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Organisation de la conversation et gestion des relations interpersonnelles: le role de vas-y et allez-y dans la conversation authentique.

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Academic year: 2021

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DIPARTIMENTO DI

FILOLOGIA, LETTERATURA E LINGUISTICA

CORSO DI LAUREA IN LINGUE E LETTERATURE

MODERNE EUROAMERICANE

TESI DI LAUREA MAGISTRALE

Organisation de la conversation et gestion des relations

interpersonnelles :

le rôle de vas-y et allez-y dans la conversation authentique

CANDIDATO

RELATORE

Francesca Bidini

Chiar.mo Elisa Lupetti

CORRELATORE

Chiar.mo Prof. Charles Barone

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ii

TABLE DE MATIERES

Introduction ... 1

I. Précisions préliminaires ... 15

I.1.1 L’évolution de l’analyse communicationnelle ... 15

I.1.2 Les principes de l’AC et de l’ADi ... 27

I.1.2.1 La nature des données ... 27

I.1.2.2 La situation de communication ... 30

I.1.2.2.1 Le contexte, la nouvelle approche « émique » ... 31

I.1.2.3 Les participants et le cadre participatif... 36

I.1.3 La démarche analytique : analyse transversale et longitudinale ... 40

I.1.4 Quelques précisions sur la démarche adoptée dans l’analyse des occurrences de vas-y et allez-y ... 43

I.2 La nature des expressions vas-y et allez-y ... 45

II. L’organisation de la conversation ... 52

II.1 Allocation des tours de parole et réparation ... 52

II.2 Vas-y comme élément structural de l’interaction ... 65

II.2.1 Vas-y comme hétéro-sélection... 66

II.2.2 Vas-y comme réparation ... 81

II.3 Allez-y comme élément structural de l’interaction ... 97

II.3.1 Allez-y comme hétéro-sélection ... 98

II.3.2 Allez-y comme réparation... 111

II.3.3 Allez-y comme back-channel ... 118

III. L’organisation de l’interaction comme marque de pouvoir et le rôle de la politesse ... 125

III.1 Un aperçu des théories précédentes sur les actes de langage, la notion de politesse et les relations de pouvoir ... 125

III.2 Les théories de la politesse ... 132

(3)

iii

III.2.2 La politesse selon Brown et Levinson ... 137

III.2.3.1 La politesse selon Lakoff ... 143

III.2.3.2 La politesse selon Leech... 144

III.2.3.3 La politesse selon Fraser ... 148

III.2.3.4 La politesse selon Watts ... 149

III.2.4 Nouvelles directions dans l’étude de la politesse ... 151

III.2.5 Une nouvelle direction : l’étude de l’impolitesse ... 155

III.2.6 Le concept de « pouvoir » ... 160

III.3 L’emploi de vas-y dans le cadre des stratégies de politesse : analyse des occurrences de vas-y ... 163

III.4 L’emploi de allez-y dans le cadre des stratégies de politesse : analyse des occurrences de allez-y ... 186

IV. Ouverture sur la multi-culturalité : les traductions possibles de vas-y et de allez-y dans le système linguistique italien ... 206

Conclusion... 214

Annexes ... 222

I. Conventions de transcriptions des extraits présentant vas-y ... 222

II. Conventions de transcriptions des extraits présentant allez-y ... 226

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(5)

1

Introduction

Bien que l’aspect interactionnel de la communication humaine soit universellement reconnu, les disciplines liées aux Sciences du Langage se sont intéressées à ce sujet seulement de manière tardive, quoiqu’avec des résultats innovants. La production grammaticale et syntaxique, en particulier, élargit ses champs d’application pour construire non seulement une suite cohérente d’interventions, mais aussi une action dans le domaine social et intersubjectif. Les échanges verbaux et non verbaux des locuteurs, en effet, portent les marques des compétences sociales et reflètent souvent le statut de la relation entre les participants. À ces capacités s’ajoute le fait que le déroulement d’une rencontre a également le pouvoir d’influencer les rapports sociaux instaurés. Il en découle que la dimension mécanique de l’organisation conversationnelle devient pour les chercheurs un outil d’analyse des dynamiques relationnelles qui lient les participants.

Ce n’est qu’à partir des approfondissements opérés dans plusieurs domaines d’études sociaux et linguistiques que le champ d’investigation de l’interaction s’est développé et a pris en considération la situation d’énonciation et l’aspect sociologique qui tiennent de la communication verbale et non verbale. Ainsi, deux nouvelles branches de l’étude de la communication sont nées : l’Analyse des Conversations en aire américaine et française et l’ADi, c’est-à-dire l’Analyse du Discours en interaction, qui se développe essentiellement en France pendant les années 1980. Si la première se concentre sur la description de l’organisation des conversations, la seconde approfondit le concept d’interactionnisme qui se manifeste dans la rencontre entre individus. Par conséquent, l’attention porte surtout sur la dimension contextuelle. Avec le terme « contexte » nous faisons référence non seulement à l’environnement spatio-temporel dans lequel se déroule la rencontre, mais aussi à l’ensemble d’éléments et de pratiques sociales qui peuvent conditionner le comportement verbal et non verbal des interactants.

Dans ce cadre, notre recherche se propose de contribuer à l’étude des dispositifs conversationnels sur deux axes grâce à l’analyse des occurrences de deux expressions en contexte de conversation naturelle : vas-y et allez-y. D’une part, nous souhaitons approfondir les

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2 connaissances des procédés d’organisation des conversations du point de vue structurel. C’est pourquoi nous considérerons l’application de ces formules en tant qu’instrument de la construction et de la gestion de l’interaction. De l’autre, notre but est de donner un aperçu des stratégies qui contribuent à l’interactionnisme communicationnel, et notamment celles qui permettent de manifester le pouvoir d’un participant à l’autre tout en se montrant poli et attentif. Un approfondissement de ces mécanismes permettra une meilleure compréhension, et par là un emploi plus conscient, du matériel linguistique afin de manipuler et de façonner les relations interpersonnelles que la vie en société implique. C’est aussi pour cette raison que, dans la partie finale, nous nous intéresserons aux manières de reproduire dans le système linguistique italien ces deux formes françaises à travers lesquelles la relation de pouvoir est transmise. Il sera ainsi évident que, malgré l’impossibilité d’une correspondance parfaite, les deux systèmes reflètent les mêmes mécanismes sociaux. Cela suggère, au-delà des différences qui concernent les outils linguistiques, une uniformité des pratiques sociales entre deux langues voisines.

Pour ce qui est de la méthodologie appliquée, le cadre d’application de ces formes nous permet de placer cette analyse entre les domaines de l’AC, notamment au sujet de l’attention portée à l’organisation de la machinerie conversationnelle, et de l’ADi, qui s’intéresse à l’étude des relations interpersonnelles et sociales qui s’instaurent lors d’une interaction et qui émergent de leur production verbale. Pour tout approfondissement au sujet de notre choix méthodologique, nous renvoyons à la section I.1, où des précisions concernant les courants d’analyse suivis et les typologies de données exploitées seront offertes. Ici, nous anticipons brièvement quelques-unes des raisons qui nous mènent à préférer la tradition de l’ADi à celle de l’AC.

