sécurité et de défense, avec les nouvelles formulations relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, avec les nouvelles bases juridiques relatives à la politique de l’énergie, à la sécurité civile et à la coopération administrative, et enfin du fait du passage de l’unanimité à la majorité qualifiée pour un certain nombre de compétences existantes. Sur ce sujet, v. Chapitre XI, Partie I.

27 La formule « transfert de souveraineté » est utilisée ici comme un descriptif générique : dans un certain nombre d’Etats membres, l’idée même que la souveraineté puisse être transférée est refusée, et ce sont d’autres formulations qui sont retenues, se référant à l’exercice en commun de compétences.

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même que pour la modification des traités institutifs et de « réglementations comparables » qui auraient pour effet de « modifier ou compléter » le contenu de la LF, la procédure de révision constitutionnelle de l’article 79, paragraphes n°s 2 et 3 s’applique. Cela signifie que l’autorisation de ratification doit être donnée par un vote à la majorité des deux tiers du Parlement (Bundestag) et du Conseil fédéral (Bundesrat), et qu’une telle autorisation n’est pas valide si le traité à ratifier porte atteinte à l’articulation de la Fédération allemande en Etats (Gliederung des Bundes in Länder), au principe de la participation des Länder à la législation allemande (grundsätzliche

Mitwirkung der Länder bei der Gesetzgebung), ou encore aux principes fixés dans les articles 1 à 20 LF, c’est-à-dire aux droits fondamentaux consacrés par les articles 1 à 19, et aux principes de l’Etat de droit social et fédéral ainsi qu’au droit de résistance à l’oppression, consacrés par l’article 20. Ces limitations constitutionnelles sont d’autant plus importantes qu’elles sont protégées par la possibilité d’un recours en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle fédérale, qui peut être intenté par tout intéressé contre une décision d’une institution fédérale – telle que le vote du Parlement et du Conseil fédéral ou encore la décision de promulgation du Président fédéral. On observera en l’occurrence que, loin de faciliter la ratification des traités européens par rapport aux traités ordinaires, l’article 23 LF exige une majorité renforcée, étant donné que pour les autres traités, une loi fédérale adoptée à la majorité simple est suffisante pour autoriser la ratification en vertu de l’article 59 paragraphe n° 2 LF. La majorité renforcée étant nécessaire lorsqu’un traité de ce type modifie « ou complète » la LF, on peut estimer qu’elle est de règle pour les amendements aux traités communautaires et de l’Union, à l’exception de traités qui ne porteraient que sur des aspects réduits du fonctionnement des institutions de l’Union.

15. Sauf erreur de notre part, cette disposition de la LF allemande est jusqu’à présent le seul cas où une procédure spécifique est prévue pour la ratification de traités relatifs à l’Union (ou à la Communauté) européenne. En effet, si un certain nombre de constitutions d’Etats membres font référence à la construction européenne28, c’est le plus souvent de façon déclaratoire, ou pour assurer la compatibilité avec la constitution nationale des règles et principes du droit dérivé de la Communauté et de l’Union : les révisions aux traités institutifs restent subordonnées à la procédure prévue pour les autres traités internationaux. Ceci étant, il n’est pas interdit d’utiliser la voie de la loi constitutionnelle pour autoriser la ratification d’un traité : c’est la procédure qui a été utilisée pour l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne29. Cela signifie certes en général une procédure plus lourde que la simple autorisation par voie de loi ordinaire, mais la procédure constitutionnelle a l’avantage politique d’une plus grande solennité, et l’avantage juridique de ne pas ouvrir la voie à une contestation pour inconstitutionnalité – sauf dans le cas où la notion de « supra constitutionnalité » a une application pratique, comme avec l’article 79, paragraphe 3, de la LF allemande.

28 V. notamment P. Mabaka « L’Europe dans le droit constitutionnel positif des États » in J. Ziller,

précité n. 1, p. 25, A. Albi, EU Enlargement and the Constitutions of Central and Eastern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, et J. Rideau, (sous la dir.), Les États Membres de

l'Union Européenne. Adaptations, mutations, résistances, Paris, LGDJ, 1997.

