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Les évêques et les politiques culturelles dans l'Italie du XVIe siècle

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EIZIÈME

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IÈCLE

N° 11 – 2015

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© Copyright 2014 : Société Française d’Étude du Seizième Siècle, 1 rue Victor Cousin F-75320 Paris Cedex 05.

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SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ÉTUDE DU SEIZIÈME SIÈCLE

S

EIZIÈME

S

IÈCLE

N° 11 – 2015

Revue publiée avec le concours du Centre National du Livre

Diffusion : Librairie Droz S.A. Paris-Genève www.droz.org

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LES ÉVÊQUES, LES LETTRES

ET LES ARTS

sous la direction

de Gary Ferguson

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SEIZIÈME SIÈCLE 11 / 2015 p. 247-260 Eleonora BELLIGNI / Università degli Studi, Turin

LES ÉVÊQUES ET LES POLITIQUES CULTURELLES DANS L’ITALIE DU xvie SIÈCLE 1

a fin du concile de Trente avec les dernières sessions frénétiques de juillet et celles de novembre-décembre 1563 laissa un goût d’amertume à une partie de l’épiscopat italien. Parmi ses représentants, certains s’étaient attendus à une révolution ecclésiologique ou, pour le moins, à un accroissement significatif du pouvoir des titulaires dans leurs diocèses . Les historiens

sont substantiellement d’accord, cependant, pour affirmer que rien de bien clair ou d’encourageant n’est sorti des minces décrets qui concernent la mission pastorale des évêques. Les titulaires auraient bien pu déduire des dispositions du synode que leurs responsabilités étaient augmentées, alors que leur position et leurs ressources n’avaient pas changé, en particulier en ce qui concernait la « réforme des mœurs » du clergé. Il fallait considérer, au contraire, que le concile les avait privés d’une bonne partie de leur autorité : ayant perdu la lutte pour être reconnus comme détenteurs d’un officium de iure divino, les Pères conciliaires étaient revenus chez eux, du moins sous l’aspect juridique, plus dépendants de la Curie et affaiblis par rapport aux pouvoirs locaux. Mais les évêques n’avaient pas tous lieu d’être inquiets. Au fond, sous Pie IV le concile de Trente avait été mené à terme – entreprise qui avait semblé désespérée jusqu’à une date récente – et, comme conséquence des discussions sur les sacrements, de (vagues) indications en matière de pastorale avaient aussi été proposées et souscrites par l’assemblée. C’était mieux que rien. Il s’agissait pour certains de trouver le courage et les énergies nécessaires, non tant pour suivre les prescriptions tridentines de façon scrupuleuse, mais pour reformuler les politiques culturelles qu’ils avaient appliquées jusqu’alors à l’intérieur d’un territoire spécifique, en se conformant à l’esprit du concile et à l’idée de la renovatio Ecclesiae.

 1 La bibliographie étant énorme, le lecteur pourra s’orienter dans les études historiques relatives au concile de Trente et l’Italie en consultant The Italian Reformation of the Sixteenth Century and the Diffusion

of Renaissance Culture : A Bibliography of the Secondary Literature (ca. 1750-1996), éd. John Tedeschi

avec James M. Lattis, Modène, Franco Cosimo Panini, 1999.

À la fin du concile la « résidence » fut en fait considérée comme un commandement de Dieu, mais non de

iure divino, comme le demandaient certains évêques. Voir le compte rendu de Paolo Sarpi, Istoria del concilo tridentino, lorence, ansoni, 1 66, vol. , livre , p. 6 Giuseppe Alberigo, Le potest episcopali nei dibattiti tridentini », in II Concilio di Trento e la Riforma tridentina. Atti del Convegno storico

internazio-nale, Trento 2-6 settembre 1963, ome, erder, 1 65, vol. , p. 4 1 5 Antonio usini, L’ piscopato

nel decreto dogmatico sull’Ordine Sacro della XXIII sessione del Concilio di Trento », in ibidem, vol. , p. 5 61 et Adriano Prosperi, Il Concilio di Trento. Una introduzione storica, urin, inaudi, 1, p. 64 4.

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Pour la première fois depuis longtemps le centre se proposait comme guide des périphéries sur la voie de la réforme. À la fin de 1563, pourtant, beaucoup d’évêques avaient de la peine à concevoir qu’ils puissent être dirigés par une autorité supérieure. Après le concile de Latran V ceux qui avaient voulu introduire des innovations s’étaient sentis seuls face à des obstacles qui, souvent, s’étaient révélés insurmontables. Si on voulait être indulgent, on pouvait penser que la Curie romaine n’avait pas trouvé le temps nécessaire pour allouer à ces initiatives des ressources – appui ou autres formes de prescription, sinon de caractère censoriel ou punitif. À ce moment-là les délibérations conciliaires constituaient une contrainte pour le gouvernement central qui avait choisi un modèle d’évêque résident, qui, il fallait le souhaiter, allait favoriser et surveiller l’application au niveau local. Seul par excès d’optimisme ou par absence de mémoire, toutefois, ce programme pouvait-il être considéré comme formant une solide base de départ.

De quoi s’inspirait, en effet, le modèle tridentin ? L’histoire récente des diocèses italiens avait proposé divers exemples de renovatio. Un seul, cependant, était sorti (presque) indemne de l’examen impitoyable des organismes de contrôle, telle l’Inquisition – ce qui est étrange, parce que les mêmes présupposés culturels avaient été largement partagés. Depuis le début du xvie si cle, l’ urope ne se lassait pas de réfléchir sur la fonction des

évêques, qui semblait s’appuyer solidement sur la res publica litterarum. Les livres formaient les évêques les livres décrivaient les évêques les évêques écrivaient des livres pour orienter leurs fidèles . n talie, la premi re phase

de la réforme épiscopale avait été inaugurée officiellement en 151 , par la publication d’un petit traité qui allait connaître une très grande popularité. Au lendemain de la nomination de Pietro Lippomano, âgé de treize ans, comme évêque de ergame, le noble vénitien Gasparo Contarini lui avait dédié son

De officio viri boni et probi episcopi. Le livre s’était inspiré d’une série

d’exigences de renouvellement pastoral que l’auteur partageait avec d’autres, comme ommasi Giustiniani et incenzo uirini qui, quelque temps apr s, avaient adressé au pape Médicis un De officio, plus connu sous le titre Libellus

Italia (Brescia, 21-25 settembre 1987), éd. Giuseppina e andre Gasparini, Antonio igon, rancesco

Gio-vanni attista rolese et Gian aria aranini, ome, erder, 1 , vol. 1, p. 1, et idem, « La Riforma dei vescovi al concilio di Trento : una cesura tra due epoche », Bollettino storico per la provincia di Novara, vol. 4, 1 , p. 4 6.

Voir Joseph Bergin, « The Counter-Reformation Church and Its Bishops », Past and Present, vol. 165, 1 , p. .

Voir l’édition du De officio et le commentaire de Gigliola ragnito, Cultura umanistica e riforma

religiosa : il « De officio episcopi », dans son volume Gasparo Contarini : un magistrato veneziano al servizio della cristianità, lorence, L. . Olschki, 1 , p. 11 cf. la récente édition, avec traduction anglaise, de Gasparo Contarini, The Office of a Bishop (De officio viri boni et probi episcopi), éd. John Patrick onnelly, il aukee, arquette niversity Press, . oir aussi Oliver Logan, he deal of the ishop and the enetian Patriciate, c. 14 c. 16 , Journal of Ecclesiastical History, vol. , 1 , p. 415 45 , et idem, The Venetian Upper Clergy in the Sixteenth and Early Seventeenth Centuries : A Study

in Religious Culture, Le iston, he d in ellen press, 1 6.