Tout d’abord, la nature des données choisies nous force à nous éloigner du purisme de l’AC : si les deux approches s’intéressent en égale mesure aux conversations naturelles, l’ADi étudie également des données élicitées ou artificielles, comme c’est le cas de quelques-unes des transcriptions sur lesquelles nous avons pu travailler. De plus, s’il est vrai que nous nous intéressons à l’aspect verbal

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3 de l’interaction, ce que l’AC fait aussi, nous ne comptons pas nous limiter à la description de l’organisation de la rencontre, mais nous approfondirons aussi les aspects sociaux qui en émergent.

Il paraît évident, par conséquent, que notre recherche se structure selon deux axes : d’une part, la place que allez-y et vas-y occupent dans l’organisation conversationnelle, de l’autre, leur rôle dans le jeu social de la création des rapports de pouvoir entre les interactants, ce point étant analysable en prenant en compte les contextes de parution de formes analysées.

Ce double enjeu tient de la conventionalité de ces expressions. Comme nous le verrons dans la section I.2, leur signification a subi une profonde évolution : à partir d’une référence spatiale originelle dérivée de l’union du verbe aller avec l’enclitique « y », l’usage courant de la langue a réduit et modifié le caractère concret de ce renvoi : vas-y et allez-y se détachent aujourd’hui de leur sens littéral pour en acquérir de nouvelles significations, liées dans la plupart des cas aux contextes d’application. Cela entraîne, en outre, qu’une grande importance est attachée à l’acte de langage dérivant des formes vas-y et allez-y. Compte tenu de leur nature formulaire, l’analyse et l’interprétation du niveau illocutoire des énonciations deviennent centrales. Plus en général, il est possible d’affirmer que, grâce à un élargissement des contextes d’emploi de ces expressions, elles se détachent de leur cadre grammatical pour entrer dans la sphère de la relation interpersonnelle, notamment en tant que régulateurs.

Cela se décline de deux manières. Premièrement, ces expressions jouent un rôle important dans le bâtiment de l’interaction. Notre analyse, comme nous l’avons déjà annoncé, montrera le rôle qu’elles jouent dans l’organisation conversationnelle : véritables éléments de construction dilogale, elles trouvent leur place parmi les stratégies d’allocation des tours de parole, en favorisant ainsi le déroulement de la rencontre. Ce sont justement l’allocation et l’alternance des tours de parole qui assurent le fondement du discours dilogal et, par conséquent, de l’interactionnisme. En outre, les transcriptions que nous avons prises en considération montrent que les locuteurs emploient vas-y et

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4 des tours ou encore du Principe de Coopération formulé par Grice, deux aspects dont nous reparlerons dans la section II.1.

Enfin, un dernier rôle à l’intérieur de la gestion de l’échange ressort des occurrences de vas-y et

allez-y : le rôle phatique. Il est clair que ces formules peuvent afficher une importante fonction de

monitorage et de maintien de l’attention mutuelle que les participants doivent manifester dans la conversation. De cette façon, elles s’insèrent dans la catégorie des constituants conversationnels que l’on appelle back-channels ou signaux d’écoute.

À côté de cet emploi dans la machinerie conversationnelle, et en vertu de leurs capacités de monitorage, les deux expressions peuvent être insérées à juste titre dans le cadre de l’étude des rapports interpersonnels qui s’articulent souvent à travers l’expression verbale de l’interaction. Ce sera donc cela notre deuxième axe d’analyse, développé dans le chapitre III. L’examen des extraits que nous présentons nous permet de traiter la question de la négociation du statut relatif des participants à l’interaction, et plus en particulier la gestion de la relation de pouvoir par le biais de formes de politesse.

Les locuteurs appliquent souvent allez-y et vas-y afin de dévoiler publiquement un comportement conforme aux attentes sociales de politesse, tout en exerçant une certaine pression sur l’interlocuteur. Lors de notre analyse, nous nous appuierons sur les travaux élaborés par plusieurs chercheurs au sujet de la politesse, non seulement dans le domaine de la linguistique mais aussi dans celui de la sociologie et de l’ethnométhodologie, pour montrer le double enjeu de ces formules.

Cet axe d’investigation trouve sa justification dans la forme grammaticale de allez-y et de vas-y, à laquelle s’ajoute le cotexte qui les entoure.

Pour ce qui est du premier point, nous nous limitons ici à évoquer le fait que ces formules sont constituées d’un impératif, un mode verbal souvent lié à l’expression d’un ordre. Grâce à cet aspect nous pouvons alors faire rentrer vas-y et allez-y dans la catégorie des directifs énoncée à l’intérieur de la théorie des actes du langage de Austin et Searle.

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5 Nous nous interrogerons alors sur le double rôle de ces expressions : habituellement employées pour montrer du respect envers le destinataire à qui le locuteur cède la parole ou à qui il permet de la garder, elles cachent en réalité sa volonté d’orienter la suite de la conversation, en essayant par exemple d’influencer le contenu de l’intervention successive de l’interlocuteur. En d’autres mots, le locuteur accorde une liberté limitée au destinataire pour pouvoir manifester sa position de pouvoir sans pour autant paraître agressif. Ce dernier aspect se révèle surtout dans l’association entre ce premier directif et un autre qui le suit immédiatement, comme dans l’exemple « vas-y, dis-moi ». La présence du deuxième verbe permet au locuteur de préciser la portée et la référence de son ordre, quoique ce dernier pris isolement ait déjà la force nécessaire pour obliger l’allocutaire à faire quelque chose.

Par conséquent, ces formes marquent indirectement un rapport interactionnel qui semble confirmer la vision du sociologue Goffman, qui juge la réalité sociale comme fondamentalement agonale et oppositive, potentiellement destructive. Le chercheur voit dans l’emploi des mécanismes de politesse un moyen de préservation de la sociabilité entre humains : par le biais des formes de politesse, ainsi que grâce à des formes ambigües, les locuteurs peuvent évacuer leurs esprits égocentriques sans causer des conflits qui menaceraient la société. Bien au contraire, ils les emploient de sorte à bâtir une image d’eux-mêmes sous le signe de la sociabilité et de la coopération. Ce sont justement les aspects de construction d’un Moi social et d’opposition entre locuteur et destinataire dans l’espace de la rencontre qui sont visés par une partie de notre analyse, ce qui nous permet de motiver aussi le choix de prendre en considération seulement deux des trois formes avec lesquelles le mode impératif décline l’alliance entre le verbe aller et l’enclitique « y ».

