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Les Effets économiques et sociaux de la guerre en Grèce

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(1)

DE LA GUERRE MONDIALE

(Série Grecque)

LES

EFFETS ÉCONOMIQUES

ET SOCIAUX

DE LA GUERRE EN GRÈCE

PAR

André ANDRÉADÈS

Membre de l'Académie d'Athènes. Correspondant de l'Institut de France Professeur de Science des Finances à l'Université d'Athènes

AVEC LA COLLABORATION DE G. CHARITAKIS

Ancien Ministre

Professeur d'Économie politique à l'École supérieure de» Études économiques

et commerciales d'Athènes

S. GORONIS Professeur d'Économie politique i l'École Polytechnique d'Athènes

Directeur de l'Office autonome des chemins de fer

D. KALITSOUNAKIS Ancien Secrétaire général du ministère

d'Économie nationale Professeur d'Économie politique à l'Écele

supérieure des Études économiques et commerciales

d'Athènes A. A. PALLIS Ancien Préfet de Corfou Délégué du gouvernement hellénisas

à la Commission des Réfugiés de la Société des Nations B. SIMONIDE

Docteur en droit. Ingénieur agricole. Directeur général de l'Office autonome du raisin de Corinthe

P U B L I C A T I O N S DE LA D O T A T I O N C A R N E G I E P O U R LA PAIX I N T E R N A T I O N A L E

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Dotation Carnegie pour la Paix Internationale

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HISTOIRE ÉCONOMIQUE & SOCIALE

DE LA GUERRE MONDIALE

D I R E C T E U R

JAMES T. S H O T W E L L

Professeur d'Histoire à l'Université Columbia U. S. A.

Série Grecque

D I R E C T E U R A D J O I N T

ANDRÉ A N D R É A D È S

Membre de l'Académie d'Athènes. Correspondant de l'Institut de France Professeur de Science des Finances à l'Université d'Athènes

(7)

HISTOIRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

DE LA GUERRE MONDIALE

(Série Grecque)

LES

EFFETS ÉCONOMIQUES

ET SOCIAUX

DE LA GUERRE EN GRÈCE

PAR

André ANDRÉADÈS

Membre de l'Académie d'Athènes. Correspondant de l'Institut de France Professeur de Science des Finances à l'Université d'Athènes.

AVEC LA COLLABORATION DE

G. CHARITAKIS D. KALITSOUNAKIS Ancien Ministre Ancien Secrétaire général du ministère Professeur d'Économie politique à l'École d'Économie nationale

supérieure des Études économiques Professeur d'Économie politique à l'École et commerciales d'Athènes supérieure des Études

économiques et commerciales d'Athènes.

S. CORONIS A. A. PALLIS Professeur d'Économie politique Ancien Préfet de Corfou à l'École Polytechnique d'Athènes Délégué du gouvernement hellénique

Directeur de l'Office autonome à la Commission des Réfugiés des chemins de fer de la Société des Nations

B. SIMONIDE

Docteur en droit. Ingénieur agricole. Directeur général de l'Office autonome du raisin de Corinthe

P U B L I C A T I O N S D E LA D O T A T I O N C A R N E G I E P O U R LA P A I X I N T E R N A T I O N A L E

LES PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE, PARIS YALE UNIVERSITY PRESS, NEW H AVEN. U. S. A.

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ù-A l'automne de 1914, quand l'étude scientifique des réper-cussions de la guerre sur la vie moderne passa t o u t à coup du domaine de la théorie dans celui de l'histoire, la Division d'Économie et d'Histoire de la Dotation Carnegie se proposa d'adapter son programme de recherches aux problèmes nou-veaux que la guerre allait susciter ou, si l'on préfère, aux problèmes anciens qu'elle allait transformer.

Le programme existant, tel qu'il avait été rédigé dans la conférence des économistes tenue à Berne en 1911 et qui trai-tait des questions alors actuelles, avait déjà donné lieu à des travaux de haute valeur, mais pour bien des raisons, il ne pou-vait plus être maintenu tel quel. Un nouveau plan f u t donc iracé, à la demande du Directeur de la Division. Il avait pour but de mesurer, par une vaste enquête historique, le coût économique de la guerre et les perturbations qu'elle causerait dans la marche de la civilisation. Il y avait lieu de penser qu'en confiant une telle entreprise à des hommes compétents et d'esprit pondéré, et en la menant selon la méthode vraiment scientifique, elle pourrait finalement fournir au public les éléments nécessaires pour se former une opinion éclairée — et servir par là les intentions d'une Fondation consacrée à la cause de la Paix internationale.

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V I I I L E S E F F E T S D E LA G U E R R E E N G R E C E

celles qui aboutissaient à la création de nouvelles énergies pro-ductives. L'apparition de ces formes nouvelles d'activité économique qui, en temps de paix, se seraient traduites par un accroissement de richesse sociale et qui ont donné parfois l'illusion d'une prospérité grandissante — et, d'autre part, le spectacle de l'incroyable endurance dont firent preuve toutes les nations belligérantes pour supporter des pertes sans cesse accrues — ont rendu nécessaire de soumettre à un examen plus approfondi tout le domaine de l'économie de guerre.

Une double obligation s'imposa donc à la Division d'Eco-nomie et d'Histoire. Elle dut prendre pour règle de concentrer son travail sur les problèmes ainsi posés et de les étudier dans leur ensemble ; en d'autres termes, de leur appliquer les cri-tériums et les disciplines de la méthode historique. E n raison même de ce que la guerre, prise dans son ensemble, constituait un seul fait, quoique se répercutant par des voies indirectes jusqu'aux régions les plus reculées du globe, l'étude de la guerre devait se développer sur u n plan unique, embrassant tous ces aspects à la fois et pourtant ne négligeant aucune des données accessibles.

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spé-cialistes, économistes, historiens, hommes d'affaires ; et où leur coopération à ce travail collectif ne pourrait plus donner lieu à des malentendus, ni quant à ses buts, ni quant à son contenu.

Dès la guerre finie, la Dotation reprit son plan primitif. Il se trouva qu'il s'adaptait assez bien, sauf quelques légères modifications, à la situation nouvelle. Le travail commença dans l'été et» l'automne de 1919. Une première conférence des économistes composant le Conseil consultatif (Advisory Board of Economists), f u t convoquée à Paris par la Division d'Économie et d'Histoire. Elle se borna à tracer un programme de courtes études préliminaires ayant trait aux principaux aspects de la guerre. Comme le caractère purement prélimi-naire de ces études f u t encore accentué par le fait qu'elles portaient plus spécialement sur les problèmes urgents de l'Eu-rope à ce moment, on décida de ne pas en faire des fragments de l'histoire générale, mais d'y voir simplement des essais d'intérêt immédiat pour la période de l'après-guerre. Visible-ment la conférence ne pouvait établir à priori aucun programme d'ensemble ; il fallait créer un instrument plus spécialisé que celui qui existait si l'on voulait entreprendre l'histoire écono-mique et sociale de la guerre. Pour cela il fallait une enquête menée d'abord par une organisation nationale et ne faisant appel que subsidiairement à une coopération internationale. Aussi longtemps que les faits relatifs à l'histoire de chaque nation ne seraient pas parfaitement connus, il serait vain de procéder à des analyses comparatives et l'histoire de chaque pays constituerait elle-même un inextricable labyrinthe. On décida donc de dissoudre l'ancien Comité européen de recherches et de le remplacer par un Comité de direction (Edi-torial Board) dans chacun des principaux pays (ou par un seul directeur dans les petits pays). La tâche de ces Comités devait se concentrer, au moins pour l'instant, sur l'histoire écono-mique et sociale de leur pays respectif.

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X L E S E F F E T S D E LA G U E R R E E N G R E C E

suffirait de montrer les listes des noms de tous ceux qui, hommes de sciences ou hommes d ' É t a t , ont accepté la res-ponsabilité de ces publications. Cette resres-ponsabilité est assez lourde, car elle implique l'adaptation du plan général aux con-ditions spéciales de chaque pays et à ses habitudes de travail. Le degré de réussite de l'entreprise dépendra du zèle avec lequel les collaborateurs de chaque nation accepteront d'y coopérer.

Une fois constitués les Comités de direction, un premier pas s'imposait pour la mise en train de notre histoire. Pas d'his-toire sans documents. Avant t o u t il fallait rendre accessibles pour les recherches, dans la mesure compatible avec les inté-rêts de l ' É t a t , tous les documents de quelque importance rela-tifs à la guerre, locaux ou nationaux. Mais la constitution des archives est une lourde tâche qui appartient de droit aux Gouvernements et autres détenteurs de ces documents histo-riques, non aux historiens ou économistes qui se proposent de les utiliser. C'est une obligation incombant aux propriétaires qui les détiennent pour le compte du public. Les collaborateurs qui se sont chargés de cette partie de l'Histoire de la Guerre ne pouvaient que se borner à u n rôle d'enquêteurs, et en accep-t a n accep-t la siaccep-tuaaccep-tion accep-telle qu'elle éaccep-taiaccep-t, résumer leurs découveraccep-tes sous forme de guides ou de manuels bibliographiques ; et peut-être aussi, en procédant à une comparaison des méthodes employées, contribuer à faire adopter celles trouvées les plus pratiques. Tel a été dans chaque pays le point de départ de nos travaux, quoiqu'on n'ait pas dans chaque cas rédigé sur ce point de monographie spéciale.

