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Les sources internationales de la culture socialiste italienne a la fin du 19e siècle et au debut du 20e siècle : Problèmes de la composition de l'idéologie du PSI et ses rapports avec la circulation des idées en Europe

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EUROPEAN UNIVERSITY INSTITUTE, FLORENCE

DEPARTMENT O F HISTORY AND CIVILIZATION

WP

320

EUR

E U I W O R K I N G P A P E R No. 87/316 LES SOURCES INTERNATIONALES DE LA CULTURE

SOCIALISTE ITALIENNE A LA FIN DU 19e SIECLE ET AU DEBUT DU 2 0 e SIECLE. PROBLEMES DE LA COMPOSITION DI

DU PSI ET SES RAPPORTS AVEC LA C DES IDEES EN EUROPE.

Alain GOUSSOT

BADIA FIESOLANA, SAN DOM ENICO (F I)

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(2)

This paper should not be reproduced in whole or in part without prior permissipn of the author

Printed in Italy in November 1987 European University Institute

Badia Fiesolana I - 50016 San Domenico (Fi)

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Les sources internationales de la culture socialiste italienne à

la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Problèmes de la

composition de l'idéologie du PSI et ses rapports avec la circulation des idées en Europe

1) Culture légitime ou illégitime: intégration ou alternative

La seule façon de mesurer concrètement le poids de la présence et l'influence étrangère dans le monde composite de la culture

socialiste italienne entre 1890 et 1914 est d'en étudier

attentivement la production éditoriale et les moyens de

diffusion (presse, librairies, bibliothèques). Compliquée en ce qui concerne le cas italien, à la différence de l'Allemagne, à

cause de l'état dispersif et limité des sources statistiques,

l'étude des initiatives éditoriales liées directement ou

indirectement au PSI permet toutefois d'effectuer une

radiographie approximative de ses références culturelles

internationales. Le problème est donc de savoir quels textes et

quels auteurs étrangers privilégiaient les moyens de

communication du PSI et quels en étaient les principaux canaux de diffusion dans les milieux socialistes.

Les nouvelles tendances de la recherche historique nous

obligent à parler aujourd'hui de culture socialiste d'une façon diverse que par le passé; tout d'abord une vision unitaire et homogène du "marxisme" de la Ile Internationale, trop longtemps

considéré sa principale composante, n'est plus de mise, il

convient plutôt d'utiliser le pluriel "marxismes" ou, selon une récente formulation de Franco Andreucci, l'expression "marxisme

collectif". L'historien doit ainsi spécifier quelles étaient

les articulations de ce "marxisme collectif", il doit descendre

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dans les méandres du processus de vulgarisation de la pensée de Marx dans chaque réalité locale ou nationale pour en comprendre les mutations.

Cela signifie pour le cas italien - mais aussi pour les autres

cas nationaux : 1) quelles oeuvres de Marx et Engels furent

traduites et publiées?; 2) qui en furent les vulgarisateurs? et

3.) sous quelles formes furent-elles propagées? Comme l'ont

bien montré Robert Michels d'abord, lorsqu'il parlait des

"impuretées du marxisme italien", mais aussi plus récemment E. Ragionieri, G. Haupt, E. Hobsbawm et F. Andreucci, l'oeuvre de

Marx était vulgarisée et simplifiée à des niveaux divers

suivant les spécificitées nationales, elle subissait des

métamorphoses non secondaires au contact de courants de pensée qui lui étaient étrangers; elle était en quelque sorte digérée

par les superstructures préexistantes à son arrivée (il suffit

de penser à l'influence de l'idéologie républicaine et jacobine

sur l'approche marxiste d'intellectuels comme J. Guesde, P.

Lafargue et J. Jaurès; ou à celle du bismarckisme social et du lassallisme sur Bebel, du naturalisme sur Kautsky, et comme l'a bien montré Ragionieri d'un certain libéralisme sur F. Mehring,

ou encore du saint-simonisme, du proudhonisme et du

nationalisme démocratique sur les socialistes belges etc..).(l)

En Italie, par exemple, le darwinisme social dans sa version

nationale, c'est à-dire l'école positiviste d'anthropologie

criminelle de Cesare Lombroso, et le déterminisme économique

d'Achille Loria produisirent un "socialisme scientifique

lombrosien et spencerien" et un matérialisme économique

"lorien".

Pour reprendre une expression d'A. Gramsci, en laissant de côté l'aspect polémique et péjoratif, on peut en effet parler du

"lorianisme" de nombreux socialistes italiens: Turati,

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Bissolati et Prampolini, par exemple, interprétaient la pensée économique de Marx à travers le déterminisme agro-technologique

et les catégories économétriques d'A. Loria, considéré par eux

comme le meilleur interprète de l'oeuvre du grand penseur

allemand. De même E. Ferri, mais aussi G. Ferrerò et P. Orano,

lisaient le développement historique des sociétés humaines sur

la base des principes élaborés par l'école lombrosienne

d ’anthropologie criminelle; dans ses "Ricordi liceali" E. Ferri

écrivait: "è alla triade dei pensatori italiani

Roberto Ardigò, Pietro Ellero, Cesare Lombroso - che io devo la

mia vita scientifica, come alla madre si deve il linguaggio

infantile".(2) Et c'est par le biais de cette triade qu'il

devait lire l'oeuvre de Marx, oeuvre qu'il avouera n'avoir

jamais compris. Cela nous indique que le "marxisme" n'était pas la seule composante de la culture socialiste; et que souvent il n'en était même pas la plus importante. Le marxisme vulgarisé

subissait dans chaque espace national des métamorphoses

tellement importantes, au contact des éléments culturels locaux dominants, qu'il devenait indéchiffrable en termes orthodoxes: par exmple A. Loria, malgré la liquidation de sa pensée par F.

Engels, sera considéré comme l'interprète le plus objectif de

l'oeuvre marxienne; E. Ferri quant à lui sera présenté comme un éminent représentant du marxisme italien; il fera pourtant de

la synthèse Marx-Spencer-Romagnosi-Lombroso la base d'un

"socialisme scientifique" renouvelé, d'un matérialisme socio-

anthropologique .

Les socialistes de l'époque étaient darwinistes,

évolutionnistes et positivistes; cela a déjà été démontré par Luigi Bulferetti; par contre ce qui a moins attiré l'attention des historiens c'est de savoir: 1.) qu'est ce qu'entendaient

des socialistes comme Prampolini, Bissolati, Ferri, Bonomi,

Turati etc... par l'expression être positiviste ? Au lieu

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d'approuver ou de condamner les incrustations positivistes de la culture socialiste de la fin du 19e siècle, il aurait mieux

valu laisser parler les protagonistes de cette saison

intellectuelle pour ne pas commettre d'anachronismes ou des

erreurs d'évaluation. En fait la pluralité d'interprétation

caractérisait le positivisme des socialistes; Ferri, Turati et

Salvemini avaient des approches fort diverses de

l'évolutionnisme et du darwinisme.