En ce sens nous ne souhaitons pas nous intéresser à la forme allons-y puisqu’elle met l’accent uniquement sur la communauté entre les participants. Le but de notre étude, notamment dans sa deuxième partie, est de rendre évident le caractère conflictuel dissimulé par les participants mais émergent dans la mise en contexte de vas-y et allez-y, deux formes qui inscrivent déjà dans leur morphologie une distance irréductible entre les participants.

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6 Finalement, nous considérons que notre travail se révélera utile dans le domaine des Sciences du Langage pour deux raisons : premièrement, en tant qu’exploration de la machinerie conversationnelle du point de vue de l’allocation des tours ainsi que des stratégies de réparation, ici complexifiées par la valeur non littérale des expressions examinées. Il sera alors visible comme toute interaction verbale se construit selon des principes et des maximes qui doivent être poursuivies afin d’atteindre une communication de succès.

Deuxièmement, cette analyse pourrait apporter de nouvelles preuves à soutien d’une vision agonale des rapports interpersonnels, définis par des conflits sous-jacents ayant pour objectif l’affirmation de la suprématie d’un des participants, une attitude souvent camouflée grâce à certaines formules de politesse. Comme nous l’avons déjà évoqué, allez-y et vas-y semblent définir le double visage de la rencontre sociale : si ces formes semblent montrer la subordination du locuteur au destinataire, vu que ce premier décide d’assumer une position apparemment moins active, celle d’un auditeur, cela n’est qu’une attitude stratégique pour arriver à ses propres objectifs. Comme Goodwin1

le précise, le participant en position d’allocutaire, c’est-à-dire de destinataire, a une importance égale à celle du locuteur : depuis sa position il construit sa dimension interactive et sa personnalité dans l’interaction par le biais de signaux phatiques et de coparticipation, tels que allez-y et vas-y. À travers ces formes il désire d’un côté montrer une image de soi positive et coopérative, et de l’autre côté orienter ensuite la conversation. Pour ce faire, le locuteur exploitera la force illocutoire de ses interventions afin de communiquer des contenus qui dépassent ce qu’il dit ouvertement, à savoir son intention d’occuper une position dominante dans la conversation.

Nous montrerons, en outre, la malléabilité des rapports hiérarchiques. Il s’agit toujours de négocier continuellement les rôles de chaque individu dans l’espace de l’interaction individuelle et de l’histoire conversationnelle. Dans le cas d’un contexte non formalisé, par exemple, les rôles institutionnels demeurent fluides et instables. Dans le cadre opposé, la relation est souvent définie

1

C. Goodwin, Interactive Footing, in E. Holt, R. Clift (eds.) “Reporting Talk: Reported Speech in Interaction”, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, pp. 16-46.

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7 au préalable, ce qui implique la difficulté pour les participants de proposer de nouveaux types de relations. Cependant, nous verrons que certaines variations peuvent se produire.

Enfin, nous croyons que notre étude permettra d’approfondir aussi le sujet de la gestion de l’anxiété due à l’interaction, une appréhension résolue grâce à des formes préconstituées et conventionnelles comme vas-y et allez-y.

Afin de faciliter la lecture de nos analyses, il nous a paru nécessaire donner quelques renseignements quant aux théories et aux outils appliqués aux extraits abordés.

La section I.1, en particulier, abordera en vision diachronique les études portant sur la linguistique d’abord et sur la perspective de l’interactionnisme ensuite, jusqu’à arriver à la définition des objectifs de l’AC et de l’ADi. Nous soulignerons les différences qui donnent à ces disciplines leur caractère d’unicité, ainsi que les points en commun. De surcroit, nous donnerons aussi un aperçu des nouvelles approches au contexte. Ce dernier n’est plus aujourd’hui perçu comme stable et donné au préalable, mais plutôt comme quelque chose qui varie tout au long de la rencontre en fonction de la manière dont les participants sont façonnés par la situation sociale et personnelle, en même temps qu’ils prennent conscience de ce qui les entoure.

Dans cette même partie notre méthodologie sera décrite en détail, aussi bien du point de vue du choix des transcriptions que des courants théorique suivis.

Dans la section I.2, nous nous attarderons sur la question de la nature grammaticale et référentielle des expressions vas-y et allez-y. Nous analyserons leurs composantes et l’évolution de leur signification. Cela nous permettra de fonder aussi notre recours à la théorie des actes de langage de Austin et Searle : une fois le sens grammatical abandonné, la nouvelle portée référentielle de ces formes s’atteste sur le niveau illocutoire de l’énonciation. Leur valeur dérive du contexte de parution, et tient souvent des conventions sociales.

Dans le chapitre II nous passerons à la véritable analyse des transcriptions qui composent notre corpus selon le premier axe dont nous avons déjà parlé, celui de l’organisation conversationnelle.

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8 Avant de traiter les extraits, il nous a paru néanmoins convenable de rappeler quelques éléments issus des recherches qui ont été conduites dans les domaines conversationnels et sociologiques sur trois grands sujets : le Principe de Coopération, l’alternance des tours de parole et les stratégies de réparation. Une fois ces précisions faites, nous passerons à l’analyse séparée des occurrences de

vas-y d’abord et d’allez-y ensuite, respectivement dans les sections II.2 et II.3.

Pour ce qui est de vas-y, et comme nous l’avons déjà dit, les transcriptions dont nous disposons nous permettrons de considérer seulement deux des fonctions, liées entre elles, que cette expression assume en général dans la création et dans l’organisation de l’interaction : nous parlerons de son emploi en tant qu’instrument d’allocation des tours de parole, notamment en tant qu’hétéro-sélection, par lequel le locuteur choisit son successeur. Sa morphologie verbale favorise cet aspect décisionnel : le mode impératif implique l’identification directe du locuteur successif.

La seconde application de vas-y dans le domaine de l’organisation conversationnelle est liée au surgissement d’un trouble quelconque dans la conversation, ce qui donne généralement lieu à une séquence latérale de réparation, dont les stratégies ont été catégorisées par Sacks, Schegloff et Jefferson. Comme cela a été déjà évoqué, le recours à des formules conventionnelles réduit l’anxiété que la rencontre et la planification des interventions peuvent engendrer. L’emploi de vas-y dans le cadre de la réparation nous permet de lire cette expression en tant que véritable élément de gestion de la conversation, ayant pour but la souplesse de l’interaction.

Il est possible de voir que son occurrence est liée à la parution de problèmes qui peuvent être classés sur deux niveaux : d’une part au niveau organisationnel, suite à des chevauchements ou des interruptions qui troublent l’alternance des locuteurs, et de l’autre au niveau du Principe de

Coopération, considéré comme élément constituant la base même de l’interaction sociale. Dans ces

cas, la conversation est mise en danger : la collaboration n’est plus évidente, ce qui risque de mener à une conclusion brusque. Vas-y entre alors en jeu pour résoudre l’impasse communicative, aussi bien isolement qu’en union avec d’autres éléments verbaux et non verbaux.