29 De ce fait, le TUE et le TCE font partie intégrante de la constitution autrichienne depuis le 1er janvier

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16. S’il est exceptionnel que la constitution d’un Etat membre prévoie une procédure de ratification particulière pour les traités relatifs à l’Union européenne, nombreuses sont par contre les clauses constitutionnelles relatives aux transferts ou délégations de souveraineté ou de compétences, depuis les clauses introduites en 1953 dans les constitutions du Danemark et du Luxembourg, jusqu’aux clauses adoptées par un certain nombre d’Etats d’Europe centrale et orientale à la suite de la chute du mur de Berlin30. Beaucoup de ces clauses répondaient lors de leur adoption aux nécessités d’une participation aux Nations Unies, d’autres étaient implicitement conçues en vue de l’intégration européenne. Un certain nombre de ces clauses constitutionnelles, ont pour objet de permettre des transferts ou délégations de souveraineté ou de compétences, à condition qu’ils soient autorisés par une majorité parlementaire renforcée – comme aux Pays-Bas et au Danemark – ou par référendum – comme c’est le cas au Danemark, si la majorité des 5/6ème n’est pas disponible au parlement. Souvent ces clauses ne comportent pas d’aspect procédural, et ont simplement pour objet de permettre des transferts de souveraineté et donc de clore par avance le débat sur la constitutionnalité du traité. L’absence d’une telle clause dans une constitution n’est pas toujours facile à interpréter, et l’on ne peut pas en déduire a priori une ouverture ou une fermeture constitutionnelle à l’égard de tels transferts ou délégations. De même que la formulation exacte de la clause – lorsqu’elle existe – est souvent objet à discussion au Parlement ou le cas échéant devant la Cour compétente pour le contrôle de constitutionnalité des lois, l’absence d’une telle clause peut être interprétée comme une interdiction absolue de tout transfert de souveraineté, comme l’obligation de modifier la constitution avant la ratification, ou encore comme la possibilité sans condition de ratifier des traités incluant de tels transferts. Au-delà de son intérêt doctrinal, la question n’est pertinente qu’à condition qu’existent des voies procédurales – en particulier le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois – ou des situations politiques – en particulier une faible majorité parlementaire en faveur du traité à ratifier. Pour le traité constitutionnel, c’est en pratique en Slovaquie que la question a été importante. Elle n’y est pas tranchée au moment où sont écrites ces pages, au deuxième semestre 200631.

17. Au-delà de l’existence ou non de clauses particulières relatives aux traités européens ou à des transferts de souveraineté, il faut noter que la plupart des constitutions font la distinction entre les traités dont la ratification nécessite une autorisation (parlementaire ou référendaire) et ceux qui peuvent être conclus par l’exécutif seul. Le champ d’application de la procédure d’autorisation varie d’un pays à l’autre, mais en l’occurrence, il est clair que les traités institutifs et leurs amendements, et en particulier le traité constitutionnel, nécessitent bien cette autorisation. Il en va autrement d’un certain nombre d’accords à caractère technique, voire de décisions du Conseil de l’Union dont les traités prévoient qu’elles doivent être ratifiées selon les règles constitutionnelles des Etats membres : il se peut très bien qu’un même accord nécessite une autorisation parlementaire ou référendaire dans un Etat membre, alors que dans un autre une décision de l’exécutif suffit.

30 V. A. Albi, précitée, n. 18. 31 V. infra paragraphe n° 49.

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2. L’autorisation de ratifier : voie parlementaire ou voie référendaire

18. Du fait que le traité constitutionnel ne peut dans aucun Etat membre être conclu définitivement par simple décision de l’exécutif, la question essentielle qui peut se poser est le choix entre la voie parlementaire ou la voie référendaire pour l’autorisation de ratifier. Ici encore les situations juridiques sont très différentes d’un Etat à l’autre32. A la mi-2006, l’on peut affirmer qu’il n’y a qu’un seul des Etats membres de l’Union dans lequel le recours à un référendum est obligatoire pour l’autorisation de ratifier un traité ayant le contenu du traité constitutionnel de 2004 : l’Irlande. Il se pourrait que la Slovaquie doive être ajoutée à cette liste, mais c’est une question qui ne sera résolue que lorsque la Cour constitutionnelle slovaque se sera prononcée sur la question33. La question a également été débattue dans certains autres Etats d’Europe centrale et orientale qui ont adhéré à l’Union en 2004, mais elle a été résolue en sa propre faveur par le Parlement dans tous les cas où elle pouvait se poser, sauf en Pologne et en République tchèque, qui font partie des pays ayant gelé la procédure de ratification après le Conseil européen de juin 2005.

