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L'equilibre difficile : Georges Friedmann avant la sociologie du travail

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Academic year: 2021

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EUI

W ORKING

PAPERS

E U I W O R K I N G P A P E R No. 8 9 / 3 9 8

L’équilibre difficile. Georges Friedmann avant

la sociologie du travail

MichelaN A c a © The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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© The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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EUROPEAN UNIVERSITY INSTITUTE, FLORENCE

DEPARTMENT OF HISTORY

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E U I W O R K I N G P A P E R No. 8 9 / 3 9 8

L’équilibre difficile. Georges Friedmann avant

la sociologie du travail

MichelaNa c q © The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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All rights reserved.

No part of this paper may be reproduced in any form without permission of the author

© Michela Nacci Printed in Italy in June 1989 European University Institute

© The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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L'équilibre difficile. Georges Friedmann avant la sociologie du travail.

Michela NACCI

1. Problèmes de définition

"Vingt-huit ans, poète, romancier, essayiste. Auteur de la vie de Jacques Aron.": c'est ainsi que Georges Friedmann était

présenté aux lecteurs de Bifur dans le numéro 8 de 19311 . Personne, aujourd'hui, ne reconnaitrait plus l'auteur dans cette définition synthétique; on l'indiquerait plutôt comme "le spécialiste des problèmes du machinisme industriel" ou encore comme "co-directeur des Annales de 1946 à 1977", année de sa mort. Mais entre la période romancière et les années d'engagement dans la sociologie du travail, aucune définition qui nous présenterait Georges Friedmann en quelques mots ne peut être univoque.

"Partisan d'un marxisme non dogmatique" serait aussi correct que "spécialiste de Leibniz et de Spinoza"; de même, "intellectuel

engagé, orienté vers la réunification de la théorie et de la pratique" serait une définition qui ne trahirait pas plus la physionomie du personnage que "critique des critiques de l'idée de progrès". Quel est donc le véritable visage de Friedmann durant ces années-là, au-delà d'un éclectisme que l'âge suffirait à expliquer? Mais surtout, que reste-t-il de ces multiples apparences du Friedmann que nous connaissons le mieux?

C'est pour répondre à ces interrogations que nous avons examiné la production de Friedmann avant la parution des Problèmes humains du machinisme industriel . On peut d'ores et déjà

anticiper ce qu'il en est ressorti: pendant les années Trente, Friedmann sent et exprime d'une part l'exigence d'une méthode qu'il appliquera personnellement et que l'on retrouve dans les Annales - qui puisse être définie comme interdisciplinaire sans

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-que cela soit impropre; d'autre part, il mûrit une confrontation entre les philosophies de la crise qui implique des prises de position sur des idées-forces comme le "progrès", la "civilisation industrielle", le "machinisme" ou encore le "rationalisme". Dans toutes ces oeuvres postérieures, cette confrontation et ces prises de position, jamais plus discutées ni même remises en question, continueront toujours à constituer un substrat implicite.

Friedmann accepte de façon critique la science et la technique: ce qu'il refuse dans leur application à la production, et à la société en général, ce n'est pas du tout leur caractère qui serait négatif de façon intrinsèque, une essence spontanément dirigée vers le mal. Il refuse en revanche que les formes économiques et sociales à l'intérieur desquelles s'effectue cette application modifient une nature qui, en soi, ne serait ni bonne ni mauvaise. Je dirais même plus, si la balance n'est pas en

équilibre, c'est parce qu'elle penche seulement du côté des bénéfices: selon Friedmann, la science et la technique portent en soi un grand trésor de croissance et un potentiel humain dans tous les secteurs et à tous les niveaux, une masse de pouvoirs et de savoirs qui tendent à élargir le rayon d'action de celui qui les utilise. C'est ainsi que, dans les années Trente, les analyses de Friedmann se situent dans un canal étroit où s'articulent l'exaltation de la technique des technocrates et le dénigrement de

la technique en soi. Pour nous, il est important de mettre en évidence la formation de cet équilibre difficile dans les années qui précèdent la seconde guerre mondiale, d'une vision du monde qui permet d'étudier le machinisme industriel selon les modalités de Friedmann lui-même, loin des enthousiasmes de la technocratie et du ludisme intellectuel des adeptes de la crise. 2

2. Le contexte

Pour caractériser le contexte dans lequel Friedmann intervient, nous utiliserons cinq thèmes très répendus à l'époque

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-et qui sont particulièrement en rapport avec les positions du futur sociologue du travail industriel: a) l'anti-américanisme; b) l'anti-machinisme; c) le parallélisme entre l'Amérique et la Russie; d) le mythe du corporatisme; e) l'idée du crépuscule de

1 'Occident.

a . En 1930, un livre de Georges Duhamel - aujourd'hui complètement oublié - paraissait sous le titre Scènes de la vie future. L'auteur, de retour d'un séjour aux Etats-Unis, rapportait les impressions que l'impact avec le Nouveau Monde avait suscité

en lui: ce sont des sensations de peur et de dégoût envers la tentative la plus parfaite d'industrialisme que l'histoire ait

jamais connue et que la conviction que l'Amérique représentait sur une grande échelle le futur de l'Europe ne faisait qu'amplifier.

Comme pour d'autres voyageurs européens, parmi lesquels on

trouve aussi Bertold Brecht, les abattoirs de Chicago apparaissaient à Duhamel comme le symbole même du travail mécanisé, d'une dépersonalisation des fonctions poussée à l'extrême là où le travail à la chaine s'effectuait au milieu des cris macabres et réguliers des animaux .

Mais la technique ne trouvait pas seulement son application dans les usines: elle envahissait peu à peu les habitudes de la vie, les moeurs, les formes de sociabilité, les divertissements. Nous voici donc en présence des pages virulentes que Duhamel consacre au cinéma, art dégénéré et montrueux, que le progrès de la technique ne faisait q u ' él ,xg:u.r toujours plus de tout art authentique5 .

Il existe des textes qui, seulement à tort, peuvent susciter l'illarité: c'est bien le cas de ces Scènes de Duhamel, une des dénonciations les plus explicites et parfois les plus pathétiques du futur menaçant que l'Amérique représentait pour l'Europe. Cependant, si nous en parlons c'est précisément pour leur valeur exemplaire et parce nombreux furent les auteurs qui, dans la

