et lycées
M. Bousquet
Les adolescents et leurs habitudes
En France, à l’heure actuelle, neuf adolescents sur dix se disent en bonne santé (14) et deux tiers des 12-25 ans ont pratiqué une activité physique au cours de la semai- ne de l’enquête du baromètre santé 2000 (9). Cependant, au regard des critères de santé publique, les jeunes multiplient les conduites à risques. Ceci peut laisser pré- sager des troubles de santé à court, moyen ou long terme. En se laissant aller à écou- ter les rumeurs, on pourrait penser que nous avons face à nous une génération de buveurs, fumeurs, de déprimés, d’obèses. En réalité, certains jeunes ne consomment jamais, d’autres ne font qu’essayer et seulement une partie d’entre eux sont effecti- vement dans des conduites de dépendance. Pour mieux cerner ces adolescents, exa- minons tout d’abord quelques chiffres qui sont issus du baromètre santé 2000 (9) et de l’enquête ESCAPAD 2003 (3).
Quels sont leurs loisirs ?
La télévision est leur loisir préféré. Plus d’un tiers des adolescents dit passer 4 heu- res par jour en semaine devant la télévision. Les rencontres avec les amis se font dans les bars pour un tiers de jeunes mais aussi dans la rue, les parcs. Les jeux vidéos sem- blent plus masculins (21 % plus de 4 h /jour versus 2 % pour les filles), alors que la lecture est un loisir un peu plus féminin. Cependant, près de la moitié des filles et plus de 60 % des garçons ne lisent jamais (3).
Avec l’âge, la pratique physique se raréfie notamment chez les filles. Entre 40 et 60 % des 20-22 ans n’ont eu aucune activité physique la semaine précédant l’en- quête alors qu’entre 12 et 14 ans, ils n’étaient que 10 % des garçons et 18 % des filles.
Les jeunes font essentiellement du sport par plaisir mais aussi pour leur santé et
pour faire des rencontres. Les facteurs associés à l’absence ou la faible activité phy-
sique sont la consommation régulière de tabac, une raréfaction de prise du petit
déjeuner et une absence de scolarisation (9).
Les adolescents sont-ils consommateurs de produits toxiques ? Le tabac
Un tiers des jeunes de 12 à 25 ans dit fumer ne serait-ce que de temps en temps (2 % à 12 ans et 48 % à 18 ans). Ils fument en moyenne leur première cigarette à 14 ans, la consommation régulière se mettrait en place vers 16 ans (9). Lorsqu’il y a consommation quotidienne, elle varie de 6 à plus de 20 cigarettes pour les 17-18 ans. La perception de leur consommation est pour quelques-uns (8 %) erronée car, même s’ils fument tous les jours, ils ne se jugent pas « fumeurs réguliers » mais
« occasionnels » (3). La consommation des parents, des amis, des éducateurs, des enseignants est un facteur incitatif à l’entrée dans le tabagisme. Si les filles de 12-14 ans fument plus que les garçons, cette tendance s’inverse entre 20 et 25 ans (9). Les facteurs associés au tabagisme occasionnel ou régulier sont une déstructuration du rythme des repas, la pratique de régimes alimentaires, une ambiance familiale plu- tôt négative et une absence d’activité physique (9). Les garçons semblent plus dépendants que les filles et pour plus de 90 % des jeunes fumeurs, la première ciga- rette est consommée avant l’arrivée au travail ou au lycée donc très tôt le matin (3).
Plus de la moitié de ces fumeurs a envie d’arrêter de fumer, notamment les fumeurs réguliers. Pour ceux ayant déjà arrêté pendant une semaine, les motivations de cet arrêt sont prioritairement le prix et la prise de conscience de l’effet sur la santé mais aussi le désir de vouloir conserver une bonne condition physique et la peur de la maladie. Les filles disent être plus gênées par le tabac des autres et respectent mieux la loi Évin. Les résultats de l’enquête ESCAPAD confirment la baisse de la consom- mation de tabac chez les jeunes obs- ervée entre 2000 et 2002, notam- ment suite à l’augmentation du prix du tabac. En revanche, les quantités consommées par les fumeurs régu- liers sont plutôt à la hausse en 2003.
L’alcool
Moins de 20 % des jeunes de 12-25 ans disent n’avoir jamais bu dans l’année de l’en- quête. Lorsqu’il y a consommation, celle-ci se fait plus particulièrement le samedi, 37 % des garçons et 20 % des filles de 15-19 ans boivent de manière hebdomadaire.
Leur consommation moyenne est alors de 3,3 verres de bière ou d’alcool fort par
sortie. Les ivresses répétées (3 fois dans les 12 mois) sont trois fois plus fréquentes
chez les garçons que chez les filles (9) Ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de
précautions car, comme le souligne l’enquête ESCAPAD, il est difficile de définir la
notion d’ivresse seulement par l’intermédiaire d’un questionnaire. Un adolescent
faisait effectivement la remarque suivante « il faudrait expliquer ce que vous enten-
dez par ivre, c’est être bien gai, malade, dans le coma ? » (3). Les facteurs associés à
ces ivresses sont la consommation régulière de tabac, l’usage du cannabis, l’absence de scolarisation et la faible estime de soi (9). Entre 2000 et 2003, on observe une augmentation de la consommation régulière.
Les drogues illicites
L’évaluation de la consommation de produits illicites est difficile, les chiffres annon- cés reflètent une sous-estimation de la consommation. Plusieurs types de consom- mation ont été repérés, allant de l’expérimentation (une fois au cours de la vie) à la consommation répétée (au moins 10 fois dans l’année), régulière (plus de 10 fois par mois) et quotidienne. Le cannabis est la drogue illicite la plus expérimentée en France chez les 15-25 ans garçons et près de deux tiers des expérimentateurs sont des garçons. La première consommation se fait vers 17 ans, 12,5 % des filles et 16,6 % des garçons sont des consommateurs répétés ou réguliers de cannabis (9).
Les conduites d’expérimentation du cannabis varient avec l’âge, elles augmentent jusqu’à 25 ans chez les garçons et diminuent chez les filles à partir de 19 ans. La poursuite d’études supérieures et la consommation régulière de tabac sont des fac- teurs favorisant ce type de consommation.
L’association de produits toxiques
L’enquête ESCAPAD (3) a étudié les polyconsommations régulières d’alcool, tabac et cannabis. Cette polyconsommation augmente avec l’âge et s’avère plus importante chez les garçons (10 % des filles et 22 % des garçons de 17-18 ans). Les filles cumu- lent le plus souvent tabac et cannabis alors que les garçons associent les trois pro- duits. La comparaison des données 2000 et 2002 montre une légère augmentation chez les filles et une stabilisation chez les garçons. Notons que seulement 12 % des jeunes de 17 ans sont abstinents. Ces derniers vivent plus fréquemment chez leurs parents, sont de famille plus souvent modeste et ont une meilleure réussite scolaire.
L’alimentation
La famille est le premier terrain d’apprentissage. La modification des modes de vie
de celle-ci influence les habitudes alimentaires des jeunes (1). Cette enquête INCA
montre que la consommation des plats cuisinés, pizzas, viennoiseries et des bois-
sons sucrées est en augmentation. Le baromètre santé nutrition 2002 (10) révèle par
ailleurs que les Français mangent plus de protéines et de féculents que de légumes
et de fruits dont la consommation reste insuffisante au vu des recommandations
préconisées en santé publique et cela dès l’adolescence. Chez tous, une petite préfé-
rence existe pour les légumes. Le français mange énergétique et fait peu de sport,
passe plus de temps devant la télévision et les ordinateurs (10) or, « on constate que
le temps passé devant la télévision entraîne une augmentation du grignotage, une
incitation à consommer des aliments gras et sucrés, une baisse de l’alimentation
normale aux heures des repas… » (17). Ces derniers constats laissent penser que l’i-
mitation du « modèle nutritionnel familial » pourrait ne pas être le plus adéquat au
regard de la santé.
Par ailleurs, la famille n’est pas le seul terrain d’apprentissage nutritionnel, rapi- dement les multiples milieux environnants interfèrent avec elle pour les supplanter à l’adolescence (20). À cette période de la vie, la quête d’autonomie va modifier les prises alimentaires, c’est bien plus le contexte de consommation que les produits qui importe (17). Les adolescents ne sont cependant pas prêts à consommer n’importe quoi. Manger certains produits pour faire plaisir, par politesse, pour leur santé les irrite sauf si les médias en font des produits symboliquement séduisants pour eux.