Il faut ajouter à cela le rôle central joué par la littérature

d'agrément ou récréative (roman, théâtre et poésie) dans

l'analyse de la formation du monde culturel socialiste;

l'influence d'un Tolstoi n'était certainement pas inférieure à celle de Marx ou de Kautsky; elle était même plutôt supérieure. Il en était de même pour des écrivains comme Balzac, V. Hugo,

Zola, Gorki, sans parler de W. Morris et E. Bellamy. C'est la

raison pour laquelle nous avons établi aussi une liste des

écrivains étrangers publiés par les moyens de communication

socialistes. Il apparait évident, à la lecture des tableaux que

nous présentons ici, que des écrivains comme Tolstoi et Zola,

jouaient un rôle tout aussi important, sinon plus important,

que Plekhanov, Lafargue, Jaurès, Kautsky... dans l'édification

de la conscience socialiste. Aux sources culturelles et

historiques nationales se superposaient donc une série de stratifications politico-culturelles étrangères qui étaient le

fruit de la vaste circulation des idées qui traversait les

partis de l'Internationale socialiste.(3)

De nombreux historiens italiens ont parlé du provincialisme

culturel du PSI; à notre avis cette constatation n'est que

partiellement exacte et doit être replacée dans le cadre plus

global des rapports de force à l'intérieur du mouvement

socialiste européen; il ne fait aucun doute que la position

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périphérique - politiquement, économiquement et militairement -

de l'Italie à la fin di 19e siècle et au début du 20 siècle

constituait un facteur objectif de marginalisation de

l'influence italienne dans le cadre des nations européennes et par conséquent au sein même de l'Internationale socialiste.

Cette situation fortement conditionnante se répercutait sur le

comportement de nombreux socialistes italiens; F. Andreucci et

plus récemment Aart Heering ont bien montré à ce propos la

faible propension d'un Turati pour les questions d'ordre

international mais ils ont peut-être sous-évalué le poids des

facteurs objectifs sur ce dernier. C'est précisément parce

qu'il avait conscience du caractère internationalement

dépendant de l'Italie que Turati développera une espèce de

pessimisme politique à propos du rôle du PSI au sein de

l'Internationale socialiste; Turati savait très bien que sans

de profondes mutations sociales et structurelles dans les

grandes puissances économiques du moment (Angleterre, France et Allemange) il était illusoire de penser à une perspective de changement profond en Italie mais cette clairvoyance le portait

toutefois à répéter les lieux communs du moment sur la

supériorité du Nord par rapport au Sud de l'Europe, lieux

communs qui trouveront leur expression théorique organique dans l'ouvrage de G. Ferrero "L'Europa Giovane".(4)

Mais cela ne signifie nullement: 1°) que le socialisme italien

était fermé aux productions culturelles étrangères et 2°) que

les intellectuels socialistes italiens ne jouaient aucun rôle

dans les milieux internationaux de l'intelligentsia socialiste.

L'ouverture à la circulation des idées existait, même si elle

était sélective; les tableaux que nous publions ici montrent

combien les auteurs socialistes et non socialistes européens

étaient représentés dans les catalogues des éditeurs, des

bibliothèques et des librairies socialistes. Pareillement une

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lecture attentive des revues socialistes étrangères, comme par exemple la "Revue socialiste" ou la "Neue Zeit", prouve que les

socialistes italiens y occupaient une place non secondaire. Il

suffit de penser aux rapports d'Antonio Labriola avec le

"Devenir social" de Sorel et Lafargue, d'Arturo Labriola avec

le "Mouvement socialiste" de H. Lagardelle, de Napoleone

Colajanni avec la "Revue socialiste" de Malon et G. Renard mais

aussi à ceux d'E. Ferri avec la revue malonienne, les

publications du Parti Ouvrier belge et l'Université Nouvelle de Bruxelles fondée par le grand géographe anarchiste français Reclus.(5)

Le problème est donc de savoir quels textes et quels auteurs

étrangers privilégiaient les moyens de communication du PSI, et

quels étaient les principaux canaux de diffusion des idées

socialistes. Les mécanismes de propagation de celles-ci étaient de trois types: 1°) les maisons d'édition liées directement ou indirectement au PSI, 2°) les journaux socialistes avec leurs

rubriques politiques, culturelles et leurs feuilletons et 3°)

les bibliothèques et les librairies socialistes.

Dans la sphère éditoriale de la production socialiste

proprement dite outre l'éditeur florentin Nerbini dont

Gianfranco Tortorelli a publié le catalogue, il y avait aussi les éditeurs Mongini de Rome; éditeur officiel du PSI, qui se

transforma en société éditrice "Avanti!", en 1911, lors du

passage du quotidien socialiste de Rome à Milan, Max

Kantorowics de Milan, Giovanni Ricci de Gênes, la bibliothèque

de propagande de la "Critica sociale" de F. Turati et A.

Kuliscioff et la société éditrice turinoise liée au journal "Il

Grido del Popolo”; il existait bien sûr d'autres éditeurs

mineurs liés le plus souvent à des journaux locaux.(6)

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L'activité des librairies socialistes et des bibliothèques

populaires nous offre l'opportunité d'approfondir avec encore

plus de précision le type de culture socio-politique,

scientifique et littéraire que distillait le parti socialiste.

L'activité des bibliothèques populaires était un élément clé de la stratégie culturelle des socialistes qui se déclaraient tous convaincus du caractère émancipateur du savoir pour les masses

populaires. C'est en 1904 que naissait officiellemnt le

Consorzium des bibliothèques populaires sous l'impulsion de la

"Société Umanitaria” de Milan dirigée par le leader réformiste

F. Turati. L'étude de l'activité de ces bibliothèques nous

permet de connaître, par exemple, l'origine sociale des

lecteurs affiliés mais plus difficilement le type de lecture, ou même les auteurs, que préféraient tel ou tel groupe; on doit donc se limiter à énumérer les lectures qui étaient proposées au public qui les fréquentait.