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-France des années Trente, partagèrent, pas toujours avec la même

violence de ton, les opinions de Duhamel. Pour ne citer que quelques noms, on trouve Firmin Roz, Paul Achard, Régis Michaud, René Puaux, Léo Ferrero, André Siegfried, André Maurois (le plus modéré d'entre eux)6 . Qu'est-ce que l'anti-américanisme français, assez proche dans les argumentations générales de l'anti­ américanisme européen et souvent d'autant plus violent qu'il était mal informé, reprochait-il aux Etats-Unis7? Il reprochait à l'Amérique le trait qui la définissait par antonomase: une jeunesse qui d'un côté signifiait force et vitalité mais pouvait également être identifiée avec l'absence de traditions et la barbarie. Pays sans histoire, dépourvu de ces raffinements de l'esprit et du goût que seul un long passé réussit à produire,

l'Amérique se laissait complètement définir par le terme de "modernité". Si les derniers arrivés sur la scène du monde étaient dépourvus du bon goût et de la conscience historique, ils ne leur manquaient certainement pas tous les instruments pour devenir la première puissance mondiale. L'industrialisation appliquée de façon systématique, les méthodes de rationalisation industrielle, la volonté impérialiste qui naît de la recherche des marchés à envahir rendaient l'Amérique menaçante pour l'hégémonie économique européenne. Mais le danger se faisait plus grand lorsque la réflexion se déplaçait sur la “philosophie", sur les visions du monde que la domination incontestée de l'industrie sur la vie avait engendré: il en était ressorti un matérialisme sans but (c'est là un reproche constant), le pragmatisme au sens de l'adoration des faits, le privilège de la quantité sur la qualité, la disparition des valeurs spirituelles, la dissolution de ce bien précieux qui pour l'homme devrait être l'intériorité. La perte de l'hégémonie européenne apparaissait alors comme la fin de la culture, de la morale, de la portion la plus élevée de ces valeurs que la tradition historique avait accumulée, et pouvait même se présenter comme la fin tout court.

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-b ■ La dénonciation du danger américain peut être considérée comme un cas particulier du courant anti-machiniste.

Après une phase où la science et la technique étaient apparues non seulement appréciables en soi, en tant que conquête de l'humanité, mais encore bonnes et même naturellement bonnes, et donc porteuses de pouvoir sur les choses, de bien-être, de bonheur, on était entré après la première guerre mondiale dans l'ère de la désillusion la plus profonde sur la valeur de la science et de ses effets. Au lieu de s'associer spontanément à des images de seigneurie sur le monde environnant, la science évoquait la destruction, les armements, la mort. Même la technique, dans ses

applications pacifiques, ne présentait plus un aspect bénéfique: en reprenant les accusations de Carlyle, de Ruskin, de Morris, la

domination de la nature apparaissait comme une violence, l'industrialisme comme la pire des inventions que l'humanité ait jamais engendrée à son dépens. La technique apparaissait comme l'instrument de torture de la nature, l'instrument diabolique qui dissolvait toute communauté entre l'homme et la création en portant à considérer le monde comme un objet; c'était enfin l'invention d'une espèce qui sentait ses capacités vitales s'affaiblir et cherchait à remédier à cette perte par la création

d 'instruments.

Mais la science moderne (à laquelle la technique était étroitement liée) n'avait pas plus de mérites: les théories de Bacon, de Galilée, de Newton n'avaient rien à voir avec l'aventure de l'intellect dans des domaines purs et abstraits et manifestaient plutôt une grande arrogance dans la manière de procéder et un lien obligé avec l'application pratique. Si la science est vraie, elle doit fonctionner; il y a même plus, la science naît pour fonctionner. La guerre et le contrôle des naissances semblaient deux exemples probants du caractère nuisible

de la science et de ses applications.

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-C'était précisément dans l'industrie, là où l'on pensait en célébrer les plus grands triomphes que l'on pouvait toucher du doigt tout le caractère nuisible de ces applications. On aurait dit que le chemin de l'industrialisation sur lequel, hélas, l'Occident s'était engagé ne pouvait réserver aucune surprise

. . . 8 positive .

Louis Rougier (un auteur représentatif de ces thèmes et de ces inquiétudes) affirmait que "la Machine sacrifie des valeurs de

g

civilisation" qu'il fallait au contraire préserver. En exprimant une opinion très répendue, Rougier minimisait l'efficacité de la "discipline des inventions" que Jacques Duboin, parmi d'autres, avait proposéx : pour se sauver de la primauté de l'économie et de la domination de la machine, il fallait bien d'autres disciplines,

bien d'autres élans, bien d'autres idéaux supérieurs1 1 .

c . La dénonciation de ce danger, considéré très proche et du

reste déjà mis en oeuvre en Amérique, nous conduit directement à affronter le troisième thème que nous avons choisi pour caractériser le contexte d'idées à l'intérieur duquel Friedmann évolue: il s'agit du parallélisme institué entre l'Amérique et la Russie sur lequel il est utile de s'arrêter un instant. D'après les partisans de cette thèse, la ressemblance progressive entre les deux pays s'effectuait sur la base de deux éléments qui servent à annuler toutes différences, pourtant en apparence considérables, de régime politique. D'un côté la Russie, comme l'Amérique précisément, appliquait le taylorisme et le scientific management, portait la technique au pinacle, menait une application systématique de l'industrialisme dans tous les secteurs de la production et dans tout le pays. D'un autre côté, en Amérique, tout comme en Russie, la dictature de la société sur

les individus se faisait toujours plus évidente: il s'agissait de ce collectivisme de fait, de ce communisme du mode de vie dont le pays de l'individualisme par excellence semblait devoir être la

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négation . Pierre Drieu La Rochelle écrivait: "Capitalisme et

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-Communisme sont nés ensemble d'un même développement économique; la nécessité de leur jumelage s'explique par le même signe, la Machine. L'un et l'autre sont les enfants ardents et sombres de

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l'industrie" . Pour Drieu La Rochelle comme pour Celine (qui de cette façon exprimait plus clairement les position de beaucoup

d'autres auteurs), l'expérience russe n'était que le "brouillon" de la tradition bougeoise de l'Europe si vitupérée, d'autant plus décevante qu'elle brûlait les étapes sur la voie de l'industrialisation dont l'Occident expérimentait les pires conséquences.

Quelle différence pouvait-il donc encore subsister entre

l'Amérique et la Russie dans le contexte d'une homologation qui envahissait toute la planète et qui se réalisait au plus bas niveau possible, celui du confort généralisé, de la confiance naive dans le progrès technique, du dédain pour tout ce qui

n'était pas quantifiable? Drieu La Rochelle affirmait: " La Russie a seulement rejoint l'évolution démocratique européenne à son point extrême de. développement, 1'américanisme.(...) L'américanisme est une expérience européenne (...) Il y a plus de communisme secret et véritable en Amérique qu'en Russie."15

Sur ces derniers mots, nous voici donc arrivé au second aspect de la considération de l'Amérique et de la Russie comme les deux revers d'une même médaille: il s'agit de la découverte, dans la vie américaine, d'un communisme dicté précisément par l'uniformité des produits et des habitudes de la civilisation industrielle,

d'un étouffement des différences individuelles sous les exigences d'une société abstraite devenue despotique. Pour reprendre les termes de Duhamel, celui-ci affirmait en s'adressant aux américains: " Vous avez, poussés par les circonstances, mis en pratique le communisme bourgeois."16I1 traçait un tableau en demi- teintes où il n'existait plus un peuple mais un système de lois, d'institutions, de préjugés et de mythes à l'intérieur duquel les hommes apparaissaient "comme des purs idéogrammes, comme les

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-signes d'une civilisation abstraite, algébrique et pourtant déjà

fabuleuse." .