Les premiers prosélytes tridentins furent très zélés. On connaît le cas de l’archevêque de Naples, le jeune Alfonso Carafa, qui se précipita dans son diocèse pour y appliquer scrupuleusement les décrets qui n’étaient encore qu’à l’état d’ébauche. Il est vrai qu’il devint évêque résident au lieu d’être un fugitif, ayant dû quitter Rome en toute hâte pour éviter que le pape Pie IV ne le fasse arrêter de nouveau ou ne lui réserve le même sort que son oncle Carlo Carafa, mis à mort peu auparavant. Il est vrai aussi que son activité épiscopale débuta avec le synode diocésain qui commença en février 1565 et se termina avec sa mort prématurée en août de la même année. Néanmoins, en quelques mois et avec l’aide de son vicaire Giulio antoro, il se cramponna au dispositions du concile pour examiner le problème du clergé diocésain et des monastères féminins et pour mettre au point un modèle efficace de visite pastorale . Mais

les expériences les plus soutenues et les plus structurées, perçues comme des mod les imiter, furent celles que men rent dans l’ urope catholique post tridentine Charles orromée, Gabriele Paleotti 4 et François de Sales 5.

L’ urope du xvie siècle fut contrainte de manœuvrer au milieu de politiques

culturelles conflictuelles, nées de la rupture de la Réforme protestante, et qui opposaient entre eux les catholiques, les nouvelles confessions et les sectes radicales. Ce conflit – tout autant que la menace que représentait Charles uint fut pour la Curie le moteur de la transformation. ans un tel conte te d’antagonismes, Rome fut contrainte de redéfinir ses propres stratégies. Cette opération, bien qu’entreprise obtorto collo, trouva son acte fondateur dans le concile de Trente, qui constitua une ligne de démarcation politique et symbolique pour toute la chrétienté, jusqu’aux confins des reducciones du Mexique, du Pérou et du Paraguay. Mais, contrairement aux apparences, il n’est pas facile d’analyser la façon dont les politiques culturelles ont été réélaborées et appliquées au cours de la longue période post-tridentine. La Curie romaine ne pouvait pas ignorer la difficulté de l’entreprise en deçà de l’Atlantique, où très souvent les évêques, se sentant orphelins de Rome, avaient établi d’étroites alliances avec le pouvoir séculier ou, en tout cas, avaient appris à agir de façon autonome 6.

Voir Rodolfo De Maio, Alfonso Carafa cardinale di Napoli (1540-1565), Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica aticana, 1 61 pour le conte te romain des Carafa, voir idem, Riforme e miti nella Chiesa del

Cinquecento, aples, Guida editori, 1 , ainsi que Nonciatures de France. Correspondance des nonces en

France : Carpi et Ferrerio, 1535-1540, éd. ean Lestocquoy, ome Paris, niversité Grégorienne . de

oc-card, 1961, ad indicem et Pasquale illani, Origine e caratteri della nunziatura di apoli (15 156 ) ,

Annali dell’Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, vol. 1 , 1 6 1 , p. 5 6 51 .  4 L’étude de Paolo Prodi (Il cardinale Gabriele Paleotti (1522-1597), vol., ome, dizioni di toria e Letteratura, 1 5 et 1 6 ), reste encore une référence fondamentale.

 5 oir les études bien connues de Giuseppe Alberigo, Carlo orromeo come modello di vescovi nella chiesa post tridentina », Rivista storica italiana, vol. , 1 6 , p. 1 1 1 5 Paolo Prodi, an Carlo orromeo e il Cardinale Gabriele Paleotti due vescovi della riforma cattolica , Critica storica, vol. 3, 1 64, p. 1 5 151.

 6 Sur ces thèmes fondamentaux, voir Mario Fois, Vescovo e chiesa locale nel pensiero ecclesiologico, in

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Pour la première fois depuis longtemps le centre se proposait comme guide des périphéries sur la voie de la réforme. À la fin de 1563, pourtant, beaucoup d’évêques avaient de la peine à concevoir qu’ils puissent être dirigés par une autorité supérieure. Après le concile de Latran V ceux qui avaient voulu introduire des innovations s’étaient sentis seuls face à des obstacles qui, souvent, s’étaient révélés insurmontables. Si on voulait être indulgent, on pouvait penser que la Curie romaine n’avait pas trouvé le temps nécessaire pour allouer à ces initiatives des ressources – appui ou autres formes de prescription, sinon de caractère censoriel ou punitif. À ce moment-là les délibérations conciliaires constituaient une contrainte pour le gouvernement central qui avait choisi un modèle d’évêque résident, qui, il fallait le souhaiter, allait favoriser et surveiller l’application au niveau local. Seul par excès d’optimisme ou par absence de mémoire, toutefois, ce programme pouvait-il être considéré comme formant une solide base de départ.

De quoi s’inspirait, en effet, le modèle tridentin ? L’histoire récente des diocèses italiens avait proposé divers exemples de renovatio. Un seul, cependant, était sorti (presque) indemne de l’examen impitoyable des organismes de contrôle, telle l’Inquisition – ce qui est étrange, parce que les mêmes présupposés culturels avaient été largement partagés. Depuis le début du xvie si cle, l’ urope ne se lassait pas de réfléchir sur la fonction des

évêques, qui semblait s’appuyer solidement sur la res publica litterarum. Les livres formaient les évêques les livres décrivaient les évêques les évêques écrivaient des livres pour orienter leurs fidèles . n talie, la premi re phase

de la réforme épiscopale avait été inaugurée officiellement en 151 , par la publication d’un petit traité qui allait connaître une très grande popularité. Au lendemain de la nomination de Pietro Lippomano, âgé de treize ans, comme évêque de ergame, le noble vénitien Gasparo Contarini lui avait dédié son

De officio viri boni et probi episcopi. Le livre s’était inspiré d’une série

d’exigences de renouvellement pastoral que l’auteur partageait avec d’autres, comme ommasi Giustiniani et incenzo uirini qui, quelque temps apr s, avaient adressé au pape Médicis un De officio, plus connu sous le titre Libellus

Italia (Brescia, 21-25 settembre 1987), éd. Giuseppina e andre Gasparini, Antonio igon, rancesco

Gio-vanni attista rolese et Gian aria aranini, ome, erder, 1 , vol. 1, p. 1, et idem, « La Riforma dei vescovi al concilio di Trento : una cesura tra due epoche », Bollettino storico per la provincia di Novara, vol. 4, 1 , p. 4 6.

Voir Joseph Bergin, « The Counter-Reformation Church and Its Bishops », Past and Present, vol. 165, 1 , p. .

Voir l’édition du De officio et le commentaire de Gigliola ragnito, Cultura umanistica e riforma

religiosa : il « De officio episcopi », dans son volume Gasparo Contarini : un magistrato veneziano al servizio della cristianità, lorence, L. . Olschki, 1 , p. 11 cf. la récente édition, avec traduction anglaise, de Gasparo Contarini, The Office of a Bishop (De officio viri boni et probi episcopi), éd. John Patrick onnelly, il aukee, arquette niversity Press, . oir aussi Oliver Logan, he deal of the ishop and the enetian Patriciate, c. 14 c. 16 , Journal of Ecclesiastical History, vol. , 1 , p. 415 45 , et idem, The Venetian Upper Clergy in the Sixteenth and Early Seventeenth Centuries : A Study

in Religious Culture, Le iston, he d in ellen press, 1 6.