Il suffit de lire avec attention les rapports que publiait le

grand coordinateur Ettore Fabietti pour comprendre la

philosophie qui sous-tendait toute l'initiative. Notons au

passage que les principaux promoteurs en étaient des

réformistes comme Turati, Fabietti lui-même et Osimo à Milan ou

Prampolini à Reggio-Emilia, même si la composante anarchiste

devait jouer un rôle non négligeable dans l'expérience des

Universités populaires.(7)

Ajoutons que ces expériences devaient connaître une extension

territoriale limitée essentiellement au Nord de l'Italie, le

Sud faisant figure de parent pauvre; en 1906 on comptait 51

Universités populaires sur tout le territoire national dont

seulement deux dans le Mezzogiorno. Cette situation

correspondait en grande partie à l'implantation géographique du

parti socialiste dans les diverses régions d'Italie; les zones

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où le PSI possédait la majorité de ses inscrits et de ses électeurs étaient 1 1Emilie-Romagne, la Toscane, le Piémont, la Ligurie et la Lombardie. Ce n'est d'ailleurs un mystère pour

personne de dire que la production éditoriale majeure - à

l'exception d'éditeurs comme Remo Sandron de Palerme (qui

influencera les milieux progressistes) - se concentrait surtout

au Nord du pays là où le processus d'industrialisation et

d'urbanisation avait subi une forte accélération dans les

années 1890. La carte du monde éditorial italien, comme celle

du réseau culturel (bibliothèques, librairies et écoles),

contenait les mêmes déséquilibres que la carte du développement socio-économique et du taux de scolarisation. La majorité des écoles publiques se concentrait au Nord là où la consommation

culturelle urbaine, vue le niveau d'analphabétisme plus bas,

avait son centre de gravité; développement de l'instruction

publique et structuration de l'activité culturelle

s 'influençaient réciproquement.(8)

Ettore Fabietti voyait la bibliothèque comme un instrument

d'émancipation intellectuelle du prolétariat; le livre en soi,

peu importait son contenu, était présenté comme un moyen de

rédemption sociale. Il repoussait cependant toute idée élitiste

du savoir; les Bibliothèques populaires ouvertes

essentiellement à un public ouvrier, peu cultivé,

n'excluaient pas a priori les oeuvres scientifiques,

philosophiques et politiques complexes. Le rôle du livre était d'élever le niveau culturel des masses et non de l'abaisser; il

s'agissait de ne pas enfermer dans un ghetto culturel le

prolétariat mais de le mettre en contact avec toute la

production scientifique et artistique du moment. Reprenant le

concept du "livre comme instrument de rédemption sociale",

Turati y ajoutait celui du livre comme "éducateur" et

"consolateur", il avait la conviction que l'obstacle majeur à

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la pénétration de la propagande socialiste dans les masses était avant tout l'ignorance. Les prolétaires devaient lire; un livre chaque mois si possible; peu importait s'il s'agissait de

livres socialistes ou non, le plus important était, suivant la

vision turatienne du rapport masse-culture, l'acculturation la

plus large et la plus éclectique possible des classes

subalternes; il s'agissait donc de consoler les masses par le

savoir non de les conscientiser. On pourrait définir les

positions de Turati et Fabietti d'empirisme culturel; leur

conception extensive du rôle de la culture en général avait un double aspect: d'une part la volonté de faire connaître aux

prolétaires le patrimoine culturel de leur pays et le

développement intellectuel présent et futur de celui-ci et

d'autre part une conception purement utilitaire du savoir, de

la pratique culturelle; cet utilitarisme culturel les rendait

subalternes le plus souvent aux normes établies de l'idéologie

dominante.(9) La conception extensive et utilitaire de la

culture populaire développée par Turati était semblable à celle

d'autres intellectuels socialistes européens comme J. Jaurès,

J. Destrée et E. Vandervelde. Pour J. Destrée par exemple, -

avocat, écrivain, éminent dirigeant du Parti ouvrier belge et

fondateur de la "Section d'art" de ce dernier - le socialisme

devait être entendu dans son acceptation intégrale c'est-à-dire non seulement comme un mouvement économique, mais aussi comme

un mouvement scientifique, esthétique et moral, ce qui

impliquait une lutte constante pour faire accéder les masses à

la "culture légitime" et aux institutions culturelles

dominantes. Destrée et Vandervelde, tout comme Turati et

Fabietti, se sentaient les dépositaires authentiques de

l'héritage culturel précédent; c'est par rapport à cet héritage

qu'ils définissaient les lignes de force de l'action

intellectuelle du socialisme. Ils étaient plutôt favorables à

l'accession du prolétarait à la "culture légitime", dominante.

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plutôt qu'à la création d'une "culture illégitime" ou alternative à celle des classes dirigeantes. Il est intéressant de noter qu'en Italie, tout comme en Belgique, des hommes comme

Turati, Fabietti, Osimo et Prampolini appréhendaient la

culture, le savoir comme un ensemble de faits acquis qu'il ne

convenait pas remettre en discussion, pour eux l'héritage

culturel était un patrimoine à défendre et à transmettre, non un lieu de critique socio-politique. Cette tendance à vouloir transmettre toutes les branches du savoir moderne, à constituer

une espèce de nouvelle Encyclopédie, de matrice positiviste,

destinée au prolétariat était le fruit de l'interprétation

extensive qu'avaient les socialistes du concept de culture

populaire: l'instruction - déclarait le Manifeste annonçant

l'ouverture des inscriptions à l'Université Populaire de

Reggio-Emilia en 1902 - "deve servire a diffondere

specialmente in mezzo alle classi lavoratrici - le nozioni

generali intorno a tutti i fenomeni del mondo fisico e

morale."(10) Rien de comparable ici aux débats qui agiteront

les milieux socialistes français, allemands et russes: il

suffit de penser aux interventions de P. Lafargue, F. Mehring

et G. Plekhanov; le scepticisme avec lequel furent accueillies

les conceptions nihilistes et iconoclastes de Tolstoi en

matière esthétique indiquait bien la volonté des socialistes

italiens, comme l'expliquera, par la suite, F. Momigliano dans

sa monographie sur la pensée tolstoienne, de légitimer

culturellement le mouvement ouvrier en faisant de lui

l'authentique héritier de la production culturelle

bourgeoise. (11)

Le seul à poser le problème dans les termes où P. Lafargue,

Henri De Man et F. Mehring le poseront sera Alessandro Schiavi;

face au caractère éclectique et dispersif de l'activité

culturelle du PSI il proposait en 1912 la création, sur le

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modèle autrichien ou allemand, d'une école de parti. Il

observait avec regret que les meilleures énergies

intellectuelles du PSI avaient été investies "in una sérié di

(...) istituzioni di cultura, di elevamento, sia pure, del

proletariato, ma dove manca l'anima, la fiamma, il sole délia

critica e delle idéalité socialiste".( 12) Tout comme Lafargue

et De Man, A. Schiavi reliait la question de l'instruction

populaire, de la formation intellectuelle du prolétariat

industriel et agraire, au problème de la fonction et du rôle

des intellectuels dans le PSI; il percevait bien l'existence

d'intérêts communs entre le "prolétariat intellectuel" et le

"prolétariat manuel" tous deux exploités par les mêmes forces

bourgeoises. Mais il divisait ce "prolétariat intellectuel" en

deux secteurs: un secteur "sain" proche des intérêts de la

classe ouvrière et un secteur "corrompu" constitué par les

"rebuts" culturels de la classe bourgeoise, diplômés sans

travail et arrivistes en tout genre, qui entraient dans les

files socialistes espérant ainsi faire carrière. Pour parer le

danger d'une contamination bourgeoise et opportuniste du

socialisme A. Schiavi proposait la création d'une école de

parti capable de former les "intellectuels du prolétariat" pour contrebalancer dans l'appareil et les institutions du parti les intellectuels bourgeois ou petit-bourgeois; cela impliquait une

orientation différente de l'instruction populaire jusqu'alors

poursuivie. C'était l'idée d'une formation intellectuelle dans

l'esprit de parti et non plus encyclopédique et éclectique,

c'était aussi une position semblable à celle des marxistes

orthodoxes Lafargue, Mehring, C. Zetkin, Kautsky et De Man.

