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Les Républiques de Donato Giannotti : une biographie d'un républicain florentin du XVIe siècle

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Academic year: 2021

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Les Républiques de Donato Giannotti.

Une biographie d'un républicain florentin du XVIe

siècle.

Volume I

Hélène Soldini

Thèse soumise au jury pour approbation en vue de

l’obtention du titre de Docteur en Histoire et Civilisation

de l’European University Institute

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European University Institute

Département d’Histoire et Civilisation

Les Républiques de Donato Giannotti.

Une biographie d'un républicain florentin du XVIe siècle.

Volume I

Hélène Soldini

Thèse soumise au jury pour approbation en vue de

l’obtention du titre de Docteur en Histoire et Civilisation

de l’European University Institute

Membres du jury

Madame le Professeur Antonella Romano, EHESS - Centre Alexandre Koyré, Directrice

de thèse à l'European University Institute

Monsieur le Professeur Jean-Louis Fournel, Université Paris 8 Saint-Denis, co-directeur

externe

Monsieur le Professeur Luca Molà, European University Institute, second lecteur

Monsieur le Professeur Edward Muir, Northwestern University, Chicago

Monsieur le Professeur Romain Descendre, École Normale Supérieure, Lyon

© Hélène Soldini, 2014

Aucune partie de cette thèse ne peut être copiée, reproduite ou distribuée

sans la permission préalable de l'auteur.

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Abstract

How did republican thought revive in Florence at the time of the rise to power of the Medici family and all along the establishment of the Grand Duchy in Tuscany during the XVIth century ? Although the Republic crumbled in 1530, Florentine republican thought managed to survive, sometimes through unexpected channels. Considering the case of Donato Giannotti (1492-1572), usually presented as the last representative of Florentine republicanism, the question of the revival of republican thought can be addressed anew.

This dissertation is an attempt to shed new light on the History of Florentine republican thought by adopting a biographical approach that focuses on the circumstances surrounding the redaction, diffusion and publication of Giannotti’s two main texts, the dialogue Della Republica de’

Vinitiani and the treaty Della Republica fiorentina. While these writings have been studied in the

framework of Intellectual History and History of Political Thought, my research proposes an alternative reading which investigates the material history of the texts. It reveals the exchanges of information that shaped the writing process and it emphasizes the transmission of Giannotti’s books (be they manuscript or printed books). Contrary to the idea that the collapse of the last Republic sealed the end of Florentine republican thought, my research highlights the circulation of republican knowledge outside Tuscany, in the period of Medicean domination. Accordingly, I argue that its survival rested on the circulation of republican texts across the italian peninsula and Europe, thus inviting researchers not only to adopt new methodological tools, but also to enlarge the geographical and chronological scale in order to apprehend the republican history of Florence. Hence, this biography of Donato Giannotti, written through the prism of his two main political texts, is an invitation to explore the connections between communication and politics widely conceived – so widely, indeed, that it seeks to think in different terms how a republican thinker in exile could act in order to restore the libertas in Florence.

Résumé

Bien qu’à Florence le dernier gouvernement républicain s’effondre en 1530, la pensée républicaine florentine continue à se déployer tout au long du XVIe siècle. L’ascension au pouvoir de la famille des Médicis et la construction de l’état territorial dans le grand-duché de Toscane, ne provoquent en aucun cas l’effacement de cette pensée politique qui apparaît désormais, dans le contexte du principat médicéen, comme un anachronisme. Reste, cependant, à comprendre les modalités de sa production et de sa diffusion. L’étude de Donato Giannotti (1492-1572), considéré comme le dernier représentant du républicanisme florentin, permet d’apporter un nouvel éclairage sur cette question.

Cette thèse propose une lecture renouvelée de l’histoire de la pensée républicaine florentine en empruntant une approche biographique centrée, non pas sur la vie de l’auteur, mais sur la vie des deux principaux textes de Giannotti, le dialogue Della Republica de’ Vinitiani et le traité Della Republica fiorentina. Tandis que ces écrits ont été principalement étudiés au sein de l’histoire des idées et de la pensée politique, mon travail propose un nouveau cadre de réflexion en partant d’une histoire matérielle des textes, qui privilégie l’histoire de leur rédaction, de leur diffusion manuscrite et, s’il y a lieu, de leur publication. Contrairement à l’idée selon laquelle l’œuvre de Giannotti illustre le crépuscule d’un présumé « républicanisme », mes recherches démontrent combien la communication de l’information politique et la circulation des textes, à l’échelle de la péninsule italienne, voire de l’Europe, garantissent la survie de cette pensée politique et engagent une reconfiguration de la résistance républicaine. Cette thèse se présente, dès lors, comme une invitation à recourir à des outils méthodologiques demeurés jusqu’à présent en marge de l’histoire politique, afin d’inscrire l’histoire républicaine de Florence dans un espace-temps dilaté qui excède le cadre généralement admis pour son analyse.

Cette biographie de Giannotti, écrite au prisme de ses deux principaux textes, rend ainsi compte de l’articulation étroite qui existe entre l’histoire politique et l’histoire de la communication, une perspective qui suggère d’interroger à nouveaux frais les dispositifs mis en œuvre par cet exilé républicain afin de restaurer la libertas à Florence.

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Remerciements

Mes sincères remerciements vont d’abord à Antonella Romano, désormais Directrice du Centre Alexandre Koyré à l’EHESS, qui a accepté d’encadrer cette thèse de Doctorat à l’EUI, et m’a ouvert la porte à un nouveau champ de savoir auquel ma première formation d’italianiste ne m’avait pas préparée. Nos discussions, aussi libres que fréquentes, m’ont encouragée à construire ce travail à la croisée de deux disciplines, l’histoire et la littérature, et c’est en travaillant sous sa direction que j’ai appris à tenir cet équilibre parfois fragile. Nos échanges où j’ai pu lui faire part aussi bien de mes hypothèses que de mes doutes, ont été essentiels à la réalisation de cette recherche.

Mes chaleureux remerciements vont également à Jean-Louis Fournel, Professeur à l’Université Paris 8 Saint-Denis, qui, après m’avoir initiée à l’étude de la pensée républicaine florentine et m’avoir introduite à la lecture des textes de Giannotti, a accepté de superviser mes recherches à distance. Sa grande disponibilité et ses relectures constantes ont une grande part dans la réalisation de mon travail. J’associe à ces remerciements Luca Molà, Professeur et second lecteur de ma thèse à l’EUI, pour l’intérêt qu’il a porté à mes recherches et pour son aide lors de mes premiers pas dans les archives vénitiennes. Mon travail a, par ailleurs, bénéficié des conseils de nombreux professeurs de l’EUI, dont Giulia Calvi, Jorge Flores, Steve Smith, Martin van Gelderen et Ann Thomson que je remercie pour leur disponibilité à la discussion, et pour l’organisation de séminaires, aussi intéressants qu’utiles à la progression de mon travail personnel.

Mes pensées vont en particulier à Anthony Molho, professeur émérite de l’EUI, qui m’a tout d’abord accueilli dans cette institution en tant qu’auditrice, et a largement contribué à définir l’orientation de mon travail. Son départ de l’Institut au moment où j’intégrais le programme doctoral sous ses conseils, ne l’a pas empêché de poursuivre un dialogue constant sur l’avancement de mes recherches et je lui en suis profondément reconnaissante.

Le programme doctoral de l’EUI m’a également permise d’échanger avec d’éminents spécialistes de l’histoire moderne, résidant à Florence ou de passage, tels Riccardo Fubini et John Najemy, que je tiens à remercier pour leur écoute et leurs suggestions. Les discussions que j’ai pu avoir avec Filippo De Vivo ont une grande part dans la construction méthodologique de ma thèse, et je lui sais gré de m’avoir invitée à participer à des rencontres où j’ai pu présenter mes travaux et bénéficier de conseils avisés, telles la journée d’études « The Use of Sources for Historical Research » organisée par le centre d’Harvard à Villa i Tatti, ainsi que le Workshop « The Materiality of the record » organisé par le groupe de travail AR.C.H.I.ves à l’Université de Birkbeck.