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appela par la suite la Gibertalis disciplina – justement celle dont s’inspira le concile de Trente pour le modèle qu’il proposait. La résidence de l’évêque devenait ainsi le pivot de la réforme : comme l’avait proposé Contarini, le titulaire était directement responsable du choix et de la formation du clergé, ces deux démarches représentant le degré zéro d’intervention sur la vie religieuse des laïcs. Pour ce faire, cependant, il fallait faire face à un enchevêtrement incroyable d’exemptions, de privilèges et de juridictions superposées. Seuls ses liens encore étroits avec les hautes sph res de la Curie permirent Giberti d’obtenir une délégation apostolique et des pouvoirs extraordinaires pour agir sur les éléments les plus pénibles et corrompus du diocèse de Vérone : le chapitre de la cathédrale et les ordres religieux, non assujettis à l’autorité de l’évêque 1 la mense épiscopale et le syst me de bénéfices la discipline dans

les monast res et les couvents la conduite des curés et des prêtres, qui il fallait inculquer une sensibilité culturelle et religieuse qui les rendît dignes de leur office.

Le modèle gibertien, en substance, se référait à un statut de dérogation, constitué de mesures spéciales qui concernaient confiscations, sanctions et désignations. Mais le cœur de son projet devint partie de l’héritage de l’Église du xvie siècle, au point d’obscurcir les difficultés du contexte, les conflits sans

quartier, et les rivalités internes au clergé et les mesures pour les contourner. Comme l’indique le Sommario dei sermoni, avait été élaboré, justement à l’occasion des visites pastorales que Giberti avait accomplies avec une fréquence inusitée, un programme culturel complexe qui devint, au cours des années suivantes, la référence pour de nombreuses expériences épiscopales. Les interventions de Giberti se répercut rent du clergé sur les la cs sans solution de continuité. La recherche soignée de prédicateurs devait s’accompagner de l’éducation des enfants (« litterae et boni mores ») et de la fondation d’écoles. Pour faire circuler les livres destinés à instruire les prêtres et les fidèles dans les fondements de la foi et à les aider à suivre les pratiques rituelles, avaient été créées une typographie et une collaboration fructueuse avec certains imprimeurs, comme les fr res icolini da abbio ( partir de 15 ) et Antonio Putelletto ( partir de 154 ). Afin de proposer de nouvelles versions de te tes de la tradition ecclésiastique, l’évêque avait eu recours aux spécialistes. D’abord, en s’appuyant sur l’humaniste Adamo Fumano, patrologue et éditeur de textes apprécié par Érasme, il avait encouragé la publication des éditions des Pères de l’Église, comme Jean Chrysostome et ses Commentari alle Epistole

di San Paolo, mais également d’ouvrages plus récents, comme l’Enchiridion Christianae religionis de ohannes Gropper. imultanément, il avait favorisé

la circulation de livres (souvent sans nom d’auteur) destinés au clergé et aux laïcs cultivés : des instructions générales pour la vie des clercs (Monitiones

 1 oir les péripéties du vicaire de Giberti Adriano Prosperi, Antonio eccari , in Dizionario

Biografico degli Italiani, ome, stituto della nciclopedia italiana, vol. , 1 , p. 4 4 .

ad Leonem X, qui, d’ailleurs, n’a pas été pris en considération. Le texte de

Contarini traçait le portrait d’un évêque qui alliait à une figure d’humaniste – doté d’intelligence et d’une grande culture théologique et canonique – une sensibilité purement chrétienne, fondée sur des vertus morales inébranlables, sur la conformité du comportement avec la dignité épiscopale et sur le zèle d’accomplir les devoirs inhérents à la direction des âmes. Contarini focalisait son attention non tant sur le rapport avec les fidèles que sur celui avec le clergé mineur, surtout les curés, dont on regrettait les abus et les capacités très insuffisantes. Mais, au-delà des nécessités de sélection et de contrôle des prêtres, il fallait un processus éducatif qui agît simultanément sur plusieurs fronts s’occuper de la pédagogie des enfants instruire les séculiers en encourageant la prédication éradiquer les vices les plus courants et briser la résistance des la cs envers l’obligation de recevoir les sacrements s’attaquer à l’attirail des miracles, superstitions et dévotions que la rivalité entre les différents ordres religieux avait fait croître à l’excès. Contarini restait, sous un certain regard, le disciple préféré de Pietro Pomponazzi. Les bonnes lettres, prémisses de la philosophie, étaient la condition nécessaire aux bons comportements : la culture était la prémisse de la vie morale .

L’auteur encourageait la périphérie de l’Église à s’organiser de manière autonome. n l’absence d’indications de la part de ome au sujet des politiques culturelles adopter dans les dioc ses, un la c comme Gasparo Contarini, encore fort éloigné du cardinalat, pouvait se permettre de réfléchir sur l’officium épiscopal et de tracer un programme d’action cohérent, même s’il restait imprécis sur les moyens de le réaliser. La vie active et l’engagement dans les institutions – l’Église, le gouvernement urbain – étaient ce qui caractérisait la nouvelle figure pastorale, à qui était attribué un rôle politique et social qui engageait le leadership, au sens wébérien, dans l’éthique de la conviction mais aussi dans celle de la responsabilité. La proposition de Contarini s’adressait officiellement à Lippomano – évêque enfant qui fut un symbole du népotisme et de la corruption de l’Église – mais officieusement à la Curie, non tant comme manifeste que comme réveil en sourdine, un cri d’alarme étouffé.

L’invasion des Lansquenets et la tragédie vécue par la capitale de la chrétienté a produit des secousses au sommet de la hiérarchie. À la voix de Contarini s’unit, du c té du clergé, celle de l’évêque de érone, Gian atteo Giberti, qui avait participé au gouvernement central de l’ glise comme dataire apostolique de Clément VII. Le sac de Rome et le naufrage de la politique pro-française de la capitale avaient mis fin à son enthousiasme pour ce lieu et pour cette carrière. Son retrait de la Curie a toutefois coïncidé avec la découverte d’une vocation un type de militantisme épiscopal que l’historien Paolo Giovio

oir lisabeth G. Gleason, Gasparo Contarini. Venice, Rome, and Reform, Berkeley-Los Angeles-Oxford, University of California Press, 1993.

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appela par la suite la Gibertalis disciplina – justement celle dont s’inspira le concile de Trente pour le modèle qu’il proposait. La résidence de l’évêque devenait ainsi le pivot de la réforme : comme l’avait proposé Contarini, le titulaire était directement responsable du choix et de la formation du clergé, ces deux démarches représentant le degré zéro d’intervention sur la vie religieuse des laïcs. Pour ce faire, cependant, il fallait faire face à un enchevêtrement incroyable d’exemptions, de privilèges et de juridictions superposées. Seuls ses liens encore étroits avec les hautes sph res de la Curie permirent Giberti d’obtenir une délégation apostolique et des pouvoirs extraordinaires pour agir sur les éléments les plus pénibles et corrompus du diocèse de Vérone : le chapitre de la cathédrale et les ordres religieux, non assujettis à l’autorité de l’évêque 1 la mense épiscopale et le syst me de bénéfices la discipline dans

les monast res et les couvents la conduite des curés et des prêtres, qui il fallait inculquer une sensibilité culturelle et religieuse qui les rendît dignes de leur office.