d. Tous les thèmes auxquels nous nous sommes référés jusqu'à présent, y compris le dernier c'est à dire l'idée du crépuscule de l'Occident, étaient soutenus par des personnalités très différentes les unes des autres et qu'il est donc délicat de classer sous une même étiquette. On retrouve tous ces thèmes, avec une cohérence qui manquait au contraire aux partisans isolés, dans ce vaste panorama de groupes, revues, cénacles qui dans la France

des années Trente représentait la droite radicale1^. Le comportement à adopter était totalement défini en négatif: le contexte existant étant "le désordre établi", une absence profonde de principes valables qui s'était figé en système. Libéralisme, démocratie...: de vieux mots qui avaient conduit à la dictature la plus oppressive que l'on ait jamais mise en oeuvre, celle qui était soutenue par la volonté anonyme générale. Le règne de l'argent, comme Charles Péguy l'avait désigné, était libéré de toute entrave et dominait la vie des hommes en les réduisant à peu de chose, tous homologués dans leur impuissance. Une révolution était donc nécessaire, mais une révolution qui n'aurait rien à voir ni avec celle de '89, ni avec les soi-disant révolutions socialistes. Mais, du reste, que pouvait-on attendre d'une classe ouvrière composée de petits-bourgeois (Sorel dicebat) dont l'unique élan était la rancune et le seul objectif renverser en sa faveur l'inégalité? La politique ne suffisait plus à réaliser une

véritable rupture par rapport à la situation existante. Le monde contemporain avait perdu cet ensemble de valeurs, de principes, d'élans spirituels qui seuls pouvaient définir l'homme comme être humain. Aussi, la révolution devait être avant tout une révolte intérieure, une reconquête des valeurs perdues, un certain penchant des coeurs, une méditation de l'homme sur ses limites et

sur l'ordre objectif qui régissait les choses. La devise "révolution pour l'ordre", en effet, ne se référait pas tant à un

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-ordre socio-politique qu'il faudrait restaurer, mais plutôt à la

hiérarchie essentielle qui sous-tendait la réalité.

La restauration à laquelle la Jeune Droite pensait était bien plus radicale que celle de la droite conservatrice de l'époque (représentée, par exemple, par l'Action Française): la destruction du présent état de fait, destruction violente et sans appel, était guidée par le mirage d'époques très éloignées de cette modernité si blâmée (tout ce qui précédait la Révolution française, l'époque des Lumières, tout ce qui se situait avant le XVIIe siècle avec sa science et son rationalisme). Dans certains cas, pour Drieu La Rochelle entre autres, c'était la nostalgie pour "l'enfance du monde", pour une espèce d'âge d'or paien antécédant à l'histoire qui guidait cette destruction; pour d'autres, c'était l'appel à des époques organiques de l'histoire du monde où la religion avait transmis ses valeurs à la vie de la communauté: c'était le cas des catholiques lorsqu'ils faisaient référence au Moyen Age,, et cela explique l'adhésion d'Emmanuel Mousnier - avec la revue

Esprit - à de tels thèmes.

Ce que les "non-conformistes" criaient sur tous les toits était à peine sussuré à mi-voix par un groupe plus vaste et plus modéré d'intellectuels.

On peut dire la même chose à propos du corporatisme: l'argument se prêtait parfaitement à accueillir le mécontentement et les irritations que la division de la société en classe, la crise du capitalisme, le système de consommation, ce que l'on appelait l'anarchie du monde bourgeois suscitaient. La curiosité et l'attirance envers les exemples étrangers étaient grandes, en particulier pour l'exemple italien : elles poussaient à remplir des livres entiers de pétitions de principe, vu que le corporatisme italien était, en réalité, à peu près inexistant. En général, on opposait à toutes les réalisations (criticables sans exception dans un sens ou dans un autre) la doctrine du véritable corporatisme, authentique et français, contenue dans la tradition

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-de pensée qui débutait avec La Tour du Pin et Albert De Hun. Mais, mis à part ceux qui s'intéressaient à la question en ayant une certaine compétence en économie, on est étonné de constater à quel point le corporatisme permit à de larges couches de 1'intelligentzia (les incompétents en la matière, auxquels on se référait) d'exprimer une opinion sur les vices du capitalisme ou de la libre concurrence et de proposer des solutions: c'est ainsi que le thème du corporatisme devient le vecteur non seulement de tendances autoritaires plus ou moins accentuées, mais également de la critique (bien plus vague) contre l'atomisme social, le règne de l'argent, la domination de l'industrie que nous avons individualisée comme étant très nettement propre à la Jeune Droite.

e . Dans les secteurs, peu homogènes entre eux, que nous avons indiqués au fur et à mesure, l'idée que l'Occident était parvenu à l'heure du déclin circulait et se représentait avec insistance, de façon répétée et presque obsessionnelle. Un crépuscule de 1'Occident, plus pour l'avoir entendu que pour l'avoir lu, suggérait que la conception progressiste de l'histoire devait être refutée et remplacée par le schéma cyclique de naissance- développement-mort de la civilisation (comme l'avait démontré Spengler). L'époque contemporaine n'était pas à l'apogée, dans une phase de jeunesse (une jeunesse permanente même si elle était toujours portée vers l'avant selon l'idée de progès); elle présentait plutôt tous les symptômes de la vieillesse qui précède la mort de peu.

Nombreux furent ceux qui, guidés par un pessimisme historique, lurent sur le visage de l'Occident les signes d'un vieillissement, qui dénoncèrent le mal de leur époque et qui annoncèrent des catastrophes imminentes et régénératrices. Paul Valéry avait donné le coup d'envoi lorsque, en 1919, il écrivait: "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes

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mortelles" . Dans les années suivantes, cette tendance devint une façon très répendue de se représenter son propre temps20.

Pour cette pensée apocalyptique, tous les phénomènes les plus remarquables du monde contemporain pouvaient être vus en terme de crise de la civilisation, de repli de l'esprit européen, de décadence des valeurs: la bureaucratie grandissante et la rationalisation industrielle, la technique appliquée à l'art et la crise démographique, l'anonymat de la vie sociale et l'absence de communication entre les hommes, la laicité et la suprématie de l'économie, la production en série et les campagnes électorales, le développement de l'urbanisme et la crise de surproduction. Tout

ceci évoquait la déshumanisation de l'homme et la fin du cycle historique.

On peut difficilement rendre compte en quelques lignes du ton sinistre et des effets souvent suggestifs qui caractérisaient les dénonciations du mal de l'époque, les essais sur l'inquiétude d'une génération, toute cette insistance sur des termes comme

précarité, troubles, délabrement, fin, agonie: qu'il suffise d'évoquer les thèmes de ces réflexions et souligner leur extrême diffusion dans la France des années Trente.

3. Démasquer le corporatisme.

Le tableau que nous avons dressé nous permet de donner une première explication sur les motivations qui amènent Friedmann à passer rapidement des polémiques internes au mouvement socialiste européen à l'enquête sur d'autres thèmes (qu'il s'agisse de l'irrationalisme, du fascisme, de la technique ou de l'Union

Soviétique), à d'autres secteurs qu'il privilégie dans son analyse. Tout en tenant compte d'une certaine différence entre les tribunes "intellectuelles" et les rribunes "politiques" où Friedmann intervenait, les positions et le langage qu'il utilise sont typiques des communistes de l'époque qui s'inspirent de

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l'orthodoxie marxiste . Par la suite, en revanche, l'ennemi

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-politique à abattre n'est plus le réformisme social-démocratique mais le front morcelé et aguerri du profascisme français: des groupes les plus politisés comme les Croix-de-feu ou les néo­ socialistes de Marcel Déat en passant par les "opuscules" de droite (ceux de la Jeune Droite) à grandes prétentions intellectuelles. Le tournant est marqué par les évènements du 6 février 1934; l'argument qui pousse Friedmann à intervenir est le corporatisme.