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9 Son emploi résolutif nous permet de le définir comme élément pivot de la conversation, ainsi que comme garant du bon déroulement de la rencontre jusqu’à sa conclusion naturelle. La raison de cette possibilité est fournie encore une fois par la forme impérative de vas-y, qui lui confère une forte réactivité : sa formulation renvoie à un ordre qui constitue une obligation pour l’interlocuteur de parler. Ce qui permet la continuation de l’histoire conversationnelle, alors, se révèle en réalité un instrument qui influence la conversation même.

Les mêmes conclusions seront tirées de l’analyse des occurrences de allez-y. Malgré un contexte d’application différent, notamment formel et institutionnalisé, son emploi aussi s’atteste dans le cadre de l’organisation de la conversation sous la forme d’une hétéro-sélection, ainsi que dans le cadre de la réparation. Son occurrence, de fait, permet souvent le passage d’une situation organisationnelle chaotique à une plus ordonnée.

La multifonctionnalité de l’expression est confirmée par l’émergence d’une troisième fonction, c’est-à-dire son rôle dans le maintien de l’attention mutuelle des participants, ce qui nous permet de classer allez-y dans le groupe des back-channels aussi.

Néanmoins, nous précisons que la présence de cette dernière application, que nous montrons seulement dans les transcriptions qui contiennent allez-y, n’exclut pas le fait qu’elle puisse être trouvée aussi parmi les emplois de vas-y. Ce manque, en réalité, résulte d’une raison pratique : aucune transcription parmi celles accessibles sur la base de données CLAPI (pour plus d’informations à propos de cette base de données voir la section I.1.4) ne présentait d’occurrences de vas-y ayant cette fonction. Cela ne veut pas dire, pourtant, que les locuteurs ne l’emploient pas normalement dans ce sens.

Une fois montrée la place de vas-y et allez-y dans la machinerie conversationnelle, le chapitre III se focalisera sur les conséquences que leur application peut entraîner aux niveaux interpersonnels et sociaux. Nous avons déjà parlé de la nature conventionnelle que le sens de ces expressions a acquise dans le temps, ainsi que de leur emploi en tant que réducteurs de l’appréhension liée à la rencontre. Cependant, il ne serait pas juste de se limiter à ce seul emploi épanouissant. Bien au

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10 contraire, les deux formules jouent un rôle très important dans la dynamique communicationnelle qui mène les parties à interagir : si d’une part ils s’engagent à atteindre des objectifs personnels, ce qui implique la nécessité de montrer son propre pouvoir et de surclasser les désirs de l’interlocuteur, de l’autre ils doivent garder une apparence de comité et de collaboration égalitaire. Nous désirons donc montrer l’appartenance des deux expressions aux stratégies de politesse qui ont été esquissées par plusieurs chercheurs, entre autres Brown et Levinson, Lakoff, Leech et Goffman.

C’est en vertu de ces références que le chapitre débute avec un regard d'ensemble des visions et des approches qui ont été élaborées au fil des années dans le domaine interdisciplinaire de l’étude de la politesse. À côté des théories classiques et générales, les nouvelles approches seront brièvement prises en compte pour ce qui est de la vision transculturelle de la politesse, ainsi que pour ce qui est de l’impolitesse, qui souvent ne coïncide pas avec la simple négation de la politesse.

Il en procède l’impossibilité d’une conception univoque de la politesse, dont l’ambigüité est réfléchie par les formules vas-y et allez-y : manifestations ouvertes de la politesse, elles mettent cependant en lumière l’aspiration des locuteurs à s’imposer sur l’interlocuteur afin d’occuper une position de pouvoir dans la hiérarchie interactionnelle.

Pour faire ressortir l’implication relationnelle de pouvoir de l’emploi de vas-y et de allez-y, nous examinerons à nouveau, dans les sections III.2 et III.3, les extraits déjà examinés dans le chapitre II. Plus en particulier, nous nous posons l’objectif de montrer le double visage des transcriptions : si elles manifestent la coopération, et surtout une certaine attention du locuteur envers les exigences du destinataire, à qui il laisse la parole et à qui il cède donc un rôle de premier plan, cela ne serait qu’une lecture superficielle. Il est aisément visible que le contexte d’emploi de vas-y et allez-y leur donne pour la plupart les teintes d’un ordre et d’une obligation. Les locuteurs montrent leur sollicitude pour ce qui est des besoins expressifs des interlocuteurs, mais ils imposent aussi le rythme, voire le contenu, de la suite de la conversation. La conventionalité de l’emploi, en outre, n’annule pas le fait que peu de choix reste aux destinataires, qui enchaînent souvent leur intervention de façon non planifiée et irréfléchie, comme les nombreux amorcements et

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11 reformulations de leurs tours le démontrent. Il semble donc évident que les deux expressions se démarquent en tant que formules avec lesquelles la domination et le pouvoir conséquent du locuteur sont indirectement affirmés.

En suivant la méthodologie du premier axe de lecture, cette deuxième analyse aussi prendra en compte les occurrences de vas-y et d’allez-y séparément.

Tout d’abord, ce seront les extraits présentant la forme vas-y qui seront examinés. Les données nous montreront le fonctionnement de cette formule dans l’établissement des relations autoritaires entre les participants en contexte informel, et cela aussi bien en isolement qu’en présence d’autres éléments verbaux et non verbaux. L’emploi de vas-y sera reconduit tout d’abord à une des visions de la politesse, ce qui nous permettra dans un premier moment de ratifier la perception initiale de courtoisie.

Ensuite, nous renverserons cette lecture superficielle pour mettre en évidence les éléments d’imposition qui dérivent de l’application de cette forme : en faisant preuve de complaisance envers l’interlocuteur grâce à la cession du tour, ou encore grâce à l’actuation d’une réparation, le locuteur profite pour influencer le déroulement successif de la conversation. Il s’agit donc d’un octroi finalisé à la réussite personnelle, ce qui semble conjurer le principe de collaboration que la politesse devrait sauvegarder. Ainsi, nous rentrons dans la vision agonale de Goffman des relations humaines. Dans sa conception, la politesse, ainsi que l’ironie, ne seraient qu’une façon d’exercer son propre égocentrisme sans pour autant annihiler la collaboration sociale. C’est le cas des attestations de vas-y et allez-y, des illusoires cessions de pouvoir. D’après Bourdieu2, la politesse, mais surtout le don, et ici le don de la parole, est en réalité une manifestation de ce qu’il définit comme « pouvoir symbolique », c’est-à-dire le pouvoir de modifier la perception de la réalité de l’interlocuteur, et ainsi d’établir des pratiques et des relations par le simple biais des phrases. Il s’agit d’une possibilité donnée non pas par un pouvoir intrinsèque des mots, mais plutôt par

2

Pierre Bourdieu, Language and symbolic Power, traduit par Gino Raymond et Matthew Adamson, Cambridge, Polity Press, 1991.