Par ailleurs, cette thèse n’aurait pu être réalisée sans la participation à des programmes de recherche et je tiens à remercier tout particulièrement Edward Muir, Professeur à l’Université Northwestern de Chicago, de m’avoir fait partager les expériences de « The American Academy for Advanced Studies in the Renaissance ». Je souhaiterais également exprimer ma gratitude à Jaques Revel et Silvia Sebastiani, ainsi qu’à Sabina Lorigà, organisateurs et intervenants au sein du programme doctoral européen « L’Europe et l’invention de la modernité » de l’Istituto italiano di Scienze Umane, à Florence. Je les remercie de m’avoir accueillie dans ce groupe de travail où j’ai pu faire la connaissance de doctorants d’horizons divers afin d’échanger sur nos travaux respectifs, et surtout pour leur disponibilité à la discussion tout au long de la réalisation de mes recherches.

Je désire tout particulièrement remercier les spécialistes de l’histoire florentine qui ont fait preuve d’une grande générosité et se sont montrés toujours disponibles pour répondre à mes

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questions : Vanni Bramanti à qui je dois, notamment, d’avoir appris à déchiffrer l’écriture de Giannotti ; Salvatore Lo Re qui a redonné chair et vie à ces personnages lors de nos échanges ; Andrea Guidi qui a mis à ma disposition sa fine connaissance des pratiques de chancellerie.

J’ai eu la chance, au cours de ces années de recherche, de pouvoir participer à de nombreux séminaires à l’EUI, mais également à l’Université Paris 8 Saint Denis où les rencontres du jeudi, organisées par Jean-Louis Fournel et Françoise Crémoux ont été un lieu propice pour présenter mes hypothèses de travail, grâce à la présence attentive et amicale des participants. Je souhaiterais remercier le groupe de recherche Triangle de l’ENS Lyon, et en particulier Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, pour leurs encouragements à poursuivre ce parcours de recherche à la croisée de disciplines scientifiques.

Par ailleurs, ce travail n’aurait pu être accompli sans l’accueil chaleureux reçu dans des institutions de recherche, qui ont facilité mes investigations dans les archives en dehors de Florence. Je pense, en particulier, à l’Université de Trente où j’ai été chaleureusement reçu par Diego Quaglioni et Paolo Carta, à l’École Française de Rome, ainsi qu’au Centre Vittore Branca de la Fondazione Cini à Venise où j’ai pu bénéficier des conseils de Gino Benzoni. Le personnel des archives et des bibliothèques, à Florence, Venise et Rome, a également beaucoup contribué à faciliter mes recherches : je les remercie d’avoir pris le temps de partager avec moi leur connaissance des collections, dans un contexte économique particulièrement difficile pour ces lieux de savoir en Italie.

Mes pensées vont également à mes collègues, doctorants et chercheurs, qui n’ont pas une moindre part dans l’accomplissement de ce travail, ainsi qu’à mes correcteurs qui, dans l’urgence, ont répondu présent et ont relu patiemment ces pages : Camille Bégin, Marie-Anne Bernard, Dora D’Errico, Marion Larché, Etienne Minet, Hélène Sauvage, sans oublier Carolina Obradors et Massimo Lucarelli auxquels je dois l’ensemble des traductions latines ici présentes.

Les encouragements et le réconfort de ma famille ont été d’une grande importance dans la réalisation de cette thèse. Je remercie chacun d’eux d’avoir su dégager du temps et trouver les mots justes pour m’inciter à venir à bout de mon projet. Enfin, et bien sûr, sans la présence de Giuseppe ces longues années de thèse auraient été bien moins douces. Défiant les kilomètres, il a suivi mes visites dans les archives et la rédaction de ces pages entre Florence, Paris, Rome, Venise et Antibes. Je le remercie pour avoir su écouter mes relectures et pour sa patience à toute épreuve.

Au vue de cette longue liste de remerciements, j’aurais eu tendance à présenter cette thèse comme le résultat d’un travail collectif, si ce n’est les longues journées solitaires passées à consulter les archives et à rédiger ces pages. Il n’en demeure pas moins que ce travail a bénéficié de la contribution de nombreux historiens et italianistes, dont les orientations, aussi diverses que complémentaires, m’ont aidée à construire un nouvel espace de réflexion sur Donato Giannotti. Si ce dialogue pluriel, entretenu au fil des années avec plaisir et émulation, est à l’origine de cette recherche, j’assume, par ailleurs, l’entière responsabilité de son résultat et de ses limites.

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Liste des abréviations

Archives et bibliothèques

ASF : Archivio di Stato, Firenze ASR : Archivio di Stato, Roma AST : Archivio di Stato, Torino ASV : Archivio di Stato, Venezia ASVat : Archivio Segreto Vaticano

ASOSMF : Archivio Storico dell’Opera di Santa Maria del Fiore, Firenze BAM : Biblioteca Ambrosiana, Milano

BAV : Biblioteca Apostolica Vaticana, Roma BLL : Biblioteca Labronica, Livorno

BMF : Biblioteca Marucelliana, Firenze

BMLF : Biblioteca Medicea Laurenziana, Firenze BMV : Biblioteca Marciana, Venezia

BNCF : Biblioteca Nazionale Centrale, Firenze BNCR : Biblioteca Nazionale Centrale, Roma BNF : Bibliothèque Nationale de France, Paris BOP : Biblioteca Oliveriana, Pesaro

BRF : Biblioteca Riccardiana, Firenze

Revues, journaux et dictionnaires

DBI : Dizionario Biografico degli italiani, Treccani ASI : Archivio Storico Italiano

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Liste des illustrations

Figure n.1 : Giorgione, Giovanni Borgherini col maestro-astrologo (1505), conservé à la National Gallery of Art, Washington, États-Unis.

Figure n.2 : Frontispice (f. 1r) et colophon (f. 110v) du Della Republica de’ Vinitiani, Antonio Blado d’Asola, Rome, 1540.

Figure n.3 : Tableau des erreurs typographiques introduites lors de l’impression du Della Republica de’

Vinitiani en 1540 et 1542.

Figure n.4 : Gravure sur bois de Moses Thym, in J. HORNSCHUCH, Orthotypographia. Instruction utile

et nécessaire pour ceux qui vont corriger des livres imprimés et conseils à ceux qui vont les publier (éd.

originale 1608), trad. du latin, Éd. des Cendres, Paris, 1997.

Figure n.5 : Frontispice du Della Republica de’ Vinitiani, Domenico Giglio, Venise, 1564.

Figure n.6 : Étude comparée des lettrines contenues dans les différentes éditions du Della Republica

de’ Vinitiani parues au XVIe siècle.

Figure n.7 : Frontispice de La Republica di Vinegia, Antoine Gryphe, Lyon, 1569.

Figure n.8 : Étude comparée des planches de la salle du Grand Conseil de Venise insérées dans les différentes éditions du Della Republica de’ Vinitiani parues au XVIe siècle.

