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Pour et contre l'euro. Méthode pour l'analyse argumentative d'un débat public.

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Academic year: 2021

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RECHERCHES SUR TOILES

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Aurelio Principato

Università degli Studi Roma Tre

Comitato scientifico Franca Bruera

Università di Torino

Daniela Dalla Valle

Università di Torino

Bruna Donatelli

Università degli Studi Roma Tre

Giovanni Saverio Santangelo

Università degli Studi di Palermo

Laura Santone

Università degli Studi Roma Tre

Gilles Siouffi

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RECHERCHES SUR TOILES

La collana accoglie lavori realizzati a livello universitario, che ri-guardino la lingua e la linguistica francese nei suoi più vari aspetti: grammaticale, teorico, storico, didattico e documentario.

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Silvia Modena

Pour et contre l’euro

Méthode pour l’analyse argumentative d’un débat public préface de Dominique Ducard

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www.aracneeditrice.it info@aracneeditrice.it

Copyright © MMXVIII

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www.gioacchinoonoratieditore.it info@gioacchinoonoratieditore.it

via Vittorio Veneto,  Canterano (RM)

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Les droits de traduction, de mémorisation électronique, de reproduction et d’adaptation aussi partielle, avec n’importe quels moyens, sont réservés pour tous les Pays.

Ne sont absolument permis les photocopies sans l’autorisation écrite de l’Editeur.

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On peut comparer le texte argu-mentatif à une prairie naturelle, dont les plus belles fleurs corre-spondraient aux types d’arguments canoniques. Mais il faut aussi se demander de quoi est fait le tissu végétal de la prai-rie où vivent ces fleurs, s’intéresser, comme disait Fran-cis Ponge à “La fabrique du pré”, c’est-à-dire prendre en compte le fait qu’il y a de l’argumentation avant les argu-ments, dans toutes les opérations produisant l’énoncé, dans les prises de positions qui engen-drent la question, et, d’une façon générale, dans tous les actes et phénomènes sémiotiques dans lesquels s’insère les énoncés ar-gumentatifs.

Christian Plantin,

Dictionnaire de l’argumentation

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Index

13 Préface

Dominique Ducard

19 Introduction

A. Objet : analyse des argumentations mobilisées lors du débat sur l’euro en France (1998-2002) en lien avec l’actuelle mise en doute de la tenue économique et politique de l’UE

1. Corpus : les données textuelles et l’apport des études en lexicométrie, 21 – 1.2. Le recueil des données, 23 – 1.3. L’outil lexicométrique, 27 – 2. Locu-teurs : les institutions et les partis politiques, 31 – 2.1. Les défenseurs et les opposants, 35 – 3. Période : naissance du débat sur l’euro en France (1998-2002), 37

B. La méthode

2.1. La construction d’un événement par le discours, 40 – 2.2. L’argumentation, 43 – 2.2.1. L’argumentation dans le discours, 46 – 2.2.2. Classification des types d’argument, 49 – 2.2.3. L’analyse du discours et l’argumentation, 53

55 Chapitre I

L’argumentation analogique

1.1. La mobilisation de l’histoire par l’exemple historique, 55 – 1.1.1. Le Pont de la rivière Kwaï et la « réussite » de l’euro, 58 – 1.1.2.Le Saint Em-pire Romain Germanique, 61 –1.1.3. Le plan Marshall, 67 – 1.1.4. La réap-parition des EH dans le débat actuel contre l’Europe et la BCE, 68 – 1.2. La métaphore et la comparaison, 73 –1.2.1. La métaphore sportive chez J.C. Trichet, 79 – 1.2.2. La comparaison avec les étapes de « la vie humaine » chez C. Noyer, 84 –1.3. L’analogie proportionnelle, 89 – 1.3.1. La monnaie est un moyen de communication, 90 – 1.3.2. La langue et « Babèle », 93 – 1.3.3. Reprise de l’analogie proportionnelle dans le débat actuel contre l’euro, 95 – Remarques conclusives, 97

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101 Chapitre II

L’argumentation sur la nature des choses et leur définition 2.1. La définition argumentative : slogans et explication, 101 – 2.2. L’identité monétaire : la paix, 104 - 2.2.1. La « paix » dans le débat contemporain sur l’euro, 113 – 2.3. La perte de la souveraineté monétaire, 116 – 2.3.1. La con-densation argumentative dans le débat actuel contre l’euro, 123 – 2.4. L’euro : la langue et la monnaie unique « esperanto », 125 – Remarques con-clusives, 131

133 Chapitre III

Argumentations fondées sur les personnes : l’ethos III

3.1. L’argument d’autorité, l’argument ad hominem et l’attaque ad personam, 135 – 3.2. Les opposants à l’euro et l’argument d’autorité, 138 – 3.3. L’appel à l’autorité chez les partisans de l’euro : Victor Hugo, Napoléon et les « pères européens, 141 – 3.4. L’appel à l’autorité dans le débat actuel sur l’euro, 151 – 3.5. F. Mitterrand, J. Chirac et L. Jospin : « traîtres » dans le discours de J.M. Le Pen, 153 –3.6. La réfutation ad hominem et l’attaque ad personam dans le débat actuel contre l’euro, 160 – Remarques conclusives, 163

165 Chapitre IV

Le pathos et l’expression de la quantification IV

4.1. Le rôle des chiffres et des nombres comme argument dans le discours politico-économique sur l’euro, 166 – 4.1.1. La construction de la confiance, 166 – 4.2. L’argumentation de la quantification, 168 – 4.3 L’appel aux émo-tions, le pathos, 169 – 4.4. Des millions d’Européens et la monnaie unique : divergences entre partisans et opposants, 171 – 4.4.1. Les partisans de l’euro, 173 – 4.4.2. Les détracteurs de l’euro, 179 – 4.5 La quantification dans le débat actuel contre l’euro 181 – Remarques conclusives, 183

185 Conclusions

1. Les constantes argumentatives du discours sur l’euro, 185 – 2. La mise en perspective du débat sur l’euro, 189

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13

Préface

Dominique Ducard 1

L’étude que nous propose Silvia Modena est une reprise de sa thèse, soutenue en 2012 à l’Université de Brescia, que j’ai eu plaisir à diriger, dans le cadre d’une cotutelle entre Brescia et Paris Est, avec Jean-Paul Dufiet, et dont le titre était Le débat institutionnel français lors du passage à l’euro : 1998-2002. Analyse du discours et argumentation. Elle n’en est pas une simple adaptation au nouveau format éditorial mais un rema-niement qui vise à en faire un ouvrage didactique pour l’analyse des débats publics et des controverses, de la définition de l’objet à l’interprétation du débat, de ses conditions et de ses enjeux, en passant par l’exposé de la méthode d’analyse de dis-cours argumentatifs et de sa mise en œuvre. Nous suivrons Sil-via Modena dans ses développements successifs pour souligner les principaux éléments de l’analyse et de la méthodologie, et en montrer l’intérêt pour les lecteurs et lectrices.

Dans un premier temps, Silvia Modena nous introduit à son étude en expliquant la démarche qui a été suivie pour constituer un corpus de référence d’où est tiré le corpus d’étude, à partir d’une sélection des locuteurs majeurs, « institutionnels » et lea-ders de partis, représentatifs du débat politique instauré par la décision du changement de l’unité de compt e et d’échange dans le processus de constitution d’une Europe monétaire, débat lui-même constitutif de l’euro en tant qu’objet discursif sur une

1 Dominique Ducard est professeur en Sciences du langage à l'Université Paris-Est

Créteil et codirecteur du CEDITEC (Centre d'Etude des Discours, Images, Textes, Ecrits et Communication). Ses travaux portent sur l'activité de langage dans l'exercice de la parole et du discours, dans la perspective d'une théorie de l'énonciation.

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scène d’énonciation agonistique. L’explicitation des choix mé-thodologiques et des contraintes imposées par l’instrumentation lexicométrique de l’analyse du corpus met bien en évidence que la technique n’est pas neutre et que, sans remettre en cause la fiabilité des résultats de cette analyse, non seulement celle-ci est conditionnée par les tâches de préparation et de transforma-tion du texte mais que les modes d’investigatransforma-tion automatique comportent, en fonction des gestes du chercheur, une part d’interprétation.