Turati allait réagir soulignant son désaccord avec le caractère

idéologiquement instransigeant de l'instruction populaire

proposé par A. Schiavi; il y avait dans l'argumentation

turatienne à la fois un élément de vérité et une tentative de

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contourner l'obstacle sans l'affronter: d'une part Turati saisissait bien le grave problème d'un niveau culturel moyen assez bas en Italie - à cause du poids encore considérable de

l'analphabétisme - par rapport aux autres pays européens tels

que l'Allemagne, l'Angleterre ou la France; en outre Turati

percevait bien mieux que Schiavi le dualisme spécifique de la

situation italienne insistant sur les profonds déséquilibres

qui existaient entre Nord et Sud du point de vue du

développement du système scolaire et culturel de masse, mais

d'autre part il avait tendance à ignorer la question centrale de la conscientisation des masses laborieuses et le contenu des

programmes culturels durant le processus d'alphabétisation. Il

semblait séparer culture et politique, orientation culturelle

globale et stratégie socio-politique; pour lui propager la

Culture devait être un but commun à toutes les forces

politiques; l'idée d'un antagonisme de projets culturels

différents au niveau politique ne l'effleurait pas; sa

conception de la praxis culturelle était fortement empirique,

celle-ci était pour lui comme un champ neutre vide de tout

conflit social ou politique. Le "caractère apolitique" de la

"Société ümanitaria” était pour Turati la preuve concrète de

cette conception; l'enseignant socialiste devait avant tout

être laie, son but principal était de transmettre

"objectivement" le savoir éliminant toute forme d'interférence

subjective. L'objectivisme positiviste de Turati le portait à

sous-évaluer l'intervention du facteur subjectif et même

parfois à le mépriser comme une manifestation intollérante de l'esprit individualiste et anarchiste. Dans son interprétation

des difficultés rencontrées par le parti socialiste Turati se

montrait aristocratique; il imputait celles-ci à l'immaturité

culturelle et à l'ignorance des masses laborieuses; il ne

pensait pas comme A. Schiavi que la pénétration d'éléments

intellectuels bourgeois représentait un frein à la prise de

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concience socialiste du peuple analphabète. L'important

était, pour lui, de propager la culture, la "bonifica

intellettuale delle masse” à travers les bibliothèques

populaires "prescindendo, il più spesso, dal colore e

dall'indirizzo politico delle opere stesse, contentandosi che

fossero laiche, nel più largo significato della parola".(13)

Personne, à l ’exception de Schiavi, ne prenait au sérieux les

positions tranchées de Lafargue qui accusait ces expériences de

détourner l'attention des travailleurs de la lutte des classes

dont un des objectifs était précisément l'élaboration d'une

culture alternative à celle de la bourgeoisie. Pour Lafargue

l'installation d'institutions culturelles comme les Universités

Populaires constituait une véritable manoeuvre idéologique

organisée par l'intelligentsia bourgeoise, pénétrée dans les

files socialistes, pour corrompre les ouvriers avec la

"littérature décadente", la morale et l'économie bourgeoises.

Jaurès, tout comme J. Destrée et Turati, repoussait une telle

interprétation et proposait de récupérer en sens progressiste

l'héritage culturel et scientifique de la bourgeoisie dans le

but d'insérer le mouvement ouvrier dans le cadre national et de

l'adapter aux nouveautés sociales et scientifiques, il ne

s'agissait pas pour lui, comme pour Lafargue, de construire une "culture illégitime" alternative et prolétarienne.(14)

Cet antagonisme entre la théorisation d'une "culture

illégitime", alternative, faite par Lafargue et F. Mehring, et

plus tard de manière plus accentuée encore par Bogdanov et

Lunatcharski, et celle d'une "culture légitime", ou légitimée

pour être exacte, n'eut cependant pas beaucoup d'écho dans les

milieux socialistes italiens. Dans quelle mesure doit-on

l'attribuer aux "impuretés" du marxisme italien ou au faible

poids du courant orthodoxe? Toujours est-il que l'attitude

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dominante consistait à vouloir transmettre l'héritage culturel dans son ensemble; cette conception extensive du savoir comme

moment libérateur sur le plan socio-politique faisait de la

culture socialiste un amalgame non homogène, un assemblage

segmentaire, stratifié, hétéroclite traversé par les courants

les plus contradictoires, à la fois fonctionnels et opposés à l'idéologie dominante. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existait

aucun fil conducteur ou aucun point de repère cohérent; à la

lecture des tableaux que nous publions ici il n'est guère

difficile d'en tracer les contours.

La pratique culturelle des bibliothèques populaires et des

institutions politico-éditoriales socialistes ressemblait

beaucoup à ce que G. Roth appellera, à propos de la

socialdémocratie allemande avant 1914, un mécanisme

d'intégration négative produisant une "subculture

socialdémocrate" à la fois intégrée et antagoniste au système

économique et social dominant. Malgré les récentes

contestations de Vernon. L. Lidtke qui insiste beaucoup plus

sur les pratiques alternatives du mouvement ouvrier et

socialdémocrate allemand, le cas italien présente plus

analogies avec l'analyse faite par Roth. Dans la pratique des

institutions culturelles guidées par des hommes comme Turati,

Osimo et Prampolini le mobile réformiste; c'est-à-dire

l'intégration progressive des masses laborieuses dans le cadre politique, économique, culturel et social dominant, l'emportait

nettement sur le mobile révolutionnaire; c'est-à-dire sur le

moment de la confrontation critique radicale avec ce même

cadre. En outre, comme le montrera R. Michels, la formation

d'une élite intellectuelle, non ouvrière, dans le mouvement

socialiste constituait sans doute un élément supplémentaire

d'intégration socio-culturelle des organisations ouvrières aux

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instances considérées comme légitimes aux yeux des classes dirigeantes.(15)

L'alphabétisation culturelle des militants socialistes se

réalisait le plus souvent sur la base d'un enseignement assez

disparate et éclectique reproduisant les rapports éducateur-

dominés de la société; certes Turati et Fabietti concevaient

l'éducation des classes subalternes comme pratique de la

liberté mais l'acte de connaissance en soi n'était pas perçu

comme une approche critique de la réalité. Leur pédagogie

basée sur le mythe du livre émancipateur du prolétarait n'était pas, pour utiliser une expression du pédagogue brésilien Paulo Freire, une véritable "pédagogie des opprimés"; leur conception

pédagogique restait prissonnière de l'idée, qui trouvait sa

source dans la philosophie des lumières, qu'il suffisait

d'élever le niveau de connaissance des masses pour consolider

en même temps leur conscience socialiste.

