Section I. L’approche européenne entre protection des droits fondamentaux et sécurité
Le traité de Lisbonne marque un saut qualitatif d’une coopération pénale interétatique à une intégration pénale supra-étatique600. Les principaux développements en matière de coopération ont été en effet précédés par des accords, conclus extérieurement à l’Union, entre groupes d’États disposés à céder partie de leur souveraineté pour combattre la criminalité. C’est le cas notamment de la Convention de Schengen et du Traité de Prüm601, ces accords ont été progressivement incorporés dans l’architecture de l’Union602. Les premières vraies initiatives autonomes de la part de l’Union européenne sont arrivées successivement au programme de La Haye en 2004, qui a souligné l’importance et la nécessité d’une action intégrée en matière de coopération de police 603 établie sur le « principe de disponibilité »604 dans le but de faire circuler librement les données personnelles entre services répressifs dans l’espace couvert par l’ex-troisième pilier. Cette « mutualisation, à l’échelle communautaire, des informations des données des traitements nationaux » 605 était la première pierre de la construction d’une protection des données personnelles circulant sans frontières. D’ailleurs la proposition d’une décision-cadre606 voulait apporter une réponse aux difformités mise en place par le principe de disponibilités. C’est seulement en 2008 que la décision-cadre 2008/977/JAI a posé un socle
600 Le droit de punir est depuis longtemps confronté à l’internationalisation que M. MASSÉ définit comme un « mouvement par lequel le droit pénal franchit les frontières et s’affranchit de la souveraineté des États », ce qui souligne « une mutation de la discipline par redéfinition de ses moyens et par déplacement de la source du droit de punir », voy. M. MASSÉ, L’internationalité et le droit pénal, Revue Lamy Droit des affaires, 2002, n°46, pp. 67-71 ; et du même auteur, Des figures asymétriques de l’internationalisation du droit pénal, RSC, 2006, n°4, pp. 755-766. Voy. également M. HENZELIN, R. ROTH,
« Le droit pénal à l’épreuve de l’internationalisation », Revue internationale de droiot comparé, 2003, p.719-720.
601 Le traité de Prüm était un accord international de coopération policière signé en 2005 par l’Autriche, la Belgique, la France, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Espagne. Il s’agit d’un exemple important de coopération transfrontalière caractérisé par l’échange de données détenue au niveau national et incorporé dans le droit communautaire en 2008 grâce à la décision du Conseil 2008/651/JAI. La décision prévoit l’accès automatisé aux profils ADN, données d’empreintes digitales et certaines données nationales relatives à l’immatriculation des véhicules; la transmission d’informations pour prévenir des infractions terroristes. Les bases de données mises à disposition par la décision Prüm sont entièrement régies par le droit national, mais l’échange de données est en outre régi par la décision, dont la compatibilité avec la directive sur la protection des données des autorités policières et judiciaires devra être évaluée. Les autorités compétentes en matière de surveillance de ces flux de données sont les autorités nationales de surveillance de la protection des données.
602 Les conclusions du Conseil européen de Tampere d’octobre 1999 avaient souligné la nécessité d’approfondir l’échange d’informations en matière répressive entre les pays de l’Union européenne. Le principe de disponibilité des données avait été présenté dans le programme de la Haye en 2004 et visait à permettre aux agents répressifs d’un État un accès direct aux données détenues par d’autres états. Le Traité de Prüm du 2è mai 2005 relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, en vue de combattre le terrorisme et la criminalité et la migration illégale (entre la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche) avait fixé les règles de cet échange des données mais les états ont ensuite pris conscience de la nécessité d’intégrer les dispositions de ce traité dans le cadre juridique de l’UE.
La décision Prüm vise à aider les États membres signataires à améliorer le partage d’informations dans le but de prévenir et de combattre la criminalité dans trois domaines: le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale. À cette fin, la décision énonce des dispositions concernant
603Voy. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3Al16002
604 Il faut l’entendre comme la possibilité, pour les services répressifs d’un État membre qui a besoin de certaines informations dans l’exercice de ses fonctions, de les obtenir d’un autre État membre qui les détient. L’État membre sollicité serait tenu de communiquer les informations requises, sauf refus dûment motivé.