19. La Constitution d’Irlande de 1937 n’impose pas expressément le recours au référendum, mais le précédent de l’affaire Crotty de 198634, où la Cour Suprême avait considéré que la troisième partie de l’Acte Unique Européen, consacrée à la Coopération politique, nécessitait un amendement à la constitution irlandaise, laisse à penser qu’il en irait de même pour le traité constitutionnel, étant donné notamment ses innovation en matière de PESC et de défense. Une révision constitutionnelle passant en Irlande nécessairement par la voie du référendum, on peut en déduire que le référendum est indispensable à la ratification du traité constitutionnel, comme l’a d’ailleurs fait le gouvernement irlandais.

20. Un deuxième cas où le référendum peut s’avérer obligatoire dans certaines circonstances, mais n’est pas toujours indispensable, est celui du Danemark. L’article 20 de la constitution danoise prévoit la possibilité de déléguer des pouvoirs souverains à une organisation internationale, à condition qu’un tel transfert soit autorisé par un vote du Parlement à la majorité des 5/6èmes, ou bien par un vote des citoyens danois à la majorité simple dans le cadre d’un référendum, à condition qu’un tiers au moins des électeurs inscrits aient participé. En l’absence d’une majorité des 5/6èmes en faveur du traité au Parlement danois, le référendum devient donc inéluctable. Néanmoins le vote parlementaire est suffisant, soit si les 5/6èmes des députés sont favorables au traité, soit si le traité ne comporte pas de délégation de souveraineté. Ni le traité d’adhésion de 1973, ni le traité de Nice, n’ont fait l’objet de référendum au Danemark.

21. Dans les autres cas, la question n’est pas de savoir si un référendum est juridiquement obligatoire, mais de savoir au contraire si la constitution en organise ou au moins en permet l’utilisation. Ici encore un certain nombre de distinctions doivent être introduites, selon que le référendum est prévu ou non par les règles

32 Pour une étude complète, v. A. Auer, « National Referendums in the Process of European Integration: Time for Change », in J. Ziller et A. Albi, (sous la dir.), The European Constitution and National

Constitutions: Ratification and Beyond, La Haye, Kluwer Law International, 2006 (à paraître). 33 V. infra paragraphe n° 49.

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constitutionnelles, et selon que son caractère est consultatif ou décisionnel. Le cas le plus contraignant, en dehors du référendum obligatoire du fait du contenu du traité ou de l’absence d’une majorité renforcée au parlement est celui où la constitution prévoit expressément la possibilité d’une autorisation de ratification par voie référendaire. 22. Le cas explicite le plus pertinent pour le traité constitutionnel est celui de la France. L’article 11 de la Constitution de 1958 dispose (nous soulignons) que :

« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des

sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la

Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

« Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat.

« Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. »

Il s’agit d’un pouvoir propre du Président de la République, ne nécessitant pas le contreseing d’un membre du Gouvernement. La rédaction de l’article 11 rappelle implicitement qu’il est indispensable de réviser au préalable de la constitution française si le traité contient des dispositions incompatibles avec cette dernière35, comme cela a été fait pour le traité de Maastricht en 1992 et pour le traité constitutionnel en 2005. La révision constitutionnelle peut d’ailleurs nécessiter également un référendum, si le Président de la République ne choisit pas la voie du vote à la majorité des deux tiers des deux chambres du Parlement réuni en Congrès36 - procédure qui a toujours été utilisée pour les révisions préalables à la ratification de traités internationaux. Une révision constitutionnelle n’est pas indispensable si le traité à ratifier ne contient pas de dispositions incompatibles avec la Constitution française : en 1972 le traité d’adhésion du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège et du Royaume-Uni aux Communautés a ainsi été soumis à référendum sans révision préalable37. La condition d’une « incidence sur le fonctionnement des institutions » a toujours été remplie par les traités institutifs et leurs amendements – autres que les traités d’élargissement –, mais pourrait ne pas être remplie s’il s’agissait d’une modification portant sur le fonctionnement des institutions de l’Union, sans aucun effet sur le fonctionnement ou les pouvoirs des institutions françaises. Selon l’article 11, le référendum se substitue au vote parlementaire – le débat qui précède le référendum ne pouvant pas faire l’objet d’un vote. Toutefois la constitution française est muette en cas de référendum négatif : il n’est pas prévu si, ni à quelle condition, un texte de loi pourrait à nouveau être présenté au référendum, ou