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Tant que l'état d'esprit né de la guerre pesait ainsi sur nos recherches et risquait de les entraver pendant bien des années encore, il fallait découvrir quelque autre solution.

Heureusement cette solution a pu se trouver grâce aux souvenirs et aux impressions personnels, appuyés d'ailleurs sur des documents dignes de foi, de ceux qui, au cours de la guerre, ont participé à la direction des affaires ou qui, simples obser-vateurs, mais favorablement placés, ont pu recueillir de pre-mière ou de seconde main une connaissance précise de cer-taines phases de la guerre et de leurs conséquences sociales. C'est ainsi qu'a pu être établi le plan d'une série de mono-graphies historiques ou descriptives où les faits seront exposés, non à titre officiel, mais néanmoins de source autorisée, mono-graphies qui se classent à mi-chemin entre le type des mémoires personnels et celui des rapports officiels. Ces monographies constituent le principal de notre œuvre. Elles ne sont pas limi-tées aux faits de guerre ni même à ses suites immédiates, car l'histoire de la guerre se prolongera longtemps après que celle-ci aura pris fin. Elles doivent embrasser aussi la période de « déflation » au moins assez pour permettre de se faire, sur les perturbations économiques dues à la guerre, un jugement plus sûr que ne le permettrait le seul examen des faits immé-diatement contemporains.

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X I I L E S E F F E T S D E LA G U E R R E E N G R E C E

même pas vouloir obtenir partout une stricte objectivité. On ne pouvait empêcher une certaine partialité, née des néces-sités de la controverse et de la défense. Mais cette partialité même est dans bien des cas une partie intégrante de l'histoire, les appréciations des faits par les contemporains étant aussi instructives que les faits mêmes sur lesquels elles portent. D'ailleurs le plan, dans son ensemble, est établi de façon que les monographies d'un même pays se contrôlent mutuellement ; là où ce ne serait pas le cas, nul doute que d'autres ouvrages parallèles, publiés dans les autres pays, ne puissent servir de correctif.

Outre ces monographies destinées à utiliser les sources, d'autres études sont en préparation ayant u n caractère tech-nique et limité, et portant sur des points précis d'histoire ou de statistique. Ces monographies ont, elles aussi, le caractère de t r a v a u x de première main, car elles enregistrent des faits recueillis assez près de leur source pour permettre des vérifi-cations qui deviendraient impossibles plus tard. Mais d'autre part elles constituent aussi des applications de la méthode constructive par laquelle l'historien passe de l'analyse à la synthèse. Mais il s'agit d'une tâche difficile et longue et qui commence à peine.

On pourrait dire, pour caractériser les premières phases d'une histoire comme celle-ci, que l'on n'en est encore, suivant l'expression américaine, qu'à la « cueillette du coton ». Les fils emmêlés des événements restent à tisser pour fabriquer l'étoffe de l'histoire. Dans un travail constructif et créateur comme celui-ci, 011 peut être obligé de changer de plan et d'orga-nisation.

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surtout l'affaire des Comités de direction et d'édition dans chaque pays qui ont aussi à lire les manuscrits préparés sous leur direction. Néanmoins l'acceptation d'une monographie n'implique nullement l'approbation des opinions et conclusions qui s'y trouvent formulées. La Direction borne son rôle à s'assu-rer de la valeur scientifique des travaux, et à vérifier s'ils rentrent bien dans le cadre du plan adopté, mais les auteurs auront naturellement toute liberté de traiter les sujets à leur gré. De même aussi la Dotation, par le fait qu'elle autorise la publication de monographies, ne doit pas être considérée comme donnant son approbation aux conclusions qui s'y trouveront formulées.

C'est devant l'histoire seulement que la Dotation sera res-ponsable : d'où résulte pour elle l'obligation de réunir et de présenter tous les faits et tous les points de vue aussi complè-tement et aussi exaccomplè-tement que possible, sans chercher à en éliminer aucun dès qu'ils sont essentiels à l'intelligence générale de la guerre.

• * *

Une partie d'une enquête comme celle-ci devait être consa-crée à la Grèce. Ce pays s'est trouvé engagé dans la guerre dans des conditions particulières (plus tard et plus longtemps que les autres États). Ses rapports financiers avec les grand alliés ont affecté une forme spéciale. De plus et surtout, la guerre a eu sur la composition numérique et ethnique de sa popu-lation des conséquences infiniment plus graves que dans t o u t autre pays. Enfin, il offre une occasion d'étudier les consé-quence d'une grande guerre sur un petit E t a t maritime.

La Grèce possédait d'ailleurs une personnalité t o u t indiquée pour un pareil t r a v a i l ; c'était le professeur André Andréadès, membre de l'Académie d'Athènes et correspondant de l'Institut de France. Au cours d'un voyage que je fis à Athènes, je le décidai à s'en charger.

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Andréa-X I V L E S E F F E T S D E LA G U E R R E E N G R E C E

dès devait rédiger celui-ci en entier. Mais le professeur athé-nien, tout en acceptant d'écrire les parties les plus étendues et d'assumer la direction du reste du travail, a tenu à ce que plusieurs parties spéciales fussent confiées à d'autres écono-mistes. Il insista sur le fait que chacun de ceux-ci possédait une compétence particulière dans la matière qui lui serait confiée, et que d'autre part il était injuste de priver de l'occasion de se faire connaître par le public international, des hommes qui, s'ils n'étaient plus jeunes que lui et s'ils n'écrivaient pas en grec, auraient déjà été aussi connus à l'étranger que dans leur pays d'origine.

Nous avons adhéré d ' a u t a n t plus volontiers à ce point de vue que les collaborateurs que M. Andréadès a choisis étaient particulièrement qualifiés pour mener leur tâche à un bon résul-t a résul-t .

M. Georges Charitakis est depuis cinq ans professeur d'Eco-nomie politique à l'Ecole supérieure des Etudes économiques et commerciales d'Athènes (ayant rang d'Université), et a été ministre de l'Economie nationale (commerce, industrie et agriculture). Il a publié entre autres un ouvrage très remar-qué sur l'industrie grecque. C'est lui qui s'est chargé du cha-pitre sur l'industrie grecque pendant la guerre.

M. Spyridon Coronis est depuis dix ans professeur d'écono-mie politique à l'Ecole polytechnique d'Athènes. Il f u t long-temps secrétaire général du ministère des Communications et dirige actuellement l'Office autonome des chemins de fer grecs. Il traite des effets de la guerre sur les communications.

M. Démètre Kalitsounakis est professeur d'Economie poli-tique à l'Ecole supérieure des Etudes économiques et commer-ciales, et privat-docent de législation industrielle près la Faculté de droit d'Athènes. Il f u t secrétaire général du ministère d'Eco-nomie nationale. Il dirige aussi une revue trimestrielle qu'il a fondée : Les Archives des Sciences juridiques et sociales. Il s'occupe spécialement d'économie sociale et s'est chargé de la partie concernant la législation ouvrière et sociale grecque.

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dès le lendemain des guerres balkaniques) a occupé de hautes fonctions administratives concernant leur établissement. Il est actuellement un des deux représentants du Gouvernement hellénique à la Commission des Réfugiés, dont on sait les attaches avec la Société des Nations. E t a n t donné que c'est par l'afflux de 1.526.000 réfugiés et l'échange des populations chrétiennes et musulmanes que les effets de la guerre sur la popu-lation grecque se sont surtout fait sentir, M. Pallis était tout indiqué pour se charger des pages consacrées à cette question. M. Basile Simonide était, lui aussi, tout désigné pour les questions relatives à l'agriculture. Docteur en droit de la Faculté de droit d'Athènes, il a fait ensuite de longues études en France, t a n t à l'Ecole d'agriculture de Grignan qu'à la Faculté de droit de Paris. Revenu dans son pays, il s'est vu chargé de diriger l'Institut agricole grec le plus important : l'Office autonome du raisin de Corinthe.

M. Andréadès, qu'il est superflu de présenter, avait espéré que le professeur K. Varvaressos, jadis son disciple et son confrère, consentirait à se charger des questions relatives à la monnaie et au change. Il a beaucoup regretté que les fonctions, actuellement très lourdes, de conseiller économique, que M. Varvaressos occupe à la Banque nationale de Grèce, ne lui aient finalement pas permis de se charger de ce travail supplémentaire. M. Andréadès a, en conséquence, incorporé les questions de monnaie et de change dans son étude sur les Finances publiques, où, d'ailleurs elles étaient parfaitement à leur place. Il s'est aussi chargé de la partie relative à la marine marchande et de certaines questions démographiques.