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12 l’autorité reconnue du locuteur, ainsi que par le partage d’un même habitus par tous les interactants. Par le terme habitus Bourdieu indique les dispositions qui gèrent les actions et réactions des participants. C’est ainsi que des pratiques linguistiques, comme les formules conventionnelles

allez-y et vas-allez-y, peuvent se créer. Le même sociologue, enfin, porte l’attention sur le fait que ces mêmes

stratégies de communication ne sont que la reproduction des conditions sociales dans lesquelles l’habitus est acquis.

Les mêmes résultats émergeront de l’étude des rapports qui se dessinent conséquemment à l’emploi de allez-y. Le changement de contexte, pourtant, engendre une différence fondamentale. Comme il a été anticipé plus haut, les attentes liées aux contextes formels définissent à priori les rôles interactionnels. Ainsi, il serait difficile de modifier les termes de la relation au cours de la rencontre. Cependant, il demeure nécessaire de nuancer ce tableau : si un bouleversement ne serait pas possible, les transcriptions que nous analyserons laisseront voir qu’une négociation sera toujours admise. Dans cette éventualité, nous remarquerons que l’expression allez-y est toujours adoptée par le locuteur qui occupe la position la plus élevée dans la hiérarchie interrelationnelle afin de reconduire une perturbation occasionnelle de l’ordre ou une violation de la relation de pouvoir dans le cadre des rapports acceptables. Comme pour vas-y, ici aussi le premier niveau d’analyse montre le locuteur, en principe le détenteur du pouvoir, taché d’une attitude de faiblesse, vu qu’il apparaît accepter le dérèglement. Par contre, c’est en accordant le droit de manquer aux attentes imposées par la situation communicative qu’il manifeste de manière nette qu’il garde son contrôle de la situation, ainsi que sa position de force.

La conclusion de notre étude, enfin, prendra en compte une partie des nouvelles approches dans le champ sociolinguistique, et notamment les études qui élargissent le sujet de recherche à l’interculturalité. Il s’agit pour les analystes de confronter le traitement réservé à un même phénomène par une pluralité de langues et de sociétés. Le but, par conséquent, est de faire ressortir les parallélismes et les différences qui caractérisent les diverses cultures.

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13 Pour ce qui est de notre travail, nous mettrons en relief les possibles traductions des formes vas-y et

allez-y qui peuvent être réalisées dans la langue italienne dans le chapitre IV.

Ici, nous serons obligés de nous détacher de notre procédé précédent. Nous ne pourrons pas nous appuyer sur des transcriptions de conversations authentiques ni enregistrées à causes de l’état primitif des recherches italiennes en champ conversationnel.

Pour cette raison, notre comparaison se base sur nos connaissances directes de la langue italienne et des stratégies que les locuteurs faisant partie de cette culture appliquent dans les contacts sociaux. Même si les deux systèmes culturels ont des racines linguistiques proches, ils ont eu une évolution différente. Il en découle qu’il serait impossible de superposer de façon exacte aux formes vas-y et

allez-y des expressions italiennes correspondantes. Nous montrerons que des diversités sont

toujours visibles, soit au niveau de la forme appliquée, soit au niveau des contextes d’application. Quant au premier point, la langue italienne n’accepte pas que le lien entre le verbe andare et l’enclitique « ci » puisse donner lieu à des significations autres que celle littéraire et spatiale.

Par contre, aussi bien au niveau formel qu’informel, d’autres formes existent en italien : nous retrouverons aussi bien des formes impératives, par exemples vai, dai ou continui, que des formes dérivant de la transformation d’éléments d’autres formes verbales ou groupes grammaticales, par exemple prego, su, a Lei.

Pour ce qui est de l’application de ces formules, si vas-y et allez-y attestent leur multifonctionnalité dans la machinerie conversationnelle et dans la définition des relations interpersonnelles, rarement une des traductions italiennes pourra être appliquée dans tous les cas que les formes françaises. Ainsi, la forme continui ne pourra pas être appliquée lors d’une hétéro-sélection, à moins que le nouveau locuteur n’ait en réalité déjà entamé un tour.

Malgré ses distinctions, des points de contact sont visibles entre les deux langues. Nous nous référons notamment au double rôle des formes italiennes dans le domaine de la politesse et de l’affirmation du pouvoir. Semblable au fonctionnement de vas-y et allez-y, les interactants italiens

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14 peuvent employer les formules dont nous venons de parler afin de se montrer collaboratifs tout en influençant le déroulement de la conversation et la relation d’autorité entre les locuteurs.

En conclusion, à travers cette ouverture nous désirons sensibiliser le lecteur aux éléments qui différencient les systèmes linguistiques et culturels. De cette façon, un traducteur idéal sera de plus en plus averti quant à l’importance de l’analyse du contexte d’application des formes linguistiques. Ce sera uniquement en vertu des situations d’énonciation que les formules employées par les locuteurs, et notamment vas-y et allez-y, acquièrent leur sens et références. Aucune traduction ne pourrait donc être exacte si la totalité des éléments constituant la situation de communication ne sera pas prise en compte.

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I. Précisions préliminaires

I.1.1. L’évolution de l’analyse communicationnelle

Il est important, pour bien situer d’un point de vue méthodologique notre étude, de préciser certains points théoriques, et en particulier de donner un aperçu, nullement exhaustif, des pratiques d’analyse dans le sillage desquelles nous plaçons notre démarche.

Il a été évoqué dans l’introduction que notre analyse tient fondamentalement des approches qui se sont développées au sein de l’Analyse du Discours en Interaction (ADi). Il s’agit d’un domaine qui s’intéresse d’un vaste ensemble de pratiques discursives dont le point en commun est la réalisation en contexte interactif. Dans ce cadre, la conversation n’est qu’une des manifestations possibles. L’emphase sur l’aspect interrelationnel des rencontres est évidente, et cela nous permet de voir l’ampleur de la vision de l’ADi, qui ne se limite pas au seul aspect grammatical et organisationnel de l’interaction. Bien au contraire, elle se définit en fonction du croisement de domaines et de théories différentes, dont le résultat a été la création d’un modèle d’analyse souple et adaptable à toute forme d’interaction, contrairement aux modèles et aux schémas analytiques nés dans les champs purement linguistiques précédents, qui se faisaient remarquer pour leur rigidité.