Ils demandaient aux ouvriers d'étudier avant tout la culture

bourgeoise pour pouvoir ensuite créer les bases d'une culture

socialiste n'ayant pas les prétentions idéologiques et

militantes des projets des marxistes belges Louis De Brouckère et Henri De Man qui avec leur "Centrale d'Education Ouvrière" -

sur le modèle de l'école de parti crée en Allemagne par C.

Zetkin et F. Mehring - voulaient orienter la formation

culturelle des militants dans un "esprit de parti" explicite.

Tout comme Lafargue en France, A. Schiavi en Italie, A. Bebel

et C. Zetkin étaient en faveur d'un enseignement fortement

orienté idéologiquement alors que Von Vollmar, tout comme

Jaurès et Turati, était favorable à une éducation plus ouverte aux stimulants de la culture bourgeoise.(16) Le PSI, comme nous

l'avons vu, à la différence du POB et du SPD, mais comme le

socialisme français, ne créera aucune école de parti; pour

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Fabietti la diffusion "libre et illimitée" de la culture à

travers le réseau des Bibliothèques et des Universités

populaires constituait en soi un fait subversif; une idée

résumée avec efficacité par Turati quand il précisait que le

remède à l'inculture et au manque de conscience socialiste des masses ouvrières était: "il libro seminato dapertutto; il libro che cerca il lettore, lo adesca, lo invesca, lo persegue, se ne

impossessa; il libro che è cultura, che è ginnastica, che è

luce, che è redenzione."(17)

Si pour des marxistes comme F. Mehring, H. De Man et P.

Lafargue l'activité éducative apparaissait comme le moyen de

compenser les tendances réformistes de l'action politique

socialiste pour des leaders réformistes comme Turati,

Vandervelde et Vollmar elle apparaissait comme le moyen de

légitimer culturellement et politiquement le mouvement ouvrier

aux yeux des franges les plus avancées de la bourgeoisie.

Critiquant la conception extensible de l'éducation ouvrière H.

De Man écrivait que son but devait être au contraire - et ici

il pensait à la "Centrale d'éducation ouvrière" - "de réagir

contre les errements d'un passé trop influencé par le

déplorable exemple des extensions universitaires. Celles-ci commettaient, selon lui, généralement l'erreur de ne pas du tout tenir compte des besoins et des antécédents particuliers

des auditoires ouvriers et de vouloir leur procurer une

information encyclopédique qui consiste en l'administration, en

petites doses, d'une espèce d'"Ersatz" de la culture

universitaire. Les résultats étaient généralement lamentables.

En traitant, sans méthode, les sujets les plus disparates,

devant un auditoire qui l'était tout autant et qui manquait

généralement de la préparation scolaire indispensable à une

saine critique et à une véritable assimilation, on aboutissait

chez la masse, à la fatigue et au dégoût, et, chez une

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(19)

minorité, à la formation de demi-savants, toujours disposés à tout trancher de façon superficielle et dogmatique à l'aide de

quelques formules verbales retenues de cet enseignement

cahoté".(18) Derrière cette lutte entre les partisans d'une

culture militante alternative, sans prétention encyclopédique,

vue comme alibi de l'éclectisme réformiste, et ceux d'une

culture neutre, extensive et encyclopédique se cachaient deux

conceptions opposées du rôle de l'intellectuel progressiste

dans ses rapports avec la culture dominante d'une part et les

classes subalternes d'autre part. Ces "fonctionnaires des

superstructures", comme Gramsci définit les intellectuels,

étaient en fait implicitement chargés de transmettre ou de

combattre les valeurs de la bourgeoisie en arguant de leur

savoir technico-scientifique; le problème est de savoir s'ils

agissaient comme des gardiens de la tradition faisant passer

pour des lois scientifiques ce qui n'était, le plus souvent,

que l'idéologie dominante; - (Cesare Lombroso et Enrico Ferri,

par exemple, démontraient "scientifiquement" l'infériorité

anthropologique des méridionaux justifiant ainsi, sans le

vouloir, les thèses conservatrices sur l'état de sous-

développement du Mezzogiorno) - ou s'ils refusaient d'être des agents subalternes de l'hégémonie bourgeoise dévoilant aux yeux

des masses les contradictions fondamentales de la société. La

fonction qu'ils assumaient, intégrative ou antagoniste, ou les

deux à la fois, était liée à leur conception de la culture et

de son rapport avec la société civile; le problème est complexe

car comme le dira J.P. Sartre l'intellectuel, de gauche ou de

droite, est avant tout un "homme-contradiction", son esprit de

recherche le met souvent en contradiction avec son rôle

d'intégrateur - les idées de Lombroso et Ferri, par exemple,

avec tout leur potentiel d'assimilation socio-culturelle à la

philosophie positiviste dominante du temps, représentaient

toutefois un progrès évident dans le sens de la modernité et

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(20)

d'une majeure attention des intellectuels italiens sur les questions de la misère et de la marginalité sociale.(18)

2. Tendances et sources internationales de la culture du PSI

Quels filons culturels étrangers propageaient les moyens de

communication socialistes en Italie?

a) Marx, Engels et les "marxismes":

C'est Ettore Ciccotti, l ’historien marxiste apprécié par

Kautsky pour ses travaux sur l'histoire de l'antiquité romaine, qui s'occupera de la publication des oeuvres de Marx et Engels

dans le PSI; il est intéressant ici d'énumérer celles qui

seront traduites et aussi le nom des traducteurs. Des grandes

oeuvres marxiennes Mongini d'abord et la société éditrice

"Avanti!" ensuite publieront entre 1899 et 1914: "Critica della filosofia del diritto di Hegel per la questione degli Ebrei",

en 1899, avec une traduction de Ciccotti, "Miseria della

filosofia - Risposta alla filosofia della Miseria del Sign.

Proudhon", en 1901, avec une traduction d'E. D'Errico, "Le

lotte di classe in Francia", "Il Diciotto Brumaio di Luigi

Bonaparte", "Per la critica dell'economica politica" en 1902,

traduites par le leader syndicaliste révolutionnaire Arturo

Labriola, "La Guerra civile in Francia" en 1902, par E.

Zaniboni et "Critica del Programma di Gotha" en 1901, avec une

traduction de Ciccotti. De F. Engels c'est Vittorio Piva, le

directeur de 1'"Avanti della domenica", qui traduisit et publia en 1899 "le Condizioni della classe operaia in Inghilterra", en

1909 paraissait "La Sacra Famiglia" avec une traduction du

penseur syndicaliste révolutionnaire Enrico Leone, "La guerra

dei contadini" paraissait en 1904 avec une traduction d'Amadeo

Morandotti, correspondant de 1'"Avanti!", la "Critica sociale"

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(21)

et du "Secolo", grand admirateur de l'oeuvre historique de

Jaurès; en 1902 paraissait "Ludovico Feuerbach e il punto

d'approdo délia filosofia classica tedesca" traduit par E.