Le modèle gibertien, en substance, se référait à un statut de dérogation, constitué de mesures spéciales qui concernaient confiscations, sanctions et désignations. Mais le cœur de son projet devint partie de l’héritage de l’Église du xvie siècle, au point d’obscurcir les difficultés du contexte, les conflits sans

quartier, et les rivalités internes au clergé et les mesures pour les contourner. Comme l’indique le Sommario dei sermoni, avait été élaboré, justement à l’occasion des visites pastorales que Giberti avait accomplies avec une fréquence inusitée, un programme culturel complexe qui devint, au cours des années suivantes, la référence pour de nombreuses expériences épiscopales. Les interventions de Giberti se répercut rent du clergé sur les la cs sans solution de continuité. La recherche soignée de prédicateurs devait s’accompagner de l’éducation des enfants (« litterae et boni mores ») et de la fondation d’écoles. Pour faire circuler les livres destinés à instruire les prêtres et les fidèles dans les fondements de la foi et à les aider à suivre les pratiques rituelles, avaient été créées une typographie et une collaboration fructueuse avec certains imprimeurs, comme les fr res icolini da abbio ( partir de 15 ) et Antonio Putelletto ( partir de 154 ). Afin de proposer de nouvelles versions de te tes de la tradition ecclésiastique, l’évêque avait eu recours aux spécialistes. D’abord, en s’appuyant sur l’humaniste Adamo Fumano, patrologue et éditeur de textes apprécié par Érasme, il avait encouragé la publication des éditions des Pères de l’Église, comme Jean Chrysostome et ses Commentari alle Epistole

di San Paolo, mais également d’ouvrages plus récents, comme l’Enchiridion Christianae religionis de ohannes Gropper. imultanément, il avait favorisé

la circulation de livres (souvent sans nom d’auteur) destinés au clergé et aux laïcs cultivés : des instructions générales pour la vie des clercs (Monitiones

 1 oir les péripéties du vicaire de Giberti Adriano Prosperi, Antonio eccari , in Dizionario

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de essa, et Girolamo eripando, le général des augustiniens qui fut placé la tête du diocèse de Salerne. Il y avait également des hommes qui s’étaient réjouis des composantes hétérodoxes du groupe gibertien : ces propensions religieuses manifestes dans les expériences intellectuelles de Tullio Crispoldi et de Marcantonio Flaminio, et encore plus évidentes dans le soutien témoigné par les éronais lors de la fuite de ernardino Ochino en 154 ou, pour parler de stratégies culturelles, dans la publication du très hérétique Sommario della

sacra Scrittura, décrit par l’évêque comme « très utile pour ces pauvres gens qui

ne comprennent pas le latin » 14. Giberti avait évité de pousser l’e trême ses

sympathies hétérodoxes : sur le point de mourir, il a refusé de collaborer avec les spirituels de Juan de Valdés, qui, grâce à l’Ecclesia Viterbiensis du cardinal Reginald Pole, lui avaient transmis une copie manuscrite du Beneficio di Cristo, autre texte clef de la Réforme en Italie 15. Mais d’autres évêques étaient déjà en

train de commencer la réforme de leurs diocèses sur des principes doctrinaux (et parfois ecclésiologiques) que l’orthodoxie romaine, en l’espace d’une décennie, sanctionnerait durement. Leurs politiques culturelles et les obstacles qu’ils trouvèrent sur leur route s’éloignèrent de l’expérience véronaise qui, au contraire, fut subsumée par le modèle post-tridentin comme la réalisation presque parfaite du gouvernement diocésain.

Les noms de ces évêques apparaissent fréquemment dans les procès de l’Inquisition romaine des années cinquante, années pendant lesquelles le leadership du mouvement des spirituels fut décapité et le dense réseau hérétique en talie anéanti. L’e périence du milanais Giovanni orone 16,

qui tenta de restaurer dans son diocèse de Modène l’autorité épiscopale, en réprimant les abus les plus graves du clergé et en le rééduquant à s’occuper des âmes, et à favoriser en même temps la scolarisation des enfants et la réforme des institutions d’assistance, fut un échec total. Sa longue absence de son diocèse, à partir de 1536, avait trahi la prémisse fondamentale de la résidence de l’évêque, même si, en 1545, il avait chargé eginaldo erli, un ancien collaborateur de Giberti, de reprendre les visites pastorales qu’il avait commencées en 1533. Il ne fait pas de doute que son adhésion au valdésianisme et sa nomination au cardinalat avaient contribué à réduire son engagement pastoral. Ses perspectives s’étaient élargies et il avait élaboré une nouvelle sensibilité religieuse, dans la fracture doctrinale mais aussi dans l’affinité ecclésiologique avec l’Église catholique. Le gouvernement

 14 « Molto utile per que’ poverelli che non intendono latino », cité dans Adriano Prosperi, Tra evangelismo

e Controriforma : Gian Matteo Giberti, ome, dizioni di toria e Letteratura, 1 6 , p. .

 15 oir assimo irpo, l eneficio di Christo e il concilio di rento (154 1546) , Rivista di storia

e letteratura religiosa, vol. 1, 1 5, p. 45 .

 16 Voir surtout idem, Inquisizione romana e Controriforma. Studi sul cardinal Giovanni Morone e il

suo processo d’eresia, ologne, l ulino, 1 , e éd. revue et augmentée, rescia, orcelliana, 5, et idem, Il processo inquisitoriale del cardinal Giovanni Morone. Nuova edizione critica, en collaboration avec Dario Marcatto, vol. 1, Processo d’accusa, ome, Libreria editrice vaticana, 11 vol. , La difesa,

ome, Libreria editrice vaticana, 1 .

generales le Breve ricordo de ullio Crispoldi les Constitutiones) des

manuels de prédication (Per li padri predicatori e parrocchiani), pour le culte (Istruzione de sacerdoti), pour la dévotion, pour l’interprétation et pour l’enregistrement des sacrements (en particulier les baptêmes et les mariages) et même pour régler les aspects moraux de la vie sociale et privée des fidèles (les Pratiche del vivere cristiano) les notulae pour les visites pastorales (de l’évêque au curés) des catéchismes (comme le Liber cathecumenorum) et enfin, synthèse de toute son expérience de plus de dix années d’épiscopat militant, les Constitutiones 11. À ses côtés, comme rédacteurs des textes et

des programmes, se trouvaient des humanistes et des spécialistes de grande envergure, comme Jan van Kampen, Reginaldo Nerli, Niccolò Ormaneto, Alberto Lino et l’infatigable Tullio Crispoldi, aussi bien que, de temps en temps, des prédicateurs renommés, dont le capucin Bernardino Ochino. Dans les années trente, Vérone devint un lieu d’expérimentation à partir du concept de reformatio, d’où étaient sorties, inévitablement, des discussions sur la théologie protestante et sur la justification par la foi. Le secrétaire Tullio Crispoldi se fit l’interprète audacieux de ces idées et l’entourage de Giberti attira des esprits libres au propensions plus ou moins orthodo es des hommes de lettres comme rancesco erni, Girolamo racastoro, et Marcantonio Flaminio, qui y resta pendant une décennie 1.

