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La magie dans la nouvelle toscane du XIVè et du XVè siècle: analyses thématique et historique.

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Academic year: 2021

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(1)

UNIVERSITÀ DI PISA UNIVERSITÉ DE GRENOBLE THÈSE EN COTUTELLE

Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE TESI IN CO-TUTELA

Per l’ottenimento del titolo di DOTTORE DI RICERCA DELL’UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI PISA

Spécialité : Études italiennes Settore : Studi italianistici Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par/ Presentata da :

Emilie ZANONE

Thèse dirigée par / Tesi diretta da : Johannes BARTUSCHAT et/e ROBERTA CELLA

préparée au sein du / preparata presso : il GERCI et/ e il Dipartimento di Studi italianistici dell’Università di Pisa

à l’ / alla : École Doctorale Langues, Littératures et Sciences humaines et à / e presso il : Dottorato in Studi italianistici

LA MAGIE DANS LA NOUVELLE TOSCANE DU XIVè et XVè SIÈCLE : études thématique et historique

Thèse soutenue publiquement le / Tesi di Dottorato discussa in data : 10 décembre 2012

devant le jury composé de / davanti ad una commissione composta da : Monsieur le Professeur Johannes BARTUSCHAT

Université de Grenoble

Madame le Professeur Roberta CELLA Università degli Studi di Pisa

Monsieur le Professeur Luciano CHELES Université de Poitiers, rapporteur

Monsieur le Professeur Luigi SURDICH Università degli Studi di Genova, rapporteur

(2)
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UNIVERSITÀ DI PISA UNIVERSITÉ DE GRENOBLE THÈSE EN COTUTELLE

Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE TESI IN CO-TUTELA

Per l’ottenimento del titolo di DOTTORE DI RICERCA DELL’UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI PISA

Spécialité : Études italiennes Settore : Studi italianistici Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par/ Presentata da :

Emilie ZANONE

Thèse dirigée par / Tesi diretta da : Johannes BARTUSCHAT et/e ROBERTA CELLA

préparée au sein du / preparata presso : il GERCI et/ e il Dipartimento di Studi italianistici dell’Università di Pisa

à l’ / alla : École Doctorale Langues, Littératures et Sciences humaines et à / e presso il : Dottorato in Studi italianistici

LA MAGIE DANS LA NOUVELLE TOSCANE DU XIVè et XVè SIÈCLE : études thématique et historique

Thèse soutenue publiquement le / Tesi di Dottorato discussa in data : 10 décembre 2012

devant le jury composé de / davanti ad una commissione composta da : Monsieur le Professeur Johannes BARTUSCHAT

Université de Grenoble

Madame le Professeur Roberta CELLA Università degli Studi di Pisa

Monsieur le Professeur Luciano CHELES Université de Poitiers, rapporteur

Monsieur le Professeur Luigi SURDICH Università degli Studi di Genova, rapporteur

(4)

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 9

REMARQUES LIMINAIRES 22

PARTIE 1 : LES BREVETS 24

Première partie : Les analyses des nouvelles 27

Chapitre 1 : La nouvelle IX, 5 du Decameron 27

I Quelques observations préliminaires 28

1 Une dernière tentative de séduction 28

2 Le brevet au service d’un amour condamnable 28

II Les caractéristiques et les éléments constitutifs du brevet 29

1 Les caractéristiques générales 30

2 Le « nécessaire à brevet » 32

3 La confection de l’amulette 33

4 L’utilisation du brevet 35

III Le brevet entraîne une sanction extraordinaire 36

1 L’exercice de la sanction 36

2 Les punitions de Calandrino 37

3 Les significations des sanctions 38

Chapitre 2 : La nouvelle CCXVII du Trecentonovelle 41

I L’importance de l’objet dans la nouvelle : étude sémantique 41 II Les caractéristiques et les éléments constitutifs du brevet 42

1 Les caractéristiques générales 42

2 Le « nécessaire à brevet » 45

3 La réalisation de l’amulette 46

4 L’utilisation du brevet 47

III La critique des brevets 47

1 Un frère voleur 47

2 La crédulité des femmes 49

3 Les effets psychosomatiques 50

Chapitre 3 : La nouvelle CCXVIII du Trecentonovelle 52

I Les utilisateurs des brevets 52

1 Quelques considérations générales 53

2 Le personnage du juif 56

3 Le personnage de la mère 56

II Les caractéristiques et les éléments constitutifs du brevet 57

1 Les caractéristiques générales 57

2 Le « nécessaire à brevet » et la réalisation de l’amulette 58

3 L’utilisation du brevet 60

III La dure sanction de la châtelaine 61

Chapitre 4 : La nouvelle XCV des Novelle 65

I Le personnage de Bonzera 65

II Le brevet 69

1 Les caractéristiques générales 69

2 Le « nécessaire à brevet » et la réalisation de l’amulette 73

3 L’utilisation du brevet 74

III La découverte de la beffa et la vengeance de Cilastro 75 Deuxième partie : Les examens des documents à valeur historique 77

Chapitre 5 : Lo Specchio di vera penitenza 77

I La conception de la magie chez J. Passavanti 77

II Les faiseurs de brevets et leurs utilisateurs 80

1 Les faiseurs de brevets 80

(5)

III Les brevets 82

1 Les caractéristiques générales 82

2 Les éléments constitutifs des brevets 85

3 La réalisation des amulettes 87

4 L’utilisation des brevets 88

IV La position de J. Passavanti face à la question sur l’efficacité des brevets 88 Chapitre 6 : La prédication XXVI de Bernardin de Sienne (Sienne, 1425) 91

I Les faiseurs de brevets 92

II Les brevets 93

1 Les caractéristiques générales 93

2 Le « nécessaire à brevet » 95

3 La réalisation des amulettes 98

4 L’utilisation des brevets 98

III La position de Bernardin de Sienne à propos des brevets 99

Chapitre 7 : Deux exemples d’inscriptions sur des brevets 102

I Une suite codée de lettres 102

II « Jesus docebat discipulos suos » 103

Troisième partie : Les analyses croisées des nouvelles et des documents à valeur historique 105

I Les caractéristiques des brevets que les textes se partagent entièrement 105 II Les caractéristiques des brevets qui coïncident partiellement 106 III Les éléments des brevets qui proviennent de l’imagination des nouvellistes 109 1V Les éléments des brevets des nouvelles qui ne sont pas attestés dans les documents 110 Récapitulatif des résultats des analyses des textes et des documents 111

PARTIE 2 : LA CROYANCES AUX FANTÔMES 114

Première partie : L’analyse de la nouvelle 115

Chapitre 1 : La représentation du fantôme dans la nouvelle VII, 1 Decameron 116

I La préparation de l’arrivée du fantôme 118

II Le portrait du fantôme dans la nouvelle 122

1 Une créature surnaturelle 122

2 Une créature réelle pour Gianni 124

3 Quelques autres caractéristiques du fantôme 126

III Le traitement de la croyance aux fantômes dans la nouvelle 133

1 Une parfaite illusion 133

2 Le divertissement 134

3 L’enseignement 137

4 La place de la croyance dans le fantôme dans la nouvelle 139

Deuxième partie : L’examen d’un texte à valeur historique 144

Chapitre 2 : Les fantômes dans Lo specchio di vera penitenzade 144 I La croyance aux fantômes chez les ouailles de J. Passavanti 144 1 Une croyance enracinée dans la société florentine du milieu du XIVè siècle 144

1.1 Une croyance célèbre 145

1.2 Une croyance imbriquée et ancienne 146

1.2.1 Le fantôme est un démon incube 146

1.2.2 Le fantôme est un satyre 149

1.2.3 Le fantôme est un gatto mammone 150

2 Les activités des fantômes 151

2.1 Une créature errante 152

2.2 Les tortures physiques 152

2.3 Les tortures mentales 155

2.4 L’hypothèse d’attouchements 155

3 L’apparence des fantômes 157

3.1 Le fantôme ressemble à un animal 158

3.2 Les fantômes s’apparentent aux satyres 158

(6)

II Les enseignements de J. Passavanti 162 1 Le fantôme, une créature liée aux mauvais rêves 162