Figure n.9 : Tableau comparatif de l’incipit du Discorso sopra il fermare il governo di Firenze et du chapitre II.2 du Della Republica fiorentina

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... I

1. La critique giannottienne : entre le « made in Italy » et le « made in the USA » ... II 2. L’échec de l’écriture biographique ... XI 3. Le choix d’une méthode : de la biographie d’un Républicain à la biographie de ses textes ... XIV

PARTIE I - ENTRE VENISE ET FLORENCE, DE L’ECRITURE AU LIVRE : LA FABRIQUE DU DELLA

REPUBBLICA DE’VINITIANI ... 1

Introduction : Venise/Florence, l’histoire d’une confrontation entre deux Républiques ... 2

CHAPITRE I : La genèse du Dialogo, continuité d’un débat sur les « Sanctissime lezi » vénitiennes entre Venise et Florence ... 13

Introduction ... 13

I - La rétrodatation volontaire comme exercice de dissimulation ... 13

I.1 Le manuscrit Riccardien ... 15

I.2 La datation de la lettre de dédicace à Francesco Nasi ... 18

I.3 Un témoignage précoce : la lecture de Francesco Guicciardini ... 23

I.4 Fiction du dialogue et temps de l’écriture ... 28

II – Giannotti à Padoue : « chi del tutto in questa vita non dorme ». ... 30

II.1 Le patriciat anti-médicéen florentin à Padoue ... 31

II.2 La villa padouane de Pietro Bembo ... 37

III – Giannotti secrétaire diplomatique à Venise ... 43

III.1 Au service d’Alessandro de’ Pazzi, homme de lettres et ambassadeur ... 44

III.2 « L’art diplomatique », la mission de la délégation ... 49

III.3 Giannotti secretario : conseiller diplomatique ou simple scribe ? L’affaire Carducci ... 53

Conclusion ... 60

CHAPITRE II : La construction dialogique d’un savoir républicain ... 65

Introduction ... 65

I – Dire Venise en dialoguant ... 67

I.1 Un dialogue humaniste, l’héritage cicéronien... 69

I.2 Un dialogue didactique ? ... 75

I.3 La mise en abyme du dialogue : l’éclectisme des sources ... 80

II - L’ « Historicisation du mythe » ... 88

II.1 L’écriture de l’histoire des institutions ou la déconstruction du mythe de Venise ... 89

II.2 Une écriture florentine de Venise ... 92

II.3 L’influence de l’historiographie vénitienne ... 94

III - « La lengua bate dove che’l dente duole » : l’écriture de l’actualité vénitienne ... 99

III.1 Les débats officiels du gouvernement ... 103

III.2 Les informateurs politiques : le cas de Marco Foscari ... 106

III.3 Les rumeurs de la ville ... 109

Conclusion ... 113

CHAPITRE III : Du manuscrit aux ateliers des typographes, la production d’un livre ... 123

Introduction ... 123

(11)

I.1 Réflexion sur une absence : la non-publication du dialogue à Florence ... 126

I.2 Un projet éditorial avorté à Venise ... 131

I.3 « In Roma per Antonio Blado, con il privilegio del Sommo Pontefice per anni dieci » ... 134

II – « Editore-traditore » ? La question d’une identité auctoriale instable au prisme de la transmission du texte ... 140

II.1 Venise-Florence, réseau de contrefaçons : Giannotti « appassionato Veneziano » ... 142

II.2 Plusieurs éditions, un seul texte ? Hypothèse d’une vénitianisation du texte sur la base d’une étude de ses variantes ... 151

II.3 Une édition restauratrice ... 160

Conclusion : Écrire « in lingua toscana » ... 170

PARTIE II : ÉCRIRE LA REPUBLIQUE DE FLORENCE, ICI ET AILLEURS ... 178

Introduction : Entre République et pensée républicaine : où situer l’analyse d’un traité florentin républicain à l’âge du Principat ? ... 179

CHAPITRE I. « Coglionazzo ch’io sono stato » : La réforme de Florence à l’épreuve de l’écriture manuscrite 187 Introduction ... 187

I – L’écriture sans fin de Florence ... 190

I.1 Histoire de textes perdus ... 193

I.2 Écrire la réforme au nom du cardinal Ridolfi ... 200

I.3 Ateliers de réécritures ... 205

I.4 Réécrire in extremis... 211

II – La publication manuscrite du traité ... 218

II.1 La circulation confidentielle du traité comme esquisse d’une République exilée ... 220

II.2 L’usurpation par Corbinelli : publier la République florentine exilée ? ... 225

II.3 De Médicis en Médicis : le devenir du manuscrit autographe ... 231

Conclusion ... 234

CHAPITRE II : L’écriture de l’expérience. Giannotti « primo segretario della cancelleria de’ Dieci di Balìa » . 237 Introduction ... 237

I – La chancellerie des Dieci di Balìa ... 240

I.1 La chancellerie florentine et le secrétaire des Dieci di Balìa ... 243

I.2 L’élection à la Chancellerie ... 248

II – Les écritoires du secrétaire épistolier ... 255

II.1 La rhétorique épistolaire au service des Dieci di Balìa ... 257

II.2 Le secrétaire au service de la res publica : la figure d’Harpocrate ... 265

II.3 « Quel che per le pubbliche si tacque » ... 273

III – Le secrétaire en armes ? Le Discorso di armare la città di Firenze comme texte de chancellerie ... 286

III.1 Penser la milice citadine à Florence ... 291

III.2 « È da fare esperienzia de’ nuovi [ordini] » ... 297

III.3 Le secrétaire désarmé : le Discorso à l’épreuve de la guerre ... 304

Conclusion ... 316

CHAPITRE III : Écrire la République florentine en exil ... 326

Introduction ... 326

I – La « République en exil » dans les lettres de l’ « amico di Venezia » ... 330

(12)

I.2 Giannotti médiateur au sein des réseaux d’exilés ... 335

I.3 « È il solito de’ fuorusciti di sperare » ... 342

II – Rome : nouveau théâtre du conflit pour la libertas florentine ... 348

II.1 Du secrétaire de la République au secrétaire de cour ... 351

II.2 La mort du tyran … et celle du tyrannicide ... 359

Conclusion ... 371

Conclusion : De la République de Florence à la République des Lettres ? ... 372

Épilogue ... 378

1. Re-voir Rome … et mourir... 378

2. Le livre autographe dans le grand-duché de Toscane : du silence des autorités à sa réappropriation par le patriciat ... 384

3. Transmission et censure manuscrite : le traité aux mains du patriciat florentin à la fin du siècle ... 389

CONCLUSION ... 396

1. La République de Venise et la République de Florence ... 396

2. De la République de Florence à l’Italie ? ... 398

3. La communication de l’information et la circulation des textes : de nouvelles perspectives pour l’histoire de la pensée politique ... 400

(13)

INTRODUCTION

« Les auteurs n’écrivent pas des livres ; non, ils écrivent des textes qui deviennent des objets écrits, manuscrits, gravés, imprimés (et aujourd’hui informatisés) ». R. CHARTIER, L’Ordre des livres. Lecteurs, auteurs,

bibliothèques en Europe entre XIVe et XVIIIe siècle,

Alinéa Aix-en-Provence, 1992, p.21.

Donato Giannotti est né à Florence le 27 novembre 1492 dans une famille d’orfèvre. Tandis que son frère cadet reprend la profession familiale, Donato bénéficie d’une éducation littéraire de haute qualité et côtoie la fine fleur de la jeunesse aristocratique, au Studio de Florence ainsi que dans les classes du philosophe Francesco Cattani da Diacceto. Ses qualités de lettré lui valent d’obtenir en 1521 le poste de Lecteur de rhétorique grecque et latine à l’université de Pise qu’il n’occupe que quelques années, préférant se rendre en Vénétie où il rédige une description du système institutionnel de la République de Saint Marc (Della Republica de’ Vinitiani). Le renversement, le 16 mai 1527, du gouvernement des Médicis précipite son retour, et, dès l’été, il est à Florence pour participer à la République restaurée en tant que secrétaire de la chancellerie. La capitulation du gouvernement, en août 1530, marque alors le début d’un long exil pour Donato. D’abord assigné à résidence, il se consacre à des travaux d’érudition et commence la rédaction d’un projet de réforme pour Florence (Della Republica fiorentina). Choisissant en 1537 la voie d’un exil volontaire, il rejoint les réseaux de l’opposition anti-médicéenne, avant d’entrer au service du cardinal florentin Niccolò Ridolfi. À Rome, il fréquente les cercles de lettrés réunis autour des cours cardinalices, et trouve, après la mort de Ridolfi en 1550, un nouveau protecteur auprès du cardinal François de Tournon. C’est à Venise, finalement, que Donato s’établit en 1562, profitant de la compagnie des hommes de lettres et de sciences rassemblés à Padoue autour de Giovan Vincenzo Pinelli. La perspective d’un nouvel emploi à la chancellerie vaticane l’incite toutefois en 1571 à quitter la Vénétie : âgé et malade, Donato ne peut remplir ses nouvelles fonctions, et il décède un an plus tard à Rome.