605 J.M. DELARUE, « L’Europe des fichiers, Dialogue des juges, des policiers, des autorités administratives indépendantes », in Le dialogue des juges, Mélanges en l’honneur du Président Bruno Genevois, Dalloz, 2009, p. 276.
606 Voy. la Proposition de décision-cadre du Conseil relative à l’échange d’informations en vertu du principe de disponibilité, COM(2005)490,
commun607 . Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) avait d’ailleurs souligné que « l’applicabilité de la décision-cadre au traitement national des données est une condition essentielle afin, non seulement d’assurer un niveau de protection suffisant des données à caractère personnel, mais aussi de permettre une collaboration efficace entre les services répressifs »608. Toutefois l’harmonisation apportée par la décision-cadre n’a pas su édifier un régime de protection efficace puisqu’elle ne s’appliquait pas aux traitements nationaux. De plus, la Décision-cadre ne se substituait pas aux régimes spécifiques déjà prévus609. Dès sa création elle se présentait comme un instrument insuffisant pour assurer une protection complète et efficace dans le cadre de l’ELSJ.
Toutefois, des avancées ont été mises en place par l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne610et des nouvelles priorités ont été mis en lumière par le programme de Stockholm611. Depuis l’expiration du programme de Stockholm,612 les actions concrètes de l’Union dans ce domaine reposent sur les orientations stratégiques définies par le Sommet européen de juin 2014613. Contrairement à la période précédente, marquée par le souci de renforcer la sécurité dans le contexte de menace terroriste, la nouvelle priorité est en revanche de développer le cadre juridique de la protection des droits fondamentaux, en particulier de la vie privée et des données personnelles614 . Dans l’espace pénal européen la difficulté repose sur le fait de conjuguer liberté, sûreté et justice. L’étude du présent chapitre veut évaluer les problèmes pour le droit à la protection des données personnelles que pose l’exploitation des bases de données (§1) ainsi que le rôle joué par les Agences européennes dans l’échange des données (§2). Il conviendra
607 Décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale
608 Voy. le troisième avis du CEPD relatif au projet de décision-cadre, 27 avril 2007, JOUE C 139 du 23 juin 2007.
609 Tels que EUROPOL, EUROJUST, le SIS, et le traité de Prüm.
610 Tant du point de vue de la protection des droits fondamentaux que du point de vue institutionnel avec la disparition de la division en piliers. Cela a des conséquences significatives concernant le contrôle démocratique et signifie la généralisation de la procédure législative « ordinaire », c’est-à-dire un Parlement Européen jouant pleinement son rôle de colégislateur mais aussi des conséquences concernant le contrôle juridictionnel. Voy. sur ce point V. CONSTANTINESCO, Le processus de décision : vers une nouvelle gouvernance ?, Europe, juillet 2008, dossier 8, § 5. V. également H. LABAYE, L’espace de liberté, sécurité et justice : la nouvelle frontière ?, Europe, juillet 2008, dossier 10, § 9.
611 Voy. Conclusions du Conseil européen, EUCO 6/09 du 11 décembre 2009.
612 Le programme de Stockholm fournit une feuille de route pour le travail de l’Union européenne (UE) dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité pour la période 2010-2014. Sur la lancée des résultats obtenus dans le cadre des programmes de Tampere et de La Haye, il vise à relever les défis futurs et à renforcer le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité au moyen d’actions qui mettent l’accent sur les intérêts et les besoins des citoyens.
613 Lors de sa réunion à Bruxelles le 27 juin 2014, le Conseil européen a défini cinq grandes priorités qui guideront les travaux de l’UE au cours des cinq prochaines années. Ces priorités sont présentées dans un document intitulé « Programme stratégique pour l’Union à l’ère du changement ». Ce programme stratégique sera utilisé pour planifier les travaux du Conseil européen.
614 COM (2009262/4,) point 2.3.
de se demander si l’on assiste à un déplacement du curseur vers plus de sécurité au détriment de l’exigence du respect des droits fondamentaux615.