2 Les causes naturelles des mauvais rêves 165

Troisième partie : L’étude d’un document iconographique d’exception 167 Chapitre 3 : La représentation du fantôme dans le manuscrit Hamilton 90 167 de la Staatsbibliotek Preussischer Kulturbesitz

I La description de l’image 168

II Les éléments qui poussent à identifier Gianni Lotteringhi 170 III Les éléments qui poussent à identifier un fantôme sous forme de satyre 172 Une reproduction du l’image c. 79 du manuscrit Hamilton 90 177 Récapitulatif des résultats des analyses des textes et des documents 178

PARTIE 3 : LES ENCHANTEMENTS CONTRE LES FANTÔMES 179

Première partie : L’analyse de la nouvelle 180

Chapitre 1 : La nouvelle VII, 1 du Decameron 182

I L’importance de la magie dans la nouvelle 182

II Les caractéristiques générales 184

1 Une pratique faussement chrétienne 184

2 Une pratique connue 186

3 L’efficacité et la peur 189

III Les éléments constitutifs de l'enchantement 189

1 Le texte magique 190

1.1 Les caractéristiques 190

1.2 L’astuce des mots 193

2 Le crachat 194

Deuxième partie : Les examens des documents à valeur historique 197

I L’utilisation superstitieuse du romarin 198

II Les charmes sous forme de brevet et d’oraison 199

1 Le brevet chasseur de mauvais rêves 199

2 L’oraison contre les mauvais esprits 200

III Les charmes qui comprennent la récitation d’une prière et la réalisation de gestes 202

1 Omne male percussiccio 203

2 L’enchantement de l’os d’un homme païen 205

Troisième partie : Les croisements entre la nouvelle et les documents à valeur historique 208 I Les points communs entre les charmes de fiction et les charmes à valeur historique 208 II Les différences entre les charmes de fiction et les charmes à valeur historique 212 Récapitulatif des résultats des analyses de la nouvelle et des documents à valeur historique 217

PARTIE 4 : LES RÉUNIONS NOCTURNES 219

Première partie : L’analyse de la nouvelle 220

Chapitre 1 : La nouvelle VIII, 9 du Decameron 223

I Les origines raffinées de la société de l’andar in corso 223

1 Le nom de la compagnie 223

2 Le magicien et la nécromancie 225

3 Le raffinement 227

II Les règles fondamentales de la société 228

III Les réunions de la compagnie de l’andar in corso 232

1 La préparation des participants aux soirées de la compagnie 232

2 Gagner les lieux des réunions nocturnes 234

3 Les soirées de fêtes et la satisfaction des cinq sens 237 IV Le rôle de la société de l’andar in corso dans la beffa de Bruno et Buffalmacco 242 Deuxième partie : Les examens des documents à valeur historique 248

(7)

Chapitre 2 : Le Canon Episcopi 248

I La physionomie de la société de Diane 250

II Les conceptions du Canon Episcopi sur les réunions nocturnes 253

1 Les illusions démoniaques 254

2 Qui peut être aussi sot pour croire à la société de Diane ? 255 3 La vigilance des évêques et de leurs ministres 256

Chapitre 3 : Les miracles de Saint Germain d’Auxerre 259

I Chez Jacques de Voragine 259

II Chez Domenico Cavalca 261

Chapitre 4 : La tregenda dans Lo specchio di vera penitenza de J. Passavanti 265

I Les caractéristiques de la tregenda 266

1 Le double sens de la tregenda 266

2 Les démons de la tregenda 267

3 La compagnie de Diane 270

II Les enseignements de J. Passavanti 273

Chapitre 5 : Le bal du serviteur romain chez Bernardin de Sienne (Préd. XXXV, Sienne 1427) 277

I Un bal aux allures de tregenda 278

1 La forte dimension inquiétante 278

2 Les activités condamnables des danseurs 281

3 Une réunion de sorciers 282

II Un bal champêtre 283

Chapitre 6 : Les procès de Sibilla Zanni et Pierina Bugatis (1384 et 1390) 288

I La présentation des procédures judiciaires 289

1 Les inculpées 289

2 La chronologie des procédures judiciaires et les sanctions du tribunal 289 II La société de Diane d’après les actes des procès –verbaux 292

1 En 1384 293

2 En 1390 296

Troisième partie : Les croisements entre la nouvelle et les documents à valeur historique 299

I Les points communs entre les sociétés nocturnes 299

II Les divergences entre les compagnies 300

III Les éléments qui sont uniquement attestés dans l’andar in corso 301

IV Quelques propositions de sources à approfondir 303

Récapitulatif des résultats des analyses des textes et des documents 305

PARTIE 5 : LES SORTILÈGES 309

Première partie : Les analyses des nouvelles 310

Chapitre 1 : La nouvelle VIII, 7 du Decameron 311

I La place du sortilège dans la nouvelle 311

II « Per alcuna operazione nigromantica » 312

III La structure et les acteurs du sortilège 315

IV Les éléments constitutifs du sortilège 316

1 La statuette et les mots magiques 316

2 Les sept immersions dans les eaux vives de l’Arno 317

3 La tour 318

4 Les deux demoiselles 319

V Les exigences de la réalisation du sortilège 320

1 Les contraintes temporelles 320

2 La nudité d’Elena 321

Chapitre 2 : La nouvelle XXXVI des Novelle 323

I Le prêtre et l’enfant 324

(8)

2 L’enfant 325

II Le sortilège 326

1 Quelques observations sémantiques 326

2 Les caractéristiques générales de la magie 327

3 Les éléments constitutifs de la pratique 328

4 La réalisation 329

5 Les effets de la magie 330

Chapitre 3 : La nouvelle de Catellina e Filippello Barile du Paradiso degli Alberti 332 I Remarques préliminaires sur l’emploi des termes « sorcière » et « sorcellerie » 333

II Les trois sorcières 334

1 Fiondina 334 2 Catellina 337 3 Damiata 340 III Le sortilège 342 1 Les caractéristiques 342 2 La structure du sortilège 344

3 Les éléments constitutifs 345

3.1 L’oraison 346

3.2 Les cœurs de singe et de taupe 346

3.3 Le myrte 348

3.4 Les nombrils humains 349

4 Le modus operandi 350

IV La mort de Fiondina 350

Deuxième partie : L’exament d’un document à valeur historique 353

Chapitre 4 : Les sortilèges de Matteuccia da Todi 353

I L’identité sociale de l’accusée 353

II Les sanctions de Matteuccia 354

III La clientèle de la sorcière 355

IV Les sortilèges de la sorcière 357

1 Les activités de la sorcière 357

2 Le fonctionnement des sortilèges 358

3 Listes des chefs d’accusations contre Matteuccia 360 Troisième partie : Les croisements entre les nouvelles et les documents à valeur historique 363 I Les croisements sur la représentation de la sorcière 363

II Le sortilège 364

1 Les caractéristiques générales 365

2 La structure des sortilèges et leurs éléments constitutifs 366

3 La réalisation 367

CONCLUSION 370

BIBLIOGRAPHIE 375

(9)

INTRODUCTION

Nos recherches se concentrent sur les charmes, les sortilèges et les brevets. Elles considèrent aussi les réunions d’une société dont les membres se retrouvent grâce à la magie. Elles accordent aussi une attention spéciale aux fantômes, dans la mesure où il s’agit d’une créature que l’on combat en employant un charme. Les pratiques, les amulettes et les croyances considérées appartiennent à la Toscane de la deuxième moitié du XIVè siècle jusqu’à la deuxième moitié du XVè

siècle.

Par le truchement de ces objets d’étude, il est intéressant de voir comment les nouvellistes toscans traitent la magie. Nous proposons de lire attentivement les passages qu’ils consacrent à cet art mystérieux et aux créatures fantomatiques pour tenter de leur apporter une explication et de vérifier s’ils trouvent confirmation dans des documents à valeur historique ou s’ils ne sont que le fruit de l’invention des auteurs.