Donato Giannotti, républicain, humaniste, homme de lettres. La description la plus élémentaire du personnage que l’on peut tirer d’une notice biographique, signale combien les études

(14)

II

consacrées à ce Florentin se situent au croisement de catégories historiographiques qui ont façonné l’histoire de la Renaissance. Le renvoi à ces trois acceptions qui relèvent à la fois de l’histoire politique, de l’histoire des idées et de l’histoire de la littérature, signale la pluralité d’approches qui ont guidé la réflexion des historiens. Bien que la tendance soit désormais au dialogue, le développement indépendant de ces directions de recherche au cours du XIXe et XXe siècles explique l’impression actuelle d’une fragmentation du discours historiographique. Si cette diversité dérive de la mobilisation de traditions disciplinaires divergentes, elle se justifie, par ailleurs, à la lumière des différents contextes, nationaux ou idéologiques, dans lesquels l’analyse des textes de Giannotti s’est déployée. Il convient, dès lors, de reconnaître que l’histoire de la critique giannottienne s’est caractérisée par un phénomène de cloisonnement, lié à la fois à la spécialisation disciplinaire et à l’orientation idéologique de la recherche. C’est donc dans le cadre du développement général des études sur la Renaissance italienne qu’il convient d’en rendre compte.

Seule une compréhension des paradigmes qui ont façonné, au fil du temps et dans des espaces géographiques et idéologiques distincts, la recherche sur la Renaissance, peut éclairer l’histoire de la critique giannottienne, et ouvrir la voie à un renouvellement du questionnement. Afin d’introduire notre travail, nous voudrions rendre compte de ces approches divergentes, non seulement parce que la réflexion historiographique constitue le point de départ de cette recherche, mais aussi parce qu’elle justifie le recours à de nouveaux impératifs méthodologiques. Il s’agira, dès lors, de retracer ici l’évolution de cette historiographie, en suivant un parcours à la fois chronologique et géographique, afin de mettre en lumière la rigidité des paradigmes interprétatifs autour desquels s’est construit le débat sur Giannotti. Cette reconstruction permettra de dévoiler combien le choix d’une approche biographique s’inscrit dans un effort de redéfinition de l’histoire politique et intellectuelle de la pensée républicaine florentine.

1. La critique giannottienne : entre le « made in Italy » et le « made in the

USA »

1

L’histoire de l’édition

La reconstruction des éditions de Giannotti permet d’illustrer l’intérêt tardif qu’a suscité cet auteur, ainsi que la divergence des lectures interprétatives appliquées à ses textes. Cette histoire éditoriale se déploie sur plus de quatre cents ans, compris entre 1540 (date de l’édition du seul texte

1 Ce titre renvoie à l’intervention d’A. MOLHO, « The Italian Renaissance, Made in the USA », in Imagined Histories : American

Historians Interpret the Past, sous la dir. d’A. Molho et G. Wood, Princeton, 1994, p.263-294. Je remercie A. Molho pour ses

conseils avisés qui ont largement contribué à la construction de cette réflexion historiographique sur la critique giannottienne.

(15)

III

publié du vivant de l’auteur, Della Republica de’ Vinitiani2) et 1990 (qui marque la parution d’une

nouvelle édition par G. Silvano du Della Republica fiorentina3). Le rythme des publications se

caractérise par des périodes riches en initiatives et de longues phases de silence, dessinant ainsi une courbe sinusoïdale faite de ruptures et d’accélérations.

Tandis qu’au cours des XVII-XVIIIe siècles, seuls le dialogue sur Venise et quelques textes d’intervention circulent de façon dispersée4, il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour voir

apparaître une édition des œuvres complètes grâce au travail de F.L. Polidori5. Cette initiative marque

un tournant puisque, en plus de répondre au problème d’une transmission fragmentée du corpus, elle rassemble des écrits inédits (les deux comédies Milesia et Il vecchio amoroso) et une partie de la correspondance, et permet ainsi de faire émerger, aux côtés de la figure du penseur politique, celle de l’homme de lettres et du correspondant républicain. Avec l’inauguration en 1852 de « l’Archivio centrale dello Stato » à Florence, s’ouvre une véritable chasse aux inédits qui encourage la découverte de textes d’intervention6 et la prolifération d’éditions épistolaires7, dont le point d’aboutissement peut

être représenté par la publication en 1932 de la correspondance de Giannotti et Piero Vettori conservée auprès du British Museum à Londres8. Force est de constater, dès lors, que l’histoire

éditoriale relève jusqu’à la moitié du XXe siècle, d’une matrice strictement italienne, voire florentine. Ce n’est qu’en 1968 que l’on assiste à une entreprise éditoriale en dehors de la péninsule, grâce à la publication des épîtres latines demeurées inédites, réalisée par R. Starn9. Cette édition, qui témoigne

2 Della Republica de’ Vinitiani, Blado d’Asola, Rome, 1540.

3 Repubblica fiorentina, éd. de G. Silvano, Droz, Genève, 1990. En 2011, une nouvelle édition du traité, sur la base de la même

tradition manuscrite, a été proposée : Della Repubblica fiorentina, éd. de T. Picquet, Aracne, Rome, 2011. Il s’agit, cependant, d’une version modernisée du texte dont l’objectif premier est de favoriser la divulgation de la pensée de cet auteur.

4 L’édition princeps du « Discorso sopra il fermare il governo di Firenze, al Magnifico Gonfaloniere di Giustizia N. Capponi »,

date par exemple de 1786, in Delizie degli eruditi toscani, éd. de B. Liborio Frediani, Vol.XXIII, Cambiagi, Florence, p.145-165.

5 Opere politiche e letterarie di Donato Giannotti collazionate sui manoscritti, precedute da un discorso di Aldo Vannucci, 2

vol., éd. de F.L. Polidori, Le Monnier, Florence, 1850.

6 « Un discorso sconosciuto di Donato Giannotti intorno alla Milizia », éd. de G. R. Sanesi, ASI, serie V, volume VIII, 1891,

p.13-27. Au début du XXe siècle, on voit également apparaître des textes dont l’attribution à Giannotti demeure incertaine : « Scrittura di N. Secretario della Republica di Firenze fatta ad istanza di Marco Foscari per informatione dello Governo della lor città », éd. de J. Del Badia, Miscellenea fiorentina di erudizione e storia, vol. I et II, 1902, Salvatore Landi, Florence ; « Donato Giannotti e una proposta di riforma della Signoria fiorentina al tempo dell’assedio », éd. de R. Ridolfi, Rivista storica

degli Archivi Toscani, vol.IV, 1932, p.237-242.

7 Par ordre chronologique : « Quattro lettere inedite di D. G. », éd. de P. Dazzi, in Strenna della Gioventù, Cellini, Florence, qui

rassemble les lettres adressées à Bernardo Segni ; « Alcune lettere inedite di D. G. novamente trovate nell’Archivio centrale di Stato », éd. de G. Milanesi, Giornale storico degli archivi toscani, vol.VII, 1863, p.155-173, p.220-252, qui comprend les quarante-huit lettres adressées à Lorenzo Ridolfi ; Mazzetto di lettere inedite con altre scritture: Giannotti ; Magalotti ;

Niccolini ; Pellico ; Giordani ; Leoni., éd. de P. Bigazzi, G. Barbera, Florence, 1867 ; « Nove lettere inedite di D. G. », éd. de J.

Del Badia, Tip. Del Vocabolario, Florence, 1870, qui comprend les lettres adressées à Baldassare Carducci ; Memorie intorno

alla vita di Silvestro Aldobrandini, éd. de L. Passerini, Tipografia Tiberina, Rome, 1878, qui propose l’édition des lettres

envoyées à Silvestro Aldobrandini (en particulier, p.56-62) ; enfin « Lettere inedite di D. G. », éd. de L. A. Ferrai, Atti del Reale

Istituto Veneto di Scienze Lettere ed Arti, série VI, tome III, 1884 (en particulier p.1570-1584).