Les modèles véhiculés par les médias, par nos sociétés, ont évolué avec le temps et s’il y a eu l’époque du corps robuste, bien portant, pour faire face aux contraintes de la vie, actuellement c’est la silhouette élancée comme norme symbole de séduction, de forme et de bonne santé. Le corps est un objet et un argument publicitaire utili- sé pour promouvoir n’importe quelle cause, n’importe quelle voiture ou aliment, laissant croire qu’avec l’acquisition de l’objet on serait en prime doté de l’identité positive associée. Si bien qu’en mangeant des barres chocolatées à la place d’un
« sandwich fromage » pour le goûter, on appartiendrait mieux à la norme de la clas- se ; ou qu’en consommant des crèmes dessert on pourrait avoir autant la forme et être aussi reconnu que le sportif qui en fait la promotion. C’est le principe d’incor- poration évoqué par Fischler (6). Dans le monde, la prévalence de l’obésité et du surpoids est en augmentation pour l’ensemble de la population (4).
Un déséquilibre nutritionnel source de surpoids et d’obésité se met en place dans les sociétés occidentales, parfois au sein même des familles. En France, et plus particulièrement dans la région Languedoc-Roussillon, les résultats récents recueillis par l’Observatoire régional d’épidémiologie scolaire montrent un inquié- tant développement de l’obésité, devenant un problème majeur de santé publique.
L’enquête ObEpi 2003 (12) révèle que la France compte 5 % d’adultes obèses de plus par an depuis 1997. Chez les enfants, le pourcentage présentant un excès pondéral est passé de 3 % en 1965 à 16 % en 2000 (13). Les difficultés liées à la prise en char- ge de l’obésité installée rendent cruciale sa prévention. Par ailleurs, il est maintenant parfaitement établi que la nutrition participe de manière essentielle au développe- ment de maladies telles que les atteintes cardio-vasculaires, les cancers, le diabète, l’hypercholestérolémie (13).
En conclusion, nous pourrions dire que les adolescents sont en bonne santé
mais que leur consommation de pro-
duits toxiques, leur mode alimentaire
ne peuvent que nous interpeller. C’est
la fréquence de ces comportements à
risques et leur banalisation qui évo-
luent et de ce fait qui accroissent les
conséquences néfastes sur la santé et
questionnent l’ensemble des déci-
deurs institutionnels, des parents, des
éducateurs, des médecins, etc. Que
faire ? Prévenir, éduquer, dépénaliser,
légaliser, sanctionner ?
Avec des adolescents, la prévention passe-t-elle par l’éducation pour la santé ?
Prévenir, c’est identifier les risques encourus par une population, puis intervenir pour permettre d’éviter la survenue d’un événement nocif possible pour l’individu.
D’après les enquêtes épidémiologiques, les risques encourus les plus fréquents sont la survenue de maladie (cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, infections sexuellement transmissibles [IST], etc.), d’accidents de la circulation, d’obésité, à plus ou moins long terme. Face à ces dangers, on pourrait penser que la peur de la maladie ou du handicap va automatiquement faire changer l’ensemble de la popu- lation et donc, de ce fait, les jeunes. Cependant, hormis l’accident, l’obésité ou les IST qui peuvent survenir dans « l’immédiateté », les maladies sont des atteintes sou- mises au facteur temps. Pour en percevoir le risque, l’individu doit alors avoir la capacité de se projeter dans l’avenir, ce que peu de gens font et plus particulièrement les adolescents.
Nombreux sont les éléments qui nous font penser que ce n’est pas la peur de la maladie qui fait changer les comportements d’un adolescent, comme chez un bon nombre « d’adultes » d’ailleurs. Les adolescents vivent dans l’immédiateté et la recherche de plaisir, de sensations fortes sans se soucier de ce dont demain sera fait.
Aussi, penser que la peur de la maladie à la cinquantaine, voire de la quarantaine, puisse influencer leur recherche de plaisir immédiat nous semble un leurre. Les ado- lescents sont habités par un fort sentiment d’invulnérabilité, qui limite voire annu- le fortement la possibilité de se percevoir comme malade ou souffrant à plus ou moins brève échéance. C’est pourquoi de nombreux jeunes perçoivent difficilement qu’un petit verre, un petit joint (souvent considéré comme naturel, sources de plai- sir, de détente) puissent nuire à leur santé.
La survenue de l’événement négatif (accident, maladie…) est probabiliste. Ceci nuit au perçu de sa pertinence et de sa force de mobilisation de l’individu vers un changement. Tous les fumeurs ne décèderont pas des conséquences de leur tabagis- me, même si la probabilité est de 50 %, nombreux sont ceux qui préfèreront s’ima- giner appartenir au pourcentage de ceux à qui il n’arrivera rien. D’autant que l’en- tourage de chacun regorge d’exemples contradictoires : le voisin, le parent qui a fumé, bu toute sa vie et qui à 90 ans est en pleine forme, et que, par ailleurs, untel est décédé d’un cancer sans avoir fumé ou bu. Nombreux peuvent en déduire que :
« Comme c’est à n’y rien comprendre, profitons pleinement des plaisirs de la vie… ».
Un adolescent aime jouer avec le sort, le risque. Braver la peur est pour certains
un excellent mobile d’action pour définir ses limites et afficher son identité aux yeux
des autres. La peur de la mort semble plus porteuse de changements que la peur de
la maladie. Par exemple, depuis le développement de la tri-thérapie qui ne guérit pas
mais qui permet d’améliorer l’espérance de vie des malades et éloigne de ce fait la
perception de la mort, les jeunes se protègent moins dans leurs rapports sexuels. Les
adolescents vivent dans un monde de consommation, d’illusion, de prouesses tech-
nologiques et médicales. Ils ont parfois le sentiment que beaucoup de choses se
remplacent, se changent, se réparent comme la console de jeu vidéo, le portable, alors pourquoi pas le foie ou le poumon, ce qui est d’ailleurs parfois vrai !
Pour ces différentes raisons, nous ne croyons pas que seule la peur d’un avenir pathologique puisse faire changer les comportements des adolescents. Nous préfé- rons partir d’un présent à construire individuellement le plus proche des notions de santé. Nous parlons donc plus ici d’éducation que de prévention. Dans une vision idéaliste, nous pourrions penser qu’une éducation à la santé précoce (donc dès la maternelle) menée par l’ensemble de la communauté socio-éducative (parents, enseignants, etc.) et par les institutions pourrait amener chaque individu à adopter dès le plus jeune âge les conduites inhérentes au bon développement de sa santé et à les maintenir tout au long de sa vie même si au moment de l’adolescence les bon- nes habitudes sont transitoirement malmenées.
Changer les habitudes des adolescents
Changer les habitudes des adolescents : est-ce nécessaire, réalisable ou idéaliste ? Pour répondre à cette question on peut se demander au nom de quoi nous vou- drions changer les habitudes des jeunes, surtout si on les considère comme passa- gères… À cela, nous invoquons deux raisons essentielles, leur santé et la santé des autres. Faire changer les jeunes au nom de leur santé est une finalité justifiée par les données épidémiologiques. Cependant, la tâche est difficile puisqu’à l’adolescence la santé est vécue comme bonne (même si par exemple des troubles alimentaires sont sources rapides de surpoids ou d’anorexie) et donc que la pertinence immédiate du risque devient faible à leurs yeux. Faire changer les jeunes au nom de la santé des autres paraît socialement et déontologiquement raisonnable. Il n’est plus à démon- trer l’impact du tabagisme (tabagisme passif, tabac et grossesse…), de la consom- mation excessive d’alcool (violence, accident…), sur l’entourage et des répercus- sions économiques et sociales que cela peut entraîner. C’est pourquoi au nom des valeurs sociales, philosophiques, éthiques, les adultes ne peuvent rester impassibles face à une partie de cette jeune génération qui se prépare à de graves troubles de santé. Cependant, les adolescents en sont rarement conscients, un décalage des per- ceptions et des priorités existe entre les générations. Très schématiquement, on pourrait dire que les uns vivent en recherche d’émotions (plaisir, « éclate ») immé- diates, et que les autres misent sur leur avenir y compris leur vieillesse plus proche.