Il s’agit de montrer que la nouvelle contient de nombreuses indications souvent très précises sur des pratiques, des objets et des croyances encore méconnues. Cette enquête porte aussi à considérer les rapports entre la nouvelle et les documents. Elle analyse les textes puis entrecroise les résultats des examens. Ces croisements confirment que certains éléments de la nouvelle attestés par les documents ne sont donc pas tirés de l’imagination des écrivains tandis que ceux qui ne trouvent aucune correspondance sont vraisemblablement de pures créations littéraires. Ces recoupements montrent que la nouvelle est peut-être en mesure de donner des informations sur le contexte dans lequel elle a été écrite et sur les mentalités passées. Enfin, cette démarche enrichit notre lecture du texte. Les parallèles entre nouvelles et documents conduisent à expliquer des éléments du récit. Ils leur attribuent un sens nouveau. La présence et le rôle de ces éléments, dépourvus de la connaissance du contexte ne peuvent être expliqués.

L’assise de cette recherche est constituée de deux corpora que nous distinguons à partir de la nature des textes. Le premier corpus est fait de nouvelles et le deuxième de documents à valeur historique.

Les textes considérés dans cette enquête sont tirés des principaux recueils des nouvelles de la Toscane du XIVè et du XVè siècle. Nous puisons dans le Decameron de Giovanni Boccaccio, dans les Novelle de Giovanni Sercambi, dans le Trecentonovelle de Franco Sacchetti et dans le Paradiso degli Alberti de Giovanni Gherardi da Prato.

(10)

Nous avons écarté de notre recherche le recueil du nouvelliste siennois Gentile Sermini car la magie n’y est guère exploitée. Ses Novelle ne comptent que le récit de Frate Alissandro et de Fioretta et nous ne l’avons pas considéré étant donné que la pratique qui y est mise en scène n’est confirmée par aucun des documents extra-littéraires analysés.

De plus, nous n’avons pas considéré deux parmi les plus célèbres nouvelles de magie de Boccace. Il s’agit des récits X, 5 et X, 9 du Decameron dans la mesure où elles proposent une magie qui ne possède pas une dimension quotidienne mais exceptionnelle et plutôt merveilleuse et pour lesquelles nous n’avons pas trouvé de textes à valeur historique qui attestent des pratiques analogues.

La croyance aux transformations d’un être humain en un animal est particulièrement diffuse à la période médiévale sous l’influence de plusieurs épisodes bibliques. De nombreux textes classiques et en italien vulgaire traitent de ces phénomènes et une attention particulière mériterait d’être posée sur ces textes. Il s’agit par exemple de la nouvelle IX, 9 du

Decameron, de la nouvelle CCXII du Trecentonovelle et probablement de la nouvelle XCVII

du même recueil. Les textes apologétiques traitent eux-aussi très largement de cette croyance. Par exemple, les Pères de l’Église se sont intéressé très tôt aux métamorphoses dont ils renient à la possibilité dans le XVIII-18 du De civitate Dei, dans le III, 4 du De Trinitate de Saint Augustin, dans plusieurs questions de la Summa Teologica et la question XVI du De Malo de Saint Thommas d’Aquin. Ces prodiges sont également fort présent dans les hagiographies comme celle de Sainte Justine et de Saint Macaire. Les textes de droit canon comme le Canon

Episcopi que reprend ensuite l’évêque Buchard de Worms dans le Corrector (livre XX des Decreta). Les prédicateurs parlent eux-aussi largement de cette croyance dans la mesure où

elle est très vive parmi leurs ouailles. Par exemple, Domenico Cavalca prêche contre la croyance aux métamorphoses et Jacopo Passavanti s’intéresse par deux fois à ce thème dans

Lo specchio di vera penitenza. Bernardin de Sienne en fait le sujet de nombreux extraits de

prédications contre la magie dans l’ensemble du vaste matériau que représentent les cycles de prédications toscans en langue vulgaire (Florence 1424-1425 et Sienne 1425-1427). La spécificité et la diffusion de ce thème obligent à ne pas le traiter dans l’économie du présent travail.

Le second corpus est formé de documents dont la valeur historique est certaine. Il est composé de textes que nous avons regroupés en cinq sous-ensembles d’après leur nature et que nous distinguons dans les parties de notre recherche.

(11)

Le premier ensemble de textes est composé du livre XVIII du De civitate Dei1 (Vè siècle) de Saint Augustin et du texte du Canon Episcopi2 (Xè siècle).

Le deuxième groupement est formé de textes hagiographiques tirés de la Legenda

aurea3 (1261-1266) de Jacques de Voragine. Nous considérons les miracles de Saint Germain d’Auxerre. Ce deuxième sous-ensemble comprend également des extraits de traités de la main de prédicateurs toscans dont un passage de l’Esposizione del Simbolo degli Apostoli4 du dominicain Domenico Cavalca et du Lo specchio di vera penintenza5 (1354) du frère dominicain Jacopo Passavanti. Nous nous intéressons aussi à la prédication XXXV du cycle de Sienne de 1427 du frère franciscain Bernardin de Sienne.

Le troisième sous-ensemble comprend les actes des procès verbaux de Pierina Bugatis et Sibilla Zanni jugées pour avoir cru participer à la société de Diane6 (1384 et 1390) et ceux de Matteuccia di Francesco da Todi7 (1428) conduite au bûcher pour crimes de sorcellerie et pratiques de la magie. Ces procès ne se déroulent pas en Toscane : Pierina et Sibilla sont milanaises tandis que Matteuccia vient de l’Ombrie. Néanmoins, il s’agit d’une documentation précieuse offrant de nombreux points de contact avec les pratiques et croyances mises en scène dans les nouvelles. Le procès de la sorcière de Todi se rattache à la Toscane, dans la mesure où un personnage de marque se trouve parmi ses juges. Il s’agit de Bernardin de Sienne dont la présence influencera très probablement les chefs d’accusation.

Le quatrième sous-ensemble comprend des charmes et des brevets documentés dans les compilations des remèdes magiques publiés dans Ubbie, ciancioni e ciarpe del secolo

1

Saint Augustin, De civitate Dei, liber XVIII, caput XVIII, éd. B. Dombart et A. Kale, Liepiz, B. G. Teubner, 1971, 2 vol., vol. II, p. 276-279.

2 Decretum Magistri Gratiani, éd. Ae. Friedberg, Liepz, Tauchnitz, 1922, p. 1030 et publié dans L. Muraro, La

signora del gioco. Episodi della caccia alle streghe, Milan, Feltrinelli, 1977, p. 238. Pour une édition italienne du texte, voir: La stregoneria. Diavoli, streghe, inquisitori dal Trecento al Settecento, éd. S. Abbiati, A. Agnoletto e M. R. Lazzati, Milan, Mondadori, 1984, p. 21-26.

3 Iacopo da Varazze, « CIII-De sancto Germano » dans Legenda aurea, éd. P. Maggioni, Sismel, Edizioni del

Galluzzo, 2 vol., vol. II, p. 690 (pour l’hagiographie entière : p. 599-694).

4

Esempi 72 « San Germano e l’oste », éd. M. Ciccuto dans Racconti esemplari di predicatori del Due e Trecento, éd. G. Varanini, G. et G. Baldassari, Salerno editrice, Roma, 1993, vol. III, p. 199-201.

5 J. Passavanti, Lo specchio di vera penitenza, éd. M. Lenardon, Florence, Libreria Editrice Fiorentina; 1925,

424p.

6

Les actes des procès-verbaux de Sibilla Zanni et Pierina Bugatis sont conservés dans les Sentenze criminali dei podestà milanesi (1385-1429) de la Bibliothèque Trivulziana de Milan : Sentenze criminali dei podestà milanesi (1385-1429), Bibliothèque Trivulziana de Milan, AS. Civ. M. Cimeli, 147, fo. 51 et suivants. Ils sont publiés dans : E. Verga, Intorno a due documenti inediti di stregheria milanese del secolo XIV, Rendiconti del R. Istituto storico lombardo di scienze e lettere, 2nda serie, n°32, 1899, p. 165-188 ; L. Muraro, La signora del gioco, Milan, Feltrinelli, 1977, p. 147-155 et p. 240-245.

7 Actes du procès en latin et commentaires introductifs : C. Peruzzi, « Un processo di stregoneria a Todi nel 400

», Lares, 21, 1955, p. 1-17. Actes du procès en latin et traduction : Processo alla strega Matteuccia di Francesco, 20 marzo 1428, éd. D. Mammoli, Todi, Res Tibertinae, 1969, 59p.