35 Cette obligation ressort de l’article 54 de la Constitution française. 36 Article 89 de la Constitution française.

37 Les juristes ont par contre discuté la compatibilité de ce référendum avec la mention « d'un traité qui,

sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » étant donné qu’il était difficile de démontrer en quoi le passage prévu de 6 à 10 Etats membres aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions françaises, d’autant plus qu’en vertu du soi-disant compromis de Luxembourg, le Conseil décidait toujours par consensus.

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présenté au Parlement, en cas de rejet par référendum, et il n’y a aucun précédent applicable à la solution de cette question.

23. D’autres hypothèses de référendum au résultat juridiquement contraignant existent dans d’autres Etats membres de l’Union, et concernent le plus souvent la confirmation d’une révision de la constitution approuvée préalablement par le parlement (c’est d’ailleurs également le cas avec la procédure de l’article 89 de la Constitution française38). Dans le cas du traité constitutionnel, cette hypothèse n’a de pertinence que pour l’Irlande, dont le cas a déjà été évoqué (§ 18). Un certain nombre de constitutions d’Etats membres prévoient la possibilité d’organiser un référendum sur une question d’importance pour le pays, ou sur un projet de loi particulier, avec un résultat contraignant pour le législateur du fait de la formulation de la constitution et du fait de l’existence de voies de recours contre un possible vote parlementaire contraire. Il faut souligner qu’il s’agit d’une hypothèse différente de celle d’un référendum abrogatif – comme en connaît en particulier l’Italie, où la constitution prévoit d’ailleurs expressément que l’abrogation d’une loi autorisant la ratification d’un traité international n’est pas possible39. Pour la période de ratification du traité constitutionnel, les cas les plus pertinents de référendums facultatifs mais au résultat contraignant sont ceux du Luxembourg et du Portugal. L’organisation du référendum est en général soumise à des règles de procédure précises et peut nécessiter une autorisation de la Cour constitutionnelle, comme c’est le cas en Italie et au Portugal. Ce dernier cas est particulièrement intéressant, car la Cour portugaise se prononce sur le libellé de la question soumise au référendum, et n’a pas hésité à refuser l’organisation de deux référendums, portant respectivement sur le traité d’Amsterdam en 1998, et sur le traité constitutionnel de 200440.

24. Un cas très particulier de référendum contraignant est celui que prévoyait d’organiser le projet de loi soumis au Parlement du Royaume-Uni par le gouvernement Blair. En l’absence d’une constitution écrite, le principe de la souveraineté parlementaire, fondement du droit constitutionnel britannique, empêche en théorie de lier les décisions du Parlement. Le mécanisme du projet de loi conditionnait à la tenue d’un référendum positif l’entrée en vigueur des amendements à la loi sur l’appartenance aux Communautés (European Communities Act, 1972), que nécessiterait l’application du traité constitutionnel. En effet l’autorisation parlementaire n’est pas indispensable au Royaume-Uni pour la ratification d’un traité international, mais pour qu’un traité ait un effet en droit interne, il faut qu’une loi en reprenne le contenu. Le projet de loi (European Union Bill) déposé à la Chambre des Communes le 25 janvier 2005, ne prévoyait pas de date pour le référendum, celle-ci restant une prérogative du gouvernement. Il fut approuvé en deuxième lecture le 9 février 2005, et retiré sine die de l’ordre du jour de la Chambre des Communes le 6 juin suivant. Le projet n’ayant pas été approuvé définitivement – trois lectures sont nécessaires pour l’approbation d’une loi par la Chambre des Lords, après quoi elle est soumis à la Chambre des Communes qui ne dispose que d’un pouvoir de suspension temporaire – le gouvernement britannique reste juridiquement libre de n’organiser aucun référendum s’il le souhaite

38 V. infra paragraphe n° 63.

39 Pour le cas de l’Italie, la ratification du traité constitutionnel aurait pu faire l’objet d’un référendum confirmatif si elle avait été autorisée par la voie d’une loi constitutionnelle.