D’où la nécessité de s’interroger sur le caractère réalisable ou idéaliste du change- ment d’habitudes chez les adolescents et sur la manière d’y aboutir.
De nombreuses enquêtes montrent clairement la part importante de l’affectif
par rapport au cognitif dans la construction des habitudes chez les jeunes comme
chez les adultes. En France, environ un tiers des médecins fument alors qu’ils sont
particulièrement informés des risques encourus. Cette habitude, et bien d’autres,
dépasse largement le champ de la raison pour s’inscrire dans la symbolique de la
personne dont les finalités sont multiples et individuelles. On commence souvent à
fumer ou à boire « pour faire comme les autres », pour appartenir à un groupe de
copains, pour oublier le quotidien qui agresse, se « lâcher » pour faire la fête, se don-
ner confiance pour séduire, etc. Conduire vite sans casque et en grillant les feux
rouges est un moyen de flirter avec ses limites, d’avoir des sensations fortes de son corps, de l’éprouver pour mieux le connaître et pour l’apprivoiser dans cette pério- de de profondes modifications morphologiques. L’ensemble des conduites à risque est symboliquement associé par les jeunes à des rites instaurés par eux-mêmes pour se construire et afficher leur passage à l’âge adulte ce qui s’apparente aux rites initia- tiques des cultures ou des religions. Donc, pour modifier leur conduite à risque, apprenons leur à se connaître dès le plus jeune âge (bien avant l’adolescence), à se construire, à se respecter et s’aimer autrement que par la recherche de soi, par la prise de risques occasionnelle ou permanente. Ceci est le cœur même des finalités de l’éducation. C’est une grande mission clé de notre société qui ne peut se réaliser en « deux temps trois mouvements » mais qui nous paraît faisable si cela devient un des objectifs d’une politique socio-économique, éducative, familiale… La route est bien évidemment longue, tortueuse et remplie d’embûches mais cependant pour- quoi ne pourrions-nous pas y croire ! Cela implique une évolution à tous les niveaux de la société, parents, école, religion, culture, profession.
Avec des adolescents, quels objectifs et quels concepts pour l’éducation pour la santé ?
Les objectifs
Ils sont de trois ordres : les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire.
Les savoirs
Il est important avec les adolescents de faire régulièrement le point sur leurs connaissances et de leur « démontrer » qu’ils ont des idées reçues par influence et que les sources d’information sont multiples et pas toujours valides ou actualisées.
Nous avons tous en mémoire les résultats d’enquêtes largement diffusés par les
médias annonçant que le cannabis était moins cancérigène que le tabac. Nous
savons depuis que ce n’est pas le cas mais cependant cette notion est fortement
ancrée chez les jeunes. Chaque personne, notamment dans la prime adolescence, n’a
pas la capacité de faire seul le tri entre toutes les informations qui lui parviennent
de la télévision, d’internet, de la presse mais surtout des copains et des rumeurs du
style « le cannabis est naturel donc ne peut nuire à la santé ». Comme le dit le pro-
fesseur Baylé (conférence sur la « Désinformation en santé publique : de la com-
munication à l’éducation », 13 mars 2006) : la multiplication des sources d’infor-
mation peut être source de désinformation ou de mésinformation. Nous devons
aider les jeunes à développer leur capacité à analyser, critiquer et à choisir, parmi
toutes les informations qui leur parviennent, celles qui sont valides. Cela paraît
logique, cependant n’oublions pas que toutes ces informations sont chargées d’af-
fect et de symbolique par l’émetteur comme par le récepteur du message (cf. chapitre :
La communication : un des piliers de la prévention). Autant d’éléments qui peuvent parasiter la compréhension mais aussi la prise en compte et l’appropriation des messages.
Les savoir-être
C’est ce domaine qui nous paraît essentiel car il regroupe tout ce qui est de l’ordre de la construction de soi en tant qu’individu et de sa relation à l’autre et au monde.
Comme le montrent les enquêtes citées précédemment, les jeunes qui ont des conduites à risques ont très souvent une image peu positive d’eux-mêmes, un fort besoin de soutien de leurs pairs qui peuvent les pousser à accepter diverses propo- sitions salubres ou nuisibles pour ne pas être mis à l’écart. Il nous paraît fonda- mental :
– d’aider le jeune à mieux se connaître et s’accepter avec ses points forts et ses points faibles ;
– de l’amener à estimer la place de son comportement par rapport à son équili- bre de vie (la consommation prend-t-elle une place prioritaire ou accessoire, existe- t-il une fête possible sans alcool ou peu…) ;
– de lui apprendre à positionner ses comportements sur des échelles : risque/plaisir et coût/bénéfices pour faire les bon choix ;
– de lui apprendre à dire « non » aux sollicitations sans craindre de « perdre la face devant les copains » et à accepter de s’individualiser du groupe tout en y étant inclus ;
– de lui apprendre à communiquer et à respecter l’autre et son environnement ; – de l’aider à comprendre le poids de ses habitudes dans le contexte économique et social (décortiquer avec lui les mécanismes de manipulation économique, poli- tique des cigarettiers par exemple) ;
– d’éveiller en lui l’esprit critique par rapport à la publicité, aux copains, aux médias…
La liste n’est bien évidement pas exhaustive et doit surtout être adaptée en fonc- tion des situations.
Les savoir-faire
Développer les savoir-faire c’est développer le maximum de compétences de chaque jeune pour lui donner les moyens de multiplier les situations de réussite et ainsi de renforcer ou d’induire une image positive de lui-même. Suite à la puberté qui engendre de profondes modifications morphologiques et physiologiques, dévelop- per les capacités motrices et perceptives est nécessaire pour que le jeune se réappro- prie son corps et apprenne à mieux le maîtriser et à mieux le respecter et éviter de l’agresser de multiples manières.
Le développement des savoirs, savoir-être et savoir-faire a pour finalité le ren-
forcement des fondements de la personnalité de l’individu à partir desquels les com-
portements de santé et/ou déviants vont se mettre en place. Mais il est capital que
l’adulte ait une attitude cohérente par rapport à ce qu’il affirme pour accroître la
crédibilité des messages et de ses comportements.
Les concepts
L’acquisition de connaissances ne suffit pas à modifier les attitudes et les comporte- ments des jeunes. Dans le « trans-theoretical model » de Prochaska et Di Clemente (18), les savoirs ne représentent qu’un des dix processus psychosociaux impliqués dans la modification des comportements. Les connaissances sont nécessaires mais pas suffisantes. Elles doivent permettre aux jeunes d’éclairer scientifiquement et de comprendre leur vécu ou une situation proche d’eux.
L’ancrage sur les représentations et les valeurs individuelles (5) mais aussi sur cel- les véhiculées par le groupe auquel il appartient : un jeune de 5
eexpliquait « qu’il ne mangeait pas de fruits en hiver, non parce qu’il ne les aimait pas (comme on aurait pu le croire aisément) mais que manger des fruits pendant la période scolaire pre- nait trop de temps, donc il n’y avait qu’en vacances qu’il avait le temps de consom- mer des fruits ». On comprend bien ici qu’aucun argument propre à la santé ne sera à même de faire changer les habitudes de ce jeune. Si l’on souhaite qu’il change, il faudra trouver des solutions quant à l’organisation de son temps.
L’éducateur doit s’appuyer sur la recherche d’identité de l’adolescent : l’adolescence est la période de tous les plaisirs instantanés, de multiples doutes et d’expériences. Il est nécessaire de pousser le jeune à faire le point sur les émotions et les sentiments qui entourent l’ensemble de ses habitudes de vie, puis de l’aider à en estimer les avantages et les inconvénients en matière de santé, d’impact économique et social, d’image pour son entourage (le grand frère ou la grande sœur modèle des plus jeunes de la famille).