Sous le coup de la "tentative de putsch fasciste" (comme il la définit), Friedmann remarquait que les projets et les débats pullulaient autour de l'idée corporative et ceci pas uniquement dans les milieux de droite mais également dans le monde

politico-,

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idéologique de la gauche

Friedmann n'était pas victime des ambiguités qui caractérisaient certains secteurs de la gauche; il était également

insensible au charme que le corporatisme exerçait dans ces années -là sur une bonne partie des intellectuels qui ne s'identifiaient pas à première vue dans un credo politique précis. De même, il se situait en retrait par rapport aux objectifs que Julien Benda (qui opposait un "idéalisme créateur" à leur empirisme vulgaire) faisait aux corporatistes français . Dans cet article de 1934, Friedmann exposait en fait les positions de la gauche qui se voulait "classique", traditionnelle, orthodoxe et pour qui "le

corporatisme est l'élément le plus actif de l'idéologie fasciste". "Il est le meilleur véhicule de la propagande parmi certains éléments non conscients des classes moyennes et du prolétariat,

24 ouvrier ou paysan"

Si le corporatisme et le fascisme étaient pieds et poings liés, le corporatisme fasciste et la charte du travail apparaissaient - dans le livre de Louis Rosenstock-Franck que

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Friedmann jugeait excellent - ni plus ni moins que des moyens pour supprimer le syndicalisme libre dans le cadre général d'une diminution des salaires . Friedmann mettait très justement en

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-relation la passion pour le corporatisme qui semblait avoir envahie la France et la "mode" qui consistait à déclarer sérieusement (comme le faisait Marcel Déat) que le fascisme avait de fortes chances d'évoluer vers un socialisme national.

Friedmann voyait dans la diffusion en France d'idées corporatives fumeuses un moyen facile d'être anti-capitaliste: facile mais aussi contradictoire dans la mesure où la conséquence effective du corporatisme était, de fait, la suppression des seuls instruments de défence que les ouvriers avaient su conquérir. Pour

cette raison, le corporatisme le plus dangereux était le corporatisme de gauche (il pensait aux néo-socialistes), alors

que, pour la même raison, le corporatisme devait représenter en France l'objectif privilégié du combat idéologique contre le , . 27

fascisme

Friedmann pensait, à raison, que le "colloque franco-italien d'études corporatives" qui s'était tenu à Rome en mai 1935 avait justement insister sur le thème de l'anti-capitalisme pour tenter

de raviver des sympathies qui, selon lui, étaient en train de se tiédir. Il n'en restait pas moins que la réalité des salaires italiens, les plus bas en Europe, parlait plus clairement que Rossoni et Spirito.. Mais le corporatisme se révélait alors une arme dangereuse de conquête du fascisme à l'étranger et en ce sens

« - 29

devait etre un objectif de la lutte idéologique . Avec ces reflexions, Friedmann venait à la rencontre de ceux qui, français ou italiens, avaient constaté avec stupeur comment, à Rome, les étrangers étaient tombés dans la trappe en réagissant avec curiosité, sympathie, souvent même avec enthousiasme à

l'exaltation instrumentalisée d'un corporatisme anti­ capitaliste30 .

4. Les machinoclastes.

Si nous passons de la bataille politique (entendue, comme nous l'avons vu, pas seulement dans le sens strictement politique), à

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-la bataille des idées, nous trouvons que les adversaires de Friedmann se cachent sous les traits des "machinoclastes" - comme Ilya Erhenburg définissait Georges Duhamel, l'un d'entre eux ^1- c'est à dire de tous ceux qui attribuaient à la technique une valeur négative. Qu'ils se réfèrent au phénomène général du machinisme ou qu'ils affirment l'identité subtentielle entre capitalisme et socialisme, les critiques de la technique lui attribuaient la capacité de traverser sans encombre les formes sociales et politiques les plus variées; ils la voyait en plus douée d'une vis propria, d'une force intérieure capable d'orienter tout ce à quoi elle s'appliquait dans une même direction, uniforme et mortifiante. Pour Friedmann, c'était un critère d'appréciation exactement opposé qui avait une valeur, sur la base duquel il était permis de distinguer le "bon” machinisme, progressiste, du "mauvais", réactionnaire et bourgeois. Friedmann, en bref, soutenait la thèse selon laquelle il ne fallait pas condamner les machines en soi alors qu'il fallait condamner l'utilisation

capitaliste des machines.

En effet, lorsque, en 1936, il esquissera sa précieuse histoire des fastes et des déboires de la science et de la technique de la fin du siècle jusqu’à son époque, en l'introduisant dans l'histoire du changement d'attitude envers

. . 3 2 .

l'idee de progrès , Friedmann opposera a 1'anti-machinisme

décadent (largement répendu dans une bourgeoisie qui ne conduit plus la marche en avant de l'humanité) la foi dans la science et dans les applications pratiques de la technique qui avait trouvé refuge dans la Russie socialiste et, en Occident, dans la classe ouvrière. Si le sort de l'Amérique lui semblait dans les mains des technocrates (vue la rupture bourgeoise entre la technique et

l'évolution de la civilisation), le fait que la Russie repropose des idéaux qui auparavant avaient été ceux de la bourgeoisie, et

le culte de la technique ne suscitait en lui aucune perplexité à cause de ses convinctions sur la valeur de la technique et sur le

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-caractère non-neutre de son utilisation. Il s'agissait du passage

du flambeau de la civilisation de la part d'une classe épuisée à une classe jeune qui réalisait le socialisme selon ce que Marx avait prévu.

La thèse centrale de La crise du progrès (que Friedmann soutiendra également au "Congrès international des écrivains pour la défence de la culture" en mai 1 9 3 5 ^ ) soutenait que les intellectuels avaient abandonné les idéaux qui avaient été ceux de la bourgeoisie triomphante (liberté, justice sociale, science et raison), et que le premier à être tombé était précisément la machine. Pour cette raison, la coincidence entre la désaffection diffuse pour le machinisme et l'aggravation de la crise du capitalisme prenait tout son sens: la machine était le bouc émissaire de "l'effroyable faillite de la dignité humaine dans la

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civilisation de la bourgeoisie" . Cependant - selon Friedmann - il fallait observer que la machine (et encore moins la Machine) n'existait pas, à la différence des machines diverses et variées,

pour être prêt à reconnaître la grande valeur libératoire qu'elles portaient en elles. Il était nécessaire d'adhérer au progrès des techniques qui soulageaient l'homme des travaux lourds et indignes et de développer l'automatisme des machines. Il était cependant vrai que tout programme technocratique devenait vain une fois qu'il était inséré dans des systèmes sociaux où la technique était encore soumise au profit. Seule l'utilisation sociale des machines pouvait donc justifier l'affirmation selon laquelle la technique est contraire à la dignité de l'homme.