§1. L’identification de différentes formes d’échange de données dans l’ELSJ
86 Le contrôle dans l’espace européen et dans la sécurisation des frontières extérieures de l’Union. L’élaboration d’immenses bases de données est devenue l’objet principal de la politique de sécurité au sein de l’Union européenne. L’accroissement illimité des bases de données pose des problèmes quant aux droits des personnes concernées, notamment les techniques de fichage, les systèmes de surveillance, l’incorporation de plusieurs données et leurs interconnexions avec d’autres bases de données peuvent devenir un moyen d’anticipation des comportements « à risque ». Une analyse au niveau européen de ces bases de données sera présentée pour vérifier si la protection des droits est effective. Le Traité de Lisbonne a institué une nouvelle base juridique pour la protection des données personnelles616. La compétence prévue par l’art. 16 du TFUE est une compétence concourante de l’Union avec les États membres dans tout l’espace de liberté, sûreté et justice (coopération en matière d’immigration, coopération civile et pénale). D’ailleurs, dans ce secteur pourront être prévues des règles spécifiques, comme prévu dans la Déclaration 21 jointe au Traité de Lisbonne. La seconde base juridique concerne le secteur de la politique étrangère et de sûreté commune dans lequel le TFUE prévoit seulement l’adoption d’une décision ad hoc du Conseil617. Le droit à la protection
615 Dans l’affaire Wijsenbee du 19 septembre 1999, C-378/97, La Cour de justice examine la compatibilité avec le droit communautaire applicable d’une loi nationale réglementant les vérifications d’identité opérées sur des citoyens lors du franchissement des frontières. En l’état du droit communautaire applicable au moment des faits, l’absence de ces règles d’harmonisation permettait donc, selon la Cour, aux États membres, de procéder à des contrôles d’identité aux frontières intérieures de la Communauté afin d’établir si la personne concernée est un ressortissant communautaire et dispose donc du droit à la libre circulation sur le territoire des États membres, ces derniers demeurant compétents pour sanctionner la violation d’une telle obligation. La Cour précise que les sanctions prévues par la législation nationale doivent être comparables à celles appliquées à des infractions nationales similaires et ne pas être disproportionnées, sous peine de constituer une entrave à la liberté de circulation.
616 Au titre de l’ancien « troisième pilier» (coopération policière et judiciaire en matière pénale), le Parlement européen était uniquement consulté. Son rôle a été renforcé par le traité de Lisbonne, qui introduit plus d’efficacité, de responsabilité et de légitimité dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ). Le traité de Lisbonne a généralisé (à quelques exceptions près) la méthode communautaire, basée sur la procédure de codécision (appelée maintenant « procédure législative ordinaire») entre le Parlement et le Conseil (où l’unanimité a été remplacée par le vote à la majorité). L’ancienne structure en piliers a disparu. En ce qui concerne les accords internationaux, une nouvelle procédure a été introduite, la procédure d’approbation.
L’abolition de l’ancien « troisième pilier» a conduit à l’harmonisation des instruments législatifs. Au lieu de décisions-cadres, de décisions et de conventions, même dans le domaine du droit pénal, l’Union adopte les instruments normaux de l’Union européenne (règlements, directives et décisions). Le rôle de la Cour de justice a également été renforcé par le traité de Lisbonne:
les procédures ordinaires de renvoi préjudiciel et les procédures d’infraction engagées par la Commission s’appliquent. Des dispositions de transition étaient valables jusqu’au 1er décembre 2014 pour les actes qui étaient déjà en vigueur dans les domaines de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Les États membres peuvent toujours proposer des mesures législatives, mais une initiative exige à présent le soutien d’un quart des États membres. Des mesures spéciales sont prévues en ce qui concerne la coopération renforcée, les dérogations et ce que l’on appelle le «frein de secours». La charte des droits fondamentaux de l’Union est intégrée dans le traité de Lisbonne et a un caractère juridiquement contraignant pour l’Union européenne (et ses institutions et ses organes) et les États membres dans la mise en œuvre du droit de l’Union.