Ciccotti. A côté des textes de Marx et Engels, E. Ciccotti

s'occupera aussi de la publication des textes les plus

importants de F. Lassalle et F. Mehring; du premier Ciccotti

traduisit les discours à la Cours d'Assise de Cologne en août

1848, "la Guerre d'Italie et le devoir de la Prusse", "la

philosophie de Fichte" et un discours aux ouvriers de Francfort de mai 1863.(20)

A travers les écrits de Lassalle les idées philosophiques de

Fichte sur la démocratie et celle de Rodbertus sur le rôle de

l'Etat dans l'économie allaient pénétrer dans le PSI.

Rodbertus, en particulier, avait influencé les socialistes de

la chaire en Allemagne; il analysait la société comme un

organisme - ce que faisaient Colajanni, Ferri, Prampolini et

Loria - créé par la division du travail et proposait de

substituer à la production en vue de la demande la production

en vue du besoin social et à la notion de la rentabilité de

l ’entreprise celle de la productivité; idées que l'on trouvait

aussi chez Sismondi qui devait avoir une grosse influence chez les intellectuels progressistes italiens. Mais donner à chaque

travailleur le fruit de son labeur ne signifiait pas pour

Rodbertus réclamer la fin de la propriété privée; il réagissait négativement contre les systèmes communistes qu'il considérait comme des tyrannies. En s'appuyant sur Fichte pour développer son modèle de démocratie idéale Lassalle précédait d'autres

penseurs socialistes, comme l'autrichien Max Adler et J.

Jaurès. Mais ce qui restera de Lassalle dans les milieux

socialistes italiens ce seront ses idées socio-économiques sur

la loi d'airain des salaires - Malon en avait été le

propagandiste convaincu durant son séjour en Italie et sa

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(22)

collaboration avec "La Plebe" -, les coopératives de

production, le libéralisme et le concept de "masse

réactionnaire"; en outre l'idée d'une "démocratie sociale"

construite sur la base d'une conquête légale du pouvoir - par

le suffrage universel - devait marquer des hommes comme

Turati.(20)

Il est intéressant de noter que Lassalle accompagnait Marx,

Engels et F. Mehring dans le receuil publié sous la direction

de Ciccotti; ce qui est tout dire sur le sens large

qu'attribuaient les socialistes italiens au terme "marxisme";

ajoutons que la traduction de la "Geschichte der Deutschen

Sozialdemokratie" de F. Mehring par Gustavo Sacerdote,

publiciste, spécialiste de littérature et grand connaisseur de

la culture allemande, entre 1900 et 1907, renforçait l'image de

F. Lassalle qui apparaissait dans cette oeuvre sous un jour

positif.

A tout cela il faut rappeler que les socialistes italiens

lisaient "Le Capital", le livre premier, et cela jusqu'en 1915, dans la version française de 1875 (traduction de Joseph Roy

révisée par Marx lui-même) bien qu'il exista une version

anonyme parue dans la "Biblioteca dell'economista" UTET, en

1886; il faudra attendre 1915 pour obtenir la traduction

italienne d'Ettore Marchioli, collaborateur de la "Critica

sociale", qui malheureusement se servira de l'édition populaire réalisée par Kautsky et non du texte original.(21)

Outre les textes marxiens circulaient aussi des Abrégés ou des

résumés qui joueront un rôle bien souvent plus important que

les textes originaux eux-mêmes; c'était le cas des "Extraits"

du Capital publiés par Paul Lafargue chez l'éditeur palermitain Remo Sandron avec une traduction de Pasquale Martignetti

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(23)

(socialiste de Benevento, traducteur des écrits de Marx et

Engels) et une introduction critique de l'économiste libéral

Vilfredo Pareto. En 1893 le journaliste socialiste Ettore

Guindani de "L'Eco del popolo" de Crémone traduisit 1'"Abrégé

du Capital" de Gabriel Deville, alors théoricien marxiste du

POF et ami de Lafargue, "Abrégé" qui sera publié par la

bibliothèque de propagande de la "Critica sociale" avec un

texte de L. Bissolati en défense du "matérialisme économique" contre les attaques de V. Pareto; ces ouvrages de vulgarisation de l'oeuvre de Marx se trouvaient dans toutes les bibliothèques populaires ou les librairies socialistes et ils contribuèrent

certainement à diffuser une vision mécaniste et simpliste du

matérialisme historique.

Cette prédominance des auteurs "marxistes" ou considérées comme

tels par rapport à Marx et Engels eux-mêmes reproduisait la

situation existante dans les autres partis socialistes

européens: si l'on prend le catalogue de la Bibliothèque de

propagande de la "Critica sociale” pour l'annéee 1900 on

obtient 9 titres pour Marx et Engels, 22 titres pour les

"marxistes" (Plekhanov, Lafargue, Kautsky, Vandervelde, A.

Kuliscioff...) et 43 titres pour les autres (auteurs

socialistes ou non socialistes tels que De Amicis, E. Reclus,

B. Malon, Tolstoi...). Prenant Mongini et la société éditrice

"Avanti!" entre 1900 et 1914 on a 30 titres (comprise la

compilation de Ciccotti) de Marx et Engels, 14 titres d'auteurs

"marxistes" et 49 titres d'autres auteurs; en 1897 la société

éditrice du journal "Il Grido del popolo" comptait parmi ses

auteurs non italiens 8 titres de Marx et Engels, 10 titres de

"marxistes" et 27 autres.

La tendance est encore plus nette si l'on prend les librairies

socialistes de vente: le catalogue de la librairie "Avanti!" de

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(24)

Rome en 1900 ne contenait aucun titre de Marx et Engels, 28

titres d'auteurs "marxistes" (dont 4 de G. Deville, 4 de

Lafargue, 6 de Kautsky et 3 de Vandervelde) et 35 autres (dont

5 de Lassalle, 8 de Jaurès, 5 de Malon et 5 de G. Renard). Le cadre était à peu près similaire partout ailleurs en Europe -

c'était, par exemple, le cas de la Belgique où Victor Serwy,

responsable des coopératives bruxelloises, compilateur d' un

"vade-mecum du socialiste", suggérant à J. Destrée ce que

devait être le contenu d'une bibliothèque socialiste; ce

dernier dressait, avec l'aide de Vandervelde et L. Bertrand,

une liste d'oeuvres comprenant 1 titre de Marx et Engels, 3

titres d'auteurs marxistes (Vandervelde, Schâffle e E. Ferri)

et 18 autres (Zola, Tolstoi, Kropotkine, C. De Paepe, Ch. De

Coster...).

Le Catalogue des dons et acquisitions de la Bibliothèque populaire de Reggio-Emilia, fondée en 1910 sous l'impulsion de

C. Prampolini et des comités d'instituteurs socialistes,

comprenait pour la période 1910-1914 5 titres de Marx et

Engels, 8 d'auteurs "marxistes' étrangers et 91 autres. Comme

pour la librairie "Avanti!", la librairie De Leonardis de

Naples, liée au journal socialiste "La Propaganda", entre 1900- 1910 ne vendait aucune oeuvre de Marx et Engels mais par contre

présentait 12 titres d'auteurs "marxistes" étrangers (dont

Lafargue, Argyriadès, Kautsky, Vandervelde) et 17 autres.(22)

Les noms les plus fréquents parmi les "marxistes" étrangers

étaient ceux de P. Lafargue, G. Plekhanov, K. Kautsky et E.