8 Lettere di Donato Giannotti a Piero Vettori pubblicate sopra gli originali del British Museum, éd. de R. Ridolfi et C. Roth,

Vallecchi, Florence, 1932.

9 Donato Giannotti and his Epistolae, Biblioteca Universitaria Alessandrina, Rome, ms. 107, éd. de R. Starn, Droz, Genève,

1968. Rappelons, par ailleurs, que R. Starn propose en 1965 une liste des lettres de Giannotti demeurées inédites : « Additions to the correspondence of Donato Giannotti : a list and sampling of fifty-four unpublished letters », Rinascimento, serie II, vol.IV, 1965, p.101-122.

(16)

IV

d’une diversification nationale des études à partir de la seconde moitié du XXe siècle, se distingue par ailleurs par le choix du recueil mis sous presse, dans la mesure où il s’agit de la première (et de l’unique) publication d’écrits en latin de Giannotti10. La parution du livre de lettres se profile ainsi comme un

indice de l’affirmation, outre-Atlantique, d’un nouveau cadre de réflexion pour l’analyse de l’engagement républicain du Florentin. La dernière étape significative de l’histoire éditoriale est représentée par les deux volumes édités en 1974 par F. Diaz, qui calquent l’édition de F.L. Polidori en l’enrichissant des dernières parutions11. Ce travail de réédition, tout en offrant un outil indispensable

aux chercheurs, pêche par une absence de rigueur philologique et de vérification systématique des manuscrits : des lacunes qui relèvent moins d’un souci d’érudition que d’un problème d’interprétation puisqu’elles conduisent à une nouvelle édition du Della Repubblica fiorentina, réalisée en 1990 par G. Silvano sur la base du manuscrit autographe du traité12. Par ailleurs, le critère d’exhaustivité qui anime

cette initiative entre en contradiction avec le choix d’exclure les lettres latines, publiées six ans auparavant, ainsi que les Dialogi dei giorni che Dante consumò nel cercare l’Inferno e ‘l Purgatorio, publiés dès 1859 par F.L. Polidori13, ou encore les comédies dont l’étude relève désormais de l’histoire

de la littérature, notamment depuis leur insertion dans l’anthologie des Commedie del Cinquecento préparée en 1962 par N. Borsellino14. L’édition de F. Diaz témoigne ainsi d’une double logique : d’une

part, l’exclusion du recueil d’épîtres souligne l’absence de dialogue entre deux traditions éditoriales et historiographiques qui tendent à s’ignorer ; d’autre part, la sélection des textes reflète la primauté qui est accordée en Italie à une histoire des institutions et des doctrines politiques, ce qui explique pourquoi certains écrits ont été relégués du côté d’une histoire de la littérature.

L’histoire éditoriale apparaît ainsi comme un indice du poids exercé par l’ancrage disciplinaire de la recherche, ainsi que de la distance qui sépare la tradition historiographique italienne d’une autre que nous qualifierons d’anglophone afin d’englober les travaux apparus dans les universités américaines et anglaises à partir de l’après-guerre. L’absence aujourd’hui d’une édition complète des œuvres de Giannotti témoigne de la fragmentation du discours historiographique qui tend à faire voler en éclats le portrait de ce Florentin à la fois acteur et penseur politique, homme de lettres et humaniste.

10 Le seul texte recensé de Giannotti qui demeure aujourd’hui sous une forme manuscrite est justement l’histoire

ecclésiastique rédigée en latin : l’Epitome historiae ecclesiasticae, conservé in BNF, II, IV, 1985.

11 Opere politiche e lettere italiane di Donato Giannotti, 2 vol., éd. de F. Diaz, Marzorati, Milan, 1974. À ce sujet, voir R. RIDOLFI,

« Novità nell’epistolario volgare del Giannotti », Bibliofilia, anno LXXX, dispensa 3, 1978, p.250-251 : il s’agit d’un commentaire à la publication de Autografi dell’Archivio Mediceo avanti il Principato posti a confronto e annotati da Alberto Maria Fortuna

e Cristiana Lunghetti, Scriptorium Florentinum vol.I, Corradino Mori, Florence, 1977, qui donne l’occasion d’une mise au point

concernant l’édition des lettres de Giannotti, et en particulier concernant les choix opérés par F. Diaz.

12 Repubblica fiorentina, éd. de G. Silvano, Droz, Genève, 1990.

13 Dialogi di Messer Donato Giannotti ora per la prima volta pubblicati, éd. de F.-L. Polidori, Cellini e C., Florence, 1859. Ce

texte fait l’objet d’une nouvelle édition en 1939 : Dialogi di Donato Giannotti, de’ giorni che Dante consumò nel cercare

l’Inferno e ‘l Purgatorio, éd. de D. Redig De Campos, Sansoni, Florence, 1939.

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V En Italie, plus d’un siècle d’histoire

La découverte de Giannotti, comme l’illustre la première édition de ses œuvres complètes, a une matrice radicalement italienne et est fortement liée aux débats idéologiques du Risorgimento qui fondent la position italianocentrée des principaux critiques. L’étude de la pensée républicaine à cette date s’inscrit dans un effort de construction d’une histoire nationale à travers la mise en évidence d’une généalogie de la conscience politique italienne dont l’objectif est d’alimenter la thèse de l’unification de la péninsule. La grille interprétative des textes demeure ainsi étroitement tributaire, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, de questions politiques contemporaines, comme en témoigne le travail éditorial de F.L. Polidori qui se profile, pour cet intellectuel libéral, comme une forme de consolation au lendemain de la chute de la République romaine de 1849. Le ton de cette historiographie élogieuse est donné dès l’introduction par A. Vannucci, qui dépeint Giannotti en « martyr de la vérité et de la liberté » et exalte la dimension patriotique du républicain15. Ce sont avant

tout les qualités éthiques de l’auteur et son attachement à la cause républicaine qui retiennent alors l’attention des critiques16, soucieux de souligner la distance qui sépare Giannotti de ses aînés,

Machiavel et Guichardin17. Si la question de la place de Giannotti dans le panorama des penseurs

républicains florentins conduit à le taxer d’ « écrivain de second ordre »18, elle permet par ailleurs

d’interroger son originalité par rapport à ses illustres prédécesseurs. De cette lecture téléologique, découlent alors des prises de position critiques condamnant la vision municipale de Giannotti et son incapacité à prendre en compte la question territoriale, alors au centre des débats du Risorgimento19.

Cependant, même pour un critique acerbe tel G. Ferrari, qui accuse Giannotti d’ « avoir la vue courte », le Florentin est épargné car, pour ce socialiste fédéraliste, « l’amour de la liberté pardonne toutes les

15 A. VANNUCCI, « Intorno alla vita e alle opere di Donato Giannotti. Discorso », in Opere politiche e letterarie di Donato

Giannotti, éd. de F.L. Polidori, op. cit., vol.I, p.V-LIII.

16 B. CALISSANO, Donato Giannotti e le sue idee politiche, Tip. Salesiana, Turin, 1905, justifie en ces termes l’étude de

Giannotti: « Compresa di ammirazione e di compiacenza per l’animo retto e la vita integerrima del Giannotti, ne esaminai con amore la vita nelle lettere sue, e ne lessi con diligenza tutte le opere ». Dans le même sens, voir D. CARUTTI, « Sulle opinioni politiche di Donato Giannotti », Rivista italiana, 1850 ; C. TASSIN, Giannoti, sa vie, son temps et ses doctrines, Charles Douniol, Paris, 1869 ; B. COLANGELO, Firenze e l’Italia nella mente di Donato Giannotti, Tip. Artigianelli, Rome, 1899 ; E. ZANONI,

Donato Giannotti nella vita e negli scritti, D. Alighieri, Rome, 1900.