Le volume donne ainsi une idée d'ensemble très complète des effets économiques et sociaux de la guerre en Grèce. Et il rendra d ' a u t a n t plus de services qu'il n'existe ni u n travail de cette nature, ni des t r a v a u x spéciaux pouvant y suppléer.

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Les finances publiques

PAR

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De 1912 à 1923 la Grèce fut presque constamment en guerre. Aux guerres balkaniques (1912-1913) paraissent, il est vrai, avoir succédé trois ans de paix, puisque le gouverne-ment provisoire de Salonique ne déclara la guerre à l'Alle-magne qu'en octobre 1916 et que la Grèce entière n'entra dans le conflit mondial qu'après la déposition du roi Cons-tantin (juin 1917) ; mais cet intervalle ne fut, nous le ver-rons, pacifique qu'en apparence. Inversement l'armistice de novembre 1918 n'apporta aucune détente dans les opéra-tions militaires de l'Hellade, puisque celle-ci, après avoir été en Roumanie et en Russie (1918-1819), puis en Asie Mineure (mai 1919), comme mandataire des alliés, se trouva finale-ment impliquée dans un duel avec la Turquie qui ne prit fin que par le traité de Lausanne (juin 1923).

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Les finances grecques pendant les deux guerres

balkaniques (1)

I . — L E S D É P E N S E S D E S G U E R R E S

La mobilisation de l'armée grecque dura plus d'une année ; commencée en septembre 1912 elle ne cessa qu'en novembre 1913 (2). Au début, l'armée hellénique n'était que de 116.000 hommes ; cet effectif fut rapidement augmenté ; pendant les deux campagnes, 282.000 hommes environ ont passé sous les drapeaux.

Bien entendu, un pareil effort n'a pas été sans entraîner des sacrifices considérables, d ' a u t a n t mieux que l'intendance, à la tête de laquelle se trouvait à Athènes un officier français, ne laissait rien à désirer, et que l'armée grecque f u t une des

(1) La bibliographie n'est pas riche. On peut consulter deux articles d ' E d m o n d THÉRY dans L'Economiste Européen (nos des 27 février et 6 mars 1914) ; un autre d e

M. PHILOUZE dans YEconomie politique et Finance (n° du 21 mars 1914) ; le rapport de M. H. D. BEAUMONT : On the finances of Greece jor the years 1912-1913 (Annual Sériés n° 5224) et la conférence que nous avons faite à la Société d'Economie poli-tique de Paris (publiée in extenso dans le Journal des Economistes, n0 3 des 15 avril et

15 mai 1915).

Il f a u t aussi se garder de négliger les ouvrages de MM. S. EULAMBIO, The

Natio-nal Bank of Greece (en anglais, Athènes 1924) et de M. Démétrius K. SANTIS, Staats-schulden und Finanzpolitik Griechenlands (Berlin, 1924). Ces ouvrages et

principa-lement le premier qui est fort détaillé et est presque exclusivement consacré au x xe siècle, serviront aussi pour les périodes couvertes par les chapitres ultérieurs.

Des renseignements très utiles sont aussi fournis pour les années 1912-1918 p a r M. E. TSOUDEROS, Le Relèvement économique de la Grèce (chapitre n , Paris, 1919) et par le tout à fait remarquable travail du regretté Ch. DAMIRIS, L'Emission

du billet de banque en Grèce et le change (3 volumes, Paris, 1919, thèse couronnée p a r

la Faculté de droit de Paris).

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6

L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

rares armées en campagne qui ne vécurent pas sur le pays conquis ; d'où le fait que les musulmans, loin de quitter les provinces occupées par les Grecs, y affluaient des territoires occupés par les Bulgares et les Serbes, et augmentèrent même sérieusement, de ce chef, les charges d'un trésor obligé déjà de nourrir près de 80.000 prisonniers.

D'après les déclarations de M. Al. Diomède, alors ministre des Finances, en novembre 1913, les dépenses des deux guerres ont été les suivantes :

DÉSIGNATION Drachmes A r m é e 2 9 2 . 1 1 5 . 0 0 0 M a r i n e 8 7 . 3 7 0 . 0 0 0 E n t r e t i e n d e s p r i s o n n i e r s d e g u e r r e . . 2 5 . 0 0 0 . 0 0 0 E n t r e t i e n d e s r é f u g i é s o t t o m a n s e t c h r é t i e n s 7 . 0 0 0 . 0 0 0 TOTAL 4 1 1 . 4 8 5 . 0 0 0 (1)

Mais à ce total, selon les calculs du ministre des Finances et de M. Edmond Théry, il fallait ajouter :

1° Les pensions et retraites dont la capitalisation a été évaluée à 100.000.000.

Cette évaluation n'est pas exagérée ; outre les tués (304 offi-ciers et 7.428 soldats), il y eut 628 offioffi-ciers et 42.191 soldats blessés ; nombreux sont, parmi ces derniers, ceux dont l ' É t a t a dû assurer la subsistance ;

(1) Voici quelques détails pour le premier semestre (18 septembre 1912-31 mars 1913).

Drachmes Alimentation des troupes et nourriture des a n i m a u x . . 7 3 . 6 4 4 . 0 0 0

Solde des officiers et soldats 8 . 5 2 2 . 0 0 0 É qu ip e m e nt et habillement 28.080.000 Munitions, harnachements, outils, détérioration du

matériel, médicaments 3 5 . 5 7 0 . 5 7 0 Frais de transport, indemnités de réquisition 5 5 . 5 8 2 . 7 9 7

E n t r e t i e n des blessés et malades 3 . 1 2 0 . 0 0 0 E n t r e t i e n des prisonniers de guerre 1 4 . 5 0 0 . 0 0 0 Pertes diverses, incendies de villages 6 . 5 0 0 . 0 0 0 Dépenses totales de la marine 2 0 . 0 0 0 . 0 0 0

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2° La diminution des recettes ordinaires des exercices 1912 -et 1913, fixée par l'administration des Finances à 50.000.000,

mais qui n'a pas atteint ce chiffre ;

3° La détérioration du matériel de guerre : 92.291.400 drachmes, dont 24.985.700 applicables à la marine ;

4° Le service des avances et emprunts provisoires contractés pendant les deux guerres et les frais d'administration des territoires annexés, soit (1) : 28.747.000 drachmes.

Ces quatre chapitres donnent un total de près de 270.000.000 de francs. En réalité, on resta en deçà des prévisions, car les recettes publiques furent beaucoup plus fermes qu'on n'espé-rait. Mais, comme d'autre part il fallut venir au secours des villes brûlées par les Bulgares et des villages pillés par les Albanais, et voter des pensions aux familles des otages tués par les Bulgares, il n'est pas exagéré d'évaluer l'ensemble des dépenses des deux guerres à près de 650.000.000, dont cependant les deux tiers seulement représentent des dépenses immédiates.

Par quels moyens y fit-on face ? Par trois :

1° En différant le payement de certaines dépenses ; 2° En employant les ressources directes du Trésor ; 3° E n ayant recours à des opérations de crédit.

Le tableau suivant indique dans quelle mesure chacun d'eux fut employé :

a) Ressources directes du trésor

Drachmes

1. Reliquat disponible au début de la guerre sur

l'em-prunt de 1910 7 5 . 5 3 7 . 9 4 1 2 . Excédents budgétaires des exercices 1910 et 1 9 1 1 . . . 1 9 . 3 1 8 . 8 2 7

3 . Dépenses budgétaires différées sur les exercices 1912

et 1913 3 0 . 0 0 0 . 0 0 0

TOTAL 1 2 4 . 8 5 6 . 7 6 8

(1) Ceux-ci, au début, dépassèrent naturellement les recettes car, encore ici, •on ne suivit pas certains exemples et on s'abstint de pressurer les provinces déjà si éprouvées par la guerre et d'ailleurs habitées, en grande majorité, p a r des

(26)

8 LES F I N A N C E S P U B L I Q U E S

b) Ressources obtenues par des opérations de crédit

Drachmes

Report 124.856.768

1. Bons du trésor escomptés par la Banque nationale

de Grèce 1 0 . 0 0 0 . 0 0 0 2 . Avance conclue à Paris le 6-19 décembre 1912 4 0 . 0 0 0 . 0 0 0