Ailleurs^5 , Friedmann accordait une plus grande importance à la première guerre mondiale et à la découverte que la technique pouvait être utilisée dans un but destructif, en relation avec le bouleversement des rapports entre l'homme, la technique et la nature qui était advenu, avec la résurgence de la peur de la

machine, avec l'angoisse que l'homme avait éprouvé envers son futur mécanisé. © The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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-Le lien étroit qui unit les thèmes propres de La crise du progrès avec la suite de l'oeuvre de Friedmann émerge clairement. Selon notre auteur, en effet, c'était sur ce problème que l'avenir des science de l'homme s'ouvrait. En découvrant les lois de cette "nature sociale"'*5 qui nous pose tant de problèmes et qui nous est

si mal connue, la psychologie, l'ethnologie, l'histoire, l'économie et la sociologie pouvaient construire un réseau de disciplines capables de rendre compréhensible ces transformations fondamentales de la société technicisée (et dissiper ainsi la peur

qu'elles engendraient) alors que désormais une seule discipline était incapable de le faire.

5."Au bénéfice de la cause humaine".*37

En laissant à un futur indéterminé la tâche d'enfermer dans le réseau interdisciplinaire la réalité mécanisée, Friedmann trouvait la confirmation de sa conception sociale de la technique dans l'utilisation positive, humanitaire que l'Union Soviétique en

faisait, là où la recomposition entre la main et la pensée, entre la machine et la société s'était réalisée. Les positions de Friedmann sur le "socialisme réalisé" s'opposaient directement à l'idée du parallélisme entre la civilisation américaine et la civilisation soviétique; elles s'y opposaient non seuleemnt de par ses convinctions politiques mais également (et peut-être surtout) sur la base de la valeur potentiellement libératoire accordée à la technique et à la thèse de son sens socialement conditionné. "Le socialisme - affirmait Friedmann - (...) pourra seul arrêter les ravages de la Machine, aujourd'hui anarchique, et la mettre au

37 .

service de l'homme" . La solution russe se présentait d'ailleurs comme le seul moyen possible d'échapper à "l'américanisation" de la vie.

Lorsqu'en 1934 il reprend la question dans ses Problèmes du machinisme en U.R.S.S. et dans les pays capitalistes, Friedmann

insiste sur la solution positive que le marxisme (dans la théorie)

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- 17

-et le socialisme (dans la pratique) proposaient face aux problèmes de la science et de la technique; non seulement ces problèmes étaient indissolubles à l'intérieur du capitalisme, mais ils donnaient aux réactionnaires européens l'occasion de- critiquer l'industrialisme et le machinisme en tant que tels et de placer sur le même plan l'effort industriel de la Russie et le développement incensé de l'Occident. L'Union Soviétique n'avait

pris du taylorisme et du fordisme que les meilleurs aspects, susceptibles d'élever le train de vie et les capacités globales des gens: "L'U.R.S.S. a pris pour point de départ de son organisation du travail le taylorisme mais dûment analysé, critiqué et débarassé de tout ce qui en lui était organiquement lie a un système de profit" . Un système social différent modifiait la science et la technique qu'il utilisait.

Parmi les intellectuels qui confondaient américanisme et communisme, André Gide est sans doute le plus éminent: avec son. Retour de l'U.R.S.S. de 1936 et les Retouches de l'année suivante, Gide avait été le porte-parole de la désillusion de ceux qui voyaient se perpétuer les plus grandes misères de l'Occident sous couvert de la Révolution du peuple. Sa dénonciation d'une oppression psychologique que l'anonymat ne rendait pas plus supportable, d'un nivellement orwellien dans le malheur, de la laideur proto-industrielle des villes et des choses était d'autant

plus spectaculaire qu'elle venait de la part de l'écrivain qui, quelques années auparavant, s'était publiquement converti à la cause du socialisme. Pour Gide, la critique de l'absence de liberté (qui deviendra ensuite la critique classique envers la Russie) s'ajoutait à la surprise de constater que, à l'exception de la liberté - qui n'existait plus - tout continuait comme avant: et tout ce qui représentait une nouveauté était indiscutablement p i r e .

Ceci suffit a expliquer la réplique de Friedmann , où la question méthodologique - pour laquelle tous les aspects du réel

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- 18

-se tiennent et l'on ne peut juger l'un d'entre eux sans considérer les autres - accompagne le jugement politique: même si ce qu'il avait écrit était vrai, Gide l'avait fait d'une façon et dans une période mal à propros, ce qui pouvait objectivement le transformer en une erreur. En outre, le point de vue de Gide était celui d'un moraliste et d'un psychologue sur des questions qui nécessaitaient au contraire l'attitude et la compétence d'un historien. Du reste, Friedmann avait déjà pris position de façon explicite sur l'argument: dans La crise du progrès (qui paraissait la même année que le Retour de l'U.R.S.S.), il avait en effet déclaré que l'idée de progrès avait trouvé refuge en Union Soviétique, que le socialisme croyait dans la démocratie, dans la raison et dans la science, que l'ouvrier soviétique manifestait des ressources cachées (d'où le stakhanovisme) et que dans la classe ouvrière de la Russie actuelle la confiance dans le progrès des techniques

« , , 4 0

comme instrument de bien-etre et de culture s'était manifestée Mais la véritable risposte à l'idée du parallélisme entre la planification soviétique et le fordisme ne devait paraître qu'en 1938 avec De la Sainte Russie à L ' U . R . S . S . ^ .

6. Machinisme et capitalisme.

Fiedmann opposait à l'anti-américanisme, à l'identification entre l'Amérique et la Russie sous le signe du fordisme, des distinctions d'autant plus nettes que ces condamnations et ces ressemblances lui semblaient approximatives. Lorsque, dans une des

. . , 42

premières occasions ou il s'y interesse , Friedmann fait allusion à l'américanisme qui occupe les esprits de tant de ses

contemporains, c'est pour lui opposer un futur socialiste. Dans les prévisions de Cournot (datant du milieu du XIXe siècle) d'une époque à venir de l'humanité où la mécanisation aurait régné, Friedmann lisait "les principales objections de nos contemporains contre l'américanisation qui simplifie, sacrifie ce qu'il y a de

. . - 43

varie, de complexe, de précieux dans l'homme et ses activités" ;

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-au pessimisme abstrait de Cournot - identique à celui des anti- américanistes - il opposait le succès souhaitable "d'une organisation sociale, fondée en raison dans ses assises les plus profondes, et qui ouvre néanmoins à l'homme un champ libre de vie,

44 de jois et d'instincts"

En ce qui concernait l'Amérique, en fait ce pays n'était pas criticable en tant que pays machiniste mais en tant que pays

capitaliste. Et pourtant Friedmann voyait très clairement ce que les anti-américanistes dénonçaient: "cette effroyable usure et mécanisation de l'homme qui est la caractéristique, à travers toutes les classes sociales, de la rationalisation américaine (...), cette absorption jusqu'alors réalisée nulle part, à ce point, des êtres, des éléments et des conditions naturels par

45

l'artifice et la fabrication." .Un homme comme Paul Morand qui acceptait tout ceci sereinement lui apparaissait comme le représentant en toute mauvaise foi d'une bourgeoisie qui respecte, l'efficacité industrielle et les développements de la rationalisation, et qui est prête à placer tous ses espoirs dans l'Amérique capitaliste en cas d'une agression, mythique, du bolchevisme contre l'Europe.