L’analyse, qu’elle soit « manuelle » ou automatique, re-quiert, ne serait-ce que pour la classification des acteurs-locuteurs, une documentation historique et sociopolitique sur l’affrontement idéologique autour de la question de la monnaie unique. Elle ne doit pas imposer une grille de lecture à l’analyse des discours mais elle permet de contextualiser et de situer les positionnements et les argumentations. La contextualisation commence par la périodisation qui limite le corpus et le par-cours sommaire de la vie politique et économique nous permet d’avoir des repères déterminants dans le déroulement du débat. Une étude empirique, quelle qu’elle soit, repose sur un travail de collecte, d’extraction et de traitement de données, ici tex-tuelles, et sur la construction d’observables. Les observables sont tributaires du cadre théorique et opératoire adopté par le chercheur. C’est ainsi que sont convoqués les concepts d’objet discursif, de mémoire discursive et d’événement discursif, pré-sentés de façon succincte et claire. Tout comme sont prépré-sentés les références nécessaires aux notions issus des théories de l’argumentation, de la rhétorique à la logique et à la pragma-tique, du discours au mot, pour bien comprendre la nature des échanges à visée persuasive, ancrés dans un dialogisme conflic-tuel.

Comme le dit parfaitement Silvia Modena : « La création et l’usage d’énoncés construisant un discours sur la monnaie unique signifient donc comprendre le contexte dans lequel ils ont été produits. S’inscrire dans la conception d’une argumenta-tion qui se veut dialogique (et dialogale) assure également la restitution d’une dimension pragmatique à l’étude du discours

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Préface 15

persuasif. ». Consciente des limites de toute typologie au regard des énoncés produits en situation, l’auteure retient un nombre réduit de types d’arguments, en fonction de leur pertinence pour l’étude du débat. Plus généralement aussi pour leur intérêt dans le croisement entre analyse de discours et étude argumentative, sur lequel se fonde l’étude du débat sur l’euro.

Toutes ces considérations théoriques et méthodologiques, dont nous avons repris les grandes lignes, sont exposées de façon à la fois économe et efficace. Les principaux problèmes sont posés et nous pourrions aisément conseiller la seule lecture de cette partie préliminaire à l’analyse pour sa qualité propédeutique.

L’intérêt pédagogique de la démonstration se confirme dans l’analyse des mécanismes de l’argumentation. Silvia Modena montre comment les débatteurs recourt à des événements histo-riques remarquables (le Pont de la rivière Kwaï, le Saint Empire Romain germanique, le plan Marshall) pour en exhiber un trait d’analogie avec la situation de référence, en invitant le public à ti-rer les leçons du passé pour juger du présent ou de l’avenir. L’orientation argumentative dépend du point de vue exprimé et de ce que le lieu commun de la mémoire est chargé de porter au jour.

Contexte sociopolitique, situation économique, statut et po-sitionnement des énonciateurs, types de discours et genres tex-tuels, variété de publics, en présence ou visé, sont autant de pa-ramètres à mesurer pour comprendre la valeur et la force argu-mentatives des formulations. Les exemples de comparaisons et métaphores utilisées par les instances de représentation des ins-titutions bancaires que Silvia Modena examine sont ainsi placés dans cette perspective d’étude plurielle. La distinction entre ins-titution du discours et discours insins-titutionnel, dans son rapport à la norme, la légitimité et l’autorité, en lien avec la question de la crédibilité et de la véracité de la parole, éclaire pertinemment le propos. Ce sont autant d’aspects essentiels en référence à un « objet » porteur des valeurs, imaginaires et symboliques, de la confiance : la monnaie fiduciaire.

Le recouvrement d’un domaine notionnel par un autre dans l’analogie comparative et métaphorique permet le déploiement d’un monde figuratif dans lequel l’auditoire, face à des

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considé-rations techniques et conceptuels complexes, peut se retrouver. C’est le cas du domaine sportif et du domaine de la vie, fré-quemment choisis par les économistes. Quant à l’analogie entre le système monétaire et le système de la langue, elle est ancrée dans la conscience, pour des raisons anthropologiques liées aux règles de l’échange dans la communication interhumaine, à dif-férents niveaux. Les études sur le sujet sont nombreuses. Rap-pelons que Saussure a développé sa réflexion sur l’unité, l’identité, la valeur et le changement linguistiques sur la base de ce rapport proportionnel du signe avec la monnaie, ce même rapport, inversé, est présent pour envisager les transformations induites par le passage d’une langue-monnaie à une autre.

La compréhension des enjeux de ce changement en passe par une définition adéquate en réponse à la question « qu’est-ce que l’euro ? ». L’orientation de la réponse, selon que l’on est partisan ou opposant, se fait par des opérations d’identification et de qualification qui construisent une image de la mutation monétaire, favorable ou défavorable, heureuse ou malheureuse dans les effets escomptés. C’est ce qui est mis en évidence dans les définitions qui font de l’euro un instrument et un garant de la paix entre les nations, contre ceux qui déclarent la défaite de la démocratie et annoncent la perte de la souveraineté. Que la définition prenne la forme du slogan, ainsi que le signale l’auteure, est conforme à l’adhésion qui est recherchée. Qu’elle joue sur le pathos, dans la forme comme dans le contenu, in-dique bien qu’il s’agit de susciter ou l’espoir ou la crainte. Les images frappantes, concentrées dans des formules, jouent leur rôle d’évocation et de mémorisation dans un discours qui se doit aussi d’enchaîner des explications.

Comme nous l’avons déjà indiqué la question de la con-fiance (fiducie) est au cœur du débat, la valeur inhérente de la monnaie étant fondée sur la confiance que les acteurs écono-miques (consommateurs, producteurs, épargnants et investis-seurs) lui accordent dans la régulation des flux et des échanges. La métaphore économique s’en trouve d’autant plus aisée à filer quand il s’agit du discours des locuteurs qui doivent répondre, en situation d’incertitude, aux interrogations qui ébranlent cette

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Préface 17

confiance. Pour cela ils comptent sur le crédit que leur accor-dent l’auditoire, qui dépend d’une part du capital acquis en autorité (expertise, compétences, connaissances, expérience), d’autre part de la mise qui est placée dans la parole. Cette situa-tion est analogue à une relasitua-tion entre débiteurs et créanciers. Elle est traitée par Silvia Modena, comme il se doit dans la tra-dition rhétorique et en analyse du discours, en termes d’éthos, préalable et discursif. Cette construction d’une image discursive digne de confiance s’appuie sur des garants et des garanties, mais il y faut aussi des marques d’engagement du locuteur, qui doit s’affirmer.

C’est cet engagement même que le discours remet en cause quand il s’agit de discréditer son opposant, allant jusqu’à le dis-qualifier par des arguments ad hominem ou ad personam. Les attaques que se lancent les débatteurs, dans la joute verbale, si elles ciblent bien les propos, repris selon un point de vue orien-té, et directement les personnes, participent par ailleurs à l’ethos qu’ils donnent à voir. En ce sens elles confortent l’auditoire du même camp sans nécessairement persuader les indécis.

Nous n’avons pas encore précisé que l’étude de Silvia Modena fait d’utiles et judicieux rapprochements entre le débat analysé et l’actualité de la scène politique, où la confrontation se rejoue, souvent selon des modalités argumentatives simi-laires, parfois en reprenant les mêmes arguments. C’est le cas dans les débats récents où les propos et la personne même des responsables de la politique européenne sont pour ainsi dire dé-valués ou rabaissés par ceux qui en appellent à un tournant de cette politique ou à une sortie de l’euro.