3 . Avance conclue avec la Banque nationale de Grèce

en avril 1913 5 0 . 0 0 0 . 0 0 0 4 . Avance conclue avec la Banque nationale de Grèce

en juin 1913 4 0 . 0 0 0 . 0 0 0 5 . Emprunt dit de réquisition conclu en juin 1913 :

montant effectivement réalisé 3 0 . 0 0 0 . 0 0 0

TOTAL 170.000.000

c) Dépenses dont le payement a élé différé

1. Sommes dues par réquisition 3 0 . 3 7 0 . 0 0 0 2 . Indemnités dues aux navires de commerce

réquisi-tionnés, endommagés ou détruits 1 8 . 2 2 8 . 2 1 3 3 . Sommes dues aux compagnies de navigation, aux

particuliers et aux compagnies de chemins de fer pour le transport des troupes et du matériel de

guerre 3 6 . 0 0 0 . 0 0 0 4 . Fournitures restant à régler 5 0 . 0 0 0 . 0 0 0

TOTAL., 134.598.213 Sur lesquels il a été payé comme acompte environ.. . . 1 5 . 0 0 0 . 0 0 0

Reste à payer 1 1 9 . 5 9 8 . 2 1 3

TOTAL RÉCAPITULATIF 4 1 4 . 4 5 4 . 9 8 1

(27)

pas à couvrir immédiatement les frais des transports exécutés par des compagnies ou des sociétés helléniques ; l'existence d'une marine marchande florissante f u t même, à ce point de vue, pour tous les alliés (car on transporta aussi des troupes bulgares et serbes) d'un secours très grand (1). Le total des dépenses différées se monte à 120.000.000 environ. Ne sont pas comprises dans ce chiffre les réquisitions de chevaux, ânes, mulets, voitures, etc. ; en effet, on ne voulut pas ajouter une nouvelle charge à l'agriculture déjà directement affectée par le départ de t a n t de cultivateurs ; et on eut raison, car les 15.000.000 d'indemnités versées au début de la guerre permirent aux classes agricoles de s'organiser et de ne pas trop pâtir des hostilités.

Venons maintenant à notre second point : les ressources directes du Trésor. Elles furent plus considérables qu'on ne peut le supposer ; indépendamment des recettes ordinaires à la fermeté desquelles j'ai déjà fait allusion, on disposait : a) Des excédents budgétaires des deux dernières années, soit 20.000.000 de francs environ ;

b) De 75.000.000, reliquat des 110.000.000 empruntés à Paris en 1910, à la veille de l'arrivée du cabinet Vénizelos au pouvoir.

Il est juste de rendre ici hommage, t a n t à M. Vénizelos qu'à son premier ministre des Finances, feu Lambros Coro-milas, pour avoir (pour beaucoup, il est vrai, grâce aux mesures — impôts et économies — adoptées par leurs prédécesseurs pendant la session 1909-1910) non seulement changé en excé-dents toujours croissants les anciens déficits, mais aussi résisté à la tentation d'employer le produit d'un emprunt datant de plus de deux ans. Cette sagesse est d ' a u t a n t plus méritoire qu'une élection générale avait eu lieu dans l'inter-valle et que, si une guerre était probable, nul ne pouvait la tenir pour certaine, ni pour si longue.

(28)

10

L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

on ne put naturellement éviter de recourir au crédit. Les avances provisoires se chiffrèrent par 170.000.000. Nous les examinerons en détail dans le supplément que nous consa-crons aux opérations de crédit de 1912 à 1914. Notons cepen-dant, dès à présent, que les avances en question furent toutes conclues par l'intermédiaire et avec l'aide de la Banque

natio-nale de Grèce, à la tête de laquelle se trouvait alors Jean Valaoritis, homme éminent dont la mort prématurée fut, pour sa patrie, une perte difficilement réparable.

Voici ce que dit à ce propos un financier français, ayant visité la Grèce pendant la guerre (1) :

Le gouvernement grec trouva, en cette heure critique, un appui précieux dans la Banque nationale de Grèce. Non seulement, en effet, cette dernière, prévoyant depuis longtemps la crise, avait su s'assurer une importante couverture d'or à l'étranger ; mais elle avait pris ses précautions de telle sorte qu'elle ne cessât pas une minute d'apporter au commerce du pays son concours le plus large. La grande expérience financière de son gouverneur, M. Valaoritis, sa connaissance appro-fondie des lois qui régissent le mécanisme des changes, lui permirent •de tirer les plus heureux effets de la loi de 1910 (2), sans que le moindre trouble, je l'ai constaté sur place moi-même à deux reprises, se mani-festât dans la circulation monétaire. Si bien que la Grèce, qui connut en temps de paix le change à 165 pour 100, le vit, spectacle inattendu et qui est, certes, l'une des preuves les plus indiscutables pour l'écono-miste averti des progrès d'un peuple, le vit, dis-je, se maintenir au pair pendant une guerre de douze mois. Ce fut donc la Banque nationale qui, durant toute la crise, se fit le pourvoyeur direct ou indirect des besoins de l'État. Elle lui escompta tout d'abord des bons du Trésor 5 pour 100 à concurrence de 10.000.000. Elle négocia ensuite à Paris avec le Com-toir d'Escompte, la Banque de Paris et la Société générale un emprunt provisoire de 6 pour 100, commission 1 pour 100, de 40.000.000. Sur ces 40.000.000, la Banque nationale prenait ferme 20.000.000, dont elle plaçait rapidement la presque totalité dans les portefeuilles des riches

Hellènes de France et d'Angleterre. Elle avait, pour faciliter l'opération, abandonné aux banques françaises sa commission de 1 pour 100. Cette opération, terminée le 6-19 décembre 1912, la Banque nationale dut bientôt après, en avril 1913, réaliser un second emprunt

provi-(1) M . PHILOUZE, loc. cit.

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soire de 50.000.000 de drachmes, dont elle plaça encore la plus grande partie à l'étranger dans les portefeuilles hellènes et dont elle pensionna -à Paris et à Londres le solde non absorbé (1).

Indépendamment de la sagesse et de l'habileté des chefs, le triomphe final est dû aussi, il n'est que juste de le recon-naître, au patriotisme et à la robustesse économique dont le pays fit preuve.

Tous les juges compétents, à commencer par feu L. Luz-zati (2), ont été frappés par le fait que le change grec ne dépassa pas le pair de toute la guerre, encore que le régime du cours forcé ne f û t pas aboli. Le phénomène était aussi inattendu que surprenant : inattendu parce que la campagne libyenne avait eu pour effet de rendre le cours du change défavorable dans un pays aussi puissant que l'Italie et que, pour nous borner aux guerres balkaniques, le change, immuable en Grèce, montait dans deux pays où le cours forcé n'existait pas : Roumanie et Bulgarie, à 5 et 15 pour 100 respectivement ; surprenant, parce qu'aux remises ordinaires de la Grèce

à l'étranger s'ajoutaient d'énormes commandes militaires et navales.

Mais le phénomène qui frappa tellement les étrangers ne resta pas isolé. Les statistiques des dépôts dans les banques ne sont pas moins significatives puisque, au cours de la guerre, ces dépôts ont augmenté, ni moins remarquable la situation de la Banque nationale, constamment en progrès avec aug-mentation du stock d'or. Également digne d'attention est la fermeté relative du commerce extérieur et des recettes publiques.

On a cherché différentes explications de cette force de résistance montrée par le pays. On l'a attribuée au retour en masse des émigrants d'Amérique (3), à l'afflux des Grecs de toutes les parties du monde, aux parents venant s'installer

(1) On peut compléter le tableau que trace M. Philouze p a r l e paragraphe 2 du présent chapitre.

(2) L'ancien président du conseil italien a consacré un article sur la question dans le Corriere délia Sera.

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12 LES F I N A N C E S P U B L I Q U E S

dans leur pays et lui prêter tout leur appui, tandis que leurs enfants se battaient à l'armée ; aux dons, qui selon la fortune du donateur se chiffraient par des centaines de mille francs (1) ou des centaines de drachmes et dont l'ensemble atteignit plusieurs millions (2). On a admiré, d'autre part, l'esprit de coopération qui s'était développé dans les campagnes et qui avec le concours des femmes, a permis à l'agriculture, privée de la moitié de ses bras, de supporter allègrement une mobilisation de quatorze mois. Toutes ces causes ont incontestablement influé sur la situation, mais elles ne sont pas les seules et l'élément psychologique, l'esprit de patrio-tisme et de sacrifice, à contribué, lui aussi, à la victoire dans le domaine économique, autant que sur les champs de bataille. En vérité, les guerres de 1912-1913 sont une preuve de ce dont l'hellénisme est capable, t a n t sur le terrain militaire que sur le terrain économique, quand il n'est pas rongé par des divisions intérieures.

I I . — L E S OPÉRATIONS DE CRÉDIT ET LA LIQUIDATION D E S G U E R R E S

A) Les emprunts provisoires. •—- J'ai donné plus haut un extrait d'un article de M. Philouze qui fournit un aperçu très clair et dans ses lignes générales exact des opérations de crédit réalisées à l'occasion des deux guerres. Il convient d'y ajouter les détails suivants :

Ces opérations ont été au nombre de six ; chacune d'elles a eu une forme propre. En voici un résumé par ordre chrono-logique :

1° D'après la loi sur le contrôle international finan-(1) Il y eut même un don de 1 million, celui de M. Zaharof.