L’intérêt que la langue a suscité parmi les chercheurs a donné lieu d’abord, au début du XXe siècle, à plusieurs études dans le cadre de la linguistique, ce qui a déterminé la naissance de deux visions principales. D’un côté, nous retrouvons la linguistique structurelle, basée sur le célèbre

Cours de Linguistique Générale de Ferdinand de Saussure3, qui met l’accent sur la langue en tant

que système statique d’unités interconnectées, mais qu’il considère hors contexte. De l’autre côté, la linguistique générativiste de Chomsky4 s’affirme avec son attention à la distinction entre

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Ferdinand de Saussure (1857-1913) est considéré comme le fondateur de la linguistique moderne grâce au Cours de

Linguistique Générale, publié posthume en 1914 par ses élèves, conçu à partir des notes de cours. De ses travaux nous

tenons l’emphase sur l’importance de la relation entre linguistique et sémiologie, un lien qui sera approfondi jusqu’à la création de la Sociolinguistique, et ensuite de l’AC et de l’ADi. En outre, c’est à lui que nous devons la définition de concepts tels que la distinction entre langue et parole, la langue comme système ou encore le caractère arbitraire du signe linguistique.

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Noam Chomsky (1928-) est un linguiste et un philosophe. C’est pendant les années 1950 qu’il élabore la théorie de la Grammaire Générative, qui a pour objectif de rendre compte du système cognitif et des structures innées des

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16 compétence et performance. Le premier terme fait référence à l’ensemble des règles nécessaires à la production d’énoncés, une production qui correspond à la performance. D’après Chomsky, la compétence demeure innée chez les locuteurs, et le but du chercheur est la description de son fonctionnement.

Malgré l’importance capitale de ces théories, elles se focalisent sur la seule dimension locutoire considérée hors contexte. L’instance discursive, par conséquent, est négligée, et la phrase est vue comme une entité abstraite et une unité maximale, décomposable en différentes unités rigoureusement définies. De plus, la situation communicationnelle, c’est-à-dire l’aspect dialogal5 et contextuel de l’emploi langagier, reste exclue de toute analyse.

Un pas en avant relève de la parution dans les années 1960 de l’Analyse du Discours (AD). Cette théorie de l’énonciation considère que l’unité maximale à analyser est non pas la phrase isolée, mais une séquence de phrases organisées selon des principes de cohérence interne. Cette approche diffère aussi de la linguistique traditionnelle en vertu de la nature des matériaux étudiés : si la linguistique traditionnelle employait des exemples expressément conçus pour motiver certaines assomptions, l’attention est maintenant sur des données préexistantes, quoique écrites et fabriquées, ce qui limite les caractéristiques observables et les résultats. Pour ce qui est des reproches faites à l’AD et également à la pragmatique, avec laquelle cette approche coopère pour examiner certains éléments de l’instanciation de l’énonciation, nous pouvons citer les limites de la perspective monologale, qui considère le locuteur en place comme le paramètre unique à prendre en compte dans l’analyse. Il s’agit souvent de décrire des discours produits par un seul émetteur, réalisés sur un axe linéaire où les événements énonciatifs se déroulent de façon unilatérale, et où le récepteur, si présent, reste passif.

compétences langagières. L’attention, par conséquent, porte non pas sur la performance des locuteurs, mais sur la compétence, les mécanismes qui permettent la construction des énoncés et que le locuteur emploie intuitivement.

5 Nous nous référons ici à la distinction dessinée par Kerbrat-Orecchioni entre discours dialogal – qui implique

l’intervention alternative de deux locuteurs distincts – et discours dialogique – un discours adressé mais qui ne demande pas nécessairement de réponse. Pour un complément d’information, voir Catherine Kerbrat-Orecchioni, Les

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17 Cette vision sera révisée d’abord aux États-Unis, pendant les Années 1970, et ensuite en Europe et en France, une décennie après, quand l’arrivée de l’approche interactionnelle portera l’attention sur l’instanciation de l’énoncé dans la pratique des interactions. Les linguistes commencent à abandonner la description pure et simple du fonctionnement du langage pour s’interroger sur son emploi communicationnel. L’un des résultats de l’élargissement de la vision, par conséquent, est l’émersion du rôle du contexte dans l’actualisation du langage.

L’analyse s’étend jusqu’à observer et évaluer les effets que la situation d’énonciation, qui inclut les participants à la production linguistique aussi, a sur la signification de chaque énoncé. La pragmatique se place alors avec encore plus de force dans le panorama de l’analyse linguistique, notamment grâce à la théorie des actes de langage de Austin et Searle, dont nous parlerons plus diffusément plus tard (voir III.1). D’après ces chercheurs, toute énonciation est en soi une action qui vise à modifier la réalité extralinguistique. Cependant, l’approche interactionnelle d’abord, et l’Analyse Conversationnelle ensuite, ne s’approprient de leur théorie que de façon utilitaire, tout en refusant l’atomisme du projet d’Austin et Searle, qui visaient à une taxonomie des actes pris en isolement. Les actes de langage se retrouvent dans cette nouvelle perspective liés au contexte d’emploi, ainsi qu’à la situation d’énonciation et de réception, cette dernière définie par les participants à l’interaction. Il en dérive que selon l’approche interactionnelle toute expression, principalement verbale, est créée pour être adressée à quelqu’un, physiquement présent ou sous-entendu, ayant le rôle actif de comprendre et d’interpréter les intentions du locuteur au moment de l’énonciation.

Les influences des actes de langage permettent à la recherche de passer de la perspective monologale précédente, souvent résumée pas la formule MOI-ICI-MAINTENANT, à une approche interactive MOI-TOI-ICI-MAINTENANT. Dans ce type de vision, c’est l’intersubjectivité qui est mise en relief à travers l’interaction langagière, c’est-à-dire à travers l’influence mutuelle que les participants à la situation communicative exercent sur leurs actions respectives, de sorte que des modifications sont possibles, sur le plan verbal aussi bien que sur celui non verbal.

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18 L’acte de parole, considéré comme l’unité minimale d’analyse, est perçu comme Allocution, un terme qui implique la présence d’un destinataire, qui sera alors indiqué comme Allocutaire. Ce dernier ne constitue pas une simple instance réceptive, mais il participe aussi activement à l’échange, verbal et non verbal : d’une part il subit l’influence des énonciations du locuteur, mais de l’autre il peut aussi influencer cette production, en ce que le locuteur en place tient toujours compte, dans la codification de son message, de la présence et des attentes projetées par l’allocutaire. L’analyse passe donc d’une perspective monologale à une dilogale, qui se compose au moins de deux instances énonciatives en relation continuelle.

L’approche interactionnelle a une autre dette envers la théorie de Austin et Searle, qu’elle exploite pour analyser la force illocutionnaire de toute énonciation, c’est-à-dire le message codifié par le locuteur au-delà du sens qui émerge de la simple forme de l’énoncé. C’est ce surplus de valeur, ancré dans la situation d’énonciation, qui constitue souvent le but de la communication, et qui entraîne des conséquences au niveau de l’échange linguistique, ainsi que par rapport à la réalité extralinguistique.