D'un autre côté, un homme comme Georges Duhamel (que nous ne sommes pas la seule à avoir pris comme symbole) qui attribue toute la responsabilité de la misère humaine à la Machine, lui semblait pécher par ommission: de cette manière, on oubliait le système social à l'intérieur duquel les machines étaient intégrées et qui conditionnait bien de près leur utilisation et leurs effets.

De même que Morand représentait bien une grande bourgeoisie

industrielle et diplomatique, "dans la négation de l'Amérique, Duhamel manifeste une attitude caractéristique: celle de la petite

bourgeoisie française, nourrie d'humanités, de culture gréco- latine d'introspection et de vie intérieure, en face de la civilisation industrielle et du prodigieux essor de la Machine aux

46 ,

Etats-Unis" . En realite, on ne pouvait faire valoir aucune

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-20

-différence appréciable entre la civilisation américaine et la civilisation européenne (à moins de tomber dans une "psychologie des peuples" un peu facile), s'il était vrai que toutes deux participaient des vices et des détournements d'un capitalisme inhumain et rapace :"L'Amérique offre simplement le modèle le plus accusé d'une certaine civilisation, de l'époque du capitalisme impérialiste, celle qui nous entoure et qui attend sa

, 47

denomination"

7. "One ligne complexe qui va de Spinoza à Marx".

Il s'agissait une fois encore de thèses qui allaient converger dans La crise du progrès. Cependant, dans ce texte, Friedmann va réaliser une opération plus ambitieuse et qui, à notre avis, fait de Friedmann l'épigone français, avec vingt ans d'avance, de Gyorgy Lukacs lorsqu'il publira La destruction de la raison, un texte bien plus célèbre et commenté. Quelle est donc la thèse centrale du livre de Friedmann? A partir d'un certain moment, la bourgeoisie a abandonné les idéaux qui avaient été les siens: tout comme l'idée de progrès, la confiance dans la raison en tant q u 'instrument privilégié de la connaissance était perdue. "La raison avait été l'arme de la bourgeoisie révolutionnaire. Les droits de l'homme, l'égalité, la liberté politique étaient des postulats abstraits de la Raison" . Mais le rationalisme fut

décapité avec Robespierre; "Le Thermidor de la philosophie bourgeoise rationaliste se préparait dès 1794". Après avoir dompté et vaincu les forces du féodalisme et de l'Eglise, la bourgeoisie avait réalisé qu'entre temps le prolétariat organisé en syndicats et en partis était né et s'était développé. La bourgeoisie s'était adonnée à un irrationalisme dont le bergsonisme et la critique de

la science constituaient la variante française, le pragmatisme la variante américaine, le pluralisme la variante anglaise, alors qu'en Allemagne les philosophies de la vie avançaient dans la même

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-Cette description de la banqueroute du rationalisme bourgeois ne rappelle pas Lukacs seulement par le ton que Friedmann emploie pour la décrire, ni même par le lien qu'il établit entre la philosophie et la société. Il faut observer plutôt que les noms prononcés sont les mêmes: pour Friedmann comme pour Lukacs, Nietzsche est la bête noire (vu que le premier auteur, contrairement au second, ne remonte pas plus haut), alors que l'on rencontre plus ou moins ouvertement des formes d 'irrationalisme dans la philosophie de Simmel, de Husserl, de Scheler, de Heidegger50, de Spengler, de Keyserling, de Jaspers, de Berdjaev, de Kiekegaard-Renaissance, en un mot dans pratiquement toute la philosophie contemporaine5 . Mais Friedmann ne critique pas seulement l'étreinte mortelle entre la bourgeoisie et 1'irrationalisme : exactement comme Lukacs, il établit un "bon" courant de pensée qu'il oppose à l'autre, un courant de pensé tout aussi bourgeois mais qui est l'expression d'une bourgeoisie progressiste.

C'est la direction qui, depuis Descartes, réconcilie la philosophie avec le sens commun:"Il (Descartes) a permis en fait à la réflexion proprement philosophique (...) de se tourner de plus en plus consciemment vers notre existence concrète et d'apporter sa contribution, à travers une ligne complexe qui va de Spinoza à

> 5 2

Marx, a l'humanisme d'hommes 'purement hommes'"

Dans La crise du progrès, il y avait plus: on trouve côte à côte la thèse classique selon laquelle le marxisme est l'héritier des valeurs les meilleures que l'histoire de l'humanité ait produites outre la philosophie allemande classique, et l'appréciation, naturelle, non seulement de la philosophie du XVIIe siècle et du siècle des Lumières, puis celle de Hegel, mais également du positivisme de Spencer55 et de Comte (beaucoup moins, en revanche, du monisme matérialiste de Buchner et de Haeckel), de Renan des premiers temps, de l'Ecole sociologique de Durkheim. En

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-fait, toute la pensée bourgeoise encore liée à la possibilité de dominer le monde au moyen de la Raison et de la science.

Pour Friedmann, le "mercredi des Cendres du subjectivisme parasitaire" de venait la philosophie de Henri Bergson: dans une

. • 54

analyse très proche de celle de son contemporain Georges Nizan , Friedmann écrivait que, dans la France de l'après-guerre, Bergson avait jouer le rôle que Spengler et Keyserling avaient eu en

Allemagne. Philosophie de l'introspection, de la mystique de l'instinct, du lyrisme cosmique, le bergsonisme ne possédait pas de "sagesse" mais "prudence, conformisme, honneurs"55. Il répondait parfaitement aux exigences d'une société déséquilibrée, à celles d'une bourgeoisie de plus en plus étrangère au rationalisme5 5 .

Avec une interprétation qui pouvait pécher par simplisme mais certes pas par clarté, qui pouvait être accusée de mécanisme excessif dans le lien établi entre les philosophies et leur époque, Friedmann ramenait toute la culture de la crise à la transformation de la bourgeoisie de classe progressiste qu'elle était à une classe réactionaire, aux craintes petites-bourgeoises sur la prolétarisation et les menaces contre le statut social existant. De Péguy à Duhamel, de Carrel à Spengler, les lamentations sur la décadence de l'Occident et la disparition des valeurs révélaient toutes une doctrine inexistante, un

spiritualisme inférieur, un éclectisme idéologique surprenant. En réalité, ce que ces plaintes témoignaient durablement, ce n'était pas du tout les menavces de la technique ou de la raison en tant que telles - comme ils le prétendaient - mais simplement une angoisse face à la civilisation capitaliste; une angoisse d'autant plus grande qu'elle était le fait d'intellectuels qui

appartenaient totalement à cette civilisation (et ne voyaient donc pas d'issues) et qui ne possédaient même pas les instruments adaptés pour la juger correctement.