(2) A côté des offrandes du millionnaire, il y eut le denier de la veuve et de l'orphelin. Les déshérités de la fortune ont rivalisé avec les riches et leurs sacrifices ont pris les formes les plus touchantes. Cf. une conférence de M. J e a n Damverghis, charge de centraliser les sommes envoyées directement à M. Vénizelos, qui se mon-tèrent à plus de 7.000.000 (cette conférence portait le titre p i q u a n t et exact :

Sou-venirs d'un millionnaire provisoire). La reine et les princesses reçurent elles aussi des

(31)

cier (1898), le gouvernement grec avait le droit d'émettre jusqu'à dix millions de bons du Trésor. Ce maximum f u t atteint dès novembre 1912. Les bons furent escomptés en totalité par la Banque nationale ;

2° E n décembre 1912, on émit pour 40.000.000 de lettres de change d'une durée de six mois et renouvelables pour un autre semestre. Celles-ci différaient des bons du Trésor, car au lieu d'être comme eux de valeur relativement petite et d'encombrer la circulation, elles représentaient 2.000 et 4.000 livres sterling pièce et furent escomptées moyen-nant 6 pour 100 d'intérêt et 1 pour 100 de commission par

la Banque nationale et les quatre banques parisiennes (1) qui avaient négocié l'emprunt de 1910 (2). E n fait, l'opé-ration constituait une avance sur emprunt futur ;

3° E n mars 1913, on émit de nouvelles lettres de change d'un montant de 50.000.000. Mais cette fois celles-ci furent escomp-tées uniquement par la Banque nationale et elles différaient des précédentes en ce que deux coupons semestriels y étaient attachés ;

4° Le 25 juin 1913, au moment de la guerre bulgare, on émit un emprunt de 50.000.000 à 6 pour 100 et d'une durée de cinq ans. Cet emprunt f u t pris dans son intégralité et au pair par la Banque nationale, dont ce f u t là sans doute le service le plus signalé. Car il mit à la disposition immédiate du gouvernement les sommes nécessaires à la dure lutte qui s'ouvrait ;

5° A la même date du 25 juin, le gouvernement obtint l'autorisation d'émettre l'emprunt dit de réquisition. Il con-sistait en obligations d'une durée quinquennale, à 5 pour 100 ; celles-ci étaient données en payement des dettes publiques découlant des réquisitions, mais les ayants droit n'étaient

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14 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

pas forcés à les accepter (1). Pourtant on arriva à en placer sans difficulté jusqu'à concurrence de 30.000.000, en partie parce que le m o n t a n t de chaque obligation, 100 francs, en rendait l'emploi facile (2) ; en partie et surtout parce que la Banque nationale se montra prête à les escompter.

6° Aux opérations précitées on peut rattacher l'emprunt provisoire de 30.000.000 de francs, dont 15.600.000 furent affectés à acquitter des commandes faites en France (3), et le reste aux besoins du Trésor (4).

Les six opérations précitées se résument dans le tableau suivant : Drachmes a = 1 0 . 0 0 0 . 0 0 0 b = 4 0 . 0 0 0 . 0 0 0 c = 5 0 . 0 0 0 . 0 0 0 d = 4 0 . 0 0 0 . 0 0 0 e = 3 0 . 0 0 0 . 0 0 0 f = 3 0 . 0 0 0 . 0 0 0 TOTAL. 2 0 0 . 0 0 0 . 0 0 0

B) L'emprunt de liquidation. — Mais il ne suffit pas do mener une guerre à bon terme, il faut encore la liquider. Les emprunts provisoires de 1912-1913 avaient été conclus à des conditions excellentes, puisqu'ils furent émis presque au pair (les commissions n ' a y a n t jamais dépassé 2 pour 100) et à u n t a u x fort raisonnable (5-6 pour 100), mais ils n'en constituaient pas moins des opérations à court terme. Il fallait donc se pré-parer à leur échéance, ainsi qu'à celle des paiements différés.

Il était non moins nécessaire de procéder d'urgence à l'outil-lage des territoires délivrés du joug turc (notamment l'Ëpire

(1) Au point de vue juridique l'opération avait le caractère d'une datio in

solu-tum.

(2) Dans s "s Mémoires posthumes, publiés dans la Revue des Deux Mondes, Alexandre Ribot attribue le succès des bons du trésor français pendant la guerre à ce que, comme les obligations grecques de 1913, ils représentaient la somme modeste et ronde de 100 francs.

(3) Dont 10.000.000 à la maison Schneider (Creusot).

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et la Macédoine méridionale), qui du point de vue écono-mique offraient alors l'apparence de provinces beaucoup plus asiatiques qu'européennes.

Pour toutes ces raisons un emprunt de 500.000.000 f u t jugé indispensable. Il fut conclu principalement avec des banques françaises (1), comme d'ailleurs l'avaient été les emprunts de 1902 et 1909. Les sûretés dont il était entouré étant très fortes (2), et les conditions d'émission très avanta-geuses (3), le nouvel emprunt eut un grand succès. La pre-mière moitié émise à Paris au début f u t couverte quinze fois.. Sans la grande guerre il est hors de doute que la seconde moitié qui devait être offerte au public à la fin de 1914 aurait été aussi bien accueillie.

Cette seconde tranche ne f u t jamais émise ; elle servit cependant à couvrir une dépense considérable qui fut une conséquence éloignée mais directe de la guerre gréco-turque. Je fais allusion à ceci (4) :

Les Turcs n'avaient jamais pris leur parti du traité de Londres (30 mai 1913). Profitant de la guerre de juillet 1913, ils avaient repris à la Bulgarie le vilayet d'Andrinople. Encou-ragés par ce succès, ils s'étaient mis en tête de reprendre à la Grèce les îles voisines de l'Asie Mineure, notamment Lesbos et Chios. Dans ce b u t ils commencèrent d'abord à chasser les grecs des campagnes d'Éolie et d'Ionie (5) ; puis, comme

(1) Quatre de celles-ci : Comptoir d'Escompte, Banque de Paris, Société générale,. Union parisienne souscrirent pour 70 pour 100 ; le reste était pris par la Banque nationale de Grèce appuyée par trois maisons londoniennes (Hambro, Erlanger et County and Westminster Bank).

(2) Soit les excédents des revenus affectés au Contrôle financier international évalués alors à 38 millions, les revenus des douanes de Salonique et Kavalla, évalués à 15.000.000, plus comme garanties supplémentaires les douanes de Corfou, Patras, Volo et Kavalla. On calculait que l'ensemble de ces revenus était de 300 pour 100 supérieur au service nécessité par l'emprunt.

(3) Intérêt à 5 pour 100 ; taux d'émission 87 pour 100 ; amortissement en cin-quante années.

(4) Pour ce qui suit on pourra consulter les pages 48-56 de The secrets oj the

Bosphorus, New-York, 1919, par Henry MOBGENTHAU, qui justement était à l'époque

ambassadeur américain à Constantinople.

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16 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

cela f u t prouvé insuffisant, ils songèrent à déclarer la guerre à la Grèce et dans ce but achetèrent un dreadnought que le Brésil construisait en Angleterre. L'arrivée de ce bateau leur eut donné la maîtrise des mers (1). Pour parer le coup, la Grèce obtint des États-Unis la vente de deux cuirassés, YIdaho et le Mississipi et ainsi, provisoirement du moins, la paix f u t préservée dans la mer Ëgée (2). Cependant il fallait verser immédiatement le prix de ces navires (3), soit 12.535.277 dol-lars. La Banque nationale vint une fois de plus à la rescousse avec 65.000.000 de drachmes; cette somme avancée le 30 juin devait lui être payée sur la seconde tranche de l'emprunt, mais comme un mois plus tard l'Europe était en feu, elle accepta en paiement des obligations d'une valeur de 74.000.000 (4).

La non-émission de la seconde partie de l'emprunt ne resta pas cependant tout à fait sans conséquences ; faute d'elle toutes les sommes empruntées de 1912-1913 durent, pour être consolidées, attendre l'emprunt dit de réquisition de 1918 (5).

(1) Les frontières grecque et turque étant à l'époque séparées par la Bulgarie, la guerre entre les deux pays devait prendre une forme maritime.

(2) C'est au nom de la conservation de la paix que la Grèce demanda au gouver-nement américain de lui céder ces deux navires; M. MORGENTHAU (p. 55), écrit de son côté que « M. Wilson consented to the sale because he knew that Turkey was preparing to attack Greece and believed t h a t the Idaho and the Mississipi would prevent such an attack and so preserve peace in the Balkans ».