Le vrai problème était que, dans l’Italie du concile de Trente, tous les membres de l’épiscopat n’avaient pas interprété ce modèle gibertien de la même manière. À la lectio facilior de Rome – qui avait formellement approuvé les actions de Giberti s’ajoutaient des anticonformismes de nature doctrinale et des poussées centrifuges de forces diverses. Certains suivirent l’exemple de Vérone, comme le cardinal Marcello Cervini, homme fort de la politique des Farnèse, qui voulut que la gibertalis disciplina fût appliquée par les vicaires au gouvernement de leurs dioc ses celui de eggio milia d’abord, puis celui de Gubbio. ais se joignirent eu des prélats marqués différents degrés par leur compromission avec le « spiritualisme italien » et ayant fait partie du cercle de Juan de Valdés 1, comme Galeazzo lorimonte, évêque d’Aquin puis

 11 Voir Antonio Fasani, Riforma pretridentina della diocesi di Verona. Visite pastorali di Gian Matteo

Giberti, vol. 1 , icence, stituto per le ricerche di storia sociale e di storia religiosa, 1 idem, eminario sulle visite pastorali del vescovo Gian atteo Giberti (15 5 154 ) , in Ricerche di storia

sociale e religiosa, vol. 4 , 1 1, p. 1 1 1 5 oberto Pasquali, Le Constitutiones per il clero di Gian

atteo Giberti , ibidem, p. 1 Pino imoni, Appunti sulle opere a stampa del vescovo veronese Gian atteo Giberti , Studi storici Luigi Simeoni, vol. 4 , 1 , p. 14 16 .

 1 ur le patronage et les politiques culturelles de Giberti, voir Penelope Curzio ro nell, La figura di committente del vescovo Gianmatteo Giberti , in Veronese e Verona, dir. Sergio Marinelli, Vérone, Castelvecchio, 1 , p. 5 Gian Matteo Giberti vescovo di Verona (1524-1543), Vérone, Biblioteca Capitolare, 1 Adriano Prosperi, Tribunali della coscienza. Inquisitori, confessori, missionari, Turin,

inaudi, 1 6, ad indicem.

 1 Sur le spiritualisme italien et le valdésianisme, voir Massimo Firpo, Introduzione, in Juan de Valdés,

Alfabeto cristiano, Domande e risposte, Della predestinazione, Catechismo per i fanciulli, urin, inaudi,

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Évêques et politiques culturelles en Italie 253

de essa, et Girolamo eripando, le général des augustiniens qui fut placé la tête du diocèse de Salerne. Il y avait également des hommes qui s’étaient réjouis des composantes hétérodoxes du groupe gibertien : ces propensions religieuses manifestes dans les expériences intellectuelles de Tullio Crispoldi et de Marcantonio Flaminio, et encore plus évidentes dans le soutien témoigné par les éronais lors de la fuite de ernardino Ochino en 154 ou, pour parler de stratégies culturelles, dans la publication du très hérétique Sommario della

sacra Scrittura, décrit par l’évêque comme « très utile pour ces pauvres gens qui

ne comprennent pas le latin » 14. Giberti avait évité de pousser l’e trême ses

sympathies hétérodoxes : sur le point de mourir, il a refusé de collaborer avec les spirituels de Juan de Valdés, qui, grâce à l’Ecclesia Viterbiensis du cardinal Reginald Pole, lui avaient transmis une copie manuscrite du Beneficio di Cristo, autre texte clef de la Réforme en Italie 15. Mais d’autres évêques étaient déjà en

train de commencer la réforme de leurs diocèses sur des principes doctrinaux (et parfois ecclésiologiques) que l’orthodoxie romaine, en l’espace d’une décennie, sanctionnerait durement. Leurs politiques culturelles et les obstacles qu’ils trouvèrent sur leur route s’éloignèrent de l’expérience véronaise qui, au contraire, fut subsumée par le modèle post-tridentin comme la réalisation presque parfaite du gouvernement diocésain.

Les noms de ces évêques apparaissent fréquemment dans les procès de l’Inquisition romaine des années cinquante, années pendant lesquelles le leadership du mouvement des spirituels fut décapité et le dense réseau hérétique en talie anéanti. L’e périence du milanais Giovanni orone 16,

qui tenta de restaurer dans son diocèse de Modène l’autorité épiscopale, en réprimant les abus les plus graves du clergé et en le rééduquant à s’occuper des âmes, et à favoriser en même temps la scolarisation des enfants et la réforme des institutions d’assistance, fut un échec total. Sa longue absence de son diocèse, à partir de 1536, avait trahi la prémisse fondamentale de la résidence de l’évêque, même si, en 1545, il avait chargé eginaldo erli, un ancien collaborateur de Giberti, de reprendre les visites pastorales qu’il avait commencées en 1533. Il ne fait pas de doute que son adhésion au valdésianisme et sa nomination au cardinalat avaient contribué à réduire son engagement pastoral. Ses perspectives s’étaient élargies et il avait élaboré une nouvelle sensibilité religieuse, dans la fracture doctrinale mais aussi dans l’affinité ecclésiologique avec l’Église catholique. Le gouvernement

 14 « Molto utile per que’ poverelli che non intendono latino », cité dans Adriano Prosperi, Tra evangelismo

e Controriforma : Gian Matteo Giberti, ome, dizioni di toria e Letteratura, 1 6 , p. .

 15 oir assimo irpo, l eneficio di Christo e il concilio di rento (154 1546) , Rivista di storia

e letteratura religiosa, vol. 1, 1 5, p. 45 .

 16 Voir surtout idem, Inquisizione romana e Controriforma. Studi sul cardinal Giovanni Morone e il

suo processo d’eresia, ologne, l ulino, 1 , e éd. revue et augmentée, rescia, orcelliana, 5, et idem, Il processo inquisitoriale del cardinal Giovanni Morone. Nuova edizione critica, en collaboration avec Dario Marcatto, vol. 1, Processo d’accusa, ome, Libreria editrice vaticana, 11 vol. , La difesa,

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des canons et décrets qui ne concernent pas spécifiquement l’officium des évêques mais traitent de matières sacramentelles, pastorales ou de la discipline du clergé, l’expérience véronaise (sans ses dérapages doctrinaux dangereux) devenait un paradigme. Le paradigme, toutefois, se nourrissait d’une série de composantes complexe : normes, valeurs et pratiques qui furent traduites en orientations générales. On peut déterminer au moins trois types de politiques culturelles dans lesquelles l’Église catholique en Italie s’investit durant la premi re période post tridentine. lles se différencient non seulement sur la base de leurs contenus, mais également par rapport aux stratégies, aux moyens de propagation des contenus et à leurs destinataires (qui pouvaient varier en qualité et en quantité).

Les politiques culturelles relatives à la formation et l’apprentissage du clergé et des laïcs faisaient partie du premier type. Pour le clergé, les contenus concernaient surtout la doctrine et la pratique de l’officium sacerdotal : la pastorale et le comportement des clercs, notamment la limitation des prétendus « abus » – matière dont, pour beaucoup, le synode œcuménique aurait dû s’occuper. La formation des laïcs concernait la doctrine, avant tout, et l’orthodoxie, c’est-à-dire le déroulement correct des rites et des pratiques sacramentelles.