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avant de ratifier le traité constitutionnel, et de présenter un autre projet de loi contenant les modifications nécessaires au European Communities Act de 1972.

25. Dans d’autres pays, seul un référendum consultatif peut être organisé, soit que la constitution le prévoie, soit qu’elle soit muette sur le sujet, comme dans le cas des Pays-Bas. L’absence de caractère obligatoire d’un référendum n’empêche évidemment pas que la nature des résultats – en particulier l’ampleur de la majorité et de la participation – ait plus d’importance que les règles constitutionnelles. Selon le cas de figure, cela peut faciliter ou au contraire rendre plus difficile la recherche d’une solution alternative une fois que l’organisation d’un référendum a été décidée. Dans le cas des Pays-Bas, on peut estimer que l’absence de règles constitutionnelles est en effet l’un des aspects du problème41.

26. Enfin dans le cas de la République fédérale d’Allemagne, la tenue d’un référendum au niveau national est interdite par le droit constitutionnel. Ceci ne résulte pas d’une disposition explicite de la LF, mais de l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle remontant aux années cinquante, qui se base du point de vue formel sur le fait que la LF prévoit un seul cas de référendum (pour la modification des frontières entre Länder), et du point de vue du fond sur une conception rigide et détaillée de la séparation des pouvoirs et des prérogatives du Parlement. La classe politique allemande, tout comme la très grande majorité de la doctrine, en déduit qu’une révision constitutionnelle préalable serait nécessaire en Allemagne pour pouvoir organiser un tel référendum. Une telle réforme n’est pas à l’ordre du jour en 2006, et l’on peut estimer qu’elle poserait des problèmes en particulier dans la mesure où elle conduirait à contourner le Conseil fédéral, représentant des Länder.

3. Le contrôle de constitutionnalité : saisine et délais

27. La confusion entre autorisation de ratifier et ratification proprement dite est trompeuse dans tous les pays où cette autorisation peut faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par les tribunaux, ce qui est le cas dans la plupart des pays. En ce qui concerne le traité constitutionnel, l’existence d’un tel contrôle a empêché une ratification immédiatement consécutive à l’autorisation dans au moins42 trois pays : l’Allemagne, la Belgique et la Slovaquie43. Il y a d’autres modalités de contrôle de constitutionnalité, qui visent en général aussi l’autorisation de ratifier, mais qui n’ont le plus souvent de conséquences qu’en matière de délais : il est fréquent qu’un organe consultatif – le Conseil d’Etat dans de nombreux Etats membres – ait l’occasion de donner son avis au gouvernement, mais cet avis n’est pas contraignant. De plus les parlements eux-mêmes procèdent en général à un examen de la constitutionnalité des projets qui leur sont proposés, mais il ne s’agit pas d’un véritable obstacle à la ratification s’il existe une majorité suffisante en faveur du traité à ratifier. Enfin il est en général de la compétence du chef de l’Etat de contrôler la constitutionnalité de la ratification à laquelle il s’apprête à procéder44.

41 V. infra paragraphe n° 41.

42 L’autorisation de ratifier n’ayant pas encore été donnée dans 10 Etats membres au moment où sont écrites ces lignes, l’on ne sait pas si des cas similaires se présenteront ou non dans d’autres pays. 43 V. infra paragraphes n°s 48, 50 et 49.

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28. Trois cas de figure sont possibles pour le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des autorisations de ratifier. Le cas le plus simple est celui où n’existe pas de contrôle juridictionnel de constitutionnalité des lois, ce qui ne concerne que les Pays-Bas et le Royaume-Uni, où il n’y a aucune voie de recours interne contre les lois approuvées par le parlement.