(3) Metabaptisés Lèmnos et Kilkis, du nom des deux victoires grecques les plus importantes de 1913.

(4) En d'autres termes, elle prenait celles-ci en pleine guerre, au prix convenu par les banques émettantes en temps de paix, soit 87 pour 100.

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Les années 1914-1916 (i)

Les années 1915-1917 furent pour la Grèce une période de grands déchirements intérieurs. En mars 1915 le roi Cons-tantin se sépara de M. Vénizelos ; celui-ci revint au pouvoir à la suite des élections de juin ; mais il dut le quitter très vite, et avant la fin de l'année une nouvelle élection générale eut lieu.

Dans l'intervalle, les alliés avaient occupé Salonique et une partie de la Macédoine. E n juin 1916, l'Entente exigea la démission du cabinet Scouloudis et la réunion d'une nouvelle Chambre. Mais comme elle ne tarda pas à s'opposer à de nouvelles élections, le pays f u t gouverné pendant douze mois par quatre cabinets d'affaires (2). En automne les luttes entre neutralistes et ententistes, très vives depuis dix-huit mois, aboutirent au mouvement de Salonique. Un peu plus tard des frictions sanglantes survinrent entre le gouvernement d'Athènes et les alliés ; les provinces restées fidèles au roi Constantin furent soumises à un long blocus. Les choses

(1) Aucune étude spéciale n'a été consacrée à cette période. Il faut se rapporter aux débats parlementaires et à la presse grecque. On trouvera cependant quelques renseignements et quelques chiffres précieux dans une conférence de M. Théodore LÉKATSAS, alors directeur de la comptabilité publique, Les Finances de la Grèce pendant

la guerre (Athènes, 1919). On ne peut ici se tenir de regretter que les rapports publiés

depuis 1885, pour ainsi dire annuellement, sur les Finances de la Grèce par le Foreign Office, aient cessé avec le rapport précité de M. Beaumont sur les années 1912-13.

Depuis, le gouvernement britannique a publié quelques rapports, par exemple celui de M. Rawlins, attaché commercial (1921), mais ils étaient d'une nature plus économique que financière.

(2) Zaïmis, Caloghéropoulos, Lambros, Zaïmis.

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18 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

parurent un instant s'arranger au printemps 1917, quand M. Zaïmis revint aux affaires. Mais dès le mois de juin, le roi était forcé d'abdiquer. M. Vénizelos reprit le pouvoir ; la chambre élue en juin 1915 fut considérée comme illégalement dissoute et reprit ses travaux. Bientôt la Grèce entière déclara la guerre contre l'Allemagne et ses alliés. Une nouvelle période s'ouvrait.

Le rappel de ces faits était indispensable pour la com-préhension de ce qui va suivre. Il faut marquer que les effets de la grande guerre se firent sentir longtemps avant que le pays n'y ait participé (1).

Pendant les premiers mois de la guerre, l'armée sans être officiellement mobilisée était tenue à un effectif très au-dessus de son effectif de paix (2). On prit aussi des mesures pour forti-fier les frontières. Aussi ne faut-il pas s'étonner si dès dé-cembre 1914 le ministre des finances calculait les dépenses militaires et navales à 226.000.000 (3).

Cette situation se prolongea jusqu'en septembre 1915, quand eut lieu la mobilisation officielle. Elle dura neuf mois. Elle prit fin en juin. Mais comme en octobre 1916 le mouve-ment de Salonique éclatait, une partie notable du pays (la Macédoine et les îles) se retrouvait bientôt sous les armes. Tout ceci fait comprendre pourquoi, selon les calculs de M. Lékatsas, les dépenses militaires de cette période atteignent les deux tiers de celles de l'année 1917-1918 (571 contre 867), tandis que l'ensemble des dépenses

extraordi-(1) On pourrait même dire : avant même que la grande guerre ne f u t officielle-ment déclarée... Dès la mobilisation française il devint évident que la seconde tranche de l'emprunt de 500.000.000 destiné — nous l'avons vu — à liquider les dépenses des guerres balkaniques ne pourrait être émise et cela ne laissa pas de causer de grands embarras.

(2) On conserva sous les armes une classe de réservistes et on fit passer sous les drapeaux, pour des périodes de quatre mois, tous les Grecs de la nouvelle Grèce âgés de 22 à 30 ans.

(3) Elles se montèrent à 215.000.000 dont 100.447.374 de dépenses extraordinaires principalement consacrées à l'achat des navires américains et de matériel de guerre. Le reste des dépenses, y compris le service de la dette publique, très alourdi depuis 1912, ne se monta qu'à 165.000.000.

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naires, presque exclusivement dues, elles aussi, à la grande guerre (1), se chiffraient par :

De ce total de 757.000.000, une partie fut assurée par les recettes ordinaires et le reliquat de l'emprunt de 1914 (2), le reste par des émissions quon peut qualifier de fiduciaires* Voici ce qui se passa. D'après la loi du contrôle (1898) de nouvelles émissions fiduciaires étaient interdites. Par contre, en vertu de la loi Valaoritis de 1910, la Banque nationale pouvait émettre des billets contre achat d'or effectif ou de change contre l'étranger au pair ; mais (disposition qui ren-dait l'inflation impossible), elle devait céder à !a première demande l'or ainsi obtenu au pair, et le change au cours de 100 1/4. Cette loi avait eu les plus heureux résu'tats, elle donnait aux émissions toute i'élasticité que réclamaient les besoins réels du marché et avait permis de stabiliser le change au pair. Elle avait aussi rendu pendant les guerres balkaniques des services signalés 3).

Mais Valaoritis, en rédigeant sa loi, avait toujours en vue des émissions entièrement gagées par des métaux précieux ou des disponibilités liquides à l'étranger. Or, vers la fin de 1914 la France et l'Angleterre, soucieuses d'aider la Grèce à

(1) Cf., plus bas p. 30.

(2) Certains paiements furent aussi différés.

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20 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

conserver une forte armée sous les armes sans sacrifices immé-diats de leur part, entrèrent dans la combinaison que voici : elles consentirent des emprunts payables à la fin de la guerre et la Banque nationale de Grèce émettait des billets gagés sur ceux-ci.

Le caractère limité de ces émissions, la certitude qu'elles seraient remboursées, une balance de commerce pour des raisons multiples excessivement favorable, firent que pen-dant longtemps les billets ainsi émis restèrent au pair.

Mais le procédé inventé ne respectait la loi de 1910 qu'en la tournant, attendu que si les crédits ouverts pouvaient être une couverture sûre — et même ceci n'était point certain (1) — elles n'étaient pas une couverture liquide. E n outre, comme l'événement l'a montré, les prêteurs pouvaient à u n moment donné refuser de tenir leurs engagements. La Grèce se mettait donc dans leur main sans obtenir en échange aucun avan-tage palpable. L'expédient imaginé était donc, ainsi que l'avenir ne l'a que trop appris, plein d'inconvénients. Par contre, il était fort commode. Aussi fut-il employé par les Puissances, dites protectrices de la Grèce (2), en 1915 (cabinets Vénizelos et Zaïmis) et par l'Allemagne (3), en 1916 (cabinet Scouloudis). C'est grâce à lui que furent cou-vertes en partie les dépenses militaires de 1914 à 1916, et, comme nous le verrons, il devait être repris plus tard sur une plus grande échelle par les Puissances occidentales et les Etats-Unis.

Avant de finir avec cette période, il faut répondre à deux questions, connexes d'ailleurs :

(1) Car les puissances garantes n'auraient pu tenir leurs engagements au cas où elles auraient été battues ; ce f u t le cas des puissances centrales. Plus de 100 millions de billets émis en 1916 contre des crédits austro-allemands restèrent privés de toute couverture. Voyez pour détails deux notes plus bas.

(2) En 1915 l'Angleterre ouvrit des crédits en écriture pour 396.510.143 Livres sterling, la France pour 30.000.000 de francs, et la Russie pour 3.750.000 roubles.

(3) Sous forme d'un crédit de 80 millions de marks de la Banque Bleichrôder. La Banque nationale de Grèce n'émit contre celui-ci que 73.000.000 de drachmes de billets, mais elle en émit 29 millions d'autres contre des devises allemandes ou autrichiennes en sa possession. Tout ceci fit un total de 102 millions de billets qui par suite de la

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a) Quelles furent les recettes et dépenses ordinaires ?