(12)

XIV8 (1966) de Girolamo Amati et aussi ceux qui sont tirés de la Curiosa raccolta di pratiche

magiche e superstiziose di un popolano fiorentino del XIV secolo9 publiée par Giovanni Giannini.

Enfin, le cinquième sous-ensemble comprend un document iconographique. Il s’agit du buste référencé c. 79 dans le manuscrit Hamilton de la Staatsbibliothek de Berlin.

Notre recherche exige de bien connaître les conceptions de la magie et de la sorcellerie à la période considérée par notre enquête. De nombreuses études nous ont aidé à reconstruire ce cadre. Notre recherche s’appuie sur les définitions des pratiques magiques et de sorcellerie présentées dans le Dizionario storico dell’Inquisizione10 dirigé par Adriano Prosperi. Il s’agit d’un indispensable outil de recherche pour notre enquête, qui offre des synthèses très précises sur la magie, sur la nécromancie, sur le maléfice, sur la sorcellerie et de sa présence dans la littérature. Nos recherches s’appuient également sur la vaste étude de Jean-Patrice Boudet,

Entre Science et Nigromance. Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval (XIIè

-XVè siècle)11. L’historien retrace avec précision l’évolution parallèle et divergente de plusieurs

arts magiques étudiés dans notre enquête. Enfin, les travaux de Richard Kieckhefer publiés dans Magic in the Middle Age12 analysent plusieurs aspects de la magie à la période médiévale, en considérant même les escroqueries des charlatans qui se faisaient passer pour des magiciens. Cependant, le Professeur américain aborde peu la situation italienne au profit des réalités anglaises et allemandes.

La croyance à la société nocturne présentée dans la nouvelle VIII, 9 du Decameron, nous a conduit à nous intéresser à la genèse des chasses aux sorcières. La critique s’est largement intéressée à ce thème durant la deuxième partie du XXè siècle. Les travaux de Norman Cohn dans Europe’s Inner demons13 sur la croyance aux sociétés nocturnes permettent de comprendre que la société médiévale est agitée par la peur des groupes qui se rassemblent la nuit pour se divertir. La très célèbre enquête de Carlo Ginzburg sur la formation des sabbats, Storia notturna : una decifrazione del sabba14 permet de mieux

8 G. Amati, Ubbie, ciancioni, ciarpe del secolo XIV, Bologne, Commissione per i testi di lingua, 1866, 53p. 9 R. Bernardi, Una curiosa raccolta di segreti e di pratiche superstiziose magiche fatta da un popolano

fiorentino dal secolo XIV, éd. G. Giannini, Città di Castello, Sapi, 1898, 130p.

10 Dizionario storico dell’Inquisizione, dir. A.Prosperi, coll. V. Lavenia et J. Tedeschi, Pise, Edizione della

Normale, 2011, 5 vol.

11 J.-P. Boudet, Entre Science et Nigromance. Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval (XIIè -XVè siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, 624p.

12 R. Kieckhefer, Magic in the Middle Age, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 1990, 219p. 13 N. Cohn, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen-Âge : fantasme et réalité, (trad. angl. Europe’s Inner

Demons), Paris, Payot, 1982, p. 183-200.

14

(13)

comprendre les origines sans doute millénaires de ces assemblées. Les travaux d’Alain Boureau regroupés dans Satan hérétique15 portent sur le pacte des sorciers avec le démon et leurs invocations afin de pratiquer la magie. Ils nous ont aidé à mieux comprendre les débats sur le caractère illusoire de la magie et de la sorcellerie qui traversent les XIVè et XVè siècles. Les enquêtes de Martine Ostorero et d’Agostino Paravicini Bagliani sur la genèse des chasses aux sorcières16 permettent de mieux situer ces événements dans le temps. Enfin, les études de Giuseppe Bonomo regroupées dans Caccia alle streghe. La credenza nelle streghe dal sec.

XIII al XIX con particolare riferimento all'Italia17 se consacrent au cas particulier de l’Italie.

Les travaux sur la magie dans la prédication sont également fort utiles pour notre enquête. Le nombre de recherches est limité du fait que la magie reste un thème marginal de la pastorale du XIVè siècle et de la première moitié du XVè siècle. Les prédicateurs s’intéressent à des thématiques qui constituent un plus grand péril pour la paix sociale comme celles de l’usure et de la simonie. Les travaux sur la magie dans la prédication abordent essentiellement la manière dont un prédicateur traite ce sujet. Le riche travail de Franco Mormando, The Preacher's Demons : Bernardino of Siena and the social underworld of Early

Renaissance Italy18 est d’une aide précieuse, car l’historien américain traite de la grande implication du frère dans les toutes premières chasses contre les sorcières et l’intérêt profond du prédicateur pour les croyances populaires. Marina Montesano se concentre sur les Temi

magici ed ereticali nella predicazione di Giacomo della Marca19. Un second travail de Marina Montesano apporte des informations utiles « Supra acqua e supra ad vento » :

Superstizioni, maleficia, incantamenta nei predicatori francescani osservanti (Italia, XV sec.)20. L’auteur analyse le lexique employé par quatre franciscains observants de renoms du

XVè siècle (Jourdain de Pise, Bernardin de Sienne, Giacomo della Marca, Giovanni da Capestrano) lorsqu'ils s'intéressent aux charmes, à la superstition, à la sorcellerie et à la divination. Ce travail permet aussi de connaître la vision de ces hommes sur le monde de la

15 A. Boureau, Satan hérétique : histoire de la démonologie (1280- 1330), Paris, Odile Jacob, 2004, 320p. 16 « L’imaginaire du sabbat. Édition critique des textes les plus anciens (1430c.-1440 c.) », éd. M. Ostorero, A.

Paravicini Bagliani et K. Utz Tremp, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 26, 1999, 571p.

17

G. Bonomo, Caccia alle streghe, La credenza nelle streghe dal sec. XIII al XIX con particolare riferimento all'Italia, Palerme, Palumbo, 1985 (3è éd.), 547p.

18 F. Mormando, The Preacher's Demons: Bernardino of Siena and the social underworld of Early Renaissance

Italy,Chicago, University of Chicago press, 1999, 364p.

19

M. Montesano, « Temi magici ed ereticali nella predicazione di Giacomo della Marca », dans San Giacomo della Marca e l' altra Europa : crociata, martirio e predicazione nel mondo del Mediterraneo Oriental, éd. F. Serpico, Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2007, p. 193-205.

20 Idem, « Supra acqua et Supra ad vento »: 'superstizioni, maleficia, incantamenta' nei predicatori francescani

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croyance populaire.

Les travaux à mi-chemin entre littérature et histoire sont relativement nombreux. Cependant, ils attirent avant tout les historiens. Hélas, le thème de la magie n’est pas attractif. Maurilio Adriani partage quelques brèves observations intéressantes sur les nouvelles de magie appartenant à la Dixième journée du Decameron dans son livre sur l’Italia magica. Il formule une définition claire de la magie dans ces deux nouvelles. Le livre de Marina Montesano « Fantasima, fantasima che di notte vai » : La cultura magica nelle novelle

toscane del Trecento21 présente l’intérêt de s’appuyer sur un large corpus de récits brefs de

magie tirés des principaux recueils de nouvelles des XIVè et XVè siècles. Les analyses de l’historienne ne sont cependant que descriptives. Franco Cardini manipule aussi le matériau de la nouvelle dans deux articles rassemblés dans Le mura di Firenze inargentate. Le premier de ces travaux est consacré aux brevets22. Il s’agit d’un écrit dont les conclusions sont importantes pour notre enquête. Le second article se consacre aux nouvelles de magie de Giovanni Sercambi. Cette recherche repose sur un large corpus discutable des récits tirés des

Novelle. De plus, nous ne croyons pas que les récits simples et vulgaires de l’épicier Lucquois

reflètent mieux la société toscane médiévale que ne le font ceux de Boccace. Enfin, la nouvelle VIII, 9 du Decameron a attiré les attentions d’historiens travaillant sur la formation des sabbats des sorcières. Certains y voient une image édulcorée de la compagnie de la

tregenda dont parle le prédicateur florentin, Jacopo Passavanti dans son traité du Lo specchio di vera penitenza. Nous revenons sur ces rapprochements dans le cadre de notre recherche sur

la nouvelle VIII, 9 et proposons des conclusions différentes.