29. Le deuxième cas est celui où la constitution prévoit la possibilité d’une décision d’un organe juridictionnel indépendant avant l’ouverture de la procédure d’autorisation de ratifier. Ce cas a été illustré pour le traité constitutionnel par l’Espagne et la France. Dans ces deux pays la constitution nationale permet à l’exécutif de demander une décision préalable relative à la compatibilité d’un traité avec celle-ci. Une telle décision peut conditionner la ratification à une révision préalable de la constitution nationale – comme ce fut le cas pour le traité de Maastricht en France et en Espagne – ou encore pour le traité d’Amsterdam, le traité de Nice et le traité constitutionnel en France. Pour qu’une telle décision clarifie définitivement la situation, il faut que la cour soit saisie de l’ensemble du traité – ou se saisisse de l’ensemble, même si elle n’est interrogée que sur un aspect particulier, comme le fait en général le Conseil constitutionnel pour les traités sur lesquels il doit se prononcer. Dans le cas espagnol, la cour se prononce seulement sur les questions précises qui lui sont soumises. On peut noter que le président de la République tchèque Vaclav Klaus avait demandé le 2 février 2005 à la Cour constitutionnelle tchèque de se prononcer sur le traité constitutionnel, mais celle-ci s’était déclaré incompétente car le parlement tchèque n’avait pas encore voté l’autorisation de ratifier – condition préalable à un tel recours selon la loi constitutionnelle pertinente.

30. Un troisième cas de figure est celui – illustré par l’Allemagne tant pour le traité de Maastricht que pour le traité constitutionnel, par l’Irlande pour l’Acte Unique Européen en 1986, et par la Slovaquie pour le traité constitutionnel – où existent des voies de recours spécifiques permettant de demander à la Cour constitutionnelle d’enjoindre au chef de l’Etat de ne pas déposer les instruments de ratification. Un quatrième cas de figure est celui où existe la possibilité d’un recours contre une loi adoptée par le parlement, et où l’autorisation de ratifier est considérée comme une loi relevant de cette possibilité. Dans ces deux cas, une décision de la cour constitutionnelle peut avoir pour résultat d’empêcher le chef de l’Etat de procéder à la ratification, alors même qu’il en aurait obtenu l’autorisation.

31. En France un tel recours a posteriori n’est possible que pendant un délai d’un maximum de quinze jours après le vote définitif de la loi, avant la promulgation de celle-ci. Dans de nombreux autres pays, un tel recours est possible pendant un délai plus ou moins long – parfois sans limitation dans le temps, en particulier si une loi porte atteinte aux droits fondamentaux. En Belgique, le délai maximum pour la saisine de la Cour d’Arbitrage est normalement de six mois, mais il est réduit à six semaines pour l’autorisation de ratifier des traités internationaux. Au Danemark ou en Pologne, il n’y a pas de limitation dans le temps, comme l’ont illustré les recours contre le traité de Maastricht devant la Cour suprême danoise et contre le traité d’adhésion de 2003 devant la Cour constitutionnelle polonaise. Une telle absence de limitations dans le temps pose des problèmes considérables du fait que le droit international public

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n’admet pas qu’un Etat se retranche derrière sa constitution pour ne pas honorer ses obligations. C’est pourquoi dans de nombreux pays soit la constitution elle-même, soit les lois organisant le contrôle de constitutionnalité, soit la jurisprudence constitutionnelle, empêchent en fait ou en droit de contrôler la constitutionnalité de l’autorisation de ratifier un traité une fois que le chef de l’Etat a déposé l’instrument de ratification ou bien une fois que le traité est entré en vigueur. C’est pourquoi le contrôle de constitutionnalité, lorsqu’il est possible, doit être considéré avant tout comme un possible obstacle à la ratification. Dans les situations où les conditions politiques et de procédure permettant une modification de la constitution sont remplies, il ne s’agit que d’un obstacle temporaire, la cour constitutionnelle contraignant en fait le pouvoir politique à utiliser indirectement la voie de la révision constitutionnelle pour pouvoir ratifier, ce qui peut comporter le recours obligatoire au référendum ou à des majorités renforcées.

4. Les pouvoirs du chef de l’Etat : obligation ou faculté de ratifier

32. La dernière étape de la procédure de ratification, pour tous les Etats, est le dépôt de l’instrument de ratification par le chef de l’Etat ou au nom de celui-ci par le ministre des Affaires étrangères ou tout autre plénipotentiaire – en pratique pour le traité constitutionnel il s’agit normalement de l’ambassadeur en Italie de l’Etat concerné. Deux questions peuvent se poser, et se sont en effet posées dans le cadre des procédures de ratification du traité constitutionnel.