La construction se fait à partir d’une problématique, d’une demande spécifique du groupe en cohérence avec les priorités de santé publique, les instructions officielles de l’Éducation nationale et l’environnement socio-culturel et familial. Il est fonda- mental de cerner précisément les besoins et les attentes des jeunes et celles des équi- pes éducatives. Elles sont parfois différentes, ce qui engendre une totale incohéren- ce de l’action pour exemple, un partenaire nous avait demandé d’intervenir auprès d’un groupe dans le cadre de la journée mondiale sans tabac : « Nous fûmes en pré- sence d’un groupe de jeunes filles migrantes parlant à peine le français, dont aucu- ne ne consommait de tabac et dont seulement deux d’entre elles étaient soumises au tabagisme passif. Nous avons rapidement changé de sujet et abordé l’alimentation de l’enfant qui correspondait bien plus à leurs préoccupations du moment en tant que jeunes ou futures mamans. »
La santé ne doit pas être réduite à une énumération d’interdits qui ne ferait que sti- muler l’ardeur des adolescents en quête de limites à dépasser. La santé c’est aussi le bien-être comme le définit l’OMS. Soyons positifs dans l’approche de la santé avec les jeunes, si la santé c’est éviter certains comportements pour ne pas se faire pren- dre au piège de la dépendance, c’est aussi apprendre à gérer les plaisirs de la vie comme respecter l’autre dans la relation amoureuse en mettant un préservatif, découvrir la beauté des couleurs et des formes dans nos assiettes pour faire appré- cier les légumes, apprendre à savourer les moments agréables de la vie à l’ombre des rayons de soleil trop violents.
L’enfant, l’adolescent doivent être acteurs de leurs démarches de santé, c’est-à-dire
s’interroger sur leur propre vécu. Sans cela, seul le registre des savoirs est abordé
sans atteindre les registres de l’affect, du savoir-être, du savoir-faire qui sont les piliers de l’éducation pour la santé. Ce n’est pas parce que l’élève aura 18/20 au QCM sur l’équilibre alimentaire qu’il mangera équilibré : « Les méthodes doivent être diversifiées et solliciter la participation active et interactive des élèves pour les impliquer dans leur apprentissages. » (utilisation du mesureur de monoxyde de car- bone par exemple) (11, 15, 19, 20, 21).
L’instauration d’un dialogue dénué de jugement de valeur est indispensable. Nous avons tous, enfants, adolescents, adultes, des systèmes de valeurs à partir desquels nous nous construisons. En éducation pour la santé, il est fondamental de pouvoir échanger sans crainte de jugement sur nos valeurs pour les conforter et/ou les modi- fier. Chacun, les jeunes comme les adultes, doit oser « se dévoiler un peu » pour créer un climat de confiance et apercevoir l’autre dans sa spécificité avec ses points forts et ses points faibles. Il faut faire attention aux étiquettes réductrices qui collent à la peau du style, « tu es nul, idiot », un jeune peut dire ou faire des choses idiotes, voire nulles mais ce n’est pas pour autant qu’il est nul ou idiot. Certains peuvent penser que nous nous attachons ici à un détail de rhétorique, ce détail peut cepen- dant être vécu par le jeune comme un statut que l’adulte lui attribue et derrière lequel il peut effectivement se réfugier (les psychologues nomment cela l’effet Pygmalion) ; il n’est pas facile ensuite de se construire positivement.
La faiblesse de l’estime de soi est une composante majeure de comportements dépen- dants. Dire non aux copains, à ceux instaurés comme modèles, est pour certains inconcevables. Renforcer l’estime de soi des jeunes pour qu’ils osent dire non à des propositions néfastes pour leur santé est un principe de base fondamental. Il est indispensable de leur donner des éléments permettant l’argumentation pour faire valoir leurs idées.
Le renforcement de l’estime de soi est une attitude éducative globale. C’est l’attitu- de positive des parents, des membres de l’équipe éducative, des copains, etc. qui ren- forcera au jour le jour cette estime d’eux-mêmes. L’éducation pour la santé n’est donc pas uniquement une affaire de spécialistes ou de disciplines (médecins, ensei- gnants de sciences de la vie et de la terre…) ayant pour mission de diffuser une information scientifique sur la santé mais plus une question d’attitude éducative (retour positif, définitions de critères d’évaluation compréhensibles, etc) mobilisant l’ensemble des acteurs socio-éducatifs, des parents, des médias, des politiques et décideurs, de la société dans son ensemble.
L’inscription dans la durée est un principe fondamental car comment peut-on croire qu’en deux heures de rencontre avec un groupe de 30 jeunes (comme c’est souvent le cas en milieu scolaire) on va modifier leurs représentations, leurs attitu- des, leurs comportements qui se construisent depuis plus de 10 ans et continueront à se modeler tout au cours de la vie. En tenant compte du contexte français de l’É- ducation nationale, il est fondamental d’intégrer l’action au sein de programmes établis sur la durée (exemple au sein des projets d’établissements et des comités d’é- ducation à la santé et à la citoyenneté).
Les résultats de l’expertise collective de l’Inserm sur « l’éducation pour la santé
auprès des jeunes, démarches et méthode » (11) montre la multitude des paramètres
à prendre en compte et donc la difficulté qui en découle.
Enfin, patience et modestie dans les attentes sont parmi les principes fonda- mentaux des éducateurs auprès des adolescents !
Quelles méthodes pour amener les adolescents à gérer leur santé ?
Les méthodes utilisées à Épidaure s’appuient sur l’ensemble des théories socio- cognitives (cf. chapitre : Connaissances, attitudes et comportements en santé : com- ment les acquérir ?), la revue de la littérature, notre expérience professionnelle de terrain et sur la confrontation de celle-ci avec des partenaires spécialistes en éduca- tion pour la santé. Au risque de décevoir le lecteur, nous n’exposerons pas de solu- tions miracles ou de protocoles « clés en main » ; nous faisons part ici de notre expé- rience et de l’état actuel de notre réflexion.
La méthode a pour finalité le renforcement des fondements même de l’individu par la modification et/ou l’accroissement de savoirs, savoir-être et de savoir-faire.
Elle se déroule en plusieurs étapes qui se résument en quatre questions : – quelle est la demande et existe-t-il un ou plusieurs problèmes ? – comment faire ?
– que faire ?
– quels sont les effets de l’action ?
L’analyse de la situation : quelle est la demande, existe-t-il une ou plusieurs demandes et un ou plusieurs problèmes ?
La demande peut provenir de deux sources : de l’adulte (membre de l’équipe édu- cative) ou des jeunes eux-mêmes.
Au niveau de l’adulte, la demande peut être de réaliser une intervention, mais aussi de disposer de documentations, des outils pédagogiques, des conseils. Les demandes de documentation n’étant pas toujours locales, Épidaure a créé une base de données télématique en éducation pour la santé. On y trouve essentiellement des documents et outils directement téléchargeables. L’étudiant pourra trouver aussi une liste de sites où puiser une documentation, des outils de communications vali- dés. La navigation se fait selon différentes entrées, soit par thématique, par type d’outils, par auteur, par type de public ou mots clés… Elle est réactualisée réguliè- rement, et peut être consultée à l’adresse suivante : www.epidaure.fr.
Lorsque nous devons répondre à une demande d’intervention sur site, cela
nécessite un travail d’information pour comprendre la genèse de la demande et
identifier les ressources (niveau de connaissances, représentation) et les besoins
(comportements, attentes). Une rencontre avec l’équipe ou la personne demandeu-
se est nécessaire pour analyser la motivation de la demande et les situations posant
problème (par exemple : nombreux passages à l’infirmerie en fin de matinée pour
cause de maux de tête, malaise). L’analyse du problème peut se faire par divers
moyens d’échanges avec les jeunes ou par les jeunes entre eux. Les résultats permet-
tront ensuite de définir les objectifs de l’action et d’en concevoir le contenu.
