INTRODUCTION
Raymond Devos est un artiste complet et polyédrique, l’un des plus connus et appréciés parmi les comiques français contemporains. Sa célébrité a même dépassé les limites de la France, pour atteindre d’autres pays francophones : tout d’abord la Belgique, où il est né, puis le Québec et la Suisse. Tout comme les français, nous avons été fascinés par cet artiste qui recèle en soi les qualités hétérogènes d’un ménestrel ou d’un trouvère moyenâgeux, d’un clown jongleur et bouffon, d’un fantaisiste verbal extraordinaire. Sa renommée a atteint son apogée dès la fin des années 1950, jusqu’aux années 1980, et continue jusqu’à nos jours, même si l’âge et la maladie dont il a été atteint récemment, lui ont empêché de donner encore des spectacles. En dépit de son succès, un nombre étonnement très limité d’ouvrages biographiques et surtout critiques ont été publiés à son égard. Avec cet ouvrage, nous nous sommes donc aventurés dans un terrain quasiment inexploré, surtout pour ce qui concerne l’aspect strictement linguistique.
Pour introduire le discours sur Raymond Devos, nous avons commencé par esquisser le phénomène complexe du comique, en délinéant à grands traits les tendances des théories principales du passé. Nous nous sommes arrêtés sur le concept de distanciation, autour duquel pivotent plusieurs théories sur le comique, et nous avons conclu ce rapide excursus avec une digression sur le mécanisme neurophysiologique du rire. De récentes découvertes et de nouvelles techniques d’investigation dans le domaine de la neurophysiologie ont permit d’éclairer les connaissances sur le fonctionnement du cerveau. Ce qui n’a pas manqué de projeter les théories sur le comique dans une nouvelle perspective.
Au cours de sa carrière, la modalité privilégiée par Devos pour exprimer tout son talent comique a été principalement le monologue, au théâtre et à la télévision (nous ne tenons pas compte, ici, des huit films auxquels il a participé comme acteur, dès Les têtes inverties, 1957, où il joue un rôle de mime, en passant par La raison du plus fou, 1973, en partie aussi dirigé et écrit par Devos, jusqu’à Un comique né, 1977, pour la télévision).
Nous avons donc fait une brève digression sur ce “genre” littéraire et théâtral, ses origines et ses protagonistes, ainsi que sur la fantaisie verbale et la fatrasie, dont les techniques langagières et la structure nous rappellent celles présentes dans les monologues devosiens.
La figure du clown et le cirque ont frappé l’imaginaire du jeune Raymond Devos, qui en est resté influencé pendant toute sa carrière artistique. Pour terminer le discours introductif qui
précède l’étude spécifique sur Raymond Devos, nous avons donc parlé de ces deux éléments, et des modalités générales du comique multiforme de cet artiste. Nous sommes ensuite passés à l’analyse de la forme, de la structure et des contenus des monologues de Raymond Devos, analyse qui précède la traduction de onze monologues parmi ceux que nous avons réputé les plus représentatifs de l’œuvre de Devos. A chaque traduction nous avons fait suivre un commentaire qui, vis-à-vis des difficultés rencontrées, cherche à dévoiler les ressorts et les techniques langagières qui font du comique devosien un comique subtil, unique et efficace.