[Le annotazioni di Beckett sono poste a margine delle pagine. I miei interventi, volti a chiarire il senso delle annotazioni e a segnalare lacune o parole di difficile interpretazione, sono posti tra parentesi quadre. La sottolineatura in corpo del testo riproduce quella dell'autore, il quale spesso la affianca alla sottolineatura a margine, per segnalare espressioni di particolare interesse in passi rilevanti. L'edizione posseduta e annotata da Beckett è segnalata per ogni tomo, tranne che per il terzo, corrispondente alla prima parte de À l'ombre des jeunes filles en fleurs, non presente nell’archivio]
1. M. Proust, À la recherche du temps perdu, Du coté de chez Swann, I (Combray), Gallimard, Paris – Éditions de la nouvelle revue française, 107a edizione.
Annotato in colophon : S. B. Beckett
1. [p. 22] Ce n’est pas comme cela que vous le rendrez robuste et énergique, disait- elle tristement, surtout ce petit qui a tant besoin de prendre des forces et de la volonté. [Sottolineato a margine]
2. [p. 24] Hélas ! Je ne savais pas que, bien plus tristement que les petits écarts de régime de son mari, mon manque de volonté, ma santé délicate, l’incertitude qu’ils projetaient sur mon avenir, préoccupaient ma grand-mère [...].
[Sottolineato a margine]
3. [p. 33] [...] notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l’acte si simple que nous appelons «voire une personne que nous connaissons» est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l’apparence physique de l’être que nous voyons, de toutes les notions que nous avons sur lui et dans l’aspect total que nous représentons, ces notions ont certainement la plus grand part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la sonorité de la voix comme si celle-ci n’était qu’une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons. [Sottolineato a margine]
4. [p. 59] elles voulaient m’apprendre à la dominer afin de diminuer ma sensibilité nerveuse et fortifier ma volonté
5. [pp.68-9]Mais comme je m’en serais rappelé m’eût été fourni seulement par la mémoire volontaire, la mémoire de l’intelligence, et comme les renseignements qu’elle
donne sur le passé ne conservent rien de lui, je n’aurais jamais eu envie de songer à ce reste de Combray. Tout cela était en réalité mort pour moi. Mort à jamais? C’était possible. Il t a beaucoup d’hasard en tout ceci, et un second hasard, celui de notre mort, souvent ne nous permet pas d’attendre longtemps les faveurs du premier. Je trouve très raisonnable la croyance celtique que les âmes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque être inférieur, dans une bête, un végétal, une chose inanimée, perdues en effet pour nous jusqu’au jour, qui pour beaucoup ne vient jamais, où nous nous trouvons passer près de l’arbre, entrer en possession de l’objet qui est leur prison. Alors elles tressaillent, nous appellent, et sitôt que nous les avons reconnues, l’enchantement est brisé. Délivrées par nous, elles ont vaincu la mort et reviennent vivre avec nous. Il en est ainsi de notre passé. C’est peine perdue que nous cherchons à l’évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. Il est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas. Cet objet, il dépend du hasard que nous le rencontrons avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas.
Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, me mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé.
[Sottolineato a margine. Annotato: «Rev. 1»; probabilmente «first rêverie»]
6. [...] Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillère du thé ou j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine.
7. [p. 70] il l’y avait éveillé, mais ne la connait pas, et ne put que répéter indéfiniment, avec de moins en mois de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter [...]
8. [p. 71] de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne [...]
9. [p. 73] mais quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fideles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste [...]
[Sottolineato a margine e annotato a margine sx «Basic senses (Kant)»; a margine dx «Communion»]
10. [p. 100] et aujourd’hui encore si, dans une grande ville de province ou dans un quartier de Paris que je connais mal, un passant qui m’a « mis dans mon chemin » me montre au loin, comme un point de repère, tel beffroi d’hôpital, tel clocher de couvent levant la pointe de son bonnet ecclésiastique au coin d’une rue que je dois prendre, pour peu que le mémoire puisse obscurément lui trouver quelque trait de ressemblance avec
la figure chère et disparue, le passant, s’il se retourne pour s’assurer que je ne m’égare pas, peut, à son étonnement, m’apercevoir qui, oublieux de la promenade entreprise ou de la course obligée, reste là, devant le clocher, pendent des heures, immobile, essayent de me souvenir, sentant au fond de moi de terres reconquises sur l’oubli qui s’assèchent et se rebâtissent ; et sans doute alors, et plus anxieusement que tout à l’heure quand je lui demandais de me renseigner, je cherche encore mon chemin, je tourne une rue...mais...c’est dans mon cœur.