De telles politiques se formulèrent surtout au moment de rédiger les décrets tridentins dans l’intention de mobiliser des ressources et de prendre des mesures pour sauvegarder et revigorer le sacerdoce 1. Le projet consistait

à doter les prêtres, et les autres ministres qui avaient reçu les ordres mineurs, d’une série d’instruments culturels qui les rendissent aptes à remplir leur office  . D’abord, après avoir pris acte d’une situation peu encourageante,

on évoquait la nécessité d’alphabétisation du clergé mineur : grâce à cette démarche on aurait pu – du moins en théorie – multiplier les possibilités d’accès aux Écritures et aux autres textes de la tradition intellectuelle de l’Église catholique. L’institution du séminaire – l’un des points principaux de la XXIIIe session – fut dès le début considérée comme le fleuron de cette

nouvelle stratégie, qui aurait été suivie par la diffusion d’une littérature spécifique et d’éditions destinées aux ecclésiastiques  1. Les traductions

en langue vulgaire de la Bible, les révisions du catéchisme romain, du missel et du bréviaire, effectuées sous Pie V, ayant été écartées, ces produits éditoriaux destinés au clergé furent les principaux instruments pour l’instruction du clergé et l’harmonisation du rite romain. Les évêques auraient eu – du moins c’était

 1 Voir la Ve session (1 juillet 1546) et la XXIIIe session (15 juin 1563). Les événements du concile sont reportés en détail dans le livre, bien connu et discuté, d’Hubert Jedin, Geschichte des Konzils von Trient, 4 vol., ribourg, erder, 1 51 1 5.

Voir Danilo Zardin, « Carlo Borromeo e la cultura religiosa della Controriforma », Schweizerische

Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte, vol. 1 , , p. 41 61.

  1 Voir surtout les essais contenus dans Stampa, libri e letture a Milano nell’età di Carlo Borromeo, dir. icola aponi et Angelo urchini, ilan, ita e pensiero, 1 .

central de Rome, en lui attribuant le cardinalat et des nonciatures, l’avait appelé à faire partie des mécanismes de gouvernement, de l’élaboration d’orientations générales et, en même temps, des politiques culturelles de la Curie, dont la première fut la réalisation de l’inévitable, l’irrévocable concile tridentin pour laquelle il avait déjà été fait légat pontifical par Paul II en 154 et qu’il conclurait, toujours en tant que légat, sous Pie en 156 . Le fait est que, quand il avait pris les rennes du diocèse de Novare, le prélat milanais était déjà dans le collimateur de l’Inquisition et il avait préféré endosser les rôles de gardien et d’extirpateur d’hérésies plutôt que celui du bon pasteur.

D’autres évêques hétérodoxes, tous impliqués à différents degrés dans des enquêtes de l’Inquisition, avaient au contraire tenté des expériences de réforme plus cohérentes dans leurs propres diocèses. Parmi eux, se trouvaient trois des plus célèbres victimes de la rigueur de l’Inquisition dans les années quarante : Iacopo Nacchianti, évêque de Chioggia, Vittore Soranzo, évêque de Bergame, et Pier Paolo Vergerio, titulaire de Capodistria 1. La propagation

de doctrines hérétiques allait de pair, pour eux, avec la tentative d’instruire le clergé séculier et les ordres religieux, souvent à l’aide de ces textes de la Réforme italienne et d’au-delà des Alpes, qui semblaient amener même les illettrés à la compréhension de l’Évangile : le Beneficio di Cristo avant tout mais, aussi le Sommario della Sacra Scrittura et les écrits de Juan de Valdés 1.

Des décennies plus tard, la diffusion de livres imprimés et de manuscrits était toujours la première préoccupation de ces évêques qui, bien qu’hétérodoxes, n’auraient pas facilement renoncé à leur munus et officium, si ce ne fût contraints par le Saint-Office.

Le tableau que nous venons de d’esquisser nous permet de développer un certain nombre de réflexions. Avant le concile de Trente, les politiques culturelles du clergé diocésain étaient structurées sur des bases locales, sans pouvoir réellement compter sur le centre pour en avoir l’approbation et le soutien : en réalité, seules les requêtes de caractère économique des évêques zélés pouvaient être satisfaites, avec la permission de cumuler plusieurs bénéfices. Le cas de Giberti, nanti de pouvoirs spéciau , constitue une exception due à sa précédente carrière au sein de la Curie, à l’estime de Clément et la faveur de Ludovico di Canossa. t pourtant ce fut justement la gibertalis disciplina, agrémentée de quelques idées de Contarini, qui devint le modèle de l’épiscopat tridentin. Dans les mesures conciliaires, malgré les rares références spécifiques aux titulaires, mais en tenant compte

 1 Voir, à ce propos, Massimo Firpo, Riforma protestante ed eresie nell’Italia del Cinquecento. Un profilo

storico, Rome-Bari, Laterza, 1993. Voir idem, Vittore Soranzo vescovo ed eretico. Riforma della Chiesa e Inquisizione nell’Italia del ‘500, ome ari, Laterza, 6.

 1 Voir Massimo Firpo, « The Italian Reformation », in A Companion to the Reformation World, dir. onnie Po chia sia, London, lack ell, 4, p. 16 1 4.

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des canons et décrets qui ne concernent pas spécifiquement l’officium des évêques mais traitent de matières sacramentelles, pastorales ou de la discipline du clergé, l’expérience véronaise (sans ses dérapages doctrinaux dangereux) devenait un paradigme. Le paradigme, toutefois, se nourrissait d’une série de composantes complexe : normes, valeurs et pratiques qui furent traduites en orientations générales. On peut déterminer au moins trois types de politiques culturelles dans lesquelles l’Église catholique en Italie s’investit durant la premi re période post tridentine. lles se différencient non seulement sur la base de leurs contenus, mais également par rapport aux stratégies, aux moyens de propagation des contenus et à leurs destinataires (qui pouvaient varier en qualité et en quantité).

Les politiques culturelles relatives à la formation et l’apprentissage du clergé et des laïcs faisaient partie du premier type. Pour le clergé, les contenus concernaient surtout la doctrine et la pratique de l’officium sacerdotal : la pastorale et le comportement des clercs, notamment la limitation des prétendus « abus » – matière dont, pour beaucoup, le synode œcuménique aurait dû s’occuper. La formation des laïcs concernait la doctrine, avant tout, et l’orthodoxie, c’est-à-dire le déroulement correct des rites et des pratiques sacramentelles.

De telles politiques se formulèrent surtout au moment de rédiger les décrets tridentins dans l’intention de mobiliser des ressources et de prendre des mesures pour sauvegarder et revigorer le sacerdoce 1. Le projet consistait

à doter les prêtres, et les autres ministres qui avaient reçu les ordres mineurs, d’une série d’instruments culturels qui les rendissent aptes à remplir leur office  . D’abord, après avoir pris acte d’une situation peu encourageante,

on évoquait la nécessité d’alphabétisation du clergé mineur : grâce à cette démarche on aurait pu – du moins en théorie – multiplier les possibilités d’accès aux Écritures et aux autres textes de la tradition intellectuelle de l’Église catholique. L’institution du séminaire – l’un des points principaux de la XXIIIe session – fut dès le début considérée comme le fleuron de cette

nouvelle stratégie, qui aurait été suivie par la diffusion d’une littérature spécifique et d’éditions destinées aux ecclésiastiques  1. Les traductions

en langue vulgaire de la Bible, les révisions du catéchisme romain, du missel et du bréviaire, effectuées sous Pie V, ayant été écartées, ces produits éditoriaux destinés au clergé furent les principaux instruments pour l’instruction du clergé et l’harmonisation du rite romain. Les évêques auraient eu – du moins c’était

 1 Voir la Ve session (1 juillet 1546) et la XXIIIe session (15 juin 1563). Les événements du concile sont reportés en détail dans le livre, bien connu et discuté, d’Hubert Jedin, Geschichte des Konzils von Trient, 4 vol., ribourg, erder, 1 51 1 5.