617 Voy. art. 39 TUE: « Conformément à l’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et par dérogation à son paragraphe 2, le Conseil adopte une décision fixant les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard
des données a trouvé son apogée avec la Charte des droits fondamentaux618 ; dans l’après Lisbonne, la consolidation de l’ELSJ a changé le cadre institutionnel en étendant l’action de l’Union européenne au-delà du domaine du marché Intérieur. Avant d’analyser les systèmes d’information présents au sein de l’Union européenne, il est intéressant de souligner qu’il n’existe pas une notion harmonisée d’information au sein des États membres619. Par exemple la langue italienne ne distingue pas entre une information générique et une information relevant des systèmes d’échange des données, en revanche dans la langue française existe le terme renseignement qui introduit une notion liée au caractère secret de l’information. Au-delà de l’échange de données entre les États membres et de la création d’autorités européennes spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée transfrontalière, plusieurs systèmes d’information conjoints ont été établis, tel que le Système d’information Schengen, le système d’information sur les visas620, Eurodac621, Eurosur622. Dans la première et moins développée phase de coopération, l’échange des données émanait d’une demande de l’autorité de l’État vers un autre État. Ledit système a été remplacé par le principe de « disponibilité » selon lequel une information détenue par l’un des services répressifs d’un État membre peut profiter à l’ensemble des services des autres États membres. Comme l’indique la Commission « le partage de l’information entre autorités répressives est essentiel en vue de lutter contre le terrorisme et de mener des enquêtes relatives à la criminalité transfrontière de manière efficace »623.Toutefois, le renforcement de la dimension sécuritaire de l’Union doit se réaliser
du traitement des données à caractère personnel par les États membres dans l’exercice d’activités qui relèvent du champ d’application du présent chapitre, et à la libre circulation de ces données. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d’autorités indépendantes ».
618 Voy. Report from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the regions, 2010 Report on the Application of the EU Charter of Fundamental Rights, Brussels, 30.3.2011, COM(2011) 160 final, p. 6.
619 D. BIGO, L’Europe des polices et de la sécurité intérieure, Editions Complexe, Coll. Espace international, Bruxelles, 1992, p. 153 ; D. BIGO, « Du discours sur la menace et de ses ambiguïtés », Cahiers de la Sécurité Intérieure, n° 14, 1993, p. 141;
D. BIGO, « Polices en réseau, l’expérience européenne », Revue française de science politique, 1997, p. 227-232.
620 Le système d’information sur les visas (VIS) est un système d’échange de données sur les visas entre les États Schengen.
La mise en œuvre du VIS constitue un élément clé de la politique commune en matière de visas qui, associée à d’autres politiques, permet à l’Union européenne d’établir un espace de liberté, de sécurité et de justice. Concernant la protection des données personnelles Seul le personnel dû ment autorisé des autorités compétentes sera habilité à saisir, à modifier, à effacer ou à consulter les données du VIS.
621 Le système Eurodac permet aux pays de l’Union européenne (UE) de participer à l’identification des demandeurs d’asile et de personnes ayant été appréhendées dans le contexte d’un franchissement irrégulier d’une frontière extérieure de l’Union.
En comparant les empreintes, les pays de l’UE peuvent vérifier si un demandeur d’asile ou un ressortissant étranger se trouvant illégalement sur son territoire a déjà formulé une demande dans un autre pays de l’UE ou si un demandeur d’asile est entré irrégulièrement sur le territoire de l’Union. Il se compose d’une unité centrale gérée par la Commission européenne, d’une base de données centrale informatisée d’empreintes digitales et de moyens électroniques de transmission entre les pays de l’UE et la base de données centrale.
622 Le système européen de surveillance des frontières (EUROSUR) devrait aider les États membres à acquérir une parfaite connaissance de la situation à leurs frontières extérieures. La « connaissance de la situation» mesure la capacité des autorités à détecter les mouvements transfrontaliers et à motiver les mesures de contrôle.