Les littéraires, au contraire ne semblent voir dans la magie qu’une forme de récit ; le résultat du plaisir de raconter. La plupart des commentaires renoncent à éclairer les passages sur la magie se bornant le plus souvent à proposer quelques rapprochements hâtifs avec d’autres passages sans réelle justification et d’où on ne peut tirer aucun bénéfice. Ce désintérêt procède de la conviction que lorsque les nouvellistes toscans parlent de magie, il s’agit d’inventions personnelle. Les commentateurs se pressent avec hâte vers des éléments du texte jugés plus sérieux.

21 Idem, « Fantasima, fantasima che di notte vai »: La cultura magica nelle novelle toscane del Trecento, Roma,

Città Nuova, 2000, 250p.

22 F. Cardini, « Il ‘breve’ (secoli XIV-XV) : tipologia e funzione », art. de 1982 réimpr. dans Idem, Le Mura di

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Toutefois, les Tradizioni popolari nel Decameron23 de Maria Pia Giardini sont une formidable contribution à notre enquête. L’auteur confronte les principaux motifs folkloriques de l’œuvre de Boccace avec des documents historiques. La recherche se consacre d’abord à la très célèbre prière de Saint Julien l’Hospitalier qui apparaît dans la nouvelle II, 2. Ensuite, cette étude confronte les éléments de plusieurs nouvelles, comme celle de la Cinquième journée, de la Septième journée, de la Huitième et enfin de l’avant dernière. La dernière partie s’intéresse aux œuvres de nécromancie de la Dixième journée (nouv. X, 5 et X, 9). La démarche de la chercheuse offre d’heureux premiers pas.

L’enquête d’Anita Simon sur Novella Storia. Toscana e Oriente fra Trecento e

Quattrocento24 se déroule en suivant une méthode proche de la nôtre. L’auteur superpose l’itinéraire de l’héroïne de la II, 7 du Decameron à ceux décrits dans les cartes de bord des marchands florentins qui voguaient vers l’Orient. De cette belle étude, il ressort que les aventures d’Alatiel ne se déroulent pas d’après un itinéraire imaginaire mais qu’elles suivent bien les routes de navigation des marchands.

Nous devons de rappeler – bien qu’elles concernent des textes que nous n’analyserons pas - les recherches de Michele Landau et de Pio Rajna qui ont permis de mieux connaître les sources variées qu’utilise Boccace. Par exemple, ils pensent que le vol nocturne de messire Torello (nouv. X, 10) est probablement la réélaboration d’un exemplum de Césaire de Heisterbach25. Les rapprochements entre nouvelles et exempla sont le centre d’intérêt d’un article de Lucia Battaglia Ricci, Una novella per esempio26 et de l’enquête de Carlo Delcorno,

Exemplum e letteratura27.

Cette enquête pousse à considérer le ‘réalisme’ de la nouvelle. Les travaux de Pier Massimo Forni, Realtà e Stile dans le Lessico critico decameroniano analysent les jeux de représentations de Boccace. Les nombreux travaux sur l’auteur du Decameron, en particulier les recherches de Vittore Branca, Lucia Battaglia Ricci, Luigi Surdich et Michelangelo

23 M. P. Giardini, Tradizioni popolari nel Decameron, Florence, L. S. Olschki, 1965, 91p.

24 A. Simon, Novelle e storia. Toscana e Oriente fra Tre e Quattrocento, Rome, Salerno editrice, 1999, 160p. ;

Idem, « Novella e Storia », dans Favole parabole istorie: le forme della scrittura novellistica dal medioevo al rinascimento (atti del convegno di Pisa, 26-28/10/1988), éd. G. Albanese, L. Battaglia Ricci et R. Bessi, Rome, Salerno editrice, 2000, p. 223-230.

25 P. Rajna, « La novella boccaccesca del Saladino e di messer Torello », Romania, n°6, 1877, p. 359-368 ; M.

Landau, « La novella di messer Torello (Decam., X, 9), e le sue attinenze mitiche e leggendarie », Giornale Storico della Letteratura Italiana numéro, n°2, 1883, p. 59-78.

26 L. Battaglia Ricci, « Una novella per esempio », dans Favole, parabole istorie : le forme della scrittura

novellistica dal medioevo al rinascimento (atti del convegno di Pisa, 26-28/10/1988), éd. G. Albanese, L. Battaglia Ricci et R. Bessi, Rome, p. 31-54.

27

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Picone28 apportent de précieuses informations sur les nouvelles du Decameron et les conceptions de Boccace sur la littérature. Il Potere della Parola29 de Giorgio Barberi Squarotti se concentre sur la puissance des mots capables de transformer la réalité et abuser le

beffato.

Afin de mettre en évidence ces liens possibles avec la réalité historique, nous recensons dans les textes littéraires les motifs liés aux croyances et aux pratiques populaires, puis recherchons ces mêmes motifs dans des sources non littéraires, comme les homélies, les extraits de procès, les statuts des cités. Nous comparons la manière dont nouvellistes et auteurs des sources non littéraires parlent de ces faits et tentons d’en comprendre les raisons. Les travaux sur les sources du Decameron ont montré l’extraordinaire hétérogénéité des documents que Boccace manipule dans son travail de recomposition et d’écriture des nouvelles. Il nous est apparu crucial de ne pas restreindre notre recherche à des documents extra-littéraires d’une seule nature et de fureter dans les rayons des bibliothèques d’histoire médiévale, de littératures, de lettres et de civilisations anciennes voire même de sciences politiques.

Une telle enquête exige d’établir des sélections fines des textes et des documents d’après une idée précise de la magie médiévale. La mentalité et la sensibilité des hommes du Moyen-Âge sont différentes de celles des hommes modernes. Il est primordial de ne pas perdre de vue que les études portant sur la période médiévale font découvrir un autre monde. Il semble donc nécessaire de comprendre ce qui, pour les hommes du Moyen-Âge, est magique. Il s’agit d’une entreprise ardue, car la magie confine avec la sorcellerie, la superstition, la religion ou encore la médecine. Il est indispensable de se référer aux études faites sur la magie et sur les spécialités adjacentes pour comprendre ce qu’elle est. Il faut mettre en parallèle ces définitions avec celles proposent les auteurs des textes littéraires et non-littéraires qui composent nos corpora. Par conséquent, nous avons établi que la magie dans notre enquête est considérée comme :

28 La bibliographie est vaste. Nous rappelons seulement : L. Battaglia Ricci, Ragionare nel giardino. Boccaccio

e i cicli del Trionfo della morte, Rome, Salerno editrice, 2000 (2éd.), 278p. ; Idem, Boccaccio, Rome-Bari, Salerno editrice, 2000, 289p. ; Idem, Per la storia della fondazione del genere novella tra 200 et 300, Spoleto, Centro italiano di studi sull’altro medioevo, 1999, p. 307-320 ; Idem, « Decameron interferenze di modelli », dans Autori e Lettori di Boccaccio, Atti del Convegno internazionale di Certaldo (20-22 /09/2001), éd. M. Picone, Florence, Franco Cesati Editore, 2002, p. 179-194 ; L. Surdich, Boccaccio, Rome, Laterza, 2001, 336p. ; Idem, La cornice di amore. Studi sul Boccaccio, Pise, ETS, 1987, 294p. ; M. Picone,

29

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susceptible de produire, à l’aide d’un certains nombre de mots, de gestes et d’accessoires, des phénomènes jugés comme extraordinaires et ne pouvant pas être obtenus autrement dans le but de répondre à une situation qui ne satisfaisait pas celui qui a recourt à ses services.

La magie dans les nouvelles analysées est au service d’une beffa, mais la rapidité avec laquelle elle est introduite dans le récit par le beffatore et la rapidité avec laquelle elle est crue par le beffato montrent bien qu’il s’agit d’un élément concevable. La magie apparaît donc comme appartenant au quotidien des personnages et des lecteurs médiévaux.

Le choix de considérer la magie dans la nouvelle s’est fait spontanément, en raison des jeux de finzione qui donnent un caractère vrai aux éléments alors qu’ils sont faux. Il est par conséquent fort probable que les informations données par les textes appartenant à ce ‘genre’ littéraire trouvent une confirmation dans les documents historiques. Le choix de la nouvelle est aussi personnel. Il naît d’un un intérêt pour ce ‘genre’ littéraire.