Vandervelde. Ce dernier, malgré ses positions réformistes et

gradualistes, apparaissait aux yeux de Ferri et Turati comme un éminent marxiste belge; la bibliothèque de la "Critica sociale"

publiait de lui en 1894 "la decadenza del capitalisme" et

"Parassitismo organico e parassitismo sociale", la librairie G.

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(25)

Ricci de Gênes faisait paraître, du même auteur, en 1902 "Il

collettivismo e l'evoluzione industriale" et "cooperazione e

socialismo". L'influence de la pensée de Vandervelde dans le

socialisme italien reste à étudier; les historiens ont

longtemps comparé Turati à Jaurès mais en réalité les positions du leader réformiste italien étaient beaucoup plus proches de

celles du "patron" du Parti Ouvrier Belge. Provenant d'une

famille de petite bourgeoisie libérale, Vandervelde avait

étudié le droit et la médecine à l'Université libre de

Bruxelles, son socialisme évolutionniste et sa lecture du

marxisme étaient nettement imprégnés de scientisme mais aussi

de saint-simonisme. Le marxisme de Vandervelde était fortement

influencé par l'économisme de C. De Paepe et les idées

coopérativistes d'E. Anseele, pour lui le matérialisme marxiste était plus réaliste que déterministe, comme Malon il attribuait autant d'importance aux facteurs politico-culturels qu'aux

facteurs économiques. Dans son livre sur le collectivisme

publié à Gênes il s'inspirait des idées socio-économiques de

Rodbertus et conseillait, pour la construction d' une solide

culture socialiste, la lecture, outre de Marx et Engels, de

Fourier, Lassalle, Rodbertus, Schâffle, De Paepe, Kautsky,

Jaurès, Kropotkine, L. Blanc, E. Ferri, W. Morris, Ch. Andler

et J. Destrée. Dans "Il parassitismo organico e le sue forme", publié à partir du 1er juillet 1894 dans la "Critica sociale",

avec J. Massart, assistant de l'institut botanique de

l'université de Bruxelles, il effectuait une étude sur les

analogies et les différences entre parassitisme dans le monde

organique et parassitisme dans la sphère des rapports

sociaux.(23)

C'est Anna Kuliscioff qui introduira les écrits du marxiste

russe G. Plekhanov dans les publications du PSI; la présence de

Plekhanov, étrangement ignorée par R. Michels dans son tableau

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(26)

des traductions italiennes des auteurs marxistes étrangers,

était doublement importante: d'une part pour le type de

marxisme, déterministe et souvent mécaniste, que développait la

pensée plekhanovienne et d'autre part pour ses études sur

l'anarchisme qui représentaient une véritable liquidation

idéologique d'un mouvement qui avait joué un rôle non

négligeable dans l'histoire du mouvement ouvrier italien. La

publication en 1894, par la "Critica sociale", des textes

plekhanoviens coincidait avec la parution de l'ouvrage de Lombroso sur le même thème: l'approche du phénomène anarchiste

faite par le marxiste russe était semblable à celle de Turati

et A. Kuliscioff; contrairement à Lombroso qui l'expliquait par

des raisons bio-pathologiques Plekhanov, mais aussi Turati, le

présentait comme la conséquence d'une condition socio­

économique particulière de la petite-bourgeoisie.(24)

C'est P. Martignetti qui introduira l'oeuvre de P. Lafargue

dans les milieux socialistes italiens; des oeuvres comme "Le matérialisme économique de K. Marx", "Le droit à la paresse et "la Religion du Capital" connaîtront une grosse diffusion au sein du PSI. Lafargue fut aussi le protagoniste d'une série de

polémiques avec A. Loria, V. Pareto, Antonio Labriola,

Benedetto Croce et E. Ferri; la plupart de ses écrits furent

publiés par la "Critica sociale" de Turati. - Malgré les

divergences politiques qui l'en séparait Turati admirait

beaucoup Lafargue pour sa brillante intelligence et son esprit sarcastique mais ne saississait pas totalement l'originalité du

marxiste français sur la littérature et la morale

bourgeoise.(25) © The Author(s). European University Institute. produced by the EUI Library in 2020. Available Open Access on Cadmus, European University Institute Research

(27)

b ) socialisme non marxiste

A côté du socialisme de matrice marxiste on trouvait dans les

catalogues des éditeurs et des librairies socialistes un nombre

supérieur d'auteurs socialistes non marxistes. Dans la

Bibliothèque de propagande de la "Critica sociale", outre à des écrivains nationaux comme E. De Amicis, Paolo Vaierà et A. Graf apparaissaient aussi des penseurs socialistes tels que Jaurès,

G. Renard, B. Malon, F. Lassalle et C. De Paepe. L'anarchisme

collectiviste était bien représenté avec Elisée Reclus,

Bakounine, Kropotkine, A. Hamon, C. Malato, Proudhon et Louise

Michel; leurs textes étaient sélectionnés et rares étaient les

ouvrages de pure théorie anarchiste - de Bakounine le PSI

privilégiait les écrits anticléricaux et antimazziniens, d'E.

Reclus paraissaient surtout ses études antimalthusiennes,

géographiques et évolutionnistes. L'ouvrage d'A. Hamon

"Psychologie du militaire professionnel" deviendra un véritable

best-seller de l'antimilitarisme italien et Proudhon fut

partiellement publié par l'éditeur florentin Nerbini. Notons

que les ouvrages de Kropotkine connaîtront une grosse diffusion dans les milieux socialistes; des ouvrages comme "la conquista

del pane", "le Memorie d'un rivoluzionario", "La Grande

Rivoluzione", "Ai giovani" connaîtront une forte circulation

éditoriale. Les socialistes italiens lisaient l'histoire de la

Commune de Paris à travers les oeuvres de B. Malon, Louise

Michel et Lissagaray et celle de la Révolution française à travers les oeuvres de Jaurès, Salvemini, Kropotkine mais aussi

Michelet, H. Taine, Yves Guyot et T. Carlyle; Guyot et Taine

étaient, ne l'oublions pas, des penseurs positivistes nettement

réactionnaires.(26) De nombreux ouvrages n'étaient d'ailleurs

pas traduits en italien, ils étaient lus en français qui

restait, à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, la

seconde langue pour les intellectuels italiens; rares étaient

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(28)

en effet ceux qui connaissaient l'allemand (sauf A. Kuliscioff, L. Bissolati et C. Treves) ou l'anglais (comme l'écrivain Paolo Valera qui enverra de l"Angleterre, où il séjournera un certain

temps, une série d'articles historiques sur le mouvement

chartiste, articles receuillis dans une brochure de la

bibliothèque de la "Critica sociale").(27)