Voir Danilo Zardin, « Carlo Borromeo e la cultura religiosa della Controriforma », Schweizerische

Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte, vol. 1 , , p. 41 61.

  1 Voir surtout les essais contenus dans Stampa, libri e letture a Milano nell’età di Carlo Borromeo, dir. icola aponi et Angelo urchini, ilan, ita e pensiero, 1 .

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des croyances orthodo es, et donc de l’hérésie, que les hommes de Gian Pietro Carafa avaient bien présente l’esprit, au moins la fin des années .

La troisième politique culturelle est celle de la propagande symbolique, qui s’exerce principalement à travers la diffusion, l’encouragement et le patronage des arts et des lettres, en rapport, évidemment, avec des références idéologiques et doctrinales bien définies. Le renforcement de ces aspects – que nous pourrions définir comme « créativité contrôlée » – fut probablement le plus grand succès que les évêques aient obtenu dans la réforme des diocèses. Cette stratégie finit par inclure le renforcement de l’édition et une politique des livres, comme dans le cas du miracle que réussit à faire Charles Borromée dans la Milan des très habiles « imprimeurs de la chambre et des archevêques », Da Ponte  4. Dans certains cas, il était prévu que le public de

ces œuvres d’art s’étendît bien au-delà des limites des classes aisées et de la res publica litterarum. Cela se vérifia pour les arts figuratifs, forts des quelques dispositions en matière artistique que le concile tridentin avait octroyées, pour les reconversions professionnelles et les projets d’urbanisme ou pour les constructions ecclésiastiques et, parfois, autres. Dans ce domaine également, le modèle de Borromée resta sans aucun doute inégalé, parce qu’il fut aussi l’un des rares évêques à développer avec un certain profit les lignes tridentines sommaires. Mais ce furent surtout les manifestations culturelles qui rentraient dans le domaine de la dévotion extraordinaire qui touchèrent le peuple : expositions du saint-sacrement, processions, représentations sacrées de différents types, mystères ou théâtre religieux, sermons liés à des moments liturgiques particuliers ou à des événements importants. Ce furent les jésuites, très souvent, qui fournirent aux évêques ce genre d’instrument pastoral pour les classes inférieures.

Le concile de Trente fut, avant tout, un concile antagoniste, où la définition des limites de l’orthodoxie fut amplifiée, outre mesure, pour se résumer à la définition des domaines de l’affrontement, au détriment des stratégies de développement et de formation de l’institution elle-même. Partout, en définitive, la politique culturelle du premier type échoua tandis que celles du deuxième et du troisième type eurent un plus grand succès. Au niveau central, les congrégations cardinalices – de l’Inquisition à l’Index, de la congrégation du Concile à celles des Rites et de Propaganda fide – remplacèrent, dans une superposition continuelle de fonctions et de pertinences, la réalisation des mesures conciliaires non appliquées. La réponse à la demande de rééducation culturelle et morale du clergé et des laïcs consista à offrir une surabondance d’orthodoxie et de dévotion.

  4 oir assimo Petta, ooks and evotion in ilan (15 15 ) , in Bridging the Gaps. Sources,

Methodology and Approaches to Religion in Europe, dir. Joaquim Carvalho, Pise, Plus-Pisa University

Press, , p. 1 1 .

la volonté du concile – l’entière responsabilité de surveiller la mise en place de cette ambitieuse réforme de l’instruction : contrôler la situation au départ, enregistrer le début des travaux et les résultats. Dans la consternation, mais plus souvent dans la résignation de la part de l’épiscopat italien, ces stratégies culturelles visant l’intérieur de l’institution ne s’implantèrent pas. Comme le démontre l’expérience de Bellarmin à Capoue, le clergé mineur resta ignorant, mal élevé, criminel et plutôt impopulaire aux yeux des fidèles  . L’édification

de séminaires resta lettre morte, se révélant comme une espèce de chimère pour ces évêques qui avaient cru pouvoir les mettre sur pied. La censure des Écritures saintes en langue vulgaire ne servit certes pas à rapprocher le clergé de la doctrine.

Le deuxième type de politique culturelle comprenait des actions stratégiques pour limiter les dissensions. lles s’adressaient l’intérieur et l’e térieur de l’organisation, c’est dire au clergé et au la cs. lles visaient, plus ou moins ouvertement, les ennemis – réels ou supposés – de la doctrine, mais aussi les contestateurs manifestes et les innovateurs potentiels dans les rangs mêmes de l’institution. Les contenus de telles politiques concernaient tout le système de croyances de l’Église – surtout la doctrine, l’ecclésiologie et la sphère de la dévotion – et la culture de l’élite aussi bien que la culture populaire, parce qu’ils pouvaient revêtir la forme du contrôle doctrinal ou moral à l’égard des coutumes et des traditions, ou bien celle de la censure destinée aux produits culturels

stricto sensu. Durant sa première phase de zèle tridentin – bien avant de donner

une nouvelle impulsion à la confession – ce fut Charles Borromée qui réprima le plus les rituels populaires, les superstitions et les survivances païennes dans le contexte milanais  . Ce type de politique fondait sa légitimité sur le terrain

plus ou moins solide des traditiones définies par le concile. À l’époque de la Réforme, les œuvres de propagande et de controverse destinées aux régions de l’ urope les plus sujettes l’influence protestante, c’est dire destinées à frapper un ennemi à l’intérieur et hors des frontières, en furent l’exemple le plus typique. Les Disputationes de Robert Bellarmin ou les Meditationes de François de Sales appartiennent à ce genre d’ouvrage : des textes qui, cependant, s’écartaient de la seule logique de la censure pour adhérer à celle de la persuasion. Les structures assignées au contrôle et à la sanction de la doctrine ou des comportements – de l’Inquisition à l’Index – furent les instruments pour forger cette politique. Le synode fournit, du moins provisoirement, la carte succincte

Sur Robert Bellarmin et l’expérience de Capoue, voir Franco Motta, « Bellarminiana », Rivista di

storia e letteratura, vol. 33, no 1, 1 , p. 1 1 16 , republiée dans idem, Bellarmino. Una teologia politica

della Controriforma, rescia, orcelliana, 5.

Voir surtout les contributions récentes de D. Zardin, dont Carlo Borromeo. Cultura, santità, governo, ilan, ita e pensiero, 1 . oir aussi Wietse e oer, La conquista dell’anima. Fede, disciplina e

ordine pubblico nella Milano della Controriforma, urin, inaudi, 4 ohn . omaro, an Carlo Borromeo and the Implementation of the Council of Trent », in San Carlo Borromeo. Catholic Reform and

Ecclesiastical Politics in the Second Half of the Sixteenth Century, dir. John M. Headley et John B. Tomaro,

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des croyances orthodo es, et donc de l’hérésie, que les hommes de Gian Pietro Carafa avaient bien présente l’esprit, au moins la fin des années .