623 Voy. La communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 10 mai 2005, Journal officiel C236 du 24/09/2005.
dans le respect des droits de la personne624. Cela a été affirmé tant par la Cour de justice que par la CourEDH « en principe quelconque traitement effectué par un tiers est apte à constituer préjudice aux tels droits »625. Encore plus une récolte à grande échelle des données personnelles porte le risque de ne pas respecter l’intégrité et l’exactitude dans l’enregistrement dans les bases des données. De plus une si rapide et générale circulation des données peut porter préjudice aux droits fondamentaux626. Cela constitue le noyau dur de la question qui concerne l’équilibre entre droits fondamentaux627, et l’amélioration de l’efficacité de l’échange de données ne doit pas se faire au détriment des droits fondamentaux et c’est principalement la question de la protection des données à caractère personnel qui se pose. Les droits fondamentaux sont ainsi protégés tant par l’Union européenne que par le Conseil d’Europe à travers la prévision des droits correspondants selon laquelle lorsque la Charte contient des droits correspondants à ceux de la CEDH, leur portée est la même628. Le cadre juridique devient alors une interconnexion et une convergence de solutions européennes, une osmose et un « multilevel protection of human rights »629. Si le contrôle sur la base légale et sur la légitimité du but poursuivi a été analysé dans le passé, la censure des deux juges se concentre aujourd’hui sur l’étendue de la marge d’appréciation des autorités publiques dans leur ingérence630 . La Cour a eu l’occasion de préciser ainsi le principe selon lequel les données doivent être utilisées pour les finalité établies lors de leur récolte631. Dans un système fragile constitué d’une multitude de textes applicables
624Voy. Sur les principes les article 6-7, 12, 14 et 22 de la directive 95/46/CE, Voy. Également les conclusions de l l’Avv.
général Mengozzi, aff. C-291/12, Schwarz, point 39.
625 CJUE, aff.C-291/12, Schwarz, 17 octobre 2013, § 25 ; CEDH 4 décembre 2008, S. et Marper c.Royaume-Uni, n° 30562/04 et 30566/04, point 86; et du 18 avril 2013, M.K. c. France, n. 19522/09, point 29, selon laquelle « La Cour rappelle que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée". Encore sur les fichiers, l’affaire du 26 mars 1987, Laender c. Suède, n.
9248/81; du 16 février 2000, Amann c. Suisse,. n. 27798/95; et du 4 mai 2000, Rotaru c. Roumanie, ric. n. 28341.
626 L’échange de renseignements d’un base données à l’autre et le croisement entre elles peuvent avoir un impact sur le droit à la vie privée; ainsi le passage de renseignements de la part de l’intelligence, à la police et au système douanier, comporte le risque de contredire les principes du procès équitable et de contrevenir au principe du respect des finalités pour lesquelles les données ont été recueillis ;
627 Voy. la jurisprudence de la Cour de justice: 18 décembre 2007, aff. C-137/05, Irlande c. Conseil de l’Union européenne (sur les règles en matière de caractéristiques de sûreté des bases de données et sur les éléments biométriques y contenu de passeports et documents de voyage) ; 16 décembre 2008, aff. C-524/06, Huber (sur le critère de nécessité du traitement des données personnelles); 26 octobre 2010, aff. C-482/08, Royaume-Uni et Irlande du Nord (en matière d’accès au système d’information des visa-VIS); 17 octobre 2013, aff. C-291/12, Schwarz (en matière de légitimité de l’obligation d’obtention d’empreintes digitales pour la délivrance du passeport); Actuellement il y a des renvois préjudiciels (aff. C- de 446 à 449/12) en matière d’utilisation des données biométriques recueillies à travers le passeport et d’autres documents de voyage.
628 Art. 52, n. 3, Charte des droits fondamentaux de l’UE.
629 M. CARTABIA, « The multilevel protection of fundamental rights in Europe: the European Pluralism and the need for a judicial dialogue », in C. CASONATO(a cura di), The protection of fundamental rights in Europe: lessons from Canada, Quaderni del Dipartimento di Scienze Giuridiche, Università degli Studi di Trento, 2003, p. 399. Voy.également G. BRONZINI et V. PICONE, Le giurisprudenze europee in movimento. Luci e ombre nel processo di costruzione di uno jus commune, in Quest. Giust., 2007 (1), p. 131.