L’analyse de la genèse de la demande d’intervention est indispensable pour com- prendre dans quel champ va se situer l’action. En milieu scolaire ou périscolaire (activité de groupe), l’intervenant peut être :
– un médiateur, suite à un problème important qui vient perturber la vie de l’é- tablissement (tournante, « cadavres de bouteilles de gin, whisky… ». Face à cela, l’ampleur du problème doit être correctement évalué et les ressources humaines et matérielles mises en œuvre. Parfois, il n’apparaît pas de réelle dynamique collective et l’intervenant « médiateur » a la lourde mission de résoudre le problème sans aut- res moyens humains ou matériels que sa propre énergie ;
– un conseiller/partenaire pour une action dans la durée, comme lorsque nous sommes conviés à participer à des réunions de comité à la santé et à la citoyenneté dans les lycées ;
– un spécialiste ex cathedra qui doit faire comprendre en une conférence de deux heures que fumer est dangereux pour la santé. Cette demande s’observe parfois chez des adultes récemment touchés de près ou de loin par la maladie et qui se lancent dans la bataille contre le mal. Si nous sommes conscients de l’utilité d’un tel com- bat, n’oublions pas d’aider chacun à prendre émotionnellement du recul par rap- port à un vécu douloureux tout en lui permettant d’adapter une méthode au public concerné ;
– un VRP de la santé qui vient « porter la bonne parole » pour répondre aux instructions officielles, aux pressions du chef d’établissement.
À charge pour l’intervenant de faire évoluer ce rôle dans une plus grande cohé- rence avec les concepts en éducation pour la santé.
Au niveau des jeunes, il nous semble avoir perçu trois types de demandes : l’une thématique et les deux autres méthodologiques :
– l’une explicite (demande d’information sur les drogues essentiellement, moins souvent sur l’alimentation et presque jamais la santé) est thématique ;
– une autre (plus ou moins inconsciente) est d’être écouté. « Il s’agit de leur par- ler d’eux tels qu’ils sont, tout en les aidant à prendre du recul par rapport à leurs émotions qu’ils ne contrôlent pas très bien. Si certains demandent des images plus fortes, c’est en partie en raison du désir de discours plus réaliste et responsabilisant » (16). D’où la limite des exposés scientifiques qui ne laissent que peu de place à l’ex- pression des individus ;
– la troisième sur la manière de communiquer avec eux sur la santé. Ils deman- dent régulièrement des images chocs, des témoignages de toxicomanes, d’accidentés de la route, de malades… Le dossier technique du comité d’éducation pour la santé sur la communication auprès des jeunes souligne l’importance d’appuyer la com- munication sur la peur, l’émotion et l’humour savamment dosés (16). Dans l’utili- sation de cette peur, il est important de souligner la nécessité de :
• l’intégration de la peur à l’expérience des jeunes : que les jeunes puissent inté-
grer celle-ci à leur expérience et donc avoir le sentiment que cela pourrait leur arri-
ver dans un avenir immédiat ou très proche. C’est pourquoi le témoignage d’une
personne atteinte d’un cancer du poumon peut présenter certaines limites car celle-
ci est généralement perçue comme « âgée » par les adolescents (même si elle a à
peine 40 ans). Vont-ils alors se sentir concernés ? Y aura-t-il rencontre
émotionnelle ? Peut-être pour ceux touchés personnellement par la maladie au sein de leur famille, mais ces derniers ont-ils réellement besoin de cette épreuve ? Nous sommes plus favorables à la mise en place d’une rencontre entre les lycéens et un accidenté de la route (qui sont malheureusement souvent très jeunes) qui ose s’ex- primer sur son quotidien, sa vie amoureuse, son insouciance d’avant et sa prise de conscience actuelle ;
• un dosage équilibré de la charge émotionnelle véhiculée pour qu’elle ne parais- se ni trop forte (au risque d’être rejetée par l’individu pour se protéger), ni trop fai- ble car alors les avantages perçus du comportement à risque pourraient être plus attirants que les risques encourus eux-mêmes ;
• une différenciation dans l’approche car il y a autant de jeunes que de capacités de gestion émotionnelle différentes, le dosage est donc une manœuvre périlleuse, c’est pourquoi il est important d’éviter de choisir la peur comme seul « levier » réac- tionnel.
Comment faire ? Proposition de projet par étapes
Les objectifs définis, le public identifié en fonction de ses caractéristiques spéci- fiques, reste à décider comment atteindre ces objectifs. Notre façon de faire paraît extrêmement simple au premier abord : c’est « la rencontre ». Mais la difficulté rési- de dans le fait de provoquer une ou des rencontres qui soient porteuses de sens, d’é- motions au point d’engendrer une interrogation, une remise en cause, un change- ment de la part des participants. Par rencontre, nous entendons aller au-devant de l’autre, du groupe, de soi pour le connaître. Selon l’investissement de chacun, la ren- contre peut se situer à différents niveaux qui sont ni exclusifs, ni chronologiques :
– au niveau des savoirs : l’individu puise ou échange avec l’autre sur les savoirs ; – au niveau des savoir-être : l’individu construit avec l’autre une manière d’être ; – au niveau des savoir-faire : l’individu construit avec l’autre une manière de faire.
Le résultat de la rencontre se situera à un niveau, à plusieurs niveaux ou à aucun niveau lorsque le participant ne s’implique pas à quelque niveau que ce soit (le jeune qui somnole ou dort, qui est « corps présent » mais loin dans sa tête), on peut alors penser que ce qui a été mis en place n’a pas suscité d’implication indi- viduelle. Cette rencontre, médiée ou non par un outil, pourra être entre jeunes, entre jeunes et adultes ou d’un jeune avec lui même. Elle n’est pas une fin en soi mais elle est une étape dans le processus. L’outil est le support qui sert de cataly- seur pour la rencontre (tableau I). Chacun pourra puiser en fonction de sa spéci- ficité, de ses représentations et de ses priorités du moment, les éléments pour se construire, etc.
Pour chaque action, nous allons provoquer autant de rencontres qu’il sera pos-
sible compte tenu des contraintes, des moyens matériels et humains disponibles et
motivés dans la structure demandeuse (temps disponible, multiplicité et spécificité
des intervenants, implication de chacun, budget, moyen matériel), du désir et de la
possibilité d’impliquer d’autres partenaires extérieurs à la structure et de l’implica-
tion des jeunes dans la démarche et de leur profil.
Tableau I -La place de l’outil* dans l’éducation pour la santé. Type d’outilProcessus pédagogiqueObjectifs Création par les jeunes d’un outil à destinationAcquérir des connaissances d’autres jeunes:Utiliser la parole des jeunes pour faciliter:Transmettre des connaissances – exposition,postersla compréhension,l’appropriation – Trivial Poursuit®thématiquedes informations – ateliers,quiz,testsRenforcer l’estime de soi et la confiance en soi – diaporama interactif – chansons,poèmes Mesureur de COUtilisation de la mesure quantitative pour prendreMettre en évidence son taux de pollution interne conscience d’une «nuisance physiologique»Mesurer individuellement la quantité de CO dans l’air expiré «Mind Map»:la carte mentaleUtilisation du dessin pour se connaîtreApprendre à mieux se connaître et identifier – dans son équilibre de vie,ce qui devrait être changé au regard de la santé – dans sa personnalité, – dans sa relation à l’autre… Lunettes «fatal vision»Utilisation de la simulation pourExpérimenter l’effet de la consommation prendre conscience des effets toxiques,de toxiques sur les perceptions visuelles et l’accommodation gestuelle (équilibre) Réfléchir à avoir des comportements moins risqués et réduire sa consommation SIMALCObserver sa courbe d’alcoolémie par rapport Mieux estimer les risques encourus,à une consommation simulée, Série de verres doseursMesurer le temps d’élimination de l’alcool dans le sang Réfléchir à avoir des comportements moins risqués et réduire sa consommation Pièce de théâtre interactive,saynètes,sketchsUtilisation du jeu pour tester ses capacitésMieux se connaître dans les situations de de réaction et d’expression dans des situationsla vie courante pour: fictives de la vie courante– améliorer ses réactions, – prendre confiance en soi, – estimer l’impact de son attitude chez les autres. *L’outil ne pourra à lui seul suffire pour atteindre les objectifs.L’accompagnement est inéluctable pour que le jeune puisse analyser,comprendre et s’approprier les informations délivrées par l’outil.
À la fin de cette étape, nous aurons pris la mesure du contexte matériel et humain dans le lequel l’action va se dérouler. Selon l’ampleur donnée au projet, il peut être utile de constituer un comité de pilotage pour répartir les tâches et les responsabilités. Il est important alors d’estimer à nouveau l’adéquation entre les objectifs issus de l’analyse et le contexte. Par exemple, il est inutile de poser comme objectif la modification du petit déjeuner chez les collégiens si l’action se résume au partage d’un unique petit déjeuner pour toutes les 6
e. Nous pourrions être quelque peu dépités de n’avoir pas atteint nos objectifs d’équilibre alimentaire.
