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Zanzotto développera ce thème potentiel dans LB in Fn, en particulier dans la pièce intitulée Futuri semplici o anteriori?, p 711, poème de transition avec Idm

Nel documento Andrea Zanzotto. Un poeta nel tempo (pagine 88-98)

La Beltà d’Andrea Zanzotto, un recueil métapoétique

16 Zanzotto développera ce thème potentiel dans LB in Fn, en particulier dans la pièce intitulée Futuri semplici o anteriori?, p 711, poème de transition avec Idm

Dans Sì, ancora la neve, une citation de Hölderlin par Zanzotto − «sia- mo un segno senza signifi cato»17 − pointe une articulation insolite fondée

sur une interruption: «ma dove le due serie entrano in contatto?»18. Le

poème répond sans équivoque: more vacuo. Car si «ogni inclusione [è] fat- tiva» «ogni esclusione» l’est «non meno»19. Le défaut éventuel du mot, ou

d’un groupe de mots, introduit donc à un sens, possède un sens, dispense du sens. Et le poète s’adresse alors aussitôt au «mondo» pour exprimer un souhait: «non accartocciarti in me stesso»20. Une volonté d’arracher

la res extensa, ou «mondo», comme texte poétique, à une forme de mort stylistique se rend manifeste dans le rappel d’un rabougrissement éventuel redouté mais vite conjuré. Par conséquent, l’instance de la reproduction et de l’intensité de la parole poétique commande ce modus operandi. Par son questionnement, le vers souligne un point de lecture pertinent dans le désordre ostensible des lexiques déterritorialisés et déhiérarchisés, dès lors moins anarchiques qu’il y paraîtrait, celui de la rencontre des séquences verbales hétérogènes, celui du «contatto».

Le poète met pour ainsi dire le doigt sur la plaie au propre et au fi guré. Les séquences dissemblables de sa poésie s’articulent simplement comme un signifi ant fendu dynamique car il y a nécessairement un bond des unes aux autres.

En eff et, dans une confi guration ainsi pensée, chaque séquence verbale vaut tantôt comme signifi ant tantôt comme signifi é dans un balancement continu du signifi ant. Un maximum d’allusivité et donc de densité est alors obtenu.

Et toutes les notations sibyllines dont le recueil se tisse valent autant pour le genre que pour le locuteur, ainsi : «l’immancabilmente evaso o

17 LB, Sì, ancora la neve, p. 273. 18 Ibid.

19 LB, Al mondo, p. 301. 20 Ibid.

morto | evasa o morta», «biancume del mio vecchio io», «perché sempre si continui», «libido e cupido e la loro | prestidigitazione fi nissima21», etc.

Le paradigme indiciaire22 ainsi déployé permet d’identifi er l’«io» non

pas avec le poète mais avec le genre poésie précisément attaché à assurer et à reproduire sa continuité, «sempre», où la «libido e cupìdo» et leur «pres- tidigitazione fi nissima» renvoient précisément au signifi ant fendu des «due serie» discursives tout à la fois séparées et néanmoins ajointées par un vide fécond, tout le contraire d’une déperdition.

La métaphore temporelle est commentée dans le corps du poème par l’idée de combinatoire et comme telle inassignable à quelque temporalité que ce soit. La lancinante litanie des interrogations destinales, métaphysi- ques et donc potentiellement “historiques” se donne libre cours:

Che sarà della neve che sarà di noi? [...]

E perché si è [...]

perché si è fatto bambucci-ucci, odore di cristianucci, [...]

E perché e che fanno i grandi oggetti e tutte le cose-cause

[...]

Ma che sarà di noi?

Che sarà della neve, del giardino, [...]

e di chi a perso nella neve il cammino23

La «neve» apparaît comme la métaphore d’une virginité à retrouver de la poésie, et le “noi” renvoie aussi bien au genre qu’au poète et aux lecteurs, à la communauté de la poésie, au fond, comme lien, religio:

21 LB, Sì, ancora la neve, p. 275.

22 Pour cette notion, cf. C. Ginzburg, Miti, emblemi, spie, Torino, Einaudi, 1992. 23 LB, Sì, ancora la neve, p. 273-274.