L’emphase sur la dimension illocutionnaire justifie l’attention portée sur le contexte de réalisation de l’énoncé : le signe acquiert sa signification sur la base de sa structure grammaticale, aussi bien que dans et par l’interaction. Le sens naît non seulement dans la codification du message, qui tient de la grammaire, mais aussi dans le processus de la réception, située dans la relation qui s’instaure entre les participants et entre ces derniers et le contexte sociolinguistique. C’est ainsi qu’une intervention tronquée ou agrammaticale peut néanmoins résulter communicative en vertu des compétences d’analyse du contexte détenues par l’allocutaire. Signifier et comprendre, par conséquent, sont deux activités indissociables.

Comme nous l’avons déjà suggéré plus haut, l’approche interactionnelle se lie à une autre branche de l’analyse du langage et de la communication. Pendant les mêmes Années 70, elle donne lieu à l’Analyse Conversationnelle (AC), domaine transdisciplinaire qui tire ses éléments de plusieurs autres domaines qui ont fait leur apparition dans la même période. Ces éléments sont

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19 ensuite intégrés dans un modèle souple et adaptable aux divers genres de conversation, contrairement à celui élaboré par l’AD, fortement rigide.

L’objet de cette approche, bien évidemment, est la description du déroulement des conversations naturelles, dont la définition reste plutôt vague et souvent confondue avec celle de l’interaction. Ce dernier terme est employé d’habitude pour se référer à « tout ce qui se passe lorsque plusieurs personnes se trouvent réunies »6. Opposé à ce sens général, le terme conversation se restreint plutôt aux échanges verbaux, indépendamment de leur forme ou nature.

L’analyse proposée par cette approche se concentre donc sur l’expression verbale des locuteurs réels. Dans ce sens, l’un des sujets traités par cette approche est la compétence : si la linguistique générative de Chomsky parle de compétence en termes génériques, dans le cadre de l’AC les chercheurs s’intéressent à la compétence communicative, autrement dit l’ensemble des aptitudes qui permettent au locuteur de transmettre efficacement un message à un destinataire dans des situations culturellement spécifiques. Nous pouvons ici reconnaître le dépassement de l’imprécision des notions de compétence et de performance qui avait fait l’objet de nombreuses critiques à l’égard de la perspective descriptive de Chomsky. Il ne suffit pas de connaître les règles d’une langue pour savoir communiquer correctement : l’application des connaissances théoriques est possible grâce à certaines aptitudes personnelles et culturelles qui sont approfondies par les nouvelles théories. Parmi ces capacités, il est possible de citer : la maîtrise du matériel verbal, paraverbal et non verbal, l’interprétation du contexte, la connaissance de la machinerie organisationnelle de la conversation, et tous les savoirs en relation avec la notion de politesse.

Pour ce qui est de la première aptitude, nous employons le terme de matériel paraverbal en référence aux aspects communicatifs qui dérivent de la prosodie (intonation, pauses, etc.), alors que le matériel non verbal correspond à tout ce qui n’est ni verbal ni paraverbal (signes statiques, cinétique rapide et lente). Ces trois types de matériaux s’entrecroisent dans toute activité

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20 communicative de façon à être inséparables, ce qui explique la raison pour laquelle les travaux d’analyse s’attardent aussi sur des indices qui ne tiennent pas du niveau verbal.

La capacité d’interpréter le contexte est aussi une aptitude importante : il existe des règles d’appropriation contextuelle qui, si respectées, font en sorte que les énoncés soient conformes à la situation de communication. Leur violation signifie, par contre, que l’énoncé sera marqué, ce qui risque d’entraîner des conséquences qui peuvent nuire au bon fonctionnement de la conversation.

La compétence communicative, comme nous l’avons anticipé, se compose également des aptitudes liées à la connaissance du fonctionnement de l’organisation conversationnelle, sur laquelle l’AC canalise une grande partie de ses efforts. Plus en particulier, ce sont les mécanismes de l’alternance des tours de parole, la gestion des thèmes et la cohérence entre les tours qui doivent être maîtrisés par les participants afin de réaliser une conversation suivie. Parmi les premiers chercheurs à s’intéresser à l’étude de la machinerie conversationnelle nous rappelons Sacks, Schegloff et Jefferson, chercheurs américains. Étant donné le relief que leur travaux ont encore dans le panorama scientifique, nous en exploiterons plusieurs éléments tirés dans le cadre des analyses des occurrences de vas-y et allez-y. Pour cette raison, nous donnerons compte de leurs observations dans la section II.1.

Enfin, les compétences communicatives incluent également la connaissance des principes de politesse, qui influencent souvent les choix énonciatifs des locuteurs, et qui sont en général patrimoine partagé d’une communauté. Leur emploi construit non seulement un énoncé approprié, mais il pourrait aussi permettre au locuteur de révéler son appartenance à un groupe social donné, ou encore sa conscience du contexte d’interaction.

Il semble alors évident qu’il s’agit de compétences fortement liées, et il serait difficile de les utiliser ou de les étudier séparément.

La perspective de Chomsky se trouve de plus dépassée en ce que son concept de compétence était appliqué à un locuteur idéal, créé en fonction des nécessités de recherche, d’où la rigidité de son modèle. En opposition à cette démarche, l’AC prend en compte l’aspect contextuel de

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21 l’interaction, ce qui fait que le modèle qu’elle applique à la conversation se base sur l’hétérogénéité structurale de la communauté des participants, au début de l’interaction aussi bien que dans son déroulement. Le résultat est alors un modèle analytique adaptable et complexe, qui vise à montrer dans l’apparent chaos des phénomènes verbaux et non verbaux une forme de régularité et de systématicité.

Bien évidemment, le surgissement d’une nouvelle attention au contexte oblige la linguistique à s’intéresser aussi à l’aspect social de l’interaction. C’est ainsi que la vision de la langue en tant que combinaison de règles s’élargie jusqu’à considérer la situation communicative, ce qui explique pourquoi les chercheurs de cette nouvelle approche tiennent compte aussi des résultats issus d’autres domaines.

Cela nous mène maintenant à esquisser les caractéristiques des principaux courants qui ont offert à l’AC plusieurs de ses éléments constitutifs. Les domaines intéressés sont en nombre de quatre :

1) Les courants psychologiques : une forte influence dérive de l’École de Palo Alto, notamment grâce aux travaux de Bateson, qui opère en champ thérapeutique. Le but principal de cette équipe est de soigner les troubles des patients à travers une vision holistique qui étudie les disfonctionnements de l’individu en l’insérant dans l’environnement social d’appartenance. Pour ce faire, ils s’intéressent aussi à l’analyse de la production verbale et communicationnelle. L’attention à la dimension globale de l’individu sera reprise par l’approche interactionnelle et par l’AC grâce au progrès technologique et à l’emploi d’abord des magnétophones, et plus tard des caméras permettant la prise d’images. Par le biais de ces outils, les chercheurs peuvent travailler sur la multicanalité, ce qui veut dire qu’à côté de l’analyse de la production verbale, la production non verbale et paraverbale aussi sont considérées comme fondamentales dans la définition d’une signification quelconque. Cet aspect de l’analyse permet de distinguer l’AC de l’AD précédente, en ce que cette dernière donnait la primauté au matériel verbal qu’elle tirait souvent de textes écrits.