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-Si ces lamentations n'avaient rien de nouveau, s'il était permis de se demander pourquoi elles avaient pris une telle ampleur dans les années Trente, Friedmann pensait devoir répondre que cela était dû aux effets de la crise de '29. Il exposait sa conception de l'histoire des idées (une conception "externaliste" dirions-nous aujourd'hu i ):"Car une oeuvre quelconque, même d'apparence la plus pure et dégagée des incidents du milieu, est écrite par l'homme d'une époque, pour les hommes d'une époque. Cette oeuvre signifie cette époque à sa manière et avec plus ou moins de richesse (...) Et l'époque rend en importance à l'oeuvre

57 ce que celle-ci a su y inclure de signification"

Si on l'appliquait à la culture de la crise, cela revenait à la ramener entièrement à un mouvement de réaction bourgeoise, à un effet pervers de la crise du capitalisme. Friedmann écrivait :" L 'importance donnée aux valeurs mystiques, la critique des formes excessivement intellectualistes et sectaires du rationalisme, ne datent pas des années 30(...) Mais un fait aussi lourd d'influences quotidiennes, tenaces, inévitables, que la

crise mondiale du capitalisme donne à ses tendances un épanouissement sans précédent. Elles acquièrent maintenant un sens, une importance pratique, un lien avec des problèmes concrets, qui leur manquaient précisément. Parties de cénacles, de revues, d'oeuvres touchant un public très restreint, elles gagnent l'intérêt de toute la bourgeoisie 'cultivée'"

8. Une méthode en formation.

Pour conclure ces quelques pages, il est nécessaire de souligner que, dans ces années-là, non seulement Friedmann formait ce jugement sur la valeur de la technique qui sera décisif pour les perspectives de ses futures recherches, mais il précisait également la méthode qui donne tout son sens à la direction des Annales, et que lui-même cherchait à mettre en oeuvre. Dans un

. . . 59 ,

essai que nous avons déjà cite , Friedmann avançait la nécessite

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- 24

-d'appliquer la dialectique à l'histoire des sciences, des techniques, de la société en mettant en exergue l'absurdité (outre le ridicule) d'étudier in vitro les sciences de l'homme et de la nature, isolées de tout le reste et même séparées les unes des autres. En partant de cette exigence méthodologique (qui au début était en relation avec le marxisme), Friedmann aboutissait à cette méthode interdisciplinaire qui avait pour but de "réunir en commun les matériaux de cette science unique de l'homme et de la société où toutes les recherches, comme l'avait vu Marx, viennent converger et se fondre"

Friedmann en appelait à une collaboration organique entre l'anthropologie, la linguistique, l'ethnographie, la sociologie; il en appelait à un échange fécond entre l'histoire, la géographie, la pathologie6 1 . C'est là que naissait l'intérêt pour l'anthropo-géographie, pour la géographie historique, pour les études non sectorielles des techniques, pour les croisements non intrinsèques entre disciplines différentes qui trouveront par la

suite une tribune influente dans les Annales. Même dans l'article sur Descartes que nous avons utilisé, il avançait la nécessité d'étudier ce philosophe dans le milieu total où il avait vécu et pensé, "aussi bien dans ces éléments scientifiques et religieux qu'économiques, techniques, sociaux et politiques6 5 . C'est à partir de ce point de vue plus complexe que Friedmann pouvait désapprouver l'interprétation de Borkenau selon laquelle Descartes était le philosophe de l'époque des manufactures, interprétation qu'il considérait comme un excellent exemple de mauvais marxisme

, 54

déterministe

9. L'équilibre difficile.

Si nous avons rappelé le contexte du débat d'idées à l'intérieur duquel Friedmann évoluait, ce n'est pas seulement pour démontrer - banalement - sa "présence à son époque" (contrairement à ce que Bergson pouvait affirmer65) ce qui n'aurait d'ailleurs

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- 25

-pas été nécessaire. Il fallait au contraire rappeler les termes des discussions aux accents parfois singulièrement enflammés et dont les positions étaient souvent très nettes, pour souligner que d'un côté Friedmann intervenait alors sur des thèmes très débattus et, d'autre part, pour mettre en évidence l'équilibre difficile de ses positions. Ce que nous définissons l'équilibre difficile que Friedmann élabore à travers ces débats est une sagesse, un humanitarisme, une mesure qui, aujourd'hui comme alors, semblent être si peu à la mode. En s'interrogeant sur cette non-actualité, qu'il nous soit permis d'émettre un doute: dépend-elle de l'accueil favorable dont les positions paradoxales ou extrémistes bénéficient plus facilement au sein des modes intellectuelles, ou du fait qu'en elle se cache une certaine part de devoir être, le désir que les choses ne soient pas aussi mauvaises qu'elles n 1 apparaissent?

Michela Nacci, Institut Universitaire Européen, Florence.

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-1. Dans ce numéro de la revue Bifur, Friedmann avait publié son essai "L'Amérique et la machine", p. 101-121.

2. Problèmes humains du machinisme industriel, Paris, Gallimard, 1946, trad. it. de B. Maffi Problemi umani del macchinismo industriale, Torino, Einaudi, 1971, p. XIII-XIV.

3. G. Duhamel, Scènes de la vie future, Paris, Mercure de France, 1930, p. 18.

4. Ibidem, p. 128.

5. Ibidem, p. 61 et 58.

6. Qu'il me soit permis de renvoyer à M. Nacci, "Un'immagine della modernità: l'America in Francia negli anni trenta", Firenze, EUI Working Paper n.86/217.

7. Sur la question, voir: M.H. Lewis, Les derniers jugements des écrivains traçais sur la civilisation américaine, thèse de doctorat, Poitiers, Ligugé, Aubin, 1931; H.S. Hughes, The Obstructed Path: French Social Thought in the Years of Desperation, 1930-1960, New York, 1966; W. Sommer, Die Weltmacht USA im Urteil der Franzosischen Publizistik 1924-1939, Tubingen, Mohr, 1967; K. Hubos, Cinq mirages américains. Les Etats-Unis

dasn l'oeuvre de G. Duhamel, J. Romains, A. Maurois, J. Maritain et S. de Beauvoir, Paris, Didier, 1972; D. Strauss, Menace in the West. The Rise of French Anti-Americanism in Modern Times, London, Grenwood, 1978.

8. Sur tous ces thèmes, cf. Tecnica e cultura della crisi (1914- 1939), M. Nacci (ed.), Torino, Loescher, 1982.

9. L. Rougier, préface à l'ouvrage de J.-L. Duplan, Sa majesté la machine, Paris, Payot, 1939, p. 13.

10. Cf. J. Duboin, Nous faisons fausse route, Paris, Ed. des POrtiques, 1932.

11. L. Rougier, op. c i t ., p. 20-21.

12. Cf. M. Nacci, "Due viaggi paralleli: la "scoperta" dell'America e della Russia", in L'occhio del viaggiatore.

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-Scrittori francesi degli anni trenta, Firenze, Olschki, 1986, p. 177-206.

13. P. Drieu La Rochelle, Genève ou Moscou, Paris, Gallimard,

1928, rééd. 1978, p. 233.