La troisième politique culturelle est celle de la propagande symbolique, qui s’exerce principalement à travers la diffusion, l’encouragement et le patronage des arts et des lettres, en rapport, évidemment, avec des références idéologiques et doctrinales bien définies. Le renforcement de ces aspects – que nous pourrions définir comme « créativité contrôlée » – fut probablement le plus grand succès que les évêques aient obtenu dans la réforme des diocèses. Cette stratégie finit par inclure le renforcement de l’édition et une politique des livres, comme dans le cas du miracle que réussit à faire Charles Borromée dans la Milan des très habiles « imprimeurs de la chambre et des archevêques », Da Ponte  4. Dans certains cas, il était prévu que le public de

ces œuvres d’art s’étendît bien au-delà des limites des classes aisées et de la res publica litterarum. Cela se vérifia pour les arts figuratifs, forts des quelques dispositions en matière artistique que le concile tridentin avait octroyées, pour les reconversions professionnelles et les projets d’urbanisme ou pour les constructions ecclésiastiques et, parfois, autres. Dans ce domaine également, le modèle de Borromée resta sans aucun doute inégalé, parce qu’il fut aussi l’un des rares évêques à développer avec un certain profit les lignes tridentines sommaires. Mais ce furent surtout les manifestations culturelles qui rentraient dans le domaine de la dévotion extraordinaire qui touchèrent le peuple : expositions du saint-sacrement, processions, représentations sacrées de différents types, mystères ou théâtre religieux, sermons liés à des moments liturgiques particuliers ou à des événements importants. Ce furent les jésuites, très souvent, qui fournirent aux évêques ce genre d’instrument pastoral pour les classes inférieures.

Le concile de Trente fut, avant tout, un concile antagoniste, où la définition des limites de l’orthodoxie fut amplifiée, outre mesure, pour se résumer à la définition des domaines de l’affrontement, au détriment des stratégies de développement et de formation de l’institution elle-même. Partout, en définitive, la politique culturelle du premier type échoua tandis que celles du deuxième et du troisième type eurent un plus grand succès. Au niveau central, les congrégations cardinalices – de l’Inquisition à l’Index, de la congrégation du Concile à celles des Rites et de Propaganda fide – remplacèrent, dans une superposition continuelle de fonctions et de pertinences, la réalisation des mesures conciliaires non appliquées. La réponse à la demande de rééducation culturelle et morale du clergé et des laïcs consista à offrir une surabondance d’orthodoxie et de dévotion.

  4 oir assimo Petta, ooks and evotion in ilan (15 15 ) , in Bridging the Gaps. Sources,

Methodology and Approaches to Religion in Europe, dir. Joaquim Carvalho, Pise, Plus-Pisa University

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processions, actions théâtrales et même miracles (les répits  ) pour les classes

inférieures non alphabétisées. Son esprit d’initiative culturel lui valut la réputation de contempteur irénique des modalités de conversion violentes, même si sa correspondance avec le duc révèle qu’en réalité il était un partisan de la répression des hérétiques contre les ouvertures de la diplomatie. Son cas est exemplaire parce qu’il révèle comment, après quelques décennies, les politiques culturelles suggérées aux évêques par le concile de Trente se traduisirent par l’abandon de la réforme morale et l’adoption de nouvelles formes de propagande, de persuasion créative et de contrôle de la dissidence. Mais aussi par de nouvelles alliances avec le pouvoir séculier.

Sur les « répits » ou « rites de la double mort », réalisés pour baptiser les enfants morts à la naissance, voir Fiorella Mattioli Carcano, I santuari del ritorno alla vita. Segni di sacralizzazione alpina con

particolare riferimento alle diocesi di Novara, Aosta e del Vallese, Vercelli, Comitato scientifico ligure

piemontese valdostano del Club alpino italiano, 1 .

Au niveau local les résultats furent analogues. Ces évêques qui, comme Charles Borromée, tentèrent de s’approprier les logiques du concile, pensant avoir en leur possession un extraordinaire instrument de christianisation et de réforme, se trouvèrent en face d’obstacles insurmontables et durent se rabattre sur la répression de l’hérésie, des campagnes de propagande et des opérations symboliques. L’initiative individuelle se brisa sur des conflits de pouvoir et de juridiction et, dans un second temps, sur des questions relatives à l’interprétation de la volonté synodale elle-même. Dans de nombreux diocèses, comme celui de Milan de Borromée ou de Capoue de Robert Bellarmin, les propositions de réforme qui venaient de l’évêque semblaient mettre en question le statu quo et la continuité de la tradition et poussèrent la ville tout entière à réagir par le refus, souvent au nom d’e igences contradictoires. uand le titulaire se montrait enclin, à travers les visites pastorales ou les synodes diocésains, à adoucir les décrets dans son propre siège, il ne manquait pas de provoquer critiques et opposition, celles-ci venant des prêtres, des ordres religieux, des curés et des confraternités, mais aussi des autorités civiles et des élites de la ville. La politique d’austérité et de rigueur de Charles Borromée se transforma en son simulacre : c’est-à-dire, dans la mise en scène de la rigueur et de la volonté de changement à travers la littérature religieuse, la prédication et une attention obsessionnelle portée à l’architecture et à la chorégraphie de la dévotion et des sacrements. Il y eut aussi des expériences différentes mais également soumises la logique du moindre mal, du repli et de la dissimulation. n avoie, l’évêque « missionnaire » de Thonon, François de Sales, agit en parfait accord avec l’autorité séculi re, le duc Charles mmanuel er, dans un contexte politique

fortement conditionné par la nécessité de la reconquête confessionnelle des territoires gagnés à la cause calviniste. Le futur saint semblait conscient de la distance qui le séparait de Charles Borromée qui, à son avis, « n’avoit de science que bien fort mediocrement »  5. Dans sa qualité de conseiller du duc

et influencé par ses contacts précoces avec les jésuites, il adopta sagement des stratégies culturelles et politiques à plusieurs niveaux, s’adressant à dessein aux différentes couches sociales : sermons prudents, meditationes  6 et faux

placards pour la noblesse des villes et les classes moyennes alphabétisées homélies « pauvres », rituels populaires, « quarante heures », adorations,

  5 François de Sales, Œuvres de Saint François de Sales. Édition complète d’après les autographes et

les éditions originales enrichie de nombreuses pièces inédites par les soins des religieuses de la Visitation du premier monastère d’Annecy, Annecy Paris, Librairie Catholique . itte, 1 1 64, vol. 1 , p. 1. Voir l’analyse de Bruno Farinelli, Francesco di Sales missionario. Strategie di conversione e riconquista

cattolica nella Savoia di fine Cinquecento, mémoire de licence soutenu à l’Università degli Studi de Turin,

sous la dir. d’ leonora elligni, 1 .

  6 Voir Thomas Donlan, A Reform of Zeal. François de Sales and the Militant Catholicism During the

French Wars of Religion, thèse de doctorat, Université d’Arizona, sous la dir. de Susan Karant-Nunn,

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processions, actions théâtrales et même miracles (les répits  ) pour les classes

inférieures non alphabétisées. Son esprit d’initiative culturel lui valut la réputation de contempteur irénique des modalités de conversion violentes, même si sa correspondance avec le duc révèle qu’en réalité il était un partisan de la répression des hérétiques contre les ouvertures de la diplomatie. Son cas est exemplaire parce qu’il révèle comment, après quelques décennies, les politiques culturelles suggérées aux évêques par le concile de Trente se traduisirent par l’abandon de la réforme morale et l’adoption de nouvelles formes de propagande, de persuasion créative et de contrôle de la dissidence. Mais aussi par de nouvelles alliances avec le pouvoir séculier.

Sur les « répits » ou « rites de la double mort », réalisés pour baptiser les enfants morts à la naissance, voir Fiorella Mattioli Carcano, I santuari del ritorno alla vita. Segni di sacralizzazione alpina con

particolare riferimento alle diocesi di Novara, Aosta e del Vallese, Vercelli, Comitato scientifico ligure

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