Dans la partie consacrée au pathos lié à la quantification, dans un contexte d’élargissement de l’euro, il apparaît bien que celui-ci doit être vu, pour les partisans, comme un facteur d’union, alors que les opposants proclament la désunion. Chance pour les uns, danger pour les autres, le grand nombre peut être une preuve à double orientation. Silvia Modena s’intéresse à la composante émotionnelle des discours qui ma-nient cette constante. Le pathos comme dimension constitutive du discours à visée persuasive a fait l’objet de nombreux

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tra-vaux, dans la tradition de la rhétorique ou dans la perspective pragmatique de l’analyse du discours, et l’auteure en mentionne quelques-uns. Toute représentation est liée à un affect, gra-duable, et tout discours, dans la construction de ces représenta-tions, comprend des marqueurs d’affects, à différents niveaux de l’analyse linguistique. Il n’est pas étonnant que le débat sur l’euro mobilise les deux affects complémentaires que sont la peur et la confiance. Si les arguments techniques et écono-miques ne sont vraiment estimables que par une faible partie de l’auditoire, la valeur de la quantité, en termes d’ampleur et d’expansion du nouveau marché monétaire, joue pleinement son rôle d’entraînement.

Dans les conclusions qu’elle tire de son étude Silvia Modena récapitule les éléments qui ont caractérisé le débat sur l’euro, avant et depuis son entrée en application, en mettant en avant la continuité des modes d’argumentation. Si ce débat est un très bon cas d’étude argumentative c’est qu’il manifeste de façon exemplaire un conflit aux positions antagonistes marquées par le renvoi des unes aux autres de ces positions. C’est ce qui per-met à l’auteure de justifier sa démarche et d’affirmer sa « vision dialoguée du débat ». Il est aussi exemplaire, comme nous l’avons déjà dit, car son objet – la monnaie – représente, de par sa nature et sa fonction dans les sociétés humaines, l’enjeu même de tout débat contradictoire cherchant, pour chaque par-tie, a emporté une adhésion qui repose sur la croyance en la confiance.

La lecture de l’ouvrage de Silvia Modena répondra aussi bien aux attentes du lecteur ou de la lectrice intéressé-e par l’analyse d’un débat public à forte charge symbolique et tou-jours d’actualité qu’aux attentes du ou de la chercheur-e, débu-tant-e ou confirmé-e, qui y trouvera, parfaitement exposée dans une application, une méthode pour l’étude argumentative en analyse du discours. L’exposé didactique est ici présent mais en contexte et en situation, la démarche s’éclairant dans sa mise en œuvre.

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Introduction

A. Objet : analyse des argumentations mobilisées lors du débat sur l’euro en France (1998-2002) en lien avec l’actuelle mise en doute de la tenue économique et poli-tique de l’UE

La crise des subprimes entre 2007 et 2009 et la crise de la dette souveraine en zone euro entre 2010 et 2011 ont fortement affai-bli la tenue financière et économique de l’Union Européenne (UE). Les unes des journaux ne font que reporter des nouvelles concernant une UE touchée de façon continuelle par des affai-blissements financiers, économiques et politiques nourrissant des critiques sur son maintien. Ces défaillances cachent, selon le point de vue des eurosceptiques européens, une faiblesse de fond représentée par le manque d’un projet politique unitaire conçu par les institutions de l’UE et partagé avec ses pays membres.

Or, le débat actuel contre l’UE et contre sa monnaie unique, qui s’est manifesté dernièrement par le référendum anglais « Brexit » de juin 2016 comportant la future sortie du Royaume-Uni de l’UE, plonge, selon notre point de vue, ses ra-cines discursives dans une période précise de la construction monétaire : les années du passage à l’euro, entre 1998 et 2002. Du point de vue de l’histoire économique, l’euro n’est pas le premier changement monétaire ni même la première tentative de création d’une monnaie unique.

En effet, les Français avaient déjà vécu un autre changement monétaire, celui du passage au nouveau franc1. Si le change-ment monétaire du nouveau franc a eu une retombée

unique-1 J. MARSEILLE (1997) « Quand l'Allemagne créait sa monnaie unique », Les

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ment à l’intérieur de l’Hexagone, l’Union économique et moné-taire (UEM) a eu un tout autre poids. Bien avant l’euro, l’Europe a connu d’autres tentatives et expériences d’union monétaire2. Or, l’euro est une monnaie unique très particulière : succédant à l’écu qui n’a été qu’un panier de valeurs, l’euro re-présente, au contraire, une monnaie qui a cours et qui a été ap-pelée à remplacer concrètement les monnaies nationales des pays qui l’ont adoptée. En tant que monnaie « à part entière » et en tenant également lieu de symbole de la situation économique et du rang de la nation émettrice, l’euro a dû condenser des si-tuations économiques très différentes et parfois très déséquili-brées entre elles3.

Ainsi, la construction de l’Europe monétaire vise, depuis des décennies, à fédérer des États par le fait de « battre monnaie » unique. Mais l’UE a dû trancher plusieurs nœuds pour essayer de passer d’une union monétaire à une union politique. Ces questions intéressent encore aujourd’hui la tenue politique et économique de l’UE et miroitent au sein du débat actuel contre l’euro et l’UE : de la perte de la souveraineté monétaire et bud-gétaire des États membres à la suprématie de l’aspect « moné-taire » par rapport aux autres sphères de la vie publique, des dé-cisions de la Banque centrale Européenne (BCE) aux retombées (économiques et culturelles) que la monnaie unique a eues dans la vie des citoyens européens.

Nous situons donc notre analyse dans ce que M. Ouraoui (2008) a défini comme la « période de l’unification » de l’histoire de la construction européenne. Jusqu’avant l’arrivée de l’euro, les monnaies européennes s’étaient livrées à une

véri-2 Trois unions monétaires ont réussi, en Suisse (1798), en Allemagne (1875) et en

Belgique (1921) ; deux autres ont échoué, en Scandinavie (1873) et dans l’Union Moné-taire Latine (1865 - 1927).

3 Lors du passage à l’euro beaucoup d’académiciens ont exprimé des doutes

con-cernant la mise en place de la monnaie unique ; J. MAZIER, par exemple, professeur à l'université de Paris XIII et directeur du Centre d'études des dynamiques internationales (Cédi) a souligné dans l’article « Une union monétaire n'est pas viable avec des pays aux économies trop hétérogènes » ses propres perplexités dans La Tribune, le 1er juillet

1997. L’auteur mettait l'accent sur les critères de convergence du traité de Maastricht qui « devraient » garantir la formation d'une union monétaire stable.

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Introduction 21

table guerre des changes. Le franc, par exemple, était en train de subir des dévaluations par rapport au mark allemand et la lire italienne bénéficiait de la mise en place de dévaluations compé-titives : les monnaies nationales étaient donc un élément de ten-sion entre les États européens. Quant au mark, après la réunifi-cation de l’Allemagne, la préoccupation de F. Mitterrand5 était d’éviter une Allemagne démographiquement et économique-ment puissante pouvant abandonner l’Europe occidentale pour l’Europe orientale.

Cette période a représenté le berceau des espoirs tout comme des angoisses par rapport à l’unification monétaire eu-ropéenne : la tension existant entre, d’une part, les partisans d’une Europe à unifier et, de l’autre, les détracteurs invoquant le retour aux monnaies nationales, perdure aujourd’hui dans le discours des partis eurosceptiques.

Cet ouvrage se propose donc d’analyser les argumentations mises en avant pendant cette période en « écoutant » les échos que ces stratégies polémiques ont au sein du débat actuel contre l’euro et, indirectement, contre l’UE. En d’autres termes, la mise en perspective des attaques menées (il y a presque vingt ans) permet de souligner la récursivité des thématiques abor-dées contre l’euro dans le débat politique eurosceptique actuel.

1.   Corpus : les données textuelles et l’apport des études en lexicométrie

Le corpus définit l'objet de recherche qui ne lui préexiste pas. Le point de vue que nous avons adopté pendant sa constitution le construit de fait. Ainsi, à partir d'une problématique précise, les éléments du corpus ont formé un ensemble. Mais les conclu-sions que l’on peut tirer de cet ensemble ne pourront être inter-prétées que si l'on pose, de façon explicite, des conditions sur la nature des données analysées. Autrement dit, pour interpréter

5 Nous renvoyons à l’ouvrage de H.VEDRINE (2003), Face à l’hyperpuissance.

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les données il faudra les extraire du corpus au moyen de con-cepts descriptifs.