33. Il se peut en premier lieu que le chef de l’Etat, bien que disposant de l’autorisation de ratifier, n’ait pas le droit d’y procéder, soit parce qu’un organe autre que le Parlement lui a enjoint de s’en abstenir, soit parce qu’il estime de son propre chef qu’il existe un empêchement à la ratification. Le Président de la République fédérale d’Allemagne a ainsi annoncé en juin 2005 qu’il s’abstiendrait de ratifier le traité constitutionnel tant que la Cour constitutionnelle fédérale ne se serait pas prononcée sur le recours de M. Gauweiler contre la ratification. Peu de temps auparavant, la Cour avait indiqué clairement que ce comportement du chef de l’Etat serait la conséquence obligatoire du dépôt d’un recours contre l’autorisation de ratifier le traité45. Le Roi des Belges de même n’a pas immédiatement ratifié le traité constitutionnel après que la dernière autorisation nécessaire – celle du Parlement flamand – lui ait été transmise, afin de laisser s’écouler le délai d’un recours possible devant la Cour d’Arbitrage. Enfin dans le cas de la Slovaquie, la Cour constitutionnelle, saisie peu auparavant par un certain nombre de parlementaires et de juristes émit le 14 juillet 2005 une ordonnance enjoignant au président de la République de s’abstenir de ratifier le traité tant qu’elle ne se serait pas prononcée sur le fond.

34. Par ailleurs se pose la question de savoir si le chef de l’Etat dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour ratifier ou non un traité une fois qu’il a l’autorisation nécessaire pour ce faire. Il s’agit d’une question délicate en droit constitutionnel. Il est clair que le chef de l’Etat dispose toujours d’un délai minimal qu’il est libre d’apprécier, avant de faire déposer l’instrument de ratification. En ce qui concerne le traité constitutionnel, le président de la Slovaquie Ivan Gašparovič avait dans un premier

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temps fait savoir qu’il ne se sentait pas lié par l’ordonnance de la Cour constitutionnelle slovaque et qu’il procéderait malgré tout à la ratification, avant d’accepter finalement d’attendre la décision de la Cour sur le fond. Cet incident est intéressant en ce qu’il montre la volonté d’un chef de l’Etat de faire ressortir que la ratification des traités est une prérogative qui lui appartient en propre. Par ailleurs, il est clair que la décision de ratifier ou non est une prérogative discrétionnaire de l’exécutif, liée à sa compétence en matière de politique étrangère : le gouvernement peut estimer utile pour sa politique de s’abstenir de ratifier un traité, et dans ces conditions le chef de l’Etat est obligé de suivre la politique du gouvernement, ce qui vaut pour l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne dans le cadre de leur droit constitutionnel. La question de savoir si une telle attitude est conforme au droit international ou au droit de l’Union européenne est différente46.

III. LES PROCÉDURES DE RATIFICATION DU TRAITÉ

CONSTITUTIONNEL EN 2004, 2005 ET 2006

35. Le tableau qui suit47, fait le point à la date du 1er août 2006 sur le déroulement des procédures de ratification dans les 25 Etats membres et deux Etats candidats (le traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne comportant automatiquement pour ces Etats adhésion au traité constitutionnel lorsqu’il entrera en vigueur)48.

Tableau 1 : procédures de ratification dans les Etats membres

Pays Autorisation de ratifier Cour

constitutionnelle

Particularité Allemagne Parlement (Bundestag): 12

mai 2005; Conseil fédéral (Bundesrat): 27 mai 2005 Recours en attente depuis juin 2005 Ratification reportée jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle – non encore inscrite au rôle en juillet 2006

Autriche Assemblée nationale

(Nationalrat) : 11 mai 2005; Assemblée fédérale (Bundesrat) : 25 mai 2005

Belgique Sénat : 28 avril 2005;

Chambre des députés: 19 mai 2005; Assemblée régional de Bruxelles: 17 juin 2005; Assemblée de

Ratification

reportée par le Roi à

la deuxième moitié du mois de mars, jusqu’à l’échéance

46 V. supra paragraphes n°s 8 et 9, et infra, paragraphe n° 69.

47 Les deux premières colonnes du tableau 1 sont inspirées du tableau publié par la Commission européenne sur le site www.europa.eu/constitution/ratification_fr.htm. Le tableau en question contient la mention erronée « ratification » au lieu d’ « autorisation de ratifier ». Il indique par ailleurs les référendums qui ont eu lieu par le passé sur les traités communautaires et de l’Union. Il ne mentionne pas les Etats candidats.

48 Un second tableau récapitule le déroulement des procédures de ratification par ordre chronologique (v.

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