La nécessité a ensuite été celle de considérer les documents. Nous nous sommes tournés vers la prédication, car elle nous assure une connaissance partagée des éléments traités entre le prédicateur et ses ouailles. Toutefois, cette connaissance n’est pas la même, car les clercs interprètent les croyances magiques et populaires selon leur propre grille de lecture, forgée par la théologie. Leurs condamnations offrent cependant le bénéfice d’être un ‘deux en un’. Les travaux des historiens dont ceux de Carlo Ginzburg ont en effet montré qu’une lecture entre les lignes des écrits de la main de clercs renseignent sur la manière dont la magie et les formes sous lesquelles elle se manifeste circulent parmi le peuple.

Nous avons aussi choisi la prédication pour sa proximité avec la nouvelle à travers

l’exemplum. Les travaux menés dans le cadre des colloques de Caprarola (1988) et de Pise

(1998) ont mis en relief les liens étroits entre ces deux formes de textes. Il s’agit de textes qui divulguent des lignes de conduites pour bien vivre.

Les nouvellistes et les prédicateurs se lisent et s’écoutent. Boccace et Passavanti sont contemporains et nous en voulons pour exemple le cas très célèbre de la nouvelle de Nastagio degli Onesti dont la source est l’exemplum du Carbonaio di Niversa. Il est même fort probable que Boccace ait écouté les prédications de Passavanti à Florence en 1354. Franco Sacchetti est un nouvelliste et un prédicateur. Enfin, Bernardin de Sienne condamne le Decameron de Boccace. Nous ne savons pas si le franciscain a lu l’œuvre, cependant il la connaît et la cite dans ses prédications.

Il faut aussi penser que la prédication est très intense dans la Toscane médiévale. Les années sont rythmées par les prêches des frères. Les activités pastorales de Jourdain de Pise

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sont intenses tout comme celles de Bernardin de Sienne. Le saint est un infatigable pèlerin qui arpente la Toscane pour sauver le salut des chrétiens et des cités. De plus, de nombreux prédicateurs de renom sont toscans. Jourdain de Pise, Domenico Cavalca, Jacopo Passavanti, Filippo degli Agazzari, Bernardin de Sienne pour ne citer que les plus connus. Il s’agit aussi de frères qui s’intéressent à la magie, même s’il est nécessaire de souligner qu’elle n’est jamais le thème principal des prédications. Jacopo Passavanti dédie une entière distinzione de son traité du Lo specchio di vera penitenza à la magie, qu’il appelle la scienza diabolica. N’oublions pas que le prédicateur de Santa Maria Novella élabore son traité à partir des prêches tenus à Florence en 1354. Cela prouve, à notre avis, l’intérêt du prédicateur pour la magie. Le Siennois, Filippo degli Agazzari est l’auteur de beaux exempla sur les œuvres des guérisseuses et des devineresses. Enfin, Bernardin de Sienne s’est fait le prédicateur par excellence de la lutte contre la magie. La prédication en vulgaire du franciscain en Toscane (Florence 1424 et 1425 et Sienne 1425 et 1427) transmet cette opposition à la magie. D’ailleurs, il est impliqué dans plusieurs procès et accompagne les premières sorcières aux bûchers (Rome, 1426), même si nous pensons que sa position face à la croyance des sorcières n’est pas celle qui est communément admise.

La prédication n’est pas la seule forme d’expression religieuse traitant de la magie. Les prédicateurs se réfèrent à l’autorité des Pères de l’Église, des bulles papales et des textes de droit canon. Le livre XVIII du De civitate Dei et le Canon Episcopi sont deux textes qui nourrissent les réflexions sur la magie durant l’ensemble du Moyen-Âge. Ils sont d’une précieuse importance pour comprendre le cadre théologique auxquels les prédicateurs se réfèrent obligatoirement. Il est donc crucial de connaître ce cadre afin de comprendre les positions des prédicateurs face aux prodiges de la magie, tels que ceux de voler dans les airs et de se métamorphoser en animal.

Cependant, les prédications possèdent une limite importante. Les prédicateurs sont avares de détails. Ils ne décrivent vraiment ni pratiques ni formules magiques. Ils ne font que citer des noms de charmes et d’objets sans en dire la substance, sans doute volontairement pour ne pas obtenir l’effet contraire de ce qu’ils recherchent. Bernardin est le seul à rappeler le charme des trois bons frères mais il se borne aux premiers mots. Si les prédicateurs font référence à des pratiques magiques sans jamais les décrire, c’est qu’ils savent bien que leur public les connaît. Ces silences agaçants pour notre enquête nous ont encouragé à nous tourner vers d’autres documents, comme des recueils de charmes, de pratiques magiques, des documents iconographiques. Les recueils de charmes et les actes des procès verbaux pour sorcellerie offrent des témoignages intéressants sur la réalisation des pratiques magiques. Les

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compilateurs et les notaires décrivent dans un but différent les déroulements de ces activités. Il s’agit d’informations intéressantes qui permettent d’établir de nombreux raccords avec les textes littéraires.

Nous avons également recouru à un document iconographique. Il s’agit du buste référencé c. 79 dans le manuscrit Hamilton de la Bibliothèque Nationale de Berlin30. Nous pensons qu’il s’agit là d’un document en mesure de nous renseigner sur la croyance aux fantômes, en raison de sa valeur exceptionnelle. D’une part, son auteur est Boccace. D’autre part, il n’existe probablement pas d’autres documents iconographiques représentant le fantôme de la nouvelle. Une enquête menée dans le Boccaccio visualizzato révèle que les illustrateurs du Decameron ont pour habitude d’illustrer les nouvelles en adoptant le point de vue du beffatore. Il n’existe donc pas d’autres représentations que celle de l’auteur du fantôme en mesure de nous aider dans cette enquête.

La période considérée se situe à cheval entre le XIVè et le XVè siècle. Cette enquête débute précisément avec la rédaction du Decameron dans les années 50 du XIVè siècle et elle s’achève en 1428 avec le procès de la sorcière Matteuccia di Francesco da Todi.

Elle se trouve à un tournant de l’histoire de la magie, dans la mesure où il s’agit d’une période qui voit les enseignements augustiniens du Canon Episcopi (Xè siècle) perdre de leur influence sous les effets de la bulle Super illius Specula de Jean XXII (1326-1327). Le Canon

Episcopi est un texte de droit canon dont les enseignements sont à l’origine de l’ensemble des

réflexions sur la magie durant toute la période médiévale. D’après ce texte, aux origines incertaines, (vraisemblablement un capitulaire carolingien) qui tire son nom de sa première phrase, la magie est une illusion du démon. Ceux et celles qui racontent pouvoir transformer un être humain en un animal ou voyager la nuit au sein d’un groupe de femmes à la poursuite de la déesse Diane sont victimes d’illusions du diable dans leur sommeil. Ils croient réaliser réellement ce qu’ils font dans leurs rêves et donnent ainsi foi en la puissance du démon. À partir des années 20 du XIVè siècle, les enseignements du Canon Episcopi doivent faire face à des conceptions différentes nées de la conviction du pape Jean XXII, qui soutient que les pratiques magiques ont un effet réellement constatable. Le pontife entérine ses positions par la bulle Super illius specula (1326-1327) où les pratiques magiques sont mises en relation avec les invocations des démons par le biais d’un pacte. Par conséquent, ceux et celles qui disent se

30 G. Boccaccio, Decameron : Facsimile dell’Autografo conservato nel codice Hamilton della Staatsbibliotheck

Preussischer Kulturbesitz, éd. V. Branca, Florence, Fratelli Alinari-Istituto di Edizioni Artistiche, 1975, p. 79 ; Il Boccaccio visualizzato. Narrare per parole e per immagini fra Medioevo e Rinascimento, dir. V. Branca, Turin, Einaudi, 1999, 3 vol., vol. II, p. 64, vignette 30.

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livrer à la magie ne sont plus des rêveurs habités par le démon mais des hérétiques qui encourent le bûcher. La position du pape avignonnais se situe bien loin de celles du Canon

Episcopi.