[Sottolineato a margine e annotato a margine sx «Type of lateral non-capital revelation»]
11. [pp. 120-1-2] De même que l’image de cette fille était accrue par le symbole ajouté qu’elle portait devant son ventre, sans avoir l’air d’en comprendre le sens [...] mais plus tard j’ai compris que l’étrangeté saisissante, al beauté spéciale de ces fresques tenait à la grande place que le symbole y occupait, et que le fait qu’il fut représenté non comme un symbole puisque la pensée symbolisée n’était pas exprimée, mais comme réel, comme effectivement subi ou matériellement manié, donnait à la signification de l’œuvre quelque chose de plus littéral et de plus précis, à son enseignement quelque chose de plus concret et de plus frappant. [...] Quand plus tard j’ai eu l’occasion de rencontrer, au cours de ma vie, dans des couvents par exemple, des incarnations vraiment saintes de la charité active, elles avaient généralement un air allègre, positif, indifférent et brusque de chirurgien pressé [...] le visage antipathique et sublime de la vraie bonté.
[Sottolineato a margine e annotato a margine sx «Dante parallel». Il passo riguarda le figure simboliche di Giotto – la cameriera assomiglia alla Carità affrescata da Giotto nel ciclo dedicato ai Vizi e alle Virtù della Cappella degli Scrovegni di Padova]
12. [pp. 123-4] Il faisait à peine assez clair pou lire, et la sensation de la splendeur de la lumière ne m’était donnée que par les coups frappés dans la rue de la Cure par Camus [...] née des beaux jours, ne renaissant qu’avec eux, contenant un peu de leur essence, elle n’en réveille pas seulement l’image dans notre mémoire, elle en certifie le retour, la présence effective, ambiante, immédiatement accessible. [...] et ainsi elle s’accordait bien à mon repos qui (grâce aux aventures racontées par mes livres et qui venaient l’émouvoir), supportait pareil au repos d’une main immobile au milieu d’une eau courante, le choc et l’animation d’un torrent d’activité.
[Sottolineato a margine e annotato a margine sx «Indirect – consequent intence apprehension of reality»]
13. [p. 124] Quand je voyais un objet extérieur, la conscience que je le voyait restait entre moi et lui, le bordait d’un mince lisère spirituel qui m’empêchait de jamais toucher directement sa matière [...] Dans l’espèce d’écran diapré d’états différents que, tandis que je lisais, déployait simultanément ma conscience, et qui allaient des aspirations les plus profondément cachées en moi-même jusqu’à la vision tout extérieure de l’horizon que j’avais [...] ‘était la croyance en la richesse philosophique, en la beauté du livre que je lisais, et mon désir de me les approprier, quel que fut ce livre.
[Sottolineato a margine e annotato a margine sx «1st emersive tendency − immersive necessity»]
14. [p. 125] Après cette croyance centrale, qui pendant ma lecture, exécutait d’incessants mouvements du dedans au dehors [...]
15. [p. 126] Qu’un malheur le frappe, ce n’est qu’en une petite partie de la notion totale que nous avons de lui, que nous pourrons être émus, bien plus, ce n’est qu’en une partie de notion totale qu’il a de soi, qu’il pourra l’être lui-même.
[Sottolineato a margine]
16. [ibid.] (ainsi notre cœur change, dans la vie, et c’est a pire douleur ; mais nous ne la connaissons que dans la lecture, en imagination : dans la réalité il change, comme certains phénomènes de la nature se produisent, assez lentement pour que, si nous pouvons constater successivement chacun de ses états différents, en revanche la sensation même di changement nous soit épargnée)
[Sottolineato a margine]
17. [p. 249]Mais d’autres fois tandis que mes parents s’impatientaient de me voir rester en arrière et ne pas les suivre, ma vie actuelle au lieu de me sembler une création artificielle de mon père et qu’il pouvait modifier à son gré, m’apparaissait au contraire comme comprise dans une réalité qui n’était pas faite pour moi, dans laquelle il n’y avait pas de recours, au cœur de laquelle je n’avais pas d’aillé, qui ne cachait rien au delà d’elle-même.
[Sottolineato a margine]
18. [pp. 256-7-8] Alors, bien en dehors de toutes ces préoccupations littéraires [...]bien des images différentes sous lesquels il y a longtemps qu’est morte la réalité pressentie que je n’ai pas eu assez de volonté pour arriver à découvrir.
[Sottolineato a margine]
19. [p. 258] Une fois pourtant [...] j’eus une impression de ce genre et ne l’abandonnai pas sans un peu l’approfondir.
[Sottolineato a margine. Annotato a margine sx «Rev 2», probabilmente «seconda reverie»]
[Un amour de Swann–inizia in questo volume e segue nell’altro]
20. [pp. 300-1] L’année précédente, une soirée, il avait entendu une œuvre musicale exécutée au piano et au violon. D’abord, il n’avait gouté que la qualité matérielle des sons sécrétés par les instruments. [...] Mais à un moment donné, sans pouvoir nettement distinguer un contour, donner un nom a ce qui lui plaisait, charmé tout d’un coup [...] et il avait prouvé pour elle comme un amour inconnu.
[Sottolineato a margine. Annotato a margine sx «Purely musical impression, independent of memory: compare with the experiences of “un peu de temps à l’état pur”: released for P. by fortuitous encounter with certain objects, at times when conscious memory is entirely obliterated»]
2. M. Proust, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, II (Un
amour de Swann-suite), Gallimard, Paris – Éditions de la nouvelle revue française,
107a edizione.