Ma c’è chi non si stanca di riavvitichiarsi graffi gnare sgranocchiare solleticare,

di scoiattolizzare le scene che abbiamo pronte, non si stanca di riassestarsi

− l’ho, sempre, molto, saputo − al luogo al bello al bel modulo

a cieli arcaici aciduli come slambrót cimbrici24

ou encore:

[...] scienze lingue e profezie cronaca bianca nera azzurra, di stimoli anime e dèi, libido e la loro

prestidigitazione fi nissima [...].

«Di chi ha perso nella neve il cammino»: le Chant 1 de La Divine comé-

die est évoqué en fi ligrane. Ce renvoi introduit cependant une notion de

temporalité là où Dante représentait simplement un égarement spirituel dans l’espace. Ce glissement de sens est capital. La allusion de Dante prend alors valeur de modèle d’un recommencement au sein duquel la voie pra- ticable d’un discours poétique novateur se dessine. La poétique se calque en eff et largement sur celle de l’«estirpare» et dell’«innestare» du De vulgari

eloquentia dantesque.

Cependant, Andrea Zanzotto écrit après Dante. Le parcours ne sera ni ne pourra être identique à celui du Toscan compte tenu de la stratifi cation stylistique accumulée par les sept siècles qui les séparent. Ineff açable, celle- ci vient s’opposer à un paradigme du pragmatisme posé par les métaphores de la circularité puisque tout se déroule aux pieds d’une “selva” de matrice dantesque mais évoquant la langue plus qu’une nature adverse.

La «grande selva» au pied duquel se trouve la «Standa» du poème peut

alors être conçue comme le trésor du symbolique où le mitoyen «bianco» mental-poétique peut puiser à foison, elle résume la forêt de la langue, le «grande magazzino» de la pièce constituant, pour sa part, une métaphore convaincante du dépôt lexical sédimentaire de la tradition poétique ita- lienne, et, idéalement, de toute tradition poétique.

L’image de la neige se présente aussi comme une réélaboration des thè- mes du «richissimo nihil» et de l’«azzurro» de Vocativo25, les deux fi gures

centrales de l’ensemble de la poésie d’Andrea Zanzotto. Dans l’«azzurro», dans la neige il n’y a rien, l’un et l’autre sont un «richissimo nihil», un vide fécond où soudainement tout peut survenir comme dans le bleu dépeuplé du ciel.

La Beltà constitue à cet égard une réponse stylistique et thématique

convaincante aux interrogations poétiques d’un recueil dramatiquement arc-bouté sur ses interrogations, et notamment au «come vi parlerò» de tradition rimbaldienne affl eurant dans Colle di Giano, un poème central de Vocativo26.

La quête de l’authenticité du dire visée par la poète passe par une dé- fi ance du mot. Il ne saurait y avoir une immédiateté quelconque entre l’ex- pression et la pensée pas plus qu’il n’y a de raison dans l’histoire stylistique ou autre.

Zanzotto parvient à conquérir cette vérité dans le rapport ironique qu’il noue avec les mots et les séquences verbales qu’ils forment. L’ironie est aussi mise à distance et paradoxe. Le poétique se révèle soustrait à l’histoire :

se la fa-favola in disparte s’imbalba, se, fuori stagione, mattamente la storia clio clio pavoncella fa su e disfa l’opus maxime oratorium. Ma cavalchi, bel cavalier errante:

25 Vc, Da un’altezza nuova, p. 169. 26 Vc, Colle di Giano, p. 178.

aromi sodi, chimismi riposti

lungi dal fallire, raggi, preminenze, nascenze27.

car régi par des «chimismi riposti». Il est bégaiement, «fa-favola», la pré- tendue histoire est ravalé au rang de pâle pépiement: «clio-clio pavoncella fa su e disfa» et donc à une onomatopée, au pire dépourvue de sens, au mieux ininterprétable. Comme dans l’océan il y a mouvement mais ce mouvement équivaut à une immobilité foncière. Ce qui de l’«opus maxi- me oratorium» est fatto su est aussitôt disfatto. Le mouvement tour à tour dynamique et relativement stable du faire et du défaire sanctionne l’his- toire. La nouveauté émerge de la décrépitude du suranné et celle-ci aboutit à une nouvelle formation, verbale par exemple, vouée elle aussi à s’ossifi er, à s’user et à donner lieu à une nouvelle métamorphose et ainsi de suite.