17 Voir, en particulier, l’affirmation d’A. Vanucci selon laquelle « non è di quegli uomini di Stato che della politica fanno una

faccenda separata dalla morale », où la référence négative au réalisme politique machiavélien est évidente (A. VANNUCCI, « Intorno alla vita e alle opere », op. cit., p.XX).La dimension comparative peut être perçue comme un héritage de la tradition historiographique introduite par F. De Sanctis qui forge le couple opposant Machiavel et Guichardin comme les pôles positifs et négatifs de la Renaissance italienne (l’un étant du côté de la conscience collective, de la dynamique de l’Histoire et de la vertu ; l’autre, du côté de l’intérêt personnel et du repli sceptique) : F. DE SANCTIS, « L’uomo del Guicciardini », La Nuova

Antologia, 1869, repris ensuite in Saggi critici, éd. de L Russo, Laterza, Bari, 1952, vol.III.

18 C’est ce qu’affirme par exemple L. PALMA, « La dottrina politica di Donato Giannotti », Rassegna di scienze sociali e politiche,

vol.VIII, 1890, p.100-108.

19 Voir par exemple l’intervention de L. Palma citée précédemment, ainsi que G. FERRARI, Corso sugli scrittori politici italiani,

(18)

VI

erreurs »20. Les études du XIXe siècle qui flattent la composante catastrophiste et lyrique de l’idéologie

du Risorgimento, assument donc une dimension militante. Le débat critique se prolonge sans rigueur philologique et sans mise en perspective critique des sources, l’objectif étant de présenter Giannotti comme l’incarnation d’une catégorie historique « nationale », l’homme d’État florentin (et donc italien)21. Seul l’ouvrage de R. Sanesi semble alors se distinguer, puisqu’en échappant au ton

emphatique de l’éloge et en considérant l’auteur comme « un produit de son siècle », il introduit la contextualisation historique comme un préalable incontournable de l’analyse22. Les évènements des

premières décennies du XXe siècle entraînent, toutefois, une transformation de l’horizon de la recherche et déplacent l’attention vers la question de la théorie républicaine.

Si l’on exclut le travail biographique de R. Ridolfi sur lequel nous reviendrons plus loin, la première moitié du XXe siècle se caractérise par un essoufflement du débat historique au profit d’une analyse politico-juridique des propositions de réforme de Giannotti. En particulier, l’article pionnier rédigé en 1917 par le philosophe du droit F. Battaglia23 concernant la doctrine du gouvernement mixte,

illustre l’émergence d’une nouvelle représentation de Giannotti comme fondateur d’un système destiné à garantir la tutelle juridique des institutions et comme précurseur des idées libérales. Ainsi, la référence républicaine, qui renvoyait sous le Risorgimento au combat contre la domination étrangère en faveur de l’unité italienne, laisse place, dans le cadre des débats libéraux du tournant du siècle, à un questionnement d’ordre institutionnel sur les formes de gouvernement24. Il faut donc attendre les

années 1970-90 pour que la critique giannottienne abandonne le terrain de l’histoire des doctrines politico-juridiques, et trouve une nouvelle impulsion, favorisée en ce sens par un mouvement général de retour vers les archives. Les monographies qui voient le jour durant les dernières décennies du XXe siècle, répondent à un souci d’historicisation des textes dont l’objectif est de questionner le rapport qui existe entre l’engagement de l’auteur et les pratiques républicaines. L’effort de contextualisation suit, chez G. Cadoni, G. Bisaccia et G. Silvano, des directions distinctes. Tandis que les deux premiers

20 G. Ferrari affirme par exemple: « Eccolo quindi come un insetto nel cratere di un vulcano, le piccole cose che feriscono

l’occhio suo acquistano proporzioni gigantesche, le grandi cose che trascendono la sua vista non esistono punto per lui. ».

21 Il convient ici d’introduire une précision quant au choix typographique que nous avons fait, tout au long de ce travail, de

recourir successivement à la forme « État » et « état ». L’alternance perceptible dans l’ensemble de ces pages entre les deux usages typographiques, renvoie évidemment à la nature des débats historiographiques qui tendent soit à ériger ce terme en concept politique tourné vers une forme de modernité (l’État moderne), soit à privilégier une acception historique d’une forme d’organisation politique.

22 G. SANESI, La vita e le opere di Donato Giannotti, vol. I, Fratelli Bracali, Pistoia, 1899. L’intérêt de G. Sanesi pour Giannotti

est sans doute encouragé par sa découverte en 1891 du Discorso sopra l’armare la città di Firenze (« Un discorso sconosciuto di Donato Giannotti intorno alla Milizia », ASI, serie V, vol.VIII, 1891, p.1-27), ainsi que par son travail sur La vita di Capponi, rédigée par Bernardo Segni mais longtemps attribuée à Giannotti (G. SANESI, La vita di Niccolò Capponi attribuita a Bernardo

Segni, Fratelli Bracali, Pistoia, 1896).

23 F. BATTAGLIA, « La dottrina dello Stato misto nei politici fiorentini del Rinascimento », Rivista Internazionale di Filosofia del

Diritto vol. VII, 1927, p.286-304.

24 Il est utile de rappeler ici que, durant les mêmes années, paraît le volume de G. MOSCA, Storia delle dottrine politiche,

Laterza, Bari, 1933, qui est l’un des textes fondateurs de l’histoire des doctrines politiques, entendue comme discipline historique autonome en Italie.

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VII

empruntent une approche issue de l’histoire des institutions et s’attachent à reconstruire le cadre institutionnel et social de la production de Giannotti25, G. Silvano privilégie, quant à lui, une analyse du

lexique politique afin de démontrer le phénomène de continuité qui existe entre la pensée florentine et les théories constitutionnalistes du XVIIIe siècle26. Ce choix de G. Silvano, qui prétend ériger

Giannotti en précurseur de la construction d’un État constitutionnel sur la base d’un repérage de récurrences lexicales, renvoie à l’influence exercée par une conception distincte de l’histoire de la pensée politique qui se développe outre-Atlantique sur laquelle nous reviendrons plus loin. En Italie, en revanche, l’analyse de la pensée républicaine de l’auteur semble dépendre majoritairement d’une approche propre à l’histoire des institutions. Or, en envisageant Giannotti comme le dernier témoin d’un système politique en déclin au moment de la transition vers le Principat, cette perspective tend à faire mourir la discussion de sa belle mort. De fait, considérer le Florentin comme l’ultime porte-voix d’un modèle institutionnel définitivement évincé par l’affirmation du gouvernement princier, conduit nécessairement à lire ses textes comme une forme d’anachronisme et à reléguer, du même coup, ses propositions de réforme républicaine du côté de l’utopie. Seul A. Tafuro s’est récemment efforcé de relancer le débat, malheureusement à travers un travail qui relève plus de la synthèse27. Ainsi, malgré

quelques interventions sporadiques28, l’impression actuelle d’un piétinement de la critique

giannottienne en Italie s’avère être le résultat d’une stricte clôture disciplinaire de la recherche qui demeure ancrée dans une tradition proprement italienne de l’histoire des doctrines et des institutions.

La tradition républicaine Atlantique

C’est essentiellement dans l’environnement académique anglophone que la critique giannottienne a été la plus productive, bien qu’aucun ouvrage ne soit directement consacré à cet auteur29. Cette attention s’inscrit dans un regain d’intérêt pour la Renaissance républicaine qui suit

deux orientations divergentes qu’il convient de distinguer, mais dont le point commun réside dans un effort général de réconciliation entre histoire politique et histoire intellectuelle. D’une part,

25 G. CADONI, L’utopia repubblicana di Donato Giannotti, Giuffré, Varese, 1978 ; ID., « L’autocritica di Donato Giannotti », in

Crisi della mediazione politica (Machiavelli, Guicciardini, Giannotti), Jouvance, Rome, 1994, p.237-260 ; G. BISACCIA, La ‘Republica fiorentina’ di Donato Giannotti, Olschki, Florence, 1978.