14. L.-F. Céline, Mea culpa, Paris, Denoel, 1937, trad. it. Milano, Guanda, 1982, p. 31.

15. P. Drieu La Rochelle, op. ci t ■, p. 257, 261. 16. G. Duhamel, op. ci t ■, p. 142; cf. aussi p. 67.

17. Sur la question, voir P. Andreu, "Les idées politiques de la jeunesse intellectuelle de 1927 à la guerre". Revue des travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques, II (1957), p. 17-30; R. Giradet, "Notes sur l'esprit d'un fascisme français", La revue française de la science politique, juill-sept. 1955; J.- L. Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années trente, Paris, Seuil, 1969; Z. Sternhell, Ni droite ni gauche. L'idéologie fasciste en France, Paris, Seuil, 1983; M. Nacci. "I rivoluzonari dell'Apocalisse. Società e politica nella cultura della crisi francese fra le due guerre", Intersezioni, IV, n.l

(1984), p. 85-123.

18. Cf. les interventions des français au "Convegno italo- francese du studi corporativi, Roma 1935", Dimensioni, sept.-déc. 1986, M. Nacci et A. Vittoria (ed.).

19. P. Valery, "La crise de l'esprit", in Variété, Paris, Gallimard, 1924, p. 8-49: p. 11.

20. Cf. H. Daniel-Rops, Notre inquiétude, Paris, Perrin, 1927, p. 50; E. Beri, Mort de la pensée bourgeoise, Paris, Grasset, 1929, p. 196-197; R. Aron, A. Dandieu, Le cancer américain, Paris, Rieder, 1931, p. 15-16.

21. G. Friedmann, "Austro-marxisme et religion", La revue

marxiste, 1 (1929), p. 101-105.

22. G. Friedmann, "Démasquons la corporation", Europe, 15.8.1934, p. 584-595: p. 584-585. © The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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- 28

-23. Benda écrivait: "Le corporatisme, c'est le désir de revanche du charnel sur l'idéal, du fatal sur le rationnel, du terrien sur le divin." "Du corporatisme", Nouvelle revue française, 254, n.l (1934), p. 774. D'autre part, précisément dans cet article. Benda renvoyait à l'essai de Friedmann publié dans Europe, qu'il

définissait "excellent" (cf. p. 773).

24. G. Friedmann, "Démasquons la corporation", op. cit., p. 585. 25. Il s'agissait d'un texte devenu par la suite un classique sur le corporatisme" L'économie corporative fasciste en doctrine et en fait, ses origines historiques et son évolution, Paris,

Gamber, 1934.

26. G. Friedmann, "Démasquons la corporation", op. cit., p. 587-

588.

27. Ibidem, p. 594.

28. Cf. les actes du colloques désormais réunis in Convegno

italo-francese di studi corporativi, Roma 1935, c i t .

29. G. Friedmann, "Leur meilleure arme", Europe, 15.1.1936, p.

107-113.

30. Cf. par exemple P. Nenni, "La soi-disant 'aile révolutionnnaire' du fascisme a été décapitée". Le peuple, juillet 1935.

31. I. Ehrenburg, Duhamel, Gide, Malraux, Morand, Mauriac, Romains, Dnamuno, vus par un écrivain de l'U.R.S.S., Paris,

Gallimard, 1936.

32. G. Friedmann, La crise du progrès. Esquisse d'histoire des idées, 1895-1935, Paris, Gallimard, 1936.

33. Ensuite, "Machine et humanisme", Europe, 15.7.1935, p. 437-

444.

34. Ibidem, p. 438.

35. G. Friedmann, "Esquisse de quelques problèmes", Europe, 15.5.1938, p. 5-18.

36. Ibidem, p. 17.

37. G. Friedmann, "L'Amérique et la machine", op. c i t . , p. 120.

© The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research Repository.

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2 9

-38. G. Friedmann, Problèmes du machinisme en U.R.S.S. et dans les pays capitaliste, Paris, Editions Sociales Internationales, 1934, p. 53; cf. p. 16-17, 80.

39. G. Friedmann, "André Gide et L'U.R.S.S.", Europe, 15.1.1937, p. 5-29.

40. 234

G. Friedmann, La crise du proqrès, op. cit., p. 221,228,, 232,

41. G. Friedmann, De la Sainte Russie à L'U.R.S.S., Paris, 1938; trad. it. Dalla Santa Russia a l l 'U.R.S.S ., Centro di studi sociali, Firenze, Sansoni, 1949, p. 79.

42. Compte-rendu du livre de R. Ruyer, L'humanité de l'avenir d'après Cournot, Europe, 15.5. 1932, p. 335-337.

43. Ibidem, p. 336. 44. Ibidem, p. 337.

45. G. Friedmann, L'Amérique et la machine, op. cit., p. 106. 46. Ibidem, p. 111.

47. Ibidem, p. 112; cf. p. 120 .

00 G. Friedmann, La crise du progrès, op. cit., p. 146, 147. 49. Ibidem, p. 135.

50. Cf., même s'il s'agit d'un ouvrage postérieur, G. Friedmann, "Heidegger et la crise de 1'idée de Progrès entre les deux guerres mondiale", in Hommages à Lucien Fèbvre, Paris, Colin, 1953, 2 vol., I, p. 93-101.

51. G, Friedmann, La crise du progrès, op. cit., p. 138 suiv. 52. G. Friedmann, "Le prince des temps modernes", Europe, 15.7.1937, p. 310; cf. aussi "Matérialisme dialectique et action réciproque", Communisme, n. 15, nov. 1934, p. 228-246.

53. "L'évolutionisme de Herbert Spencer (...) est vraiment la philosophie caractéristique du progrès, dans l'époque des démocraties bourgeoises", La crise du progrès, op. c i t ., p. 30. 54. Nizan a avec Friedmann de nombreux traits en commun, de

l'engagement politique à gauche, en passant par les positions sur

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-des personnages conune Drieu La Rochelle jusqu'aux jugements sur

Bergson.

55. G. Friedmann, "A propos d'un livre sur Bergson", Europe, 15.10.1931, p. 281-285, p. 284-285.

56. Ibidem, p. 281-281; cf. aussi G. Friedmann, "La prudence de Monsieur Bergson ou philosophie et caractère", Commune, fév. 1936, p. 731. L'appréciation positive de Benda que l'on trouve

dans cet article est significative: l'intellectuel-clerc était entré en scène parce qu'il voyait l'existence même de la culture

en danger.

57. G. Friedmann, La crise du progrès, op. cit., p, 222-201. 58. Ibidem, p. 198-199.

59. Il s'agit de "Matérialisme dialectique et action réciproque". 60. Ibidem, p. 246.

61. G. Friedmann, "L'espèce humaine", Europe■ 15.10.1936, p. 268-

277.

62. G. Friedmann, "un prince des temps modernes", op. cit.

63. Ibidem, p. 307. 64. Ibidem, p. 306.

65. L2 où Friedmann parlait, à propros de Bergson, de "non- présence aux problèmes de son époque", "La prudence de M. Bergson” , op. cit, p. 727.

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