La mise en place d’un partenariat paraît un élément important pour échanger des expériences entre professionnels et équipes éducatives des établissements scolai- res. Par exemple, en partenariat avec le rectorat de l’Académie de Montpellier, nous avons mis en place un forum sur l’environnement et l’alimentation afin de valori- ser le travail de terrain et de créer des échanges d’expériences entre les porteurs de projets. L’étape de valorisation et de mutualisation des expériences est souvent négligée et c’est pourtant un excellent mobile de motivation pour les équipes. Reste à chacun des acteurs de santé de s’entourer de partenaires motivés par la même lutte et de construire ainsi un réseau pour qu’à l’échelle d’une classe, d’une école, d’un quartier, d’une ville les conditions de santé changent.
Que faire : quel sera le contenu de la ou des rencontres ?
Avant toute chose, gardons-nous de croire que la rencontre et/ou l’outil peuvent à eux seuls transformer les participants. L’outil, la rencontre font uniquement office de starter. L’outil n’est qu’un catalyseur de la rencontre et cette dernière qu’un temps pédagogique qui devrait permettre à chacun de franchir une étape plus ou moins grande. Ce n’est en aucun cas le remède miracle aux conduites nocives à la santé.
L’espace Épidaure a mis en place différentes formules de partenariat avec les éta- blissements scolaires qui vont d’une proposition minimale à d’autres plus riches car construites sur la durée. Pour structurer ce partenariat, nous avons rédigé une char- te qui doit être signée par les équipes pilotes et le chef d’établissement. Quelle que soit la proposition choisie, nous essayons que l’action santé soit un temps fort pour les jeunes afin de les amener à un temps de rencontre avec eux même.
La rencontre ponctuelle de courte durée (de 2 heures à une journée…)
Elle se déroule soit à l’intérieur de l’établissement scolaire dans le cadre d’un cours avec
un enseignant, soit à Épidaure (tableau II). Elle est axée plus particulièrement sur une
thématique ou sur la visite de la structure (cf. chapitre : Épidaure : de l’antique à l’ac-
tuelle) dont le parcours est organisé le plus souvent par un jeu de piste. Nous privilé-
gions l’organisation de la rencontre au sein de l’espace Épidaure car hors du contexte
scolaire, il est plus facile de dépasser le registre des simples savoirs. Lorsque nous inter-
venons dans une classe, il arrive que l’enseignant nous présente et souligne le besoin de
prendre des notes en préparation de l’interrogation de la semaine suivante sur l’ali-
mentation. Cette consigne induit l’apprentissage des bases de la nutrition pour cette
échéance évaluative mais l’interrogation passée, l’élève ne juge plus nécessaire de « s’en-
combrer la mémoire avec ça » et cet acquis transitoire ne l’interpelle pas sur son vécu.
Tableau II -Trame générale d’une intervention ponctuelle de courte durée (2 à 3 heures). 1.Déroulement de la rencontre 1/ Présentation de la philosophie de l’intervention 2/ Échanges sur les représentations de la santé,les idées «reçues»,les attentes de l’auditoire 3/ Animation interactive Réalisations d’ateliers par petits groupesUtilisation d’outils destinés à «se connaître»Réponse aux questions préparées 4/ Bilan collectif 2.Exigences pédagogiques minimales • Une préparation de cette intervention avec l’équipe • Une même équipe pédagogique institutionnelle présente durant l’intervention (enseignant,infirmière,conseiller d’éducation,etc.) • Une salle un peu à l’écart pour éviter les nuisances sonores du travail en ateliers quand cela se passe dans un établissement scolaire • La mise en place d’un suivi par l’équipe éducative
Au collège, la rencontre ponctuelle porte soit sur le tabac et le cannabis soit sur l’équilibre alimentaire en complément des programmes de sciences de la vie et de la terre de 5
eet 3
e. Nous organisons la classe en cinq groupes et chacun réalise succes- sivement cinq ateliers (base de données CLEES www.epidaure.fr). Les ateliers sont créés en concertation avec les équipes éducatives, (environ 40 ateliers sur la nutri- tion et une vingtaine sur le tabac dont une dizaine de jeux de rôles a été créée). Cette partie jeux de rôles sur le tabac et le cannabis est fort intéressante pour aborder avec eux la loi, le respect de celle-ci, le rôle des parents, des frères et sœurs, le modèle à imiter, la pression des copains, etc.
Lorsque les établissements scolaires veulent mettre en place ce type d’interven- tion sur tout un niveau de classe, ce qui représente en général quatre, six voire huit ou dix classes, nous intervenons avec l’équipe pédagogique locale dans deux classes et cette dernière prend le relais dans les autres classes. Ceci correspond à une étape de formation-action qui a pour objectifs de permettre à l’équipe pédagogique inter- ne de s’approprier les outils, la démarche et donc d’accroître son autonomie. Cette formule est bien acceptée, la coordination est en général assurée par l’infirmière scolaire.
Au lycée, les rencontres s’organisent autour d’échanges avec des professionnels en éducation pour la santé à partir des propositions lycéens pour éviter d’aborder des sujets qu’ils connaissent déjà et donc de perdre leur attention. La consommation de produits toxiques est le thème le plus souvent demandé. Dans ce type de ren- contre, nos objectifs sont :
– de confronter les connaissances des lycéens à des données validées ;
– de donner des repères compris de tous concernant les habitudes (sur l’ivresse, l’alcoolisme, la dépendance, etc.) ;
– de réfléchir au rôle de la loi ;
– de les interpeller sur leur vécu, sur le mobile d’une consommation (la fête, l’é- vasion, l’oubli, l’ivresse, la séduction), pour les aider à estimer la place de cette consommation sur une échelle entre risques et plaisirs ;
– de tendre des « perches attirantes » lors de rencontres avec des professionnels (auto-école, homme de loi, policiers même ou pour soulager leur mal-être, atelier de relaxation pour découvrir une autre manière de se détendre.
Des évaluations que nous avons réalisées indiquent que ces actions sont très appréciées des jeunes (80 % souhaiterait y participer à nouveau), qu’elles modifient leurs représentations, qu’elles induisent une volonté de faire plus attention et d’in- citer leurs copains à faire plus attention. Nous observons que ces actions les aident à se remettre en cause, à se connaître, même si nous sommes conscients qu’à elles seules, elles ne pourront changer les comportements de ces jeunes.
Ces interventions de courte durée laissent souvent un sentiment d’inachevé par
manque de temps, mais on peut espérer que la démarche entreprise par l’équipe
pédagogique locale ne s’arrêtera pas là. Il est assez fréquent que quelques jeunes res-
tent en fin d’intervention pour parler de situations personnelles, on laisse alors les
coordonnées des dispositifs d’écoute, nous alertons l’équipe pour qu’une attention
particulière soit établie autour d’eux.
Des actions à moyen terme
Ces actions à moyen terme se situent souvent au sein des itinéraires de découverte (IDD) en collège. Des binômes de disciplines différentes doivent accompagner les jeunes durant douze séances de 2 heures dans une démarche de développement de l’autonomie dans la réalisation de leur travail. La santé est un thème souvent choisi par les enseignants de sciences de la vie et de la terre (SVT). Ces IDD étaient un excellent créneau pour l’éducation pour la santé, ils ont malheureusement disparus.
Lors de ces actions, les rencontres sont multiples mais toutes axées sur l’accom- pagnement des jeunes dans la construction de leurs messages de santé en direction d’autres jeunes. La démarche est participative. Elle utilise le théâtre, l’informatique, la vidéo, la musique, la danse, la création d’outils, les posters… comme vecteur de communication, de slogans de jeunes à destination d’autres jeunes. Autant que nous le pouvons, Épidaure accueille tout au long de l’année ces travaux d’élèves qui cap- tent l’attention des autres jeunes. Les études relatent un grand enrichissement per- sonnel pour « les pairs multiplicateurs » qui construisent et transmettent les messa- ges (démarche et méthodes). Ces jeunes acquièrent des connaissances, de la confian- ce en eux, une capacité à résister aux pressions de l’entourage, un sentiment accru de pouvoir agir sur leur bien-être et une modification des comportements est obs- ervée (11).