26 G. SILVANO, « Introduction », in Republica fiorentina. A critical edition and introduction, op. cit., p.1-52 ; ID., « Donato

Giannotti e la repubblica di Venezia », in La Repubblica de’ Viniziani, ricerche sul repubblicanesimo veneziano in età moderna, Olschki, Florence, 1993, p.39-84.

27 A. TAFURO, Donato Giannotti, dalla Repubblica di Venezia alla Repubblica di Firenze, Dante e Descartes, Naples, 2007. 28 Voir par exemple les articles de S. Albonico, dont l’intérêt renouvelé pour Giannotti découle de son travail sur les documents

autographes de l’auteur : S. ALBONICO, « Donato Giannotti », in Autografi dei letterati italiani. Il Cinquecento, tome II, sous la dir. de M. Motolese, P. Procaccioli et E. Russo, Salerno, Rome, 2013, p.217-234 ; ID., « Donato Giannotti e gli ultimi giorni della repubblica fiorentina », in Varchi e altro Rinascimento. Studi offerti a Vanni Bramanti, sous la dir. de S. Lo Re et F. Tomasi, Vecchiarelli, Rome, 2013, p.217-231.

29 Concernant la matrice américaine des études sur la Renaissance, voir A. MOLHO, « The Italian Renaissance, Made in the

USA », op. cit. ; E. MUIR, « The Italian Renaissance in America », The American Historical Review, vol.1000/4, 1995, p.1095-1118.

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VIII

l’émigration européenne, en particulier allemande, dans l’entre-deux-guerres aux États-Unis, favorise l’introduction d’un cadre nouveau pour l’étude de la pensée politique qui prend ses distances à l’égard d’une histoire des institutions ou des doctrines. Pour F. Gilbert30, ainsi que dans une certaine mesure

pour R. Von Albertini en Suisse31, la priorité est d’insérer l’évolution de la pensée républicaine au sein

des pratiques politiques et des mouvements intellectuels du XVIe siècle, ce qui conduit à envisager le parcours de Giannotti sur la toile de fond de la crise politique et morale que traverse Florence. Cette approche, tout en revendiquant la nécessité de contextualiser le discours républicain, vise à rendre compte de l’émergence, au cours du XVIe siècle, d’une nouvelle science politique et se laisse ainsi guider par une certaine interprétation de la modernité politique32. Dans une toute autre perspective,

la nouvelle approche de l’histoire des idées inaugurée par ce qui a été appelée, à partir des années 1970, « l’École de Cambridge »33, s’oriente vers une analyse linguistique contextuelle dont l’objectif

est de démontrer la transmission du Républicanisme, depuis ses origines antiques jusqu’aux révolutions anglaises et américaines. Dans cette histoire linéaire du « Républicanisme » occidental considéré comme un bloc monolithique, l’Italie des cités-états occuperait une fonction de charnière34.

L’ouvrage pionnier en ce sens de J.G.A. Pocock, insère donc les écrits de Giannotti dans une perspective de longue durée définie arbitrairement par une notion idéologique, le « Républicanisme », qui est ici érigée en catégorie scientifique35. Les réactions critiques envers cette prise de position ont pu prendre

des directions distinctes, allant d’une remise en cause de ses postulats méthodologiques36 jusqu’à une

dénonciation de son caractère idéologique37. Délaissant volontairement ce débat, nous souhaiterions

30 La seule intervention que F.Gilbert consacre directement à Giannotti est : F. GILBERT, « The date of composition of

Contarini’s and Giannotti’s books on Venice », Studies in the Renaissance, vol.XV, 1967, p.172-184. Il convient cependant de se reporter plus généralement à ses travaux sur la Renaissance italienne, afin de saisir la direction particulière de ses recherches : Machiavel et Guichardin. Politique et histoire à Florence au XVIe siècle, (1ère éd. Princeton University Press, 1965),

trad. de J. Viviès, Éditions du Seuil, Paris, 1996 ; Machiavelli e il suo tempo, Il Mulino, Bologne, 1964.

31 Les racines allemandes des Renaissance Studies justifient que l’on intègre dans ce chapitre l’étude d’A. Von Albertini,

d’origine suisse-allemande, qui suit, de façon générale, les tendances de ses concitoyens émigrés aux États-Unis : R. Von ALBERTINI, « Donato Giannotti », in Firenze dalla Repubblica al Principato. Storia e coscienza politica, (1ère éd. Bern, 1955),

trad. it. de C. Cristofolini, Einaudi, Turin, 1970, 2ème éd. 1995, p.145-164.

32 Pour une présentation des impératifs théoriques et méthodologiques qui guident cette approche, voir la préface de F.

Chabod, in R. Von ALBERTINIi, Firenze dalla Republbica al Principato, op. cit., p.IX-XIII ; et en particulier, F. GILBERT, A European

Past: Memoirs 1905-1945, Norton, New-York, 1988.

33 Nous choisissons ici d’utiliser l’expression « École de Cambridge » tout en gardant à l’esprit les débats et les polémiques

suscités par cette appellation qui ne peuvent être développés ici.

34 Pour une présentation de cette approche méthodologique et de son lien avec les thèses linguistiques d’Austin, voir en

particulier la préface de Q. SKINNER, The foundations of modern political thought, (1ère ed. Cambridge, 1978), trad. it., Il

Mulino, Bologne, 1989.

35 J.G.A. POCOCK, Il momento machiavelliano. Il pensiero politico fiorentino e la tradizione repubblicana anglossassone, (1ère

éd. Princeton, 1975), trad. it., Il Mulino, Bologne, 1980, p.491-580.

36 Voir, en ce sens, J. TULLY (sous la dir. de), Meaning and Context: Quentin Skinner and his critics, Princeton University Press,

1988 ; ainsi que l’introduction de J.G.A. Pocock à l’édition italienne de son livre, qui se présente comme une réponse aux polémiques suscitées par le volume.

37 Dans le cadre italien, voir en particulier les réactions de C. VASOLI, « The Machiavellian Moment, The machiavellian

moment: a grand ideological synthesis », Journal of modern history, vol.XLIX, 1977 ; ainsi que par exemple R. PECCHIOLI, Dal

mito di Venezia all’ «ideologia americana». Itinerari e modelli della storiografia sul repubblicanesimo dell’età moderna,

(21)

IX

néanmoins souligner que, malgré l’extrême diversité des analyses produites dans le milieu académique anglophone qui relèvent d’impératifs théoriques et méthodologiques très éloignés, l’intérêt suscité par Giannotti au sein des Renaissance Studies présente deux traits communs. Ces études témoignent d’une part, d’un effort d’articulation entre histoire politique et intellectuelle, et elles reposent, d’autre part, sur une même conception linéaire de la modernité politique dont les origines remonteraient à la Renaissance38.

Cette lecture téléologique, fortement influencée par le paradigme d’« Humanisme civique » forgé par H. Baron39, a ainsi déterminé, au sein de l’histoire de la pensée politique et de l’histoire des

idées d’origine anglophone, une acception particulière des textes de Giannotti. Pour la génération d’historiens d’après-guerre, il a s’agit de lire la modernité républicaine du XVIe siècle à la lumière de la bataille des démocraties de la vieille Europe contre l’expansionnisme des régimes totalitaires. En revanche, dans la perspective de l’histoire des idées inaugurée à Cambridge, le républicanisme florentin a été envisagé comme l’expression d’une compréhension moderne du politique qui trouve sa réalisation dans la pensée constitutionnaliste américaine. Et c’est sans doute dans cette perspective qu’il convient de lire l’étude philologique proposée par G. Silvano du Della Republica fiorentina, ce qui nous donne l’occasion de nuancer la division que, par souci de clarté, nous avons établi entre une historiographie italienne et anglophone, au risque de donner l’impression d’une imperméabilité radicale entre ces deux approches et l’image d’une homogénéité sans faille au sein de ces directions d’étude40. Il va sans dire qu’un dialogue a existé entre les deux environnements académiques et que

la division en deux blocs distincts de la critique giannottienne, sur la base de son ancrage géographique – ou pour le moins linguistique – ne saurait rendre pleinement compte de la stratification, irréductible à une synthèse unique, des orientations et des tendances dont elle est le résultat.