Ces concepts peuvent être lus comme la possibilité même d’instaurer un ensemble de textes en corpus. Cette démarche souligne ainsi l’importance des conditions socio-historiques dans lesquelles le chercheur travaille. Elles peuvent effective-ment être déterminantes pour l'analyse des données en tant qu’élément participant à l’instauration du corpus même.

Si l’on remonte aux premières analyses sur corpus, les études étaient concentrées autour de textes choisis pour stigma-tiser des contrastes5. Ainsi, la construction d’un corpus était pratiquée à la recherche d’un mot-pivot censé confirmer tel ou tel découpage idéologique du corpus. Vers la fin des années 1960, J. Dubois6, sous l’impulsion du distributionnaliste Z. Har-ris7, envisageait le corpus comme un ensemble de phrases con-tenant tel ou tel mot pivot8. Le « discours politique » de l’époque, incarné par les événements de mai 1968, était par conséquent englobé dans un ensemble paradigmatique de phrases contenant des mots-pivots. Beaucoup d’autres travaux proposaient une sélection des termes reposant explicitement sur un savoir historique préalable9. Bien que la notion de « forma-tion discursive » héritait encore de cette tradiforma-tion taxinomique, c’est en proposant le concept d’« interdiscours10 » que M. Pê-cheux lance une approche plus dialectique. Le fait qu’un corpus ne soit pas seulement fait par les discours qui le composent

nu-5 F.M

AZIERE (2005), L’analyse du discours, PUF, Paris.

6 J.DUBOIS (1969). « Lexicologie et analyse d’énoncé », Cahiers de lexicologie, 2,

p. 115-126.

7 Z.HARRIS (1952). « Discourse analysis », Language, 28 (Traduit dans Langages

n° 13 de 1969 – p. 8-45.)

8 J.GUILHAUMOU (2002), « Le corpus en analyse de discours : perspective

histo-rique », Corpus, 1.

9 D.M

ALDIDIER et R.ROBIN ont travaillé sur les “Remontrances parlementaires face aux Edits de Turgot de 1776”. Leur corpus avait été constitué autour de mots-pivots comme liberté et règlement. Pour cette étude nous renvoyons à D. MALDIDIER et R. ROBIN (1974), « Polémique idéologique et affrontement discursif en 1776 ». In R. Robin (éd.), Langage et idéologies. Le discours comme objet de l’histoire, Editions ou-vrières, Paris, p. 13-80.

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Introduction 23

mériquement mais aussi par tous les renvois de l’interdiscours signifie « écouter » les alliances et les affrontements présents dans sa matérialité. Ce bref retour sur l’histoire des analyses sur corpus (au tout début de l’analyse du discours en France) per-met alors de comprendre la nécessité mais également les limites de l’interprétation. C’est justement à l’écoute de ces richesses et des positionnements sur ce champ que nous concevons notre corpus.

Pour expliquer la démarche que nous avons suivie, il faut procéder par étapes. La constitution d’un corpus, réuni en fonc-tion d’objectifs de recherche précis, procède en suivant des étapes qui distinguent des « carottages » en succession. Pour décrire ces étapes nous utiliserons les classifications de F. Ras-tier11 et B. Pincemin12.

1.2.   Le recueil des données

Nous avons parcouru les étapes de la construction de l’événement nommé « passage à l’euro » en mobilisant la no-tion de « moment discursif » (S. Moirand13) et d’« objet de dis-cours» (F. Sitri14). Cette exploration est destinée à expliquer la primauté du discours au moment de la naissance, du lancement et de la mise en place de la monnaie unique. La première étape de la constitution d’un corpus doit donc faire face à un moment de grande production discursive. Les données réunies peuvent être mises dans une « archive » qui, selon F. Rastier (2004), « contient l’ensemble des documents accessibles ». Il ne s’agit

11 F.RASTIER (2004), « Enjeux épistémologiques de la linguistique de corpus »,

Texto ! [en ligne], juin 2004. Rubrique Dits et inédits. Disponible sur : http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Enjeux.html (consulté le 7 février 2018).

12 F.RASTIER etB.PINCEMIN (2000), « Des genres à l’intertexte », Cahiers de

praxématique, 33, p. 83-111.

13 S.MOIRAND (2007), Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser,

comprendre, Coll. Linguistique Nouvelle, PUF, Paris.

14 F.SITRI (2003), L’objet du débat. La construction des objets de discours dans des

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donc pas d’un corpus car sa constitution n’a pas été déterminée en vue d’une problématique. L’archive se caractérise par une hétérogénéité multiforme faite de genres discursifs différents (interviews, tribunes dans la presse, conférences de presse, dé-clarations, etc.). Cette étape présente ainsi les textes auxquels on peut avoir accès, dont on peut disposer. C’est généralement une masse « informe », non systématique, mal définie, aux con-tours incertains. On l’appelle également corpus « latent ».

En partant d’un nombre de productions discursives illimité ou presque, nous avons utilisé différentes sources en ligne afin de télécharger la totalité des discours que les locuteurs choisis avaient prononcés pendant la période 1998-2002. Ces discours ont été tous transformés en textes (format « .rtf ») pour être soumis à investigation lexicale. Chaque discours a été nommé en gardant le nom de famille du locuteur, l’année, le mois et le jour du discours (par exemple, « J. Chirac, 6 janvier 1998 »).

Ce premier balisage a permis la création de fichiers nomina-tifs qui ont subi, successivement, des précisions au fur et à me-sure du traitement du corpus. Le corpus de référence contient ainsi l’ensemble des discours sur l’euro prononcés par les locu-teurs sélectionnés. Ce corpus fournit l’univers dans lequel chaque élément trouve sa valeur en fixant ainsi le point de vue de l’étude.

Le corpus d’étude est délimité par les besoins de l’application. Pour construire ce type de corpus, nous avons soumis tous les discours du corpus de référence à un tri lexical organisé par quatre mots-clés : « passage », « euro », « mon-naie », « franc ». Les discours qui présentaient au moins un de ces mots-clés ont été retenus comme étant pertinents par rapport à notre recherche sur le passage à l’euro. Parmi ces discours, on retrouve des allocutions centrées sur la thématique « euro », d’autres qui la côtoient seulement. Nous avons choisi de garder les deux typologies de discours, étant entendu que la valeur

(25)

Introduction 25

d’un argument n’est pas évaluable uniquement par sa fré-quence15.

Nous avons ensuite reconstruit les positionnements poli-tiques des locuteurs par rapport à la monnaie unique. En partant du référendum pour le Traité de Maastricht (1992) jusqu’au ré-férendum sur le Traité de la Constitution européenne (2005), le corpus d’étude a donné lieu à un double classement. Ce classe-ment a été établi à partir des positionneclasse-ments « pour » ou « contre » l’euro et correspond à celui qui classifierait les parti-sans et les opposants des référendums de 1992 et de 2005.16 Ces discours ont été ensuite balisés pour permettre des parcours de lecture croisés17.

Selon les phases de l’étude, le chercheur peut utiliser des sous-corpus de travail qui ne contiennent que des passages per-tinents à l’analyse visée. Les séquences recueillies autour de ca-tégories descriptives spécifiques permettent de voir des phéno-mènes intéressants à la fois pour l’analyse du discours et pour les stratégies argumentatives. Les réitérations et les reformula-tions présentes dans un texte peuvent ouvrir de nouvelles pistes de recherche ou donner des éléments de support à une hypo-thèse déjà existante. L’analyse automatique, avec le logiciel de statistique textuelle Lexico3, nous a permis de constituer des sous-corpus. Par exemple, un sous-corpus a été créé pour traiter la question « euro » pendant l’élection présidentielle de 2002.