Cette démarche d’éducation par les pairs peut paraître lourde à mettre en place pour les établissements car elle nécessite des modifications d’emploi du temps, un quota horaire minimal de formation de 4 heures pour les pairs multiplicateurs et surtout un investissement de l’ensemble de l’équipe éducative. Cependant, les éta- blissements qui ont entrepris cette démarche l’adoptent souvent pour plusieurs années, compte tenu du bénéfice qu’ils observent chez leurs élèves (2, 21).
Pour illustrer l’importance de ce que nous entendons par démarche d’éducation par les pairs, nous prendrons l’exemple du protocole de sevrage tabagique que nous avons mis en place. Ce protocole a été spécialement conçu pour des adolescent(e)s car les protocoles de sevrage pour adultes nous semblaient difficilement transféra- bles chez les adolescents.
Cette action se met en place à la demande d’un groupe de lycéen(ne)s volontai- res. Le protocole de sevrage tabagique se compose de six rencontres de 2 heures sur une semaine (du lundi au vendredi et le lundi suivant le week-end). Par le dialogue et l’écoute autour de petites situations de jeux, au cours de ces six séances, nous amenons les jeunes à :
– faire le point sur leur consommation (mesureur de monoxyde de carbone, test de dépendance) ;
– estimer la place du produit dans leur équilibre de vie, dans l’image qu’ils ont d’eux même à travers un outil qui se nomme le « Mind Map ». Le jeune doit se représenter et doit représenter les éléments importants concernant sa famille, sa vie passée, future. Ces productions terminées, on observe si le tabac est présenté comme élément principal ou barré. L’analyse des productions permet de visualiser la place qu’occupe la cigarette dans l’équilibre de vie ;
– comprendre les mécanismes de la dépendance, de la manipulation des
cigarettiers qui favorise la mise en place de cette dépendance et ainsi faire prendre conscience au fumeur du « ridicule » de devenir dépendant d’une si « petite chose » ; – identifier les symboles qui se cachent derrière « un si petit bout de papier » ; – trouver des astuces pour combler le manque de la cigarette, l’ennui, le stress (exercices de relaxation…), pour combattre l’imitation du fumeur ;
– se préparer à vivre des sorties entre amis notamment en boîte de nuit, trouver du soutien auprès de l’entourage au cours des soirées (un ange gardien attention- né), trouver des astuces très concrètes pour vivre le plus sereinement possible cette
« première soirée sans tabac » ;
– afficher aux autres leur changement (passage de fumeur à non-fumeur) en modifiant un peu « leur look », leur tenue, etc.
Au cours des rencontres, une réelle confiance se crée avec un grand investisse- ment de chacun (aucune absence en général alors que les séances était de 17 à 19 heu- res). Lors de la première rencontre, la majorité du groupe ne pouvait s’imaginer sans tabac, à l’issue de la dernière rencontre les jeunes avaient soit totalement arrêté de fumer, soit étaient passés d’un paquet par jour à deux cigarettes. Le groupe avait alors le sentiment qu’arrêter de fumer était moins difficile que ce qu’il l’avait imaginé.
À chaque rencontre, l’outil proposé servait uniquement de point de départ d’é- changes qui occupaient les trois quarts du temps. Nous avons ainsi spontanément abordé un grand nombre de sujets (transgression de l’interdit paternel, la réaction des ami(e)s notamment la jalousie car le succès des uns renvoyait à l’échec des autres, la confiance en soi, le soutien de l’entourage). Ces sujets sont des nœuds d’ancrage forts de la consommation de tabac que chacun doit dénouer à son rythme pour réussir le sevrage. Il est important, dès le début de l’action, de prévoir le suivi par une personne relais dans l’établissement. Il apparaît nécessaire que cette personne soit intégrée au groupe dès la première séance. Dans un premier temps, nous conseillons de prévoir des rencontres avec l’intervenant extérieur tous les 15 jours puis plus espacées. C’est un peu comme si après le sevrage tabagique, il fallait faire progressivement un « sevrage des rencontres ». Certains jeunes nous ont quelque peu reproché de « les avoir abandonné trop tôt que le soutien de la personne relais n’avait pas suffi au moment où ils avaient senti qu’ils allaient replonger qu’ils étaient honteux d’avoir trahi notre confiance… ».
Quels sont les effets de l’action ?
L’évaluation est à prévoir au moment de la conception de l’action (cf. chapitre Éva- luation « La prévention fondée sur des preuves ») (8). Nous signalons cependant les difficultés majeures d’une utilisation des méthodes valides dans le cadre scolaire.
Quelles sont les limites de l’éducation pour la santé avec les adolescents ?
Une incohérence existe entre les directives de santé publique et l’application concrè-
te sur le terrain. Si sur les plans philosophique, déontologique, culturel, politique,
tout un chacun est convaincu du fait qu’une des finalités de la société est d’aider la
génération future à se construire en bonne santé, en pratique une forte incohéren- ce règne, en grande partie induite par l’absence de volonté politico-économique. La loi Évin n’est toujours pas appliquée dans l’ensemble des établissements scolaires ; la répression concernant la consommation de cannabis est variable en fonction des cours de justice ; le prix d’une boisson non alcoolisée est plus élevé ou égal à celui d’une boisson alcoolisée dans les boîtes de nuit ou dans les bars ; le kilogramme de frites surgelées est moins élevé qu’un kilogramme de pommes de terre, etc. Ces incohérences ouvrent autant de failles dans lesquelles les jeunes s’engouffrent. Une des principales causes de la difficulté d’application de la loi Évin dans les collèges et lycées se trouve dans la résistance des adultes alors que nombreux jeunes souhaitent sa mise en place pour les aider à moins fumer. D’où la nécessité d’agir en partena- riat pour mettre plus de cohérence et de dynamisme au sein des équipes.
Les limites de l’éducation pour la santé avec des adolescents au sein de l’Éducation nationale
Quelles sont ses limites et comment améliorer cette situation à court et long terme (tableau III) ? Par la loi d’orientation de l’école de 1989, l’éducation pour la santé devient une des missions de l’Éducation nationale. L’école étant obligatoire en France jusqu’à 16 ans, cette directive a pour objectif d’assurer l’équité de chacun des jeunes au regard de la formation et de la santé. Cette norme, qui paraît au premier abord fort louable, présente certains avantages et inconvénients. Depuis 1989, chaque élève participe à au moins une action santé au cours de son cursus allant de la maternelle à la sortie du lycée ou de la faculté. Par exemple, en collège, au sein de l’enseignement des sciences de la vie et de la terre, les collégiens participent tous à des actions autour de l’équilibre alimentaire, de la vie amoureuse et des dangers de la consommation de produits toxiques. On peut donc penser que tous les jeunes auront eu une information minimale sur la santé voire plus approfondie et partici- pative selon les écoles, les amenant à une réflexion sur leurs propres habitudes.
En revanche, cette loi de 1989 peut rendre la démarche en éducation pour la santé plus difficile puisque les interventions s’adressent en grande majorité à une classe complète dont les attentes et les besoins individuels peuvent être très variés. Il n’y a pas forcement désir de rencontre, il faut alors trouver le point d’ancrage qui va per- mettre malgré cela de donner du sens et d’induire une implication active de chacun.
Le programme par discipline
Si les programmes par disciplines sont des repères essentiels pour permettre la pro-
gression et le suivi des apprentissages des jeunes, ils sont aussi des barrières plus ou
moins hautes et infranchissables pour certains enseignants. L’éducation pour la
santé se trouve ainsi cantonnée dans le domaine des sciences de la vie et de la terre
(puisque nutrition et toxicomanie sont au programme des 5
eet des 3
e) et franchit
parfois difficilement les frontières de la transdisciplinarité. Nous avons, par exem-
ple, beaucoup de résistance pour mettre en place à l’approche de l’été des program-
mes d’éducation solaire dans une région où la plage est à peine à 7 km, « ce n’est pas
au programme » nous rétorque-t-on…
Les critères d’évaluation
Dans le système scolaire français, l’évaluation d’un élève est essentiellement du domaine cognitif. L’acquisition de savoirs est l’exigence principale voire unique pour réussir dans les études. L’éducation physique et sportive semble être la seule discipline à évaluer des savoir-faire et des savoir-être. Cependant, l’éducation phy- sique et sportive n’est pas une discipline fondamentale de notre cursus de forma- tion. Dans un tel système, l’éducation pour la santé peut paraître très accessoire.