Celles-ci se résument dans le tableau suivant (1) ;

Exercice Recettes ordinaires Dépenses civiles

191 4 2 2 0 . 8 9 7 . 4 7 2 160.852.371 191 5 2 3 2 . 2 2 8 . 4 4 7 196.788.647 191 6 2 3 0 . 0 1 8 . 4 8 0 165.479.527 191 7 2 3 4 . 4 1 0 . 4 0 8 2 2 4 . 5 8 6 . 0 6 3

L'augmentation des dépenses civiles en 1915 était due à la réorganisation administrative par l'extension des frontières et aussi, il faut bien le dire, à l'optimisme qui régnait sur l'avenir économique du pays et des nouvelles provinces en particulier (2). En 1916, année de grande crise, les dépenses, restreintes à l'indispensable, redescendirent presque au niveau de 1914. Mais en 1917 elles remontèrent à 224.000.000, prin-cipalement parce que la guerre avait amené une forte hausse

(1) Chiffres empruntés à la conférence de M. Lekatsas. Le rapport de M. Cofinas sur le budget de l'exercice 1923-24 donne un tableau basé sur les recettes effectuées et les dépenses ordinaires. Les données étant différentes, les résultats diffèrent quelque peu, mais la courbe de l'évolution est la même et conduit aux mêmes conclusions. Voici ce tableau :

Exercice Recettes ordinaires (a) Dépenses ordinaires [b) 191 4 207.683.665 173.692.072 191 5 212.346.316 209.419.940 191 6 215.704.545 192.085.388 191 7 179.582.869 249.863.325

a) Ne comprend pas le chapitre « exercices clos et recettes diverses » qui a donné

10.195.982 (1914), 10.005.500 (1915), 10.585.669 (1916), 54.448.879 (1917), lequel, ajouté, aboutit aux totaux donnés par M. Lekatsas ;

(b Ce tableau ne saurait coïncider avec celui, qui donne toutes les dépenses civiles, car s'il ajoute les dépenses militaires ordinaires, il exclut certaines dépenses civiles ordinaires, telles les sommes consacrées à l'amortissement qui figurent dans les bud-gets grecs, sous le titre «mouvement de fonds » et se montèrent pendant les années qui nous occupent à millions de drachmes : 8,2, 11,4, 13,0, 11,1.

(2) Cet entraînement aux dépenses est un des traits de « l'après-guerre ». On l'a relevé après 1918 dans tous les pays belligérants. En 1914 feu N. Dimitrakopoulos,

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22 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

des prix (1), mais aussi parce que jusqu'en juin la Grèce avait eu deux gouvernements et enfin parce qu'une révolu-tion victorieuse peut difficilement faire des économies (2).

Quoi qu'il en soit, la marge que laissait l'excédent des dé-penses civiles sur les recettes ordinaires : environ 156.000.000 (3) était insuffisante pour couvrir les dépenses militaires, qui dépas-saient le milliard.

b) Quelle fut la politique fiscale pendant cette période ? — Le seul reproche qu'on puisse faire à la politique financière de la Grèce pendant les guerres de 1912-1913 est de n'avoir pas créé de nouvelles recettes.

Une fois la guerre terminée on augmenta bien certains impôts directs et principalement l'impôt sur les successions et les donations (4). Mais on réduisit fortement les droits de douane sur plusieurs objets de première nécessité (5), si bien que dans son ensemble le poids de l'impôt fut allégé.

Ces mesures s'expliquent : la Grèce avait étendu aux nou-velles provinces son régime douanier, celui-ci était primi-tivement plus lourd que le tarif turc maintenu par les capi-tulations à 11 pour 100 ad valorem, et on tenait à montrer aux frères rédimés qu'on était prêt à faire des sacrifices pour leur rendre la vie moins chère. De plus, se basant sur l'expé-rience du passé, on escomptait que les recettes des provinces délivrées du joug turc allaient rapidement monter, et plus

(1) Le nombre-indice suivit la courbe suivante : 1914 = 100 1915 = 121 1916 = 167 1917 = 289

(2) Paul GUIRAUD, (Eludes économiques sur l'antiquité, Paris 1904) écrivait que là démocratie est un régime coûteux ; mais une révolution l'est plus encore.

(3) Cf. plus haut : tableau. Soit en chiffres ronds 62.000.000 en 1914,36 1/2 en 1915 64 1/2 en 1916 et 8.000.000 en 1917.

(4) Nous publiâmes même à cette occasion une longue monographie sur l'impôt sur les successions en général et plus particulièrement dans la législation grecque (Athènes, 1915).

(41)

généralement (1) on envisageait la situation avec opti-misme (2).

Cet optimisme aurait été sans doute justifié sans la grande guerre, qui d'une part provoqua de fortes dépenses militaires et de l'autre priva les impôts indirects de toute élasticité.

Dès le début de 1915, il était clair que de nouvelles charges fiscales s'imposaient. Mais outre que les dissolutions succes-sives ne permirent pas pendant longtemps de les proposer au Parlement, de nouvelles difficultés surgirent du fait des événements. En Grèce, les sources les plus abondantes de revenus sont les droits d'entrée. Étant donné les énormes difficultés apportées au commerce (3), il était impossible de songer à augmenter les droits douaniers. Déjà avec les anciens tarifs ceux-ci n'arrivaient pas à conserver leur ancien niveau ; en 1917, ils étaient tombés à la moitié de leur rendement de 1914 (4).

Il n'était pas facile non plus de se tourner vers les impôts

(1) M. Vénizelos, dans un grand discours prononcé le 3 janvier 1914, montra que dans le cas des provinces grecques précédemment délivrées du joug turc (notamment la Crète) les revenus s'étaient automatiquement accrus de 62 pour 100 en cinq ans. Les recettes des nouvelles provinces évaluées en 1914 à 95.000.000 devaient donner vers la fin de 1918, 155.000.000. En réduisant l'augmentation supposée de moitié, elles seraient encore de 125.000.000. D'autre part, l'augmentation quinquennale

automa-tique dans l'ancienne Grèce, était de 15 pour 100 ; ceci revient à dire que les revenus

devaient monter de 152 à 175.000.000 de 1914 à 1918.

(2) Au cours de la discussion précitée, M. Gounaris, le principal financier de l'opposition, exprima aussi sa confiance dans la robustesse du pays.

(3) Hausse des frets, puis les torpillages allemands, enfin le blocus des côtes et la réquisition des chemins de fer et de la flotte marchande grecque par les alliés.

(4) Il y a lieu de reproduire ici le tableau suivant emprunté à une conférence de M. Cofinas (Les impôts indirects en Grèce, pendant la guerre, Athènes 1920, p. 55) :

RECETTES DOUANIÈRES Millions de drachmes 6 3 5 6 5 2 3 0 4 8 8 5 1914. 1915. 1916. 1917. 1918. 1919.

(42)

24 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

directs. Ils sont en Grèce fort impopulaires (1). Or, dans un temps de divisions aussi aiguës, l'impopularité était la chose que les gouvernements craignaient le plus. Aussi ne fut-ce qu'après 1917, quand le pays réacquit sinon l'unité morale du moins un gouvernement fort, qu'on put songer à de nouvelles charges. J'explique, je n'excuse pas. 11 est évident que le gouverne-ment vénizeliste aurait dû, de 1912 à 1914, faire ce que pres-crit la Science des Finances et ce qu'a fait l'Angleterre de 1914 à 1920, à savoir décréter des impôts de guerre et d'après-guerre. Quant aux gouvernements antivénizelistes ils auraient dû braver l'impopularité et introduire des impôts nouveaux, et notamment développer l'impôt sur le revenu (2) et l'impôt sur les bénéfices de guerre de la marine marchande (3).

Faute de ce faire, la Grèce n'arrivant pas à placer la seconde tranche de l'emprunt de 1914, f u t réduite aux avances t a n t ô t de l'un et t a n t ô t de l'autre groupe des belligérants. Mais l'aide fournie était grosse de dangers politiques : ses alienum acerba servitus. E t la forme des avances sur écritures des ouvertures de crédit qu'elle prit (garantie du remboursement des billets émis en vertu de la loi Valaoritis) était, nous l'avons montré, purement illusoire. Voilà où conduit l'absence d'une politique fiscale énergique.

(1) Les seuls qui ne le soient pas sont les impôts fonciers sur l'huile, le raisin de Corinthe et les figues qui sont perçus à l'exportation. Mais ces recettes souffraient tout comme les droits d'entrée de la crise des communications maritimes.

(2) Du moins sous la forme d'impôt perçu sur les indices extérieurs, qui exis-tait déjà en embryon depuis 1910.

(3) Les frets étaient très élevés dès la fin de 1914. Ce n'est pourtant qu'au début de 1917 que sous le cabinet Lambros on prit des mesures pour les taxer. L'opposition ne manqua pas d'ailleurs de critiquer vigoureusement la nouvelle taxe. Voir entre autres un article signé Triasteros (trois étoiles), dans la Na/tiké Epithêorissis (Revue

(43)

Les années 1917-1924

Contrairement à ce qui a lieu pour 1912-1913 (1), les statis-tiques officielles d'ensemble font défaut pour la guerre de 1917-1923. On manque également d'une étude synthétique et détaillée (2), de sorte que pour suppléer à l'absence des documents officiels il faut se rabattre sur une série de publi-cations fragmentaires (3), quelques conférences (4), et les articles de journaux (5), c'est-à-dire sur des sources soit incomplètes, soit par leur caractère politique exigeant u n contrôle attentif.