L’espace temporel qui fait l’objet de notre enquête se situe donc à une époque charnière qui voit les positions du Canon être progressivement abandonnées au profit de celles de la bulle Super illius specula. Cette phase voit également la mise en place d’un arsenal démonologique qui permettra dès le début des années 30 du XVè siècle de faire des sorcières les auxiliaires du démon et de les mener aux bûchers. Les historiens estiment que ces premiers épisodes correspondent à la genèse des grandes chasses. Ces tristes traques débutent officiellement en 1486 avec la publication du manuel inquisitorial du Malleus

Maleficarum31 des deux frères Henri Institoris et Jacques Sprenger dont les positions sont appuyées avec force par la bulle Summis desiderantes affectibus (1483) d’Innocent VIII, publiée en introduction au manuel et qui connaîtra très vite le succès.

En Toscane, la contamination des conceptions du Canon Episcopi par celles de la bulle Super illius specula est perceptible à partir des années 50 dans le Lo specchio di vera

penitenza de Jacopo Passavanti.

La Toscane s’avère être le berceau de la nouvelle. N’oublions pas que Boccace est celui qui codifie la nouvelle et que Sacchetti, Sercambi et Giovanni Gherardi da Prato sont ses émules. Nous avons aussi voulu limiter les origines des nouvellistes pour travailler sur un corpus homogène.

L’histoire de la répression de la magie est liée aux territoires. Il existe de grandes différences entre les pays européens. Très tôt l’Italie participe à la chasse aux sorcières mais elle sera toutefois l’une des premières à y renoncer. Il y a des différences sur la Péninsule en raison du morcellement politique. On répertorie très peu de chasses dans le sud de l’Italie. Il y a des cas particuliers comme celui de Ferrare32. Nous avons dirigé essentiellement nos recherches sur des sources toscanes sans négliger cependant des sources étrangères à cette région, en raison de leur importance.

Les différentes parties de notre travail sont à la fois indépendantes et liées entre elles par le fil conducteur de la magie. Chacune se concentre sur une pratique magique. Cependant, certaines pratiques présentent des affinités, comme les brevets et les charmes qui accordent

31 H. Institoris et J. Sprenger, Le marteau des sorcières, trad. du latin A. Danet, Grenoble, J. Millon, 1990, 603p. 32 « Ferrara » dans Dizionario storico dell’Inquisizione, dir. A. Prosperi, coll. J. Tedeschi et V. Lavenia, Pise,

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une grande importance aux mots. Les réunions nocturnes et les sortilèges ne sont pas forcément pratiqués par une seule et même personne et sont souvent des activités distinctes. Cependant, il nous a paru intéressant de les présenter l’une à la suite de l’autre en raison du caractère terrible qu’elles véhiculent. Enfin, nous introduisons la croyance aux fantômes dans la partie consacrée aux charmes. En effet, le charme de la nouvelle VII, 1 du Decameron est présenté comme s’exerçant contre cette créature. Il est nécessaire de connaître cette croyance pour cueillir pleinement le sens à mots couverts du charme.

Les introductions respectives de ces parties donnent une présentation détaillée des textes utilisés.

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REMARQUES LIMINAIRES

Nous avons utilisé les éditions des recueils de nouvelles en langue italienne suivantes :

- Boccaccio, G, Decameron, éd. V. Branca, Turin, Einaudi, 2006, 2 vol., 1362p. - Sacchetti, F, Trecentonovelle, éd. V. Marucci, Rome, Salerno editrice, 1996, 901p. - Sercambi, G, Novelle, éd. G. Sinicropi, Bari, Laterza, 1972, 2 vol., 1003p.

- Gherardi da Prato, G, Il Paradiso degli Alberti, éd. A. Lanza, Rome, Salerno editrice, 1975, 395p.

De plus, nous avons utilisé les éditions des textes à valeur historique suivantes :

Sources apologétiques :

- Decretum Magistri Gratiani, éd. Ae. Friedberg, Liepz, Tauchnitz, 1922, p. 1030 publié dans Muraro, L, La signora del gioco. Episodi della caccia alle streghe, Milan, Feltrinelli, 1977, p. 238.

- Aurelius Augustinus Hipponensis, De civitate Dei, éd. B. Dombart et A. Kale, Liepiz, B. G. Teubner, 1971, vol. II.

- Iacopo da Varazze, « CIII- De sancto Germano » dans Legenda aurea, éd. critique de P. Maggioni, Florence, Sismel Edizioni del Galluzzo, 2 vol., vol. II, p. 690.

- Cavalca, D, Esempi 72, éd. M. Ciccuto dans Racconti esemplari di predicatori del Due e

Trecento, éd. G. Varanini et G. Baldassari, Rome, Salerno editrice, vol. III, p. 199-201.

- J. Passavanti, Lo specchio di vera penitenza, éd. M. Lenardon, Florence, Libreria Editrice Fiorentina, 1925, 424p.

- san Bernardino da Siena, Le prediche volgari. Predicazione del 1425 a Siena, prédication XXVI, éd. P.C Cannarozzi, Florence, Rinaldi, 1952, vol. II, p. 55-66.

- san Bernardino da Siena, Prediche volgari sul Campo di Siena 1427, prédication XXXV, éd. C. Delcorno, Milano, Rusconi, 1989, vol. II, p. 992-1042.

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- Boccaccio, G, Decameron : Facsimile dell’Autografo conservato nel codice Hamilton della

Staatsbibliothek Preussischer Kulturbesitz, éd. V. Branca, Florence, Fratelli Alinari-Istituto di

Edizioni Artistiche, 1975, p. 79.

Sources judiciaires :

- Ceppari Ridolfi, M. A, Maghi, streghe e alchimisti a Siena e nel suo territorio (1458-1571), Monteriggioni, Il Leccio, 1999, p. 42.

- Mammoli, D, Processo alla strega Matteuccia di Francesco : 20 marzo 1428, Todi, Res Tudertinae, 1968, 59p.

- Sentenze criminali dei podestà milanesi (1385-1429) de la Bibliothèque Trivulziana de

Milan : Sentenze criminali dei podestà milanesi (1385-1429), Bibliothèque Trivulziana de Milan, AS. Civ. M. Cimeli, 147, fo. 51 et suivants publiés dans L. Muraro, La signora del

gioco, Milan, Feltrinelli, 1977, p. 240-245.

Sources qui attestent de charmes magiques :

- Amati, G, Ubbie, ciancioni e ciarpe del secolo XIV, Bologne, G. Romagnoli, 1866, p

- Bernardi, R, Una curiosa raccolta di segreti e di pratiche superstiziose magiche fatta da un

popolano fiorentino dal secolo XIV, éd. G. Giannini, Città di Castello, Sapi, 1898, p. 57.

- Corazzini, F, Componimenti minori della letteratura popolare italiana, Benevento, Di Gennaro, 1877, p. 357.

Les traductions des citations sont faites par nos soins, à l’exception de celles tirées des éditions suivantes :

- Boccace, J, Le Décaméron, trad. de l’italien de G. Clérico, Paris, Gallimard, 1056p.

- Jacques de Voragine, « CVI-Saint Germain, évêque et confesseur » dans La légende dorée, éd. et trad. du latin T. De Wyzewa, 1920, Paris, Perrin, p. 381.

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PARTIE 1 :

LES BREVETS

x.b.r.q.d.a.e.p. et mentem sanctam spontaneam honorem Deo et patrie liberationem. Guaspar, Baldaxar et Menchior, Christo è nato, Christo è morto, Christo è resuscitato. Yhesus auctem transiens per medium illorum ibat

Formule magique utilisée pour les brevets Ceppari Ridolfi, M. A, Maghi, streghe e alchimisti a Siena e nel suo territorio (1458-1571), Monteriggioni, Il Leccio, 1999, p. 42

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INTRODUCTION

L’habitude de se protéger ou de protéger autrui au moyen d’un phylactère remonte à l’Antiquité. Vers l’an mil33

, apparaissent les termes brieve et brevi pour indiquer une petite amulette faite de vélin sur lequel est inscrite une formule dont la portée est magique. Cette inscription établit une médiation avec des forces surnaturelles dans le but d’obtenir un effet bénéfique. Les brevets ont largement été utilisés au XIVè et au XVè siècle pour remédier à des douleurs diverses et variées du quotidien, comme les fièvres, les rages de dent ou encore les maux de ventre. L’Église médiévale regardait avec suspicion ces objets qui échappaient à son contrôle et les prédicateurs recommandaient à leurs ouailles de les détruire. Pour cette raison et aussi parce que ce sont des objets fragiles qui n’ont pas résisté à la force du temps, peu de spécimens nous sont parvenus.