Certains enseignants, par souci de cohérence avec le système, réduisent alors l’action d’éducation pour la santé en un apprentissage de savoirs évalués au moyen d’un QCM. Est-ce alors de l’éducation pour la santé ? Il faudrait cependant peu de chose pour que, dans chaque discipline, à chaque niveau, l’éducation pour la santé y tien- ne une petite place et devienne transdisciplinaire. Donnons quelques exemples parmi tant d’autres :
– pour l’apprentissage des probabilités, nous nous rappelons tous de nos efforts à prévoir dans l’urne l’apparition des pois verts vis-à-vis des rouges. Pourquoi ne pas apprendre en calculant l’occurrence de survenue d’un accident mortel suite à une consommation alcoolique ?
– en littérature, on peut aborder les textes de Gargantua, aussi sous l’angle de l’é- ducation nutritionnelle en instaurant un débat sur les coutumes alimentaires à tra- vers les siècles.
– la liberté de l’homme, l’égalité sont de grands thèmes philosophiques pouvant être aisément liés à la santé individuelle et à celle de son entourage.
L’implication des personnes concernées au sein des établissements Il y a d’une part le chef d’établissement et d’autre part l’équipe éducative ; leur degré d’implication peut rendre la rencontre possible ou pas. Nous observons des inves- tissements très variables qui peuvent rendre la rencontre plus ou moins efficiente.
Le chef d’établissement est la personne décisionnaire qui va définir (en concer- tation avec le conseil d’administration) les priorités de son établissement compte tenu des directives institutionnelles. La place que le chef d’établissement va désirer accorder à l’éducation pour la santé est un élément fondamental à estimer car il détient la gestion des contraintes de terrain et en partie la dynamique de l’équipe. Il est par exemple illusoire de faire une éducation par les pairs si le chef d’établisse- ment n’est pas partie prenante et ne permet pas la réorganisation temporelle de l’en- seignement. Il est donc prudent d’analyser précisément les priorités institutionnel- les de l’établissement et de construire un projet à dimension « variable » (versions a maxima et a minima) et de l’adapter ensuite avec l’équipe aux contraintes sans tou- tefois s’y laisser enfermer.
En ce qui concerne l’équipe éducative, nous noterons les difficultés suivantes : – la communication entre les jeunes et les adultes peut créer un climat de ten- sion ;
– le fait de présenter l’éducation pour la santé comme une affaire de spécialistes
peut exclure ceux qui ont le sentiment de ne pas avoir été formés et qui préfèrent
ainsi faire appel à des partenaires pour ne pas faire d’erreurs ;
– le fait d’avoir été désigné volontaire pour accompagner la classe ou d’avoir dû céder des heures de cours peut laisser craindre une difficulté à finir le programme ; – le décalage des modèles d’intervention comme par exemple la mise en place de jeux de rôle sur le thème de la santé face à une pédagogie traditionnelle ;
– l’investissement dans un autre domaine que les savoirs ;
– le suivi des actions au sein des établissements : il serait illusoire de croire que la rencontre, à plus forte raison si elle est unique, va permettre d’atteindre des objec- tifs de modification des habitudes s’il n’y a pas de suivi au sein même de l’établisse- ment. Ce suivi nécessite que une ou les personnes aient été identifiées au cours de l’action comme « personnes relais », d’où l’importance de l’implication active de l’équipe éducative d’un bout à l’autre de l’action.
En fonction de ces difficultés, la magie de la rencontre pourra exister ou ne pas exister et pour améliorer tout cela, la formation des équipes éducatives semble être une bonne solution.
L’évaluation
En se reportant au chapitre qui traite d’évaluation, il apparaît clairement qu’en matière d’évaluation d’actions d’éducation pour la santé au sein de l’Éducation nationale, il y a la théorie et la pratique. Mettre en place une évaluation randomisée comparant deux ou plusieurs groupes d’intervention et un suivi sur plusieurs années par une équipe extérieure à l’action nécessite un investissement important des équipes pédagogiques, un budget conséquent et une charge horaire étendue. Ces cas de figure sont rares. Cependant, le recueil de données avant et après, sous forme de questionnaires peut fournir certains indicateurs concernant l’impact des actions sur les connaissances, les représentations et parfois même les habitudes à 3 ou 6 mois.
La revue de littérature parue dans la revue Cochrane en 2002 (7) concernant la prévention primaire de la consommation d’alcool a été réalisée à partir de 56 étu- des (sur 6 000) retenues en référence à de nombreux critères d’inclusion. Les résul- tats révèlent que 20 de ces études ne montrent pas l’efficacité des actions à court et moyen termes et six une augmentation de la consommation de produits toxiques.
Si l’on observe dans certains cas une diminution de la consommation c’est, suite à des actions à long terme, supérieures à 3 ans, basées sur des démarches commu- nautaires, c’est-à-dire non limitées à l’école.
Le lien entre l’école et la famille Ce lien doit se situer à deux niveaux :
– mise en cohérence du message de l’école avec celui de la famille dans les domaines socio-économiques (deux œufs peuvent remplacer une portion de vian- de) et culturels (le petit déjeuner salé/sucré). Ceci peut se faire sous forme d’ateliers interactifs comme par exemple créer des repas équilibrés en fonction des mets typiques de divers pays (avec le couscous, la paella) ;
– implication des parents dans la démarche d’éducation pour la santé auprès de
leurs enfants. Là aussi, il y a deux niveaux :
Tableau III -Les limites de l’éducation pour la santé avec des adolescents au sein de l’Éducation nationale: comment améliorer cette situation à court et long terme? DifficultésSuggestions au quotidienSuggestions à long terme Décalage entre directives de santé publiqueConstruire un règlement intérieur de l’évis-Mise en place d’une réelle cohérence et application concrète sur le terrainsement sur les questions de santé lisible etpolitique entre la santé et l’éducation, compréhensible par tous et veiller à son respectFormer les équipes éducatives Composer et/ou dynamiser le comitépour la santé dans toutes les disciplines «hygiène à la santé et à la citoyenneté» dans chaque établissement Le public concerné nommé public «captif»:Utiliser une méthode interactiveConstruire avec les jeunes la permanence les collégiens et les lycéensImpliquer les jeunes dans la constructiondes actions et leur coordination d’année de l’action et la transmission des messagesd’étude en année d’étude Travailler par petits groupes L’implication des équipes éducatives (rend laConstruire ensemble le projet et au seinAméliorer la formation initiale et continue rencontre possible ou pas)de celui-ci définir les tâches et rôles de chacundes personnels de l’éducation: Choisir avec les élèves une personne– formation transdisciplinaire méthodologique Le suivi des actions au sein des établissementsréférente de l’établissement qui sera impliquée(ancrage théorique de la modification des attitudes) dès le début de l’action et jusqu’à la finet pratique (création,utilisation des outils), Développer la valorisation du travail– demystifier l’éducation pour la santé:ce n’est L’implication du chefd’établissementdans la structure,vers les parents voirepas une nouvelle discipline mais essentiellement entre différentes structuresun savoir-faire,une manière d’être, Analyser et construire des valeurs– mettre en place la multidisciplinarité entre Le programme par disciplinecommunes au groupe de travail,àpartenaires intra- et extrascolaires l’établissement(médecins,enseignants,médias…), – informer sur les personnes ou lieux «ressources» hors établissement auxquels il peut être fait appel (mise en place d’une charte de partenariat) Les critères d’évaluation en vigueur dans leEncourager la mise en place de méthodesAccroître la reconnaissance de savoir faire système scolaire françaisévaluatives si possible autre que normatives pour:et de savoir être – apporter des réponses crédibles,utiles,Réfléchir aux diverses facettes de l’évaluation reproductibles et utilisables pour poursuivrenon normative les actions Juges des résultats obtenus Le lien entre l’école et la famille:homogénéitéÀ tous les niveaux,s’assurer des basesAssurer la cohérence des messages de santé des messagesscientifiques actuelles des messagesentre la famille et l’établissement Informer les parents Impliquer les parents dans les actions