Cependant, comme ce sont les effets de la grande guerre (1) Cf. plus haut le chapitre sur les guerres balkaniques, p. 5.

(2) J'ai donné une vue d'ensemble dans mes leçons sur les Finances de guerre et d'après guerre (comprises dans le premier volume de mon cours, Athènes, 1924), et dans un article de La Revue des Sciences politiques (juillet-septembre 1925), mais dans les deux cas, ce fut forcément, sous une forme succincte.

(3) Parmi les études concernant des périodes déterminées on doit retenir : Pour 1916-1919 la conférence déjà citée de M. Lekatsas; pour 1918-1920 une étude de M. Alexandre DIOMÈDE, Les Finances de la Grèce avant et après 1920 (Athènes, 1922), et pour les années 1921-1923 le rapport très détaillé de M. Georges COFINAS sur le bud-get de 1923. M. Ath. EFTAXIAS a publié aussi en brochure le discours qu'il prononça au début de 1922, sur l'administration financière des deux années précédentes.

Parmi les études concernant des questions déterminées nous avons déjà cité (p. 1, note 1), celles de MM. C. Damiris, Eulambio et Santis sur le change, la Banque natio-nale et la dette publique ; nous aurons l'occasion plus loin d'en mentionner d'autres sur les crédits alliés, les nouveaux impôts, l'emprunt dit forcé, etc.

(4) Les plus instructives sont incontestablement celles faites, sous les auspices du ministère des Finances, par des hauts fonctionnaires tels que MM. Lékatsas, Cofinas, Tantalidès, etc. Malheureusement elles n'eurent lieu que pendant l'hiver

1 9 1 9 - 1 9 2 0 .

(44)

26 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

qui font l'objet de l'Enquête du Carnegie Endownment, et p a r t a n t le fonds de cette étude, nous n'avons rien négligé pour donner au présent chapitre le développement néces-saire.

Aussi, dans une série de sous-chapitres, étudierons-nous en détail, outre le m o n t a n t des dépenses publiques et les manières dont celles-ci furent couvertes, la question des dommages de guerre et des réparations. Des appendices seront consacrés aux principales dépenses qui se produisirent après la guerre mais découlèrent manifestement de celle-ci (notam-ment celles pour l'établisse(notam-ment des réfugiés). Enfin un supplé-ment détaillé ira à l'emprunt dit forcé de 1922, qui par suite de la façon originale dont il a été réalisé (division des billets de banque) a attiré l'attention jusqu'ici mal satisfaite du monde économique international.

I . A Q U E L L E S O M M E S E M O N T E R E N T L E S D E P E N S E S D E G U E R R E :

Il est assez difficile de répondre précisément à cette ques-tion. Pour tâcher de l'éclaircir prenons :

(45)

La courbe ascendante des dépenses militaires s'explique par une série de raisons qui ont joué dans tous les pays où la •guerre s'est prolongée pendant plusieurs années, entre autres :

a) l'augmentation des effectifs ; b) l'extension du front ;

c) l'amélioration de l'ordinaire des soldats ; d) l'augmenta-tion des prix du fait seul de la guerre ; e) l'augmental'augmenta-tion des prix du fait de l'inflation (1).

Dans un mémoire rédigé en 1922 sur la demande du Secré-tariat de la Société des Nations (2), j'ai cité plusieurs faits '« illustrant » les observations ci-dessus. Ainsi en 1911 la

nour-riture d'un soldat coûtait 60 centimes (30 centimes de pain et 30 de gamelle) ; en 1922 elle revenait à 7-7 1/2 drachmes ; elle était d'ailleurs plus abondante et plus variée. L'habille-ment et la chaussure de chaque homme coûtaient 690 drachmes en 1921 contre 80 en 1911 et ainsi de suite. Les traitements furent aussi augmentés et les officiers servant en Asie Mineure

(1) Que seule la guerre suffit à augmenter les prix (par suite de l'augmentation d e la demande, la diminution de l'offre, le bouleversement des transports) est une vérité •dont le nombre indice grec fournit une preuve nouvelle. Celui-ci, sans hausse du

change, a presque quadruplé entre 1914 et 1918, la liberté rendue aux

communica-tions maritimes a amené une légère baisse pendant 1919 et le début de 1920. Mais alors sont arrivées les émissions sans couverture dont l'effet s'est immédiatement fait sentir. Voici au surplus des chiffres précis :

191 4 100 (drachme au pair) 191 5 121 191 6 167 191 7 289 191 8 382 191 9 342 1920 359 (hausse du change) 1921 421 1922 737 1923 1213 Les deux dernières années, changes et prix varièrent considérablement :

1e r semestre 2e semestre 192 2 542.3 1014.3 192 3 1234.2 1192.1 Compléter cette note par ce que nous disons plus bas des effets des émissions •contre crédits des alliés.

(46)

28 L E S F I N A N C E S P U B L I Q U E S

reçurent en 1922 une allocation complémentaire de 10 pour 100; pourtant ces augmentations ne dépassèrent pas la hausse des prix, et même pour les officiers supérieurs resta sensible-ment en deçà (1).

Avec la prolongation de la guerre et de la hausse on fut, au cours de 1923 et des années qui suivirent, amené à de nou-velles augmentations de traitements ; mais celles-ci quoique très accentuées continuèrent à être inférieures à l'augmenta-tion du coût de la vie, du moins depuis 1914 (2).

Cette question du pouvoir d'achat de la monnaie doit ne jamais être perdue de vue, aussi jugeons-nous nécessaire de compléter les chiffres donnés plus haut par un tableau partant de l'année où la drachme a cessé d'être au pair, et indiquant le m o n t a n t des dépenses militaires en livres sterling, aussi bien que leur proportion dans les dépenses totales.

(1) Voici un tableau des traitements 1911 Général de division 750 Colonel 590 Commandant 440 Capitaine 310 Lieutenant 180 Sous-lieutenant 160 Adjudant 110 trois dates. 1922 1921 Intérieur Asie Mineure 1500 1950 2100 1000 1300 1680 800 1040 1120 600 845 910 500 650 700 450 585 630 325 422 455

Seuls donc les traitements des adjudants sont quadruplés. Or on se rappelle que l'index-number avait dès le premier semestre de 1922 dépassé 500.

(2) Voici à ce sujet un tableau complétant celui de la note précédente : La moyenne du coût de la vie monta de 100 (1914) à 421 (1921), 773 (1922), 1213 .(1923), 1341 (1924), 1420 (1925), les traitements furent :

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Millions de drachmes 1 9 2 0 - 1 9 2 1 8 6 7 1 9 2 1 - 1 9 2 2 1 4 5 9 1 9 2 2 - 1 9 2 3 1980 1 9 2 3 - 1 9 2 4 1 9 9 7 1 9 2 4 - 1 9 2 5 1847 Dépenses totales L. St. (pourcentage) 2 5 . 3 2 1 . 0 0 0 5 1 2 0 . 5 6 1 . 0 0 0 5 9 1 1 . 8 9 1 . 0 0 0 5 6 6 . 7 3 1 . 0 0 0 3 9 7 . 4 7 5 . 0 0 0 3 1

B) Les autres dépenses de guerre. — Le tableau récapi-tulatif, qui porte l'ensemble des dépenses militaires des années 1916-1922 à 5.949.226.010 drachmes, pour instructif qu'il soit est à plusieurs égards incomplet : a) il faudrait y joindre une partie des dépenses militaires de l'exercice 1923-1924 (1);

b) la guerre n'ayant pas affecté seulement les ministères

militaires, il faut y ajouter aussi dès le début les chapitres des allocations aux familles des mobilisés, du ravitaillement, de la direction supérieure des transports, les dépenses découlant de l'augmentation des traitements (2), etc., etc. Il faut y joindre encore les dépenses provoquées par l'occupation bulgare de la Macédoine orientale et surtout par l'afflux des réfugiés de Thrace, d'Asie Mineure et même de Russie, lesquels ont fini par se monter à 1.526.000 âmes (3).

Rien que ce dernier chapitre a provoqué pour le budget grec une charge plus lourde, toutes proportions gardées, que celle des « régions dévastées » pour le budget français. Sans doute elle sera répartie sur plusieurs exercices succes-sifs ; elle n'en découle pas moins directement de la guerre. Nous y consacrons l'appendice B du présent para-graphe.

Bornons-nous pour l'instant aux années 1917-1924. En l'absence de statistiques officielles, nous pouvons nous faire une idée générale des dépenses de guerre par les dépenses

(1) Du moins jusqu'à la démobilisation qui a suivi le traité de Lausanne, et les frais de la dite mobilisation.

(2) Voyez Appendice A.

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