Les nouvelles représentent de possibles sources d’information au sujet des brevets. Les nouvellistes en parlent de manière très précise. Boccace met un brevet entre les mains de Calandrino dans la nouvelle IX, 5 du Decameron34. Franco Sacchetti s’intéresse à ces amulettes dans les nouvelles CCXVII et CCXVIII du Trecentonovelle35. Enfin, une telle amulette est présentée dans le récit XCV du recueil des Novelle36 de Giovanni Sercambi.

Cette première partie de notre enquête se propose de déterminer la manière dont les nouvellistes présentent les brevets. Il s’agit de recueillir des informations sur l’aspect matériel, sur les utilisations et sur les utilisateurs des brevets. C’est pourquoi, les examens des nouvelles sont croisés avec un extrait du traité théologique du Lo specchio di vera

penitenza37(1354) de Jacopo Passavanti et avec un passage de la prédication XXVI du cycle de Sienne de 142538 du prédicateur franciscain Bernardin de Sienne. Nous considérons enfin deux exemples d’inscription qui figure sur des brevets. L’une était utilisée par un certain ser

33

E. Bozoky, Charmes et prières apotropaïques, Turnhout, Brepols, 2003, 86, 122p. ; Idem, Les moyens de la protection privée », Cahiers de recherches médiévales, n°8, 2001, p. 175-192 ; J.-C. Poulin, « Entre magie et religion. Recherches sur les utilisations marginales de l’écrit dans la culture populaire du Haut Moyen Âge », dans La culture populaire au Moyen Âge, Actes du IVè colloque de l’Institut d’études médiévales de l’Université de Montréal (2-3 avril 1977), éd. P. Boglioni, Montréal, Explorations, 1979, p. 121-143.

34 G. Boccaccio, Decameron, IX, 5, éd. V. Branca, Turin, Einaudi, 2005, vol. II, p. 1061-1072.

35 F. Sacchetti, Trecentonovelle, éd. V. Marucci, Rome, Salerno editrice, 1996, nouv. CCXVII, p. 765-767 et

nouv. CCXVIII, p. 768-771.

36

G. Sercambi, Novelle, nov. XCV, éd. G. Sinicropi, Rome-Bari, Laterza, vol. II, p. 761-765.

37 J. Passavanti, Lo specchio di vera penitenza, éd. M. Lenardon, Florence, Libreria Editrice Fiorentina; 1925,

p. 384-385 et p. 387-388.

38 San Bernardino da Siena, Le prediche volgari. Predicazione del 1425 a Siena, prédication XXVI, éd. Père C.

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Luca di Feo39 qui était un recteur de deux églises du territoire siennois et qui en 1448 est condamné pour avoir fabriqué des amulettes. L’autre formule était employée au XIVè siècle pour soigner les rages de dents et les maux de têtes40.

Notre propos s’organise en trois temps. Dans un premier temps, nous analysons les nouvelles. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux descriptions de ces amulettes dans les documents à valeur historique. Enfin, notre enquête s’achève par le croisement des analyses des textes littéraires et de celles des documents. Cette étape finale nous amène à distinguer les caractéristiques des brevets qui sont les fruits des inventions personnelles des nouvellistes et celles qui ne le sont pas.

39 M. A. Ceppari Ridolfi, Maghi, streghe e alchimisti a Siena e nel suo territorio (1458-1571), Monteriggioni, Il

Leccio, 1999, p. 42

40

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Première partie : Les analyses des nouvelles

Chapitre 1 : La nouvelle IX, 5 du Decameron

La Neuvième journée du Decameron41 se déroule sous le règne d’Emilia. La souveraine laisse libre cours à la fantaisie de ses sujets et les met aussi à l’épreuve en s’abstenant d’assigner un thème auquel les nouvelles se rattachent. Fiammetta est la cinquième des dix devisants à prendre la parole. Elle affirme sa volonté de raconter un récit qui divertira comme il le convient ses compagnons de jeu. Elle assure ses arrières en rapportant l’une des frasques jouées par des personnages qui ont toujours fait rire la brigata aux éclats. Il s’agit des burloni Bruno et Buffalmacco dont Filostrato vient d’ailleurs de parler. Leurs victimes restent le couple divertissant formé par Calandrino et Tessa.

Dans son récit, Fiammetta raconte que Calandrino s’est amouraché de Niccolosa. Il a confié son secret à Bruno en le priant de ne pas ébruiter ses sentiments. Le burlone a aussitôt mis dans la confidence Buffalmacco, Nello, la jeune femme et son petit ami, Filippo Cornacchini qui est aussi le propriétaire de la villa où l’action du récit se déroule. Chacun se moque de l’amoureux transi et fait mine de ne pas s’apercevoir des ridicules tentatives de séduction de ce dernier. Bruno feint de jouer les entremetteurs afin d’alimenter les sentiments de Calandrino et les rires de ses complices. Il finit par lui proposer d’utiliser un brevet pour insuffler l’amour à la belle. Le sot personnage accepte la proposition sans méfiance. Bruno contrefait un brevet et met dans la confidence le reste des résidents de la villa. Il donne l’amulette au pauvre bougre qui s’empresse de toucher Niccolosa avec. La prostituée fait semblant d’être victime des effets du brevet et suit Calandrino dans une grange où elle se jette sur lui. C’est à ce moment que Tessa arrive et que sa colère éclate. Les autres personnages assistent hilares à la scène.

Notre enquête se concentre sur la représentation du brevet dans la nouvelle de Fiammetta. Le but poursuivi est de décrire précisément l’amulette à travers son aspect physique. Il s’agit aussi de diriger notre intérêt sur les utilisateurs de l’amulette et sur la puissance de cet objet.

41 G. Boccaccio, Decameron, IX, 5, éd. V. Branca, Turin, Einaudi, 2005, vol. II, p. 1061-1072. Les traductions

sont tirées de l’édition suivante : J. Boccace, Le Décaméron, nouv. IX, 5, trad. de l’italien G. Clérico, Paris, Gallimard, 2009, p. 760-769.

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Notre propos se déroule en trois temps. Tout d’abord, nous analysons l’introduction du brevet dans le récit. Ensuite, notre enquête se penche sur la description de l’aspect matériel du brevet à travers l’examen de ses caractéristiques générales et des objets qui sont nécessaires à sa confection. Notre enquête s’intéresse aussi à la fabrication et à l’utilisation du brevet. Le troisième temps de notre étude considère les effets de l’objet magique à travers la beffa et ses significations.

I Quelques observations préliminaires

1 Une dernière tentative de séduction

Le brevet arrive à la fin d’une longue série de tentatives d’essais de séduction de la part de Calandrino, encouragé par Bruno. Ce dernier pousse l’amoureux transi à jouer de la viole et à chanter pour la jeune femme. Il l’aide aussi à écrire des lettres d’amour et il le pousse à envoyer de nombreux présents à la belle. Bruno transmet aussi quelques effets personnels de la belle pour lui faire croire que ses sentiments sont réciproques.

Bruno propose d’utiliser un brevet à un moment du récit où Calandrino se présente à lui désespéré. Le sot est angoissé à l’idée que le chantier sur lequel il travaille à la villa de Filippo touche à sa fin avant qu’il n’ait pu assouvir sa passion avec Niccolosa. Cela serait un désastre, car le bougre n’aura plus jamais l’occasion d’être aussi proche de Niccolosa. L’objet magique apparaît donc comme l’unique solution pour remédier à une situation de crise et d’urgence.

2 Le brevet au service d’un amour condamnable

L’amulette sert un amour que nous jugeons négatif. Les sentiments de Calandrino sont peu honorables. Ce dernier est marié à Tessa qui honore avec lui les devoirs du mariage, et il n’espère séduire Niccolosa que pour assouvir un désir vénérien et adultérin. En valent pour preuves les actions qui se déroulent immédiatement après que la jeune femme ait été touchée

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