15 D’un point de vue quantitatif, nous avons obtenu un corpus informatisé qui

compte 901334 nombre des occurrences, 31228 nombre des formes et 46069 de fré-quence maximale. 13389 est le nombre des hapax.

16 Les partis politiques qui ont fait campagne pour le « non » au référendum de

1992 et de 2005 sont les mêmes qui combattent le passage à la monnaie unique, à sa-voir : le Front National (FN), Lutte Ouvrière (LO), Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), Rassemblement pour la France (RPF), Mouvement pour la France (MPF) et le Parti Communiste Français (PCF). De même, les partisans de l’euro sont les mêmes qui ont fait campagne pour le « oui » en 1992 et 2005 (Union pour un mouvement Popu-laire - UMP, le Parti Socialiste - PS, l’Union Démocratique Française - UDF, les Verts).

17 Les balises que nous avons utilisées pour « interroger » notre corpus à travers la

lexicométrie sont les suivantes : « locuteur » (par exemple, <locuteur=Trichet>, « an-née » (par exemple, <anan-née=1998>) et « discours » (par exemple, <dis-cours=1_1998_Trichet>).

(26)

Pour chaque locuteur, nous avons choisi les discours lesplus représentatifs de sa campagne électorale afin de repérer la mo-bilisation du sujet « euro ». Voici les genres de discours asso-ciés au sous-corpus de l’élection présidentielle de 2002 : pré-sentation de vœux à la presse, réunion des comités directeurs, annonce de candidature dans des communiqués de presse, con-férence de presse, synthèses des engagements électoraux, pro-fession de foi, discours électoral (ex. 1er mai pour le FN), anni-versaire de Parti, déclaration sur le programme, interviews, programme, meeting de campagne, congrès de parti, journée d’automne (CAP21).

Pour ce qui concerne la représentativité, dans la constitution de notre corpus nous avons cherché une ouverture vers d’autres corpus parallèles. À ce sujet, nous avons utilisé des corpus pa-rallèles pour répondre à des exigences d’exhaustivité. Premiè-rement, nous avons archivé les allocutions de Willem Duisen-berg18, Président de la Banque Centrale Européenne (BCE) au moment du passage à l’euro. Ensuite, divers documents offi-ciels liés à la constitution de l’Europe monétaire comme le « Plan Werner », les conclusions du Conseil européen de Ma-drid, le traité de Maastricht ou le Conseil Ecofin de 1998, cons-tituent un autre « bassin discursif » dans lequel nous avons abondamment puisé. Les bulletins19 de la Banque de France, certains documents de l’Assemblée nationale20 et de la Docu-mentation française ont fait aussi l’objet d’un travail d’analyse. L’approche à la base de notre corpus revendique donc un rap-port étroit avec les données réelles qui le composent. Autrement

18 Quant au Président de la BCE de 1998 à 2003 W. Duisenberg, nous avons

télé-chargé 140 discours, dont seulement cinq en langue française. Nous avons également téléchargé les discours que J.C. Trichet a prononcés pendant son mandat de président à la BCE. Bien que situés au-delà de la période qui nous intéresse, ils représentent un corpus parallèle important. J.C. Trichet a prononcé, de 2003 à 2009, 264 discours, dont seulement 29 en français.

19 La Banque de France donne accès à une synthèse de son enquête mensuelle de

conjoncture, à son dernier rapport annuel et à plusieurs autres documents officiels dont les bulletins. Nous en avons classé treize.

20 Nous avons téléchargé les tables analytiques et nominatives des débats de

l’Assemblée nationale de 1997 à 2002, ainsi que quelques propositions de résolutions sur la monnaie unique.

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Introduction 21

table guerre des changes. Le franc, par exemple, était en train de subir des dévaluations par rapport au mark allemand et la lire italienne bénéficiait de la mise en place de dévaluations compé-titives : les monnaies nationales étaient donc un élément de ten-sion entre les États européens. Quant au mark, après la réunifi-cation de l’Allemagne, la préoccupation de F. Mitterrand5 était d’éviter une Allemagne démographiquement et économique-ment puissante pouvant abandonner l’Europe occidentale pour l’Europe orientale.

Cette période a représenté le berceau des espoirs tout comme des angoisses par rapport à l’unification monétaire eu-ropéenne : la tension existant entre, d’une part, les partisans d’une Europe à unifier et, de l’autre, les détracteurs invoquant le retour aux monnaies nationales, perdure aujourd’hui dans le discours des partis eurosceptiques.

Cet ouvrage se propose donc d’analyser les argumentations mises en avant pendant cette période en « écoutant » les échos que ces stratégies polémiques ont au sein du débat actuel contre l’euro et, indirectement, contre l’UE. En d’autres termes, la mise en perspective des attaques menées (il y a presque vingt ans) permet de souligner la récursivité des thématiques abor-dées contre l’euro dans le débat politique eurosceptique actuel.

1.   Corpus : les données textuelles et l’apport des études en lexicométrie

Le corpus définit l'objet de recherche qui ne lui préexiste pas. Le point de vue que nous avons adopté pendant sa constitution le construit de fait. Ainsi, à partir d'une problématique précise, les éléments du corpus ont formé un ensemble. Mais les conclu-sions que l’on peut tirer de cet ensemble ne pourront être inter-prétées que si l'on pose, de façon explicite, des conditions sur la nature des données analysées. Autrement dit, pour interpréter

5 Nous renvoyons à l’ouvrage de H.VEDRINE (2003), Face à l’hyperpuissance.

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n’est jamais le résultat d’une seule source énonciative et, parmi les facteurs d’hétérogénéité, on accorde souvent un rôle privilé-gié à la présence de discours « autres ». Par conséquent, la question des « frontières » du corpus reste ouverte.

Selon G. Cislaru et F. Sitri21, les textes d’un corpus devien-nent interprétables à condition que le lecteur prenne en compte le cadre institutionnel dans lequel ils sont produits et les con-traintes discursives et institutionnelles qui leur sont imposées. Par conséquent, la prise en compte du contexte, associée à la possibilité matérielle de rassembler de grandes masses tex-tuelles, induit à un questionnement sur le corpus et son traite-ment.

Compte tenu du fait que le passage à l’euro a été traité en tant qu’objet de discours et de débat qui circule et se transforme d’un positionnement politique à l’autre, l’exploitation d’un outil d’investigation lexicale était nécessaire. L’automatisation de la recherche a soulevé ainsi des questions cruciales pour l’analyse du discours, comme celles liées à l’interprétation contextuelle des formes repérées et à l’impact de l’outil sur l’objet d’analyse.

Selon P. Charaudeau (dans son article « Dis-moi quel est ton corpus, je te dirai quelle est ta problématique »22), le pro-blème du choix de l'outil de traitement des données est central. Les différentes façons de traiter les données vont du dépouil-lement manuel au traitement informatique à l'aide de logiciels ad hoc jusqu’à la constitution d'échantillons à partir de bases de données. Si le corpus n'est pas l'outil de la recherche mais son objet, alors son mode de traitement se révèle central. Pour P. Fiala23,

21 G.CISLARU etF.SITRI (2009), « Texte et discours. Corpus, co-texte et analyse

automatique du point de vue de l’analyse de discours », Corpus, 8, p. 85-104.

22 P.CHARAUDEAU (2009), « Dis-moi quel est ton corpus, je te dirai quelle est ta

problématique », Corpus, 8, p. 37-66 (« Corpus de textes, textes en corpus »).

23 P.FIALA (1994), « L'interprétation en lexicométrie. Une approche quantitative

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Introduction 29

le recueil des données s'apparente aux échantillonnages pratiqués dans les enquêtes sociolinguistiques. Il repose sur des critères de représen-tativité mais surtout d'homogénéité énonciative et thématique. La comparaison automatique impose un calibrage des données textuelles écrites ou transcrites, une normalisation de la ponctuation et des gra-phies. La validation des hypothèses externes nécessite de constituer des corpus homogènes quant à leurs conditions d'énonciation, leur unité thématique, mais présentant des variations susceptibles d'être ramenées à des variables simples, neutralisables en fonction d'un choix d'hypothèses de recherche : variations diachroniques, variations des énonciateurs, des types de discours, ou des divisions internes aux textes (P. Fiala, 1994 : 115).