630 CEDH, S. e Marper c. Regno Unito, cit., point 97 (anche se la Corte riscontra che le norme sono formulate «in termini piuttosto generici» e si prestano «a una interpretazione eccessivamente larga»: punto 99) e punto 100; et CJUE, Schecke GbR e Eifert, cit., point 35, 38 et 45, ainsi la CJ a déclaré qu’il y avait une correcte marge d’appréciation de la part des règles communautaire relatives à la récolte et stockage des données nécessaires au relâchement du passeport biometrique.
631 CJUE, sentenza Schwarz, cit., § 61.
et de plusieurs bases de données l’apport de la jurisprudence est nécessaire pour effectuer la juste mise en balance entre droits fondamentaux et droit à la sûreté. Les règles de l’UE en matière de bases des données sont récentes, ainsi il manque une jurisprudence de la Cour de justice qui puisse montrer quel équilibre est réalisé entre les exigences de sécurité et celles de protection de la vie privée et des données personnelles. Dans ce domaine la Cour de justice ne manque pas de s’inspirer à la jurisprudence de la CEDH. L’importance de cette dernière a été expressément reconnue par la Cour de justice dans l’affaire Österreich Rundfunk632. De façon emblématique, la Cour de justice s’est prononcée sur la surveillance d’État dans l’arrêt Digital Rights Ireland633. L’arrêt « Digital Rights Ireland » portait sur la question de la validité de la directive 2006/54/CE imposant une conservation des données de télécommunication pendant une durée déterminée. Dans cet arrêt la Cour de justice a rappelé que l’accès des autorités publiques aux données personnelles collectées et traitées pour une finalité initiale différente de la leur peut constituer un motif légitime. Toutefois, cet accès ne saurait être universel, indiscriminé et inconditionnel634. La directive 2006/24/CE a été invalidée notamment en raison de l’absence de critères objectifs permettant de délimiter l’accès des autorités compétentes aux métadonnées (données de communication, sans le contenu des communications) dont elle imposait la conservation aux opérateurs de services de télécommunication. Or, de tels critères auraient dû être définis afin de garantir qu’un tel accès ne soit possible qu’en lien avec l’objectif légitimement poursuivi de lutte contre les infractions graves et la criminalité635. Ainsi, la CJUE rappelle, tout comme la CEDH, que la surveillance d’État doit elle aussi obéir au principe de limitation des finalités. La Cour de justice a donc joué un rôle important dans la fixation d’un cadre restreignant les politiques de conservation des données de communication. Il est possible de distinguer la création des fichiers en matière d’asile et d’immigration (A) (ce sont les bases de données SIS et VIS) et la création des fichiers dans le cadre de la coopération policière, notamment Eurodac (B). Ces fichiers structurent le système communautaire de contrôle de migrations et de coopération policière. Lesdits systèmes d’information font l’objet d’un contrôle par des agences européennes. En effet, l’art. 16 TFUE permet au législateur de fixer les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union ainsi que par les États membres dans l’exercice d’activités qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union636, et à la libre circulation de ces données ; de plus le respect de ces règles est soumis au contrôle des autorités indépendantes et des agences européennes637.
632 CJCE, Österreich Rundfunk, aff. C-465/00, C-138/01 et C- 139/01, 20 mai 2003.
633 CJUE, Digital Rights Europe, aff. C-293/12 et C-594/12, 8 avril 2015.
634 CJUE, Digital Rights Europe, préec.§ 54 à 60.
635 CJUE, Digital Rights Europe, préec.§ 60.
636 M. VAN DE KERCHOVE, « Le principe de subsidiarité », in Le droit pénal au lendemain du traité de Lisbonne, Société de législation comparée, Paris, 2012, p. 41.
637 Il est important ici de souligner le maintien du schéma existant, à savoir une dispersion institutionnelle et la coexistence de plusieurs autorités au plan européen et au plan national.