Il s’agit alors simplement, entre «persifl age» et «collage», de «Cercare meglio il piano di clivaggio | per lavorare in diamante»28 car le plan de cli-

vage du lexique, de la phrase, multiplie les facettes de l’objet qu’il modèle. Un profi t en résulte. Le signifi ant fendu s’off re comme un équilibre dynamique instable et accidenté évoluant entre silence et parole tels que les décrit L’elegia in petèl car «Mai c’è stata origine»29, une langue stable étant

introuvable sur la longue durée. Il n’est que dérive et transmutation infi - nie. Ce qui implique en retour qu’un abandon à une mobilité langagière et syntactique pourrait atteindre à une authenticité toujours à conquérir: «E qui sto dalla parte del connesso anche se non godo | di alcun sodo o sistema»30. La liaison s’opère précisément parce qu’elle ne se fi ge pas dans

un procédé univoque, le point d’intersection, c’est son originalité, étant un vide connectif.

27 LB, Alla stagione, p. 279. 28 LB, Ampolla (cisti) e fuori, p. 298. 29 LB, L’elegia in petèl, p. 315. 30 Ibid.

Dans cette perspective, de par les va-et-vient qu’il ménage toujours, le signifi ant fendu devient la fi gure pertinente de cette stratégie d’écri- ture. Faisant allusion aux énoncés bariolés associés par sa syntaxe poéti- que, commentant les bigarrures de son langage, Zanzotto écrit non sans humour: «Non spezzo nulla se non spezzato ma sùbito riattato, | spezzo

pochissimo»31. Le poète invoque un «ponte» et un «pontefi ce minimo su

| me e altre minime faglie» car briser et relier constituent deux opérations concomitantes, instantanées. Le vide et l’instabilité langagière se résorbent car un «ponte», autrement dit, un enchaînement s’établit bizarrement entre les deux composantes du signifi ant fendu. Un poète «pontefi ce», c’est-à- dire l’auteur du montage déniché par le lecteur, y pourvoit. Raccorder de- vient la fonction primordiale du poète-«pontefi ce». Même si elle sinueuse, une telle passerelle assoit un sens. Tel est le «ponte» discerné par le lecteur, cette aimantation non moins étrange qu’irrépressible des vocables dont les poètes se prévalent depuis la nuit des temps pour proposer cet inattendu qui pourrait valoir comme défi nition seyante du genre poétique.

Le poète lacère ses énoncés seulement pour les recoudre. Ce ravaudage stylistique, conjuguant la parole et le silence, le plein et le vide, l’hier et l’aujourd’hui, est emblématiquement assigné à Tallemant des Réaux et à Hölderlin32 que le poète imagine cocassement «a braccetto» au sein de son

poème: «sovrimpressione sovrimpressiono»33. Le présent «sovrimpres-

siono» atteste d’un acte volontaire du poète, de sa liberté. Solidaires, ces écrivains sont les éponymes enfi n trouvés de l’«azzurro» (silence et mutité) et du «richissimo nihil» (affl ux et prolixité) de Vocativo. Ces deux registres se profi lent moins contradictoires que complices; entre dit et non-dit, leur surimpression diversement inextricable résume toute parole et ses ressources.

Dans la superposition de ces deux fi gures, homologue de celle qui nous

31 Ibid.

32 Car c’est du Hölderlin de la folie dont il est question. 33 Ivi, p. 316.

a permis de lire Oltranza oltraggio, le texte poétique se glose constam- ment lui-même: «quella dolce fessura | percorsa dalla lingua svegliata dalla lingua»34. La métaphore sexuelle rend compte d’une opération de synthèse

au sein de la tradition occidentale entre un passé légué et un présent déjà approprié. La fragmentation des énoncés réveille l’intensité d’une tradition littéraire autrement abîmée dans ses pathologies et comme dévitalisée. Loin de nuire au texte poétique, la lacération revivifi e le vers. Le jeu de mots sur le cunnilinctus feignant de confondre malicieusement les étymologies de

lingere et lingua l’instille en le brouillant facétieusement pour faire du sys-

tème d’expression (lingua) un organe anatomique (cunnus). La “sexualité”, autrement dit l’intuition d’un lien non strictement grammatical d’un style à l’autre et faisant prime sur toute grammaire, permet ainsi de subsumer des réalités langagières aussi antinomiques que le monolinguisme et le plu- rilinguisme.