En ce qui concerne la démarche préparatoire à l’exploitation d’un corpus informatisé, après la saisie du corpus, il faut pren-dre en compte son balisage. Selon J.M. Viprey

le balisage des corpus, tout comme le choix des formes linguistiques dont on observe les cooccurrences, relève déjà d’une opération inter-prétative.24

Le choix du découpage de la chaîne textuelle en « unités » étudiables représente donc la première étape pour mettre en place des comparaisons quantitatives. Ensuite, les textes consti-tuant le corpus sont transformés en un tableau lexical complet qui contient toutes les formes, leur fréquence totale et leur ré-partition dans les différentes parties du corpus. Ce tableau ex-haustif sert de point de départ à la mesure et à la comparaison statistique des fréquences. Dans un entretien avec P. Schepens, P. Fiala explique les défis épistémologiques que la lexicométrie pose aux recherches en analyse du discours. Voici un extrait qui propose les étapes d’une investigation lexicale automatisée :

pour envisager d’analyser les propriétés langagières, formelles et sé-mantiques, d’un événement historique, politique ou social à l’aide de méthodes quantitatives, il importe de construire des hypothèses per-mettant d’échantillonner convenablement des corpus textuels, de les étiqueter efficacement, de choisir la méthodologie et les expériences

24 J.M.VIPREY (2006). « Quelle place pour les sciences des textes dans l’Analyse

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idoines pour qu’un traitement automatisé puisse fournir des résultats fiables, interprétables, originaux, susceptibles de remonter des pro-ductions textuelles aux pratiques langagières, des données statiques, contrastives aux transformations et aux ruptures événementielles. La démarche présuppose naturellement d’une part la mise au point des protocoles d’identification, de fiabilisation philologique, de gestion des données numériques, mais aussi la connaissance approfondie des textes et la maîtrise critique des savoirs développés sur le terrain ob-servé (P. Fiala, 2006).25

De ce point de vue technique, les analyses lexicométriques prennent pour base de travail le lexique du corpus étudié sous forme de tableau lexical. Ce dernier calcule les décomptes, dans chacune des parties du corpus, des occurrences de chacune des formes graphiques. Sur l'axe chronologique, l'étude de la répar-tition et de la variation de ces formes peut donc permettre de repérer des indices de fonctionnement discursif.

Les outils automatiques améliorent donc l’exploration des corpus volumineux, en donnant une vue en surplomb des faits lexicaux et textuels26.

De cette façon, la lexicométrie vise à caractériser un en-semble discursif (souvent un positionnement) par rapport à d’autres appartenant au même espace grâce à l’élaboration in-formatique de réseaux quantifiés de relations significatives entre ses unités. De nombreux travaux ont utilisé la lexicomé-trie, surtout dans l’analyse de certains discours politiques27. Elle

25 P.F

IALA (2006), « L’analyse de discours, mesures à l’appui », Semen, 21, [En ligne].

26 Grâce, par exemple, aux dictionnaires de fréquences, aux listes de segments

répé-tés, aux fréquences relatives, aux cooccurrences et aux contextes élargis de formes pré-sélectionnées.

27 Nous renvoyons à trois auteurs : P.FIALA (2007), « L’analyse du discours

poli-tique : analyse de contenu, statispoli-tique lexicale, approche sémantico-énonciative », dans S.BONNAFOUS etM.TEMMAR (eds), Analyse du discours et sciences humaines et so-ciales , Ophrys, (p.73-90). J.M. LEBLANC (2005), «Positionnements énonciatifs dans les vœux Présidentiels sous la cinquième République. Analyse des marques personnelles par les méthodes de cooccurrence », Corpus, 4. J.M.LEBLANC (2017), Analyse lexico-métrique des vœux présidentiels, ISTE éditions, Londres. D. MAYAFFE (2004), Paroles de président : Jacques Chirac. 1995-2003 et le discours présidentiel sous la Ve Répu-blique, Champion, Paris.

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Introduction 31

permet effectivement d’établir des bases de données textuelles politiques et des démarches contrastives pour l'analyse de dis-cours.

Étant donné la multitude de discours composant notre cor-pus, nous avons choisi de construire un corpus de taille. Seul l’ordinateur est susceptible d’embrasser des discours aussi nombreux. Par l’emploi du logiciel Lexico 3, nous avons pu at-teindre la précision, la systématicité et l’exhaustivité utiles à toute analyse discursive et argumentative28. L’assistance infor-matique permet également d’approfondir les pistes interpréta-tives susceptibles de devenir des hypothèses de travail. La lec-ture et la « navigation » du corpus permettent de faire ressortir les traits sémantiques et leur degré d’utilisation. Les résultats de l’interprétation des données informatisées s’insèrent dans une dimension sociopolitique qui exprime son rapport à la conflic-tualité véhiculée par la langue. Cette dimension langagière, ac-cessible aux traitements informatisés quantitatifs, s’est révélée très importante pour l’étude du débat sur l’euro.

Enfin, le traitement statistique des propriétés lexico-sémantiques, énonciatives, argumentatives de données discur-sives est le cœur de cette pratique qui ne cesse de demander, aux analystes du discours qui l’utilisent, un « retour au texte » continu (P. Fiala, 2006).

2.   Locuteurs : les institutions et les partis politiques

Se pencher sur la question des genres du discours implique, presque automatiquement, un approfondissement des locuteurs du corpus étudié. Le nôtre est constitué par les discours qui ont été prononcés par différents locuteurs de la scène publique française. D’une part, nous avons regroupé ceux qui parlent au nom d’une institution publique française, de l’autre nous avons

28 Nous remercions Pierre Fiala et Jean-Marc Leblanc pour la formation doctorale

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classé les locuteurs associés par leur statut éminemment poli-tique.

Les locuteurs du premier groupe, que nous appellerons « institutionnels », occupaient les plus hautes charges de l’État français. Nous allons décrire, pour chacun d’entre eux, leur fonction au sein des institutions prises en examen et leur poids par rapport au lancement de la monnaie unique29.

Tout d’abord, le Président de la République française de l’époque, Jacques Chirac était à son deuxième mandat (1995-2002). Bien que réticent à la monnaie unique dans les années 199030, le Président annonça la dissolution de l'Assemblée na-tionale le 21 avril 1997. La raison de ce choix est motivée par le fait que :

D'importantes décisions seront prises au cours des tout prochains mois : le passage à la monnaie unique, indispensable si nous voulons nous affirmer comme une grande puissance économique et politique, avec un euro à l'égal du dollar et du yen.31

Suite aux élections de 1997, le Premier Ministre, de signe politique opposé, sera Lionel Jospin. Commence ainsi la troi-sième cohabitation pour le gouvernement français.

Le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie avait été également secoué par une direction triplée entre 1997 et 2002. En effet, il a été dirigé successivement par Dominique Strauss-Kahn, Christian Sautter et Laurent Fabius. De juin 1997 à novembre 1999, D. Strauss-Kahn a été Ministre de

l'écono-29 Tous les discours des locuteurs « institutionnels » ont été consultés et téléchargés

dans les sources Internet suivantes : les archives de la Documentation française, à l’intérieur de la section « Vie Publique » http://www.vie-publique.fr/discours/, de la Banque de France http://www.banque-france.fr/ et du Ministère de l’Economie, des Fi-nances et de l’Industrie http://www.economie.gouv.fr/.

30 Sur la position des gaullistes, dontse réclame souvent le Président Chirac, envers

la perte de la souveraineté monétaire, nous renvoyons à C.BALLEIX (1993), « Discours politique et intégration européenne : les gaullistes face au projet de banque centrale eu-ropéenne », Revue d’intégration Eueu-ropéenne, Conseil canadien des affaires euro-péennes, XVII, 1, p. 7-52.