Annotato in colophon : S. B. Beckett
21. [p. 14] Peut-être ayant toujours gardé un remords d’avoir borné sa vie aux relations mondaines, à la conversation, croyait-il trouver une sorte d’indulgent pardon à lui accordé par les grands artistes, dans ce fait qu’ils avaient eux aussi considéré avec plaisir, fait entrer dans leur œuvre, de tels visages qui donnent à celle-ci une singulier certificat de réalité et de vie, une saveur moderne ; peut-être aussi c’était-il tellement laissé gagner par la frivolité des gens du monde qu’il éprouvait le besoin de trouver dans une œuvre ancienne ces allusions anticipées et rajeunissantes à des noms propres d’aujourd’hui. Peut-être au contraire, avait-il gagné suffisamment une nature d’artiste pou que ces caractéristiques individuelles lui causassent du plaisir en prenant une signification plus générale, dès qu’ils les apercevait déracinées, délivrées, dan la ressemblance d’un portait plus ancien avec l’original.
[Sottolineato a margine]
22. [p. 33] La petite phrase de la sonate de Vinteuil, bien qu’Odette jouât fort mal, mais la vision la plus belle qui nous reste d’une œuvre est souvent celle qui s’éleva au dessous des sons faux tirés pas des doigts malhabiles, d’un piano désaccordé. La petite phrase continuait à s’associer pour Swann à ‘amour qu’il avait pour Odette. Il sentait bien que cet amour, c’était quelque chose qui ne correspondait à rien d’extérieur, de constatable par d’autres que lui [...].
[Sottolineato a margine]
24. [ibid.] Pourtant au lieu d’être purement individuelle comme celle de l’amour, s’imposait à Swann comme une réalité supérieure aux choses concrètes».
[Annotato a margine: «Salvation»]
25. [p. 34] Et le plaisir que lui donnait la musique et qui allait bientôt créer chez lui un véritable besoin, rassemblait en effet, à ce moment là, au plaisir qu’il aurait eu à expérimenter des parfums, à entrer en contact avec un monde pou lequel nous ne sommes pas faits, qui nous semble sans forme parce que nos yeux ne le perçoivent pas, sans signification parce que il échappe à notre intelligence, que nous n’atteignons que par un seul sens. Grand repos, mystérieuse rénovation pour Swann [...] de se sentir transformé en une créature étrangère à l’humanité, aveugle, dépourvue de facultés logiques, presque une fantastique licorne, une créature chimérique ne percevant le
monde que par l’ouïe. Et comme dans la petite phrase il cherchait cependant un sens où son intelligence ne pouvait descendre, quelle étrange ivresse il avait à dépouiller son âme la plus intérieure de tous les secours du raisonnement et à la faire passer seule dans le couloir, dans le filtre obscur du son.
[Sottolineato a margine – immagine di cecità e apatia che tornerò più volte nell’opera di Beckett − cfr. La Trilogie]
26. [p. 179] Mais Swann et la princesse avaient une même manière de juger le petites choses qui avait pour effet – au moins que ce ne fut pour cause – une grande analogie [...]
[Interesse di Beckett alla ironia di Proust sul concetto di causalità]
27. [p. 208] Swann avait envisagé toutes les possibilités. La réalité est donc quelque chose qui n’a aucun rapporte avec les possibilités, pas plus d’un coup de couteau que nous recevons avec les légers mouvements des nouages au-dessus de notre tête [...] 28. [pp. 257-8] Aussi le ciel était douteux, dès les matin je ne cessais de l’interroger et je tenais compte de tous les présages. [...] Tout d’un coup sur sa pierre maussade je ne voyait pas une couleur moins terne [...] qu’ils était des gages de calme et de bonheur. [Annotato a margine sx «most complete perception indirect»]
29. [p. 269] [...] – j’avais appris, en voyant une colonne de poussière se tenir debout toute seule au-dessus du piano, et en entendant un orgue de Barbarie jouer sous la fenêtre : « En revenant de la revue », que l’hiver recevait jusqu’au soir la visite inopinée et radieuse d’une journée de printemps.
[Annotato a margine di nuovo: «indirect perception»]
30. [p. 295] [...] on sentait que le Bois n’était pas qu’un bois, qu’il répondait à une destination étrangère à la vie de ses arbres, l’exaltation que l’éprouvais n’était pas causée par l’admiration de l’automne, mais par un désir. Grande source d’une joie que l’âme ressent d’abord sans en reconnaitre la cause, sans comprendre que rien au dehors ne la motive».
31. [p. 298] [...] il lui survit – et de plus en plus vivace pour masquer le manque de la puissance que nous avons perdue de donner de la réalité à des choses nouvelles -un attachement fétichiste aux anciennes qu’elle avait animées.
32. [pp. 300-1] Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors; le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant, et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.