La discontinuité narrative, ou «fessura» dans le langage poétique d’An- drea Zanzotto, ne vient pas ruiner le texte poétique, elle permet au contrai- re sa reproduction, elle incarne plutôt un point de conjonction, une béance incontestable s’avère ainsi surmontée. Elle parvient à faire parler ensemble des âges et des traditions stylistiques hétérogènes. Elle assure ainsi certaine transmission d’un savoir, en faisant dialoguer les membra disjecta de la lan- gue qui fi nissent par converger dans une synthèse du passé et du présent mimant le mouvement destructeur et généalogique de la langue au sein d’un discours «in infanzia» et «[...] (teoricamente) | senza fi ne»35, en termes

zanzottiens, l’enfance faisant allusion au morcellement du langage poéti- que, le sans fi n à la langue.

Cette modalité se pense, par exemple, à travers la désopilante métapho- re de la chaîne alimentaire in Profezie o memorie o giornali murali, XII36:

34 LB, Profezie o memorie o giornali murali, VII, p. 326. 35 Ivi, IX, p. 330.

«il tomato rosso si acuisce, appetiti | di besti(oline) e insetti, premure e mandibole» et in XV: «ogni vivente il suo testo, per meglio farsi cibarie»37.

Bref, il n’est ni origine ni fi n. Dans cette optique, la désuétude des lexiques entraîne moins leur disparition que leur transformation, le dépôt légué s’accroît de sa fermentation ou de son fumage métaphoriques.

Refusant la tradition hégélienne et l’idée d’histoire qu’elle propose, Zanzotto rencontre la circularité de la généalogie. Le personnage du pay- san Nino lui permet d’exposer ce point de vue: «conosceremo sempre più profonde | le profondità del tuo valore | tradizionista a sera all’alba nova- tore: | questo è lo zenit d’ogni tua profezia»38. Aucune droite direction, la

trajectoire se dénoue en prenant appui sur elle-même pour relier “égoïste- ment” – il en va de sa survie - nouveauté et tradition. Il n’est de nouveauté que parce qu’un substrat lui permet d’éclore.

Zanzotto peut être à bon droit qualifi é de poète généalogique dans la mesure où depuis La Beltà non seulement ses poèmes miment sur le mode minimaliste le poème en train de se faire et parce qu’il a su greff er la tra- dition poétique du nouveau à la tradition poétique occidentale. Par poète (ou écrivain) généalogique nous entendons cette capacité à restituer dans l’horizontalité de la page la verticalité d’une tradition poétique ou littéraire − songeons à cet égard à Rabelais pour la transition du Moyen âge à la Renaissance, par exemple.

Recueil composite par ses matériaux, unitaire dans son mouvement, La

Beltà atteste de l’impact du temps au sein du vers. Elle représente la prise

de conscience de l’ancienneté de la tradition occidentale menaçant ruine et de la nécessité de son rajeunissement impérieux.

La solution proposée par le poète se distingue de l’historicisme de l’avant-garde. Contrairement à la pratique avant-gardiste, pensée sans déterminations temporelles claires mais simplement mue par un refus

37 Ivi, XV, p. 339. 38 Ivi, III, p. 322.

de l’existant, et certes pas dans son adhésion à quelque chose qui lui se- rait extérieur, telle l’histoire, la langue joue comme modèle. Il «grumo di Gennaro»39, la relique du saint patron de Naples, constitue la métaphore

et la métonymie de ce processus dans lequel la langue se coagule en dur caillot puis de loin en loin se liquéfi e. Comme la planète, ou «mondo», la langue trouve sa stabilité dans le mouvement, tel est le sens de son insta- bilité foncière.

Si nous considérons la langue, une langue, nous devons envisager sa

formation d’étymologie en étymologies sur une durée effl eurant l’incom-

mensurable et selon ses variations sémantiques au fi l du temps dont la phi- lologie nous entretient; relativement stable par ses racines, elle fl uctue au gré des acceptions successives de son lexique et des diff érents apports dont elle se nourrit. Des mots s’érodent dans les bouches des parleurs, sous les plumes, d’erreurs grammaticales en privautés diverses, de déformations en idiolectes, de contaminations inattendues en néologismes, d’idiomatismes en idioties et puis meurent, d’autres encore naissent par les mêmes détours, telle est la “madre-norma” qui «rileva “i raccordi e le rime | dell’abbietto con il sublime”»40.

39 LB, E la madre-norma, p. 348. 40 Ibid.

Nel documento Andrea Zanzotto. Un poeta nel tempo (pagine 88-98)