31 Extrait du discours que J. Chirac a prononcé à l'Assemblée nationale le 21 avril

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Introduction 33

mie, des finances et de l'industrie. À ce titre, il a participé au lancement de l'euro sur les marchés financiers. L. Fabius, par contre, a été, le seul ministre des Finances de deux monnaies différentes, le franc et l’euro.

En sortant de l’apparat gouvernemental, nous avons étudié aussi les discours de Jean-Claude Trichet, Président de la Banque de je France à l’époque, dont le site Internet offre des mises à jour constantes sur la situation économique française et européenne. La renommée du gouverneur32 et son poids dans le passage à l’euro se manifestent par les charges qu’il a occupées quand il était membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne en 1998 et gouverneur suppléant du Fonds monétaire international (FMI) jusqu'en 2003. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le gouverneur de la Banque de France est nommé par décret du président de la République. Cette révision a complété l’article 13 de la Constitution instau-rant une nouvelle procédure de nomination.

Si les locuteurs « institutionnels », en raison de leurs fonc-tions publiques, plaident globalement pour l’euro de manière unanime, les locuteurs des partis politiques français occupent des positions opposées et représentent le second classement des locuteurs.

Les locuteurs qui occupent cette catégorie sont, en ordre al-phabétique : Michelle Alliot-Marie (Rassemblement Pour la République - RPR), François Bayrou (Union pour la Démocra-tie Française -UDF), Olivier Besancenot (Ligue Communiste Révolutionnaire - LCR), Christine Boutin (Forum des Républi-cains Sociaux), Jean-Pierre Chevènement (Mouvement des Ci-toyens MDC - Pôle Républicain), Philippe de Villiers (Mouve-ment Pour la France - MPF), Daniel Gluckstein (Parti des Tra-vailleurs - PdT), François Hollande (Parti Socialiste - PS),

Ro-32 Voici une liste non exhaustive des prix que le gouverneur Trichet a obtenus tout

au long de sa carrière : Prix « Policy-maker of the Year », The International Economy magazine (2007) - « Person of the Year », Financial Times (2007) - « European Banker of the Year 2007 » par The Group of 20 + 1 (2008) - « Central Banker of the Year » par The Banker (2008) - « Central Bank Governor of the Year » par Euromoney (2008), «Prix européen de la culture politique» (2010), «Prix Charlemagne» (2011).

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bert Hue (Parti Communiste Français - PCF), Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière - LO), Corinne Lepage (CAP21), Jean-Marie Le Pen (Front National - FN), Noël Mamère (Verts), Alain Ma-delin (Démocratie Libérale - DL), Bruno Mégret (Mouvement National Républicain - MNR), Charles Pasqua (Rassemblement Pour la France - RPF), Jean Saint-Josse (Chasse-Pêche-Nature-Traditions - CPNT), Philippe Séguin (Rassemblement Pour la République - RPR).

Les discours des locuteurs « politiques » ont été téléchargés depuis le Thesaurus de discours de la Documentation française (section « Vie publique ») mais également par les sites Internet de chaque formation politique. Les divisions politiques sur l’euro ont fait l’objet de nombreux articles produits par la presse française, notamment sur l’opposition entre le PS et le PC33 concernant l’introduction de la monnaie unique et le débat sur les critères de Maastricht.

Dans notre projet initial, nous avions envisagé de prendre en compte aussi le discours que les différents syndicats français avaient produit sur l’euro. Malheureusement, les sources en ligne et les archives qui collectent les discours des représentants des syndicats français présentaient des lacunes chronologiques très importantes. Cette partie du corpus risquait donc de « désé-quilibrer » le corpus restant qui est au contraire le fruit d’un long travail d’optimisation.

Avant de passer au classement des locuteurs par leur posi-tionnement envers l’euro, nous soulignons que les positionne-ments que nous avons reconstruits à partir du support ou du re-fus de la monnaie unique sont parfois « élastiques » et changent selon les conjonctures politiques. Cette réflexion a été élaborée à l’aide de divers ouvrages parmi lesquels on signale celui de F. Saint-Ouen34 sur le rapport existant entre les partis politiques français et l’Europe.

33J.P. GRATIEN (1997), « PS et PC défendront chacun leur programme », La

Tri-bune, (29/04/1997).

34F. SAINT-OUEN (1986), « Les partis politiques français et l’Europe : système

poli-tique et fonctionnement du discours », Revue française de science polipoli-tique, 36, 2, p. 205-226.

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Introduction 35

2.1.   Les défenseurs et les opposants

Les partis politiques qui ont fait campagne pour le « non » au référendum de 1992 et de 2005 sont les mêmes qui combat-tent le passage à la monnaie unique, à savoir : le FN, LO, LCR, le RPF, le MPF et le PC. De même, les partisans de l’euro sont les mêmes qui ont fait campagne pour le « oui » en 1992 et 2005 (UMP, PS, UDF, Verts).

Si le 2 juin 1992 les Danois rejettent le traité de Maastricht, le 21 septembre 1992 les Français l’acceptent. Le « oui » passe avec un pourcentage de 51,05% sur le « non ». Le « non » no-tamment de P. Seguin, P. De Villiers et J.-P. Chevènement portesur des argumentations que nous allons retrouver dans nos analyses sur l’euro. La technocratie bruxelloise, par exemple, est accusée d’accélérer la perte de l’identité nationale, l’ouverture aux produits du monde entier, le recul de la démo-cratie. La prééminence de l’Allemagne et de sa monnaie natio-nale reste ainsi au cœur de ce débat.

Comme pour les opposants au traité de Maastricht et ensuite à l’euro, les défenseurs du dessin monétaire unique représentent des positionnements politiques parfois opposés, comme c’était le cas pour P. Beregovoy35 et F. Leotard36 ou encore V. G. D’estaing et E. Guigou.

Les frontières de ce débat sont donc politiquement brouil-lées. On ne peut pas opposer la « droite » à la « gauche », au gouvernement comme dans l'opposition. Il existe, néanmoins, des clivages profonds qui associent ces deux groupes politiques. Dans son article, Le rapport à l'histoire des pro et anti

euro-35 P.Bérégovoy, le 5 mai 1992, à l'Assemblée nationale, ouvrait le débat sur le

pro-jet de réforme constitutionnelle. Le 9 avril 1992, le Conseil constitutionnel décida que trois séries de dispositions du traité, parce qu'elles touchaient à l’exercice de la souve-raineté nationale, nécessitaient une modification de la Constitution. Parmi les sujets vi-sés, il y avait l'indépendance de la future banque centrale européenne et l'irrévocabilité des taux de conversion des monnaies. Il choisit de réviser la Constitution par la voie parlementaire.

36 Sur les positionnements de F. LEOTARD, nous renvoyons à son ouvrage de 1987,

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péens des années 70 à nos jours37, S. Guillaume, professeur à l’Institut universitaire de France, affirme que :

Les pro-Maastricht assument le défi de la complémentarité entre l'identité nationale et l'identité européenne ; c'est l'attitude de la majo-rité de la gauche socialiste, des partis de droite ou du centre héritiers des démocrates chrétiens ou des libéraux. Au contraire, les anti- Maastricht considèrent que l'intégration européenne favorise à terme une désagrégation de la Grande Nation. Cette opinion est partagée par les extrêmes (parti communiste et Front national), par la gauche la plus jacobine et par une partie de la droite gaulliste arcboutée sur la grandeur nationale.

La littérature participe à ce clivage politique, tant pour les défenseurs que pour les opposants38. Par exemple, la dérive an-tidémocratique incarnée par l’arrivée de l’euro fait l’objet de divers ouvrages39.

Mais si la déréglementation du contrôle des changes, du crédit et de la masse monétaire et la politique « dictatoriale » de la BCE en matière de souveraineté sont les arguments prin-cipaux des opposants de l’extrême droite (FN, MNR, MPF), dans les « non » à Maastricht et à l’euro la gauche radicale trouve aussi sa place. Le libéralisme sauvage avec « son lot de déréglementation », d’austérité, de liberté d’échange et de

con-37 http://histoire-sociale.univ-paris1.fr/Collo/GUILLAUME.pdf

38 Exposé du Cercle Léon Trotsky, En 1999, l’euro ?Face aux bourgeois qui

uni-fient leurs monnaies, les intérêts communs des travailleurs de toute l’Europe, 24 avril 1998, n° 78 (Supplément au n°1558 de Lutte Ouvrière), imprimé par IMS 93300 Au-bervilliers.