Au terme de ce parcours, il convient cependant d’insister sur le poids qu’ont exercé des catégories interprétatives (tel le Républicanisme ou l’Humanisme) érigées en structures paradigmatiques pour l’analyse des textes de Giannotti. L’écart entre les types de questionnement qui ont guidé la recherche, en Italie et dans le milieu anglophone, explique les différents ancrages disciplinaires qui ont été privilégiés et qui sont à l’origine de l’imposition de systèmes interprétatifs

38 Rappelons à ce titre l’affirmation d’A. MOLHO, « The Italian Renaissance, Made in the USA », op. cit., p.264 : « For the past

nearly two centuries, one of the axioms of historical wisdom in America has been the nexus between the Renaissance and modernity. Americans have always thought of themselves as being modern, their culture standing for change and innovation. For this reason, they have identified in the Renaissance a historical moment which was especially akin […] to their own society and ideology ».

39 H. BARON, The Crisis of the Early Italian Renaissance: civic humanism and republican liberty in an age of classicism and

tyranny, Princeton University Press, Princeton, 1955. Concernant l’influence des thèses de H. Baron sur l’analyse du

républicanisme, que nous ne pouvons développer ici, nous renvoyons à J. NAJEMY, « Baron’s Machiavelli and Renaissance Republicanism », in Renaissance Civic Humanism. Reappraisals and Reflections, sous la dir. de J. Hankins, Cambridge University Press, Cambridge, 2000, p.75-104.

40 L’objectif ici n’était pas de réduire le lien entre ces deux traditions historiographiques à un simple rapport d’opposition où

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X

rigides. En particulier, la reconstruction de la critique giannottienne révèle combien l’intrusion de combats idéologiques a façonné la lecture des textes, mettant ainsi en lumière une sorte de porosité entre discours historique et participation à un débat politique contemporain, voire de contamination du premier par la seconde. Malgré la distance qui sépare le « Made in Italy » du « Made in the USA », force est d’admettre que, dans les deux cas, c’est la question de la pensée républicaine du XVIe siècle comme fondement de la tradition politique occidentale qui a retenu l’attention. Qu’il s’agisse, dans l’histoire des doctrines d’inspiration italienne, d’ériger Giannotti en précurseur des thèses libérales et d’une conception limitative des prérogatives de l’État tourné vers la protection des libertés individuelles ; ou bien, inversement, de l’envisager, dans la perspective de l’histoire des idées inaugurée à Cambridge, comme un pivot dans la transmission du républicanisme, les travaux consacrés à cet auteur se sont essentiellement attachés à questionner la modernité politique de Giannotti. Le problème étant de savoir si on peut échapper à l’étrange tenaille qui conduirait à choisir comme horizon d’interprétation de l’histoire de la pensée politique occidentale le libéralisme ou le républicanisme. Cet état de la recherche explique, dès lors, pourquoi le débat semble aujourd’hui avoir quitté le domaine de l’histoire et se trouve désormais relayé, soit par les sciences politiques, grâce aux interventions de politologues tels A. Riklin41, soit par les études littéraires, comme en témoigne en

France le travail de T. Picquet42.

* * *

Notre choix de privilégier une approche biographique naît du souci de dégager l’analyse des questionnements qui ont orienté ce que nous avons désigné jusqu’à présent sous le terme de « critique giannottienne ». La reconstruction de la trajectoire individuelle de ce Républicain florentin se profile ici comme une prise de position, à la fois théorique et méthodologique, dans le but de situer le propos en dehors des cadres interprétatifs qui ont été appliqués à l’histoire de la pensée républicaine florentine, en fonction de trois acceptions distinctes. D’une part, parce que la périodisation subjective inhérente à l’écriture biographique (définie ne serait-ce que par les dates de naissance et de mort du sujet) permet de dépasser les chronologies conventionnelles de l’étude historique. Ainsi, tandis que l’histoire institutionnelle tend à confiner l’analyse entre les bornes des expériences concrètes du

41 A. RIKLIN, « Division of power avant la lettre : Donato Giannotti (1534) », History of Political Thought, vol.XXIX, n.2, 2008,

p.257-272.

42 T. PICQUET, « De l’influence du lieu sur le discours. Luigi Alamanni et Donato Giannotti : Discours sur la Milice », Cahiers

d’études romanes, n.4, 2000, p.79-97 ; « Le théâtre du Cinquecento et la crise de la famille. Donato Giannotti, Le vieillard amoureux », in Italies, Revue d’études italiennes, Université de Provence, n.4, Humour, ironie, impertinence, 2000, p.17-27 ;

« Donato Giannotti et son public », in Écrire à la fin du Moyen-Âge. Le pouvoir et l’écriture en Espagne et en Italie (1450-1530), Aix-en-Provence, Publications de l’Université, 1990, p.151-167 ; « L’humour et ses limites. Donato Giannotti, Milesia », in

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XI

gouvernement républicain, et que l’histoire des idées envisage le républicanisme sur une longue durée, la biographie impose une mesure temporelle subjective qui est celle du personnage. Dès lors, si la première pèche par son caractère restrictif et la seconde par le postulat qu’il existe une continuité historique, l’approche biographique invite à repenser ces chronologies à la lumière de l’expérience individuelle du sujet. D’autre part, l’approche biographique permet d’incarner le débat républicain dans un espace-temps particulier en faisant appel à la notion d’acteur et d’expérience. Au lieu de s’exposer au risque d’une histoire théorique et univoque du « Républicanisme », la biographie autorise une personnification de cette catégorie et permet le passage d’une histoire abstraite du Républicanisme à l’écriture biographique d’un Républicain. C’est ainsi la question de pratiques républicaines qui est soulevée, aux dépens d’une définition normative de cette pensée politique. Enfin, l’écriture biographique se présente comme un moyen d’échapper au cloisonnement disciplinaire, dans la mesure où elle suppose de rendre compte de la stratification permanente de différents contextes (politiques, sociaux, économiques, culturels). En restituant au processus de contextualisation son efficacité interprétative, la biographie invite à lire les vicissitudes du sujet à la lumière d’un contexte, toujours discontinu et nécessairement transitoire, au détriment d’une explication déductive de l’expérience individuelle. Ainsi, alors que l’histoire de la pensée politique tend à vouloir imposer une définition unique et univoque de l’engagement de Giannotti, l’écriture biographique invite à se saisir de la multiplicité du personnage, irréductible à tout effort de synthèse. Libérée du souci de continuité et de cohérence, elle engage à sonder la diversité et la complexité des pratiques républicaines.

Envisager la biographie comme un mode de connaissance et une forme d’écriture capable de bousculer les paradigmes interprétatifs de l’histoire de la pensée républicaine, suppose, cependant, d’admettre une acception particulière de ce genre. Il convient, dès lors, de rendre compte des travaux biographiques consacrés à Giannotti afin de mettre en lumière les impératifs méthodologiques qui ont guidé notre travail et les questionnements qu’il soulève.

2. L’échec de l’écriture biographique

L’article de S. Marconi, inséré en 2000 dans le Dizionario biografico degli italiani43, a été

précédé par deux études biographiques, la première rédigée par R. Ridolfi dans les années 1930, la seconde réalisée par R. Starn et insérée en introduction à l’édition du recueil des épîtres latines parue en 196844. Si ces travaux ont dévoilé les informations nécessaires à la reconstruction de la vie de

43 S. MARCONI, « Donato Giannotti », DBI, vol.54, 2000.

44 R. RIDOLFI, « Sommario della vita di Donato Giannotti », in Opuscoli di storia letteraria e di erudizione. Savonarola

Machiavelli Guicciardini Giannotti, Libreria Editrice Bibliopolis [Leo S. Olschki], Florence, 1942, p.55-164 ; R. STARN,

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