H . Sancho-Garnier
La prévention est l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des atteintes à la santé. On distingue, selon l’Organisation mondiale de la santé, trois stratégies de prévention :
– la prévention primaire qui a pour but d’éviter les atteintes à la santé (maladie, accident, etc.) en agissant sur les causes de ces atteintes ;
– la prévention secondaire qui a pour but de détecter les mauvais états de santé à un stade de plus grande curabilité ;
– la prévention tertiaire dont l’objectif est de réduire les conséquences chro- niques tant physiques que morales et sociales des problèmes de santé.
Nombreuses sont les personnes, professionnelles de santé ou non, qui sont maintenant convaincues que la prévention primaire pourrait grandement contri- buer à l’amélioration de la santé des populations et qu’une telle politique de santé pourrait être mise en place même dans les pays où les ressources sont limitées.
Cependant, si certains pays ont depuis longtemps attribué à la prévention primaire une place importante dans leur politique de santé, d’autres comme la France l’ont longtemps considérée comme une arme mineure à confier aux éducateurs ou à la société civile. Cette position marginale par rapport au système de santé a souvent cantonné la prévention primaire dans des stratégies d’information pure et, de ce fait, n’a pas promu le développement de recherches tant stratégiques qu’évaluatives dans ce domaine. On peut ainsi remarquer qu’en France le code de Sécurité sociale ne prévoit pas clairement un financement de la prévention primaire.
L’objectif que nous poursuivons dans ce livre est de montrer que la prévention primaire ne peut en aucun cas se limiter à la diffusion d’information, même si celle- ci est un élément stratégique essentiel. Nous nous intéresserons donc ici à une réflexion sur l’ensemble des moyens utilisables pour que la prévention primaire soit la plus efficace possible et, puisque l’on parle d’efficacité, aux méthodes permettant de juger cette efficacité. Nous illustrerons nos propos grâce aux expériences menées par le centre Épidaure, premier département de prévention créé dans un cadre hospitalier spécifique : le Centre régional de lutte contre le cancer de Montpellier (CRLC) (cf. Évaluation « La prévention fondée sur les preuves »).
La prévention primaire n’est possible que si les causes des problèmes de santé – ou
tout au moins les facteurs de risque – sont connus. L’identification de ces facteurs
pour de nombreuses maladies ou atteintes à la santé ouvre, à l’heure actuelle,
d’immenses perspectives et ce d’autant plus que certaines causes sont communes à diverses maladies. Ainsi, les actions visant à réduire tabagisme, alcoolisme, surpoids, sédentarité peuvent permettre de réduire la fréquence des cancers, des maladies car- diovasculaires, du diabète, mais aussi des accidents de la route, causes majeures de mortalité dans les pays industrialisés ; la vaccination anti-hépatite B permet dans les pays d’endémies de se protéger non seulement contre l’hépatite mais aussi contre le cancer primitif du foie.
Les connaissances sur les causes ou facteurs de risque des atteintes à la santé des populations ne représentent pas à l’heure actuelle un obstacle à la prévention, mais la connaissance ne suffit pas : il faut pouvoir supprimer ou réduire l’exposition des sujets aux facteurs influençant l’apparition de problèmes de santé. Ces facteurs peu- vent être exogènes, de type environnemental (radon, pollution), comportemental (tabac, alcool), ou mixte (ultraviolet, surpoids, etc.). Ces facteurs externes interagis- sent avec des facteurs endogènes (âge, métabolisme, polymorphisme génétique, etc.) dont certains peuvent être prépondérants (mutation génique). Les effets des différents facteurs sont soit additifs, soit multiplicatifs. À l’inverse, il exis- te aussi des facteurs protecteurs endogènes et exogènes. Au total, l’apparition d’un problème de santé chez un sujet est souvent la résultante de très nombreux méca- nismes « pro et contra », ce qui explique la grande variabilité des circonstances d’ap- parition des maladies en particulier.
Le tableau I illustre la variation de la proportion de décès par cancer attribuable à différents facteurs exogènes, en France. On peut estimer la part attribuable aux différents facteurs identifiés dans la mortalité due aux maladies les plus fréquentes, mais cette estimation est sujette à de grandes variations car elle dépend de divers éléments, en particulier de la prévalence des expositions dans la population étudiée.
Tableau I - Variation de la proportion de décès par cancer attribuable à différents facteurs exogènes (adapté de C. Hill et al. [1]).
Facteurs Proportion de décès Intervalle d’estimation (%) par cancer (%)
Tabac 22 17 à 32
Alcool 12 8 à 16
Vie reproductive 7 1-13
Alimentation 35 10 à 70
Infection 9 5 à 20
Professions 5 2 à 10
Pollution air, eau 2 1 à 5
Radiations (UV et RI) 3 1 à 5
Pratiques médicales 1 < 1 à 3
Facteurs génétiques 5 0,5 à ?