39 Nous renvoyons de suite à une liste, non exhaustive, de quelques ouvrages

pu-bliés par des opposants de la monnaie unique qui sont aussi des locuteurs de notre cor-pus : G.BERTHU (1998), A chaque peuple sa monnaie. Contre la monnaie unique, Groupe Europe des Nations, Paris. Cet auteur est député européen, vice-président de la Commission Institutionnelle du Parlement européen et coprésident du groupe Europe des Nations. J.M.LE PEN (1989), Europe – Discours et interventions – 1984-1989, GDE (Groupe des Droites Européennes), Paris. J.M.BRISSAUD était le Secrétaire géné-ral du groupe des Droites européennes. C.SAINT-ETIENNE (2009), La fin de l’euro, Bourin Editeur, Paris. P. DE VILLIERS (2001), Vous avez aimé les farines animales, vous adorerez l’euro, Albin Michel, Paris. Du même auteur : Avant qu’il ne soit trop tard de 1993 (Albin Michel), La machination d’Amsterdam de 1998 (Albin Michel) et L’Europe autrement écrit avec G. BERTHU en 1999 (François-Xavier de Guibert, Paris). Enfin signalons le texte de J.J.ROSA (1998), L’erreur européenne, Bernard Grasset, Pa-ris.

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Introduction 37

currence, de casse des services publics, de flexibilité, de préca-rité généralisée, de destruction des protections et des services sociaux fait ainsi place à une monnaie qui n’existe pas et qui n’aurait aucune réalité économique ou sociale.

3.   Période : naissance du débat sur l’euro en France (1998-2002)

La période qui intéresse notre étude a eu des retombées à l’échelle nationale, en France, et au niveau communautaire, en Europe.

Tout d’abord, en 1995, entre le 23 avril et le 7 mai, se dé-roule l’élection présidentielle. Jacques Chirac est élu au deu-xième tour Président de la République par 52,6 % des suffrages exprimés.

La majorité présidentielle et la majorité parlementaire con-cordent à nouveau et mettent fin à la deuxième cohabitation. Les échéances à venir, notamment européennes (mise en place de la monnaie unique) et une majorité divisée poussent Jacques Chirac à demander un nouveau scrutin en juin 1997. La victoire de la gauche plurielle (PS, PC, Radicaux de Gauche, Verts) ouvre la période de la troisième cohabitation : le 2 juin le Prési-dent de la République (membre du RPR) nomme L. Jospin (membre du PS) Premier Ministre.

Entre-temps, au niveau européen, en 1998, le sommet de Bruxelles (2-3 mai) sélectionne officiellement les pays destinés à créer l’euro zone et désigne le nom du président de la BCE, W. Duisenberg40. Le 1er juin de la même année, il y aura l’instauration tant de l’Euro-système que du SEBC (Système Européen des Banques Centrales).

L’année 1999 est marquée par une série d’échéances cru-ciales pour l’Union européenne. Tout d’abord, le lancement de l’euro (le 4 janvier) et le passage des marchés financiers à la monnaie unique. Ce passage comprenait en outre, le marché des

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changes, les marchés boursiers et les trésoreries des entreprises en interface avec les banques et les marchés financiers. Ensuite, l’année 1999 verra la mise en œuvre du PSC (Pacte de stabilité et de croissance), la création du MCE2 (Mécanisme de change européen) et la mise en service de TARGET (système trans-frontière pour le règlement en temps réel des paiements de montant élevé). Pour aller vers un marché unique des services financiers et un renforcement des règles de surveillance pruden-tielle l’UE adopte le Plan d’action pour les services financiers (PASF) proposé par la Commission européenne.

L’année est caractérisée également par une vague de fusions d’entreprises sans précédent et, en France, par les élections eu-ropéennes41.

Pour la France, l’année 2000 établit la réduction du mandat présidentiel à cinq ans par voie référendaire (24 septembre 2000). Le oui l'emporte par 73,2 % des suffrages exprimés, mais la participation est à peine supérieure à 30 %, fait unique depuis l'instauration du suffrage universel en 1848.

Quant aux événements européens, l’année 2000 verra la création d’EURONEXT (fusion des bourses d’Amsterdam, de Bruxelles et de Paris) et l’adoption de la « stratégie de Lis-bonne » (engagement en faveur de réformes structurelles per-mettant de renforcer la croissance et la compétitivité de l’UE).

L’entrée de la Grèce en zone euro (12e membre) inaugure, le 1er janvier, l’année 2001. Une forte injection de liquidité par l’Eurosystème est accordée après les attentats aux États-Unis ainsi qu’une baisse concertée des taux (12, 13 et 17 septembre). D’un point de vue financier, la mise en place par l’UE du cadre Lamfalussy donne vie à des comités visant à harmoniser la su-pervision des marchés financiers (juin). En 2005, le cadre Lam-falussy sera étendu à la supervision des banques et des assu-rances. En territoire français, l’année 2001 est occupée par les

41 Résultats des élections au Parlement européen du 13 juin 1999 : PS-PRG-MDC

François Hollande (21,95%), RPF-MPF Charles Pasqua, Philippe de Villiers (13.05%), RPR Nicolas Sarkozy, DL Alain Madelin (12,82%), Verts Daniel Cohn-Bendit (9,72%), UDF François Bayrou (9,28%), PC Robert Hue (6,78%), FN Jean-Marie Le Pen (5,69%).

(39)

Introduction 39

élections municipales et cantonales entre le 11 et le 18 mars (avec la progression de l’opposition parlementaire). Politique-ment, l’année 2001 voit aussi la création, le 4 avril, de l’Union en mouvement (UEM), à l’initiative de parlementaires RPR et UDF, qui a pour objectif la constitution d’un grand parti unique de la droite en vue des échéances électorales nationales de 2002. Le 31 décembre 2001, le président de la République J. Chirac a rituellement présenté ses vœux aux Français. S’étant approprié le résultat de l'euro, le Premier ministre L. Jospin avait vivement réagi en assurant que c'était son gouvernement qui avait permis le passage à la monnaie unique. Ce climat poli-tique annonce l’arrivée de l’année de l’euro.

En janvier 2002, à quatre mois de l'élection présidentielle, les programmes ne sont pas encore dévoilés, mais le terrain d'affrontement est délimité entre J. Chirac et L. Jospin. Le pré-sident de la République et le Premier ministre sont tous les deux dans la position de sortants. L'avenir de l'Europe est présent dans les programmes des responsables politiques français. Le 11 janvier, J. Chirac annonce sa candidature à l’élection prési-dentielle, alors qu’une dizaine de personnalités sont déjà entrées en campagne, il est suivi le 20 par L. Jospin. L’élection prési-dentielle attendue se déroule entre le 21 avril et le 5 mai. Au premier tour, J.M. Le Pen se positionne derrière J. Chirac et de-vant L. Jospin. Ce dernier annonce alors son retrait de la vie po-litique. Le 5 mai, Jacques Chirac est donc réélu Président de la République (82,2% des suffrages exprimés) pour cinq ans. Le 23 avril, L’UEM devient l’UMP (Union pour la majorité prési-dentielle), union électorale qui regroupe l’ensemble des partis et des parlementaires de la droite qui soutiennent J. Chirac, à l’exception de François Bayrou et de ses partisans qui veulent maintenir une UDF autonome. Entre le 9 et le 16 juin 2002, l’UMP obtient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée na-tionale. Cet événement marque la fin de la troisième cohabita-tion. Le 1er janvier 2002 marque enfin un tournant dans l’histoire de l’UE avec l’entrée en vigueur de l’euro comme monnaie fiduciaire dans douze États-membres, dont la France. Le franc disparaît définitivement.

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