Parmi les auteurs socialistes non marxistes se trouvait aussi

le nom du sociologue belge Guillaume de Greef, professeur de

sociologie à l'Université Nouvelle fondée par le grand

géographe anarchiste français E. Reclus. Le système

sociologique de De Greef, exposé dans "Régime parlamentare e régime rappresentativo" publié dès 1897 par la bibliothèque du

journal socialiste turinois "Il Grido del popolo", était

fortement influencé par le positivisme d'A. Comte et

l'évolutionnisme de H. Spencer. De Greef théorisait

l'importance primordiale des groupes professionnels; la société

évoluait, selon lui, comme un processus de pressions et

adaptation des divers groupes, passant d'une phase où les

groupes s'opposaient à une phase où, à travers une série de

concessions mutuelles, ils trouvaient un certain équilibre. De

Greef était indiscutablement influencé par les idées de

Proudhon surtout là où il rejetait l'idée d'une organisation

politique centralisée autoritaire; sa conception d'une

domination progressive des associations volontaires et

professionnelles, liées ensemble par des rapports contractuels,

avait quelque chose en commun avec les théories

syndicalistes.(28)

Des socialistes du Benelux les catalogues du PSI contenaient

aussi certains écrits de Ferdinand Domela Nieuwenhuis qui

deviendra le leader de 1'anarco-syndicalisme hollandais; ex­

pasteur protestant qui prêchait un véritable évangile de

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(29)

régénération morale et socialiste, il publia des oeuvres de théologie démocratique non orthodoxe ainsi que de nombreux

écrits antimilitaristes; c'était le cas de "la donna e il

militarismo" publié chez Mongini.

Sur les questions de la femme, outres les écrits d'A.

Kuliscioff et A.M. Mozzoni, il faut citer l'ouvrage d'A. Bebel

qui deviendra l'évangile "féministe" du socialisme

international; paru en 1891 il sera traduit par Vittorio

Olivieri pour l'éditeur socialiste milanais Max Kantorowics, au

contraire l'ouvrage de Lilly Braun, une des leaders du

féminisme socialiste allemand, "Die Frauenfrage" ne trouvera

aucune traduction italienne.(29)

Les socialistes italiens, suivant ainsi une tendance

généralisée de tous les partis de l'Internationale, publieront beaucoup d'opuscules de propagande intitulés "Cathéchisme" tels

que le "Catechismo del lavoratore" de Lafargue, le "Nuovo

catechismo socialista" des anglais E. Belfort-Bax et Harry

Quelch et le "Catechismo socialista" de l'américain J.L.

Joynes. C'était l'époque où les socialistes se fixaient pour objectif d'inculquer la nouvelle foi socialiste aux paysans et aux ouvriers analphabètes ou semi-analphabètes par le biais de

"l'évangélisation socialiste" tout comme les premiers

chrétiens; en Belgique, par exemple, le socialiste Alfred

Defuisseaux écrira un "Catéchisme du peuple".(30)

A ces auteurs socialistes non marxistes il faut ajouter les

noms des écrivains socialistes utopistes E. Bellamy et W.

Morris dont les oeuvres "News from Nowhere" et "looking

Backward" furent publiées par la bibliothèque de propagande de

la "Critica sociale"; Paolo Vaierà écrivit deux articles de fond sur l'oeuvre de W. Morris - et sur le groupe qui gravitait

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(30)

autour du mouvement préraphaélite anglais de G. Rossetti et J. Ruskin. Dans son livre, paru en Italie sous le titre révélateur

de "la Terra promessa", W. Morris imaginait une Angleterre

gouvernée par un régime socialiste appliquant ses idées

utopistes basées sur une contestation de la "civilisation

industrielle" et sur l'idée d'un retour à la nature, à l'époque

des artisans du Moyen-âge. Dans quelle mesure

l'antiindustrialisme de Morris ne coincidait-il pas avec

l'attitude réticente d'une partie des socialistes et du monde politique italien en général, fortement liées à l'agrarisme, envers le développement industriel de leur pays? Il faut noter toutefois que le socialisme industriel présent dans le roman de

l'américain E. Bellamy, publié dès 1892 par Kantorowics, sous

le titre "la vita sociale nel 2000" contredisait la philosophie

de Morris; en réalité industrialisme et antiindustrialisme

étaient les deux facettes de la culture économique du PSI.(31) La diffusion des théories agraires du penseur américain Henry George et de l'analyse du développement du capitalisme italien

par A. Loria du point de vue des mutations de la grande

propriété foncière montre bien le poids conditionnant des

structures agricoles dominantes de la société italienne sur la

formation de la pensée socialiste.

Au sujet de "l'évangélisation socialiste" qui se déroulait

avant tout dans les campagnes; l'analyse effectuée par E.J.

Hobsbawm dans "Worlds of labour" sur le rapport religion et

socialisme nous paraît un peu trop schématique; affirmer que la "subreligion populaire des masses" a toujours été conservatrice parce qu'elle personnifiait la défense de la tradition et que

l'irréligiosité dominait le socialisme entre 1890 et 1914,

c'est ne pas tenir assez compte des variations régionales et

nationales. Il suffit de penser aux discours de C. Prampolini

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(31)

pour attirer les paysans de la campagne autour de Reggio- Emilia; dans ses discours il utilisait précisément les éléments de cette "subreligion populaire" pour contester l'hégémonie de

l'Eglise officielle et conquérir la mentalité paysanne à

l'idéal socialiste. Dans ses "prédications

socialistes", par exemple, Prampolini affirmait que Jésus

("vero socialista dei suoi tempi") n'admettait pas la propriété privée et, par conséquent, la division des citoyens en patrons

et serfs, riches et pauvres; il proclamait la communauté des

biens; dans ses discours il n'y avait aucune volonté de

désagréger ou d'éliminer la foi religieuse mais d'en faire

apparaître, avec cohérence, les éléments les plus

authentiquement chrétiens pour réaliser à la lettre les

déclarations de l'Evangile; Prampolini allait jusqu'à dire

"oggi non puô dirsi cristiano chi non è socialista".(32)

c) auteurs non socialistes

Parmi ces auteurs citons avant out Léon Tolstoi dont

l'influence fut énorme; ses écrits étaient fréquemment utilisés

comme opuscules de propagande; sa dénonciation de la misère

sociale et de l'oppression tsariste en faisait un point de

référence central pour tous les progressistes d'Europe; dans le cas italien il y avait même coincidence entre le christianisme

évangélique et social de l'écrivain russe et le type

d'"évangélisation socialiste" pratiquée par C. Prampolini dans

les campagnes émiliennes; n'oublions pas que le socialisme

italien était un socialisme essentiellement agraire et il ne

fait guère de doute que les militants italiens reconnaissaient dans l'oeuvre de Tolstoi une part de leur monde social. Tolstoi

décrivait surtout la Russie rurale, la vie des propriétaires

fonciers et des paysans; ses romans étaient un peu comme le

miroir complexe et contradictoire d'un monde rural qui avait

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