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22 2) Les approches ethnosociologiques : l’ethnographie et l’ethno-méthodologie accordent une grande importance à la description de l’utilisation du langage dans la vie sociale, afin de dégager les normes qui sous-entendent à toute interaction, des normes partiellement définies au préalable mais aussi construite à travers l’interaction. La même attention est partagée par l’AC, qui reprend leur démarche inductive et naturaliste : les attitudes sociales sont analysées à partir de leur émergence tout au cours d’une interaction en contexte naturel et authentique. Nous traiterons plus en détail des passages qui définissent cette démarche dans la section I.1.2

L’AC s’engage à intégrer, à l’intérieur du cadre complexe de son analyse, l’un de résultats principaux de ces approches, à savoir la création d’une théorie qui voit la parole comme un système culturel dans une société donnée. À partir de cette théorie, en outre, il devient possible de décrire les procédures à travers lesquelles les membres d’une société donnée gèrent les rencontres et les échanges. C’est aux rituels que les analyses se tournent, en montrant le lien que ceux-ci ont avec la réalité : en tant qu’éléments structurants de la pratique sociale, ils peuvent façonner la réalité commune, mais, de la même façon, ils peuvent être modelés en retour par cette dernière. La variabilité interne à une même société, ou encore la variabilité transculturelle, sont alors abordées.

Aux courants éminemment liés à l’ethnographie s’ajoutent les approches de la sociologie et microsociologie. Comme nous l’avons déjà évoqué, ce sont des sociologues, à savoir Sacks, Schegloff et Jefferson, parmi les premiers à s’intéresser à l’analyse de l’organisation des conversations, ainsi qu’à la dimension de la co-construction de la communication. De manière encore plus importante que les courants ethnographiques, ils se servent d’interactions enregistrées. Par le biais de leurs études, ils visent à faire ressortir les procédures récurrentes qui organisent la conversation.

Avec la microsociologie de Goffman, en outre, les rituels sont encore une fois explorés, mais le champ d’étude s’accroît à travers la prise en compte du cadre

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23 participatif, dont nous parlerons plus tard. D’après le chercheur, il est nécessaire de se focaliser sur l’identité individuelle du locuteur et sur la façon dont chacun met en scène l’image du Moi qu’il considère appropriée pour la situation dans laquelle se déroule l’événement social de la rencontre. Malgré la portée de ses recherches, Goffman a été critiqué pour une excessive concentration sur le locuteur qui néglige l’aspect interactionnel.

3) Approche linguistique : nous avons déjà longuement parlé des ancêtres de l’approche interactionnelle et de l’AC, c’est-à-dire la linguistique traditionnelle et l’AD. D’après Traverso7, la relation entre cette nouvelle perspective et les champs linguistiques précédents offre deux lectures différentes : d’une part elle peut être lue comme une rupture avec la tradition qui a comme conséquence un rapprochement excessif à la socio-psychologie ; de l’autre il est possible de la lire en tant qu’élargissement légitimement inséré dans le cadre de la linguistique en ce qu’elle ne s’éloigne pas de questions relatives à l’usage du langage. Certains des outils d’analyse de l’AC tiennent effectivement d’approches plus classiquement linguistiques, tout comme son emphase sur l’énonciation. Cependant, le côté unilatéral et monologal initial est abandonné pour prendre en considération l’allocutaire et le contexte d’instanciation de chaque énoncé aussi. La nature des données évolue également: après avoir abandonnés des exemples uniquement écrits et souvent artificiels, comme les dialogues romanesque, la nouvelle perspective part de transcriptions de conversations réelles et authentiques.

4) Approche philosophique : le développement de la théorie des actes de langage, comme nous l’avons vu, résulte central dans le surgissement des tendances nouvelles. Il serait toutefois réducteur de se borner à cette influence en parlant de l’AC et de l’interactionnisme. Pendant les Années 70 et 80, le philosophe du langage Francis Jacques approfondit l’étude du dialogue jusqu’à remettre en question les conditions

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24 mêmes qui rendent toute communication possible. Malgré l’aspect apparemment spéculatif de la théorie, elle a offert des outils intéressants pour la description et l’analyse des conversations.

Il serait trop long et inutile de souligner les maintes différences entre les approches citées, mais nous nous limiterons ici à dire que l’AC préconise un « éclectisme vigilant »8 qui mélange de façon utilitaire les théories et les instruments dérivés de différents courants afin de les réunir en un seul modèle apte à décrire de manière exhaustive les conversations.

En France, les activités de recherche au sein de l’Analyse des Conversations se doivent à Traverso et Mondada, deux chercheuses qui, à partir des Années 80, élaborent une nouvelle perspective dans le traitement des données et des conversations, s’inspirant des études nées en aire américaine.

Si, tout comme l’AC, l’ADi s’intéresse à l’organisation hiérarchique de l’énonciation, les phénomènes considérés sont plus complexes et ne se limitent pas à l’alternance des tours. Le but, en fait, est la description des moyens de construire un sens collectif des énoncés.

Afin de définir cette approche, que nous voulons adopter pour la suite, nous nous attarderons dans le reste du chapitre sur les caractéristiques de l’AC, en raison de la forte influence qu’elle a eu sur l’ADi.

Le nom même d’Analyse des Conversations laisse entendre que leur recherches se bornent aux seules conversations, dont elles privilégient l’aspect verbal, et notamment dialogique. Par conséquent, cette approche se concentre principalement sur des données orales et spontanées, enregistrées directement sur le terrain, en opposition à l’AD, qui ne tenait compte que de données écrites et souvent artificielles. Ce choix dérive du progrès technologique : il est possible de lier la naissance de l’AC à la répétitivité de l’écoute des extraits que l’arrivée des magnétophones a permis. Ainsi, une même interaction pouvait être traitée depuis plusieurs axes d’étude, de sorte à révéler les différents éléments qui composent la machinerie conversationnelle. C’est grâce aux

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25 enregistrements, et aux transcriptions qui en découlent, qu’il est possible d’avoir un aperçu direct de l’organisation des échanges communicatifs, ce qui fait l’objet des études de l’AC. Les participants ont recours, dans l’espace d’une conversation, à plusieurs techniques, reconnues plus ou moins conventionnellement, qui leur permettent de codifier et de décoder les messages échangés.

De plus, la présence de transcriptions permet la vérification des résultats de la part de la communauté scientifique, tout en sachant que la fiabilité des résultats résulte déjà confirmée par la nature spontanée des données, qui reflètent des situations réelles.

Cela nous consent de donner quelques éclaircissements quant à la démarche de recherche de l’AC et ADi : tout en reprenant les caractéristiques des approches ethnosociologiques, elles appliquent une entrée en matière inductive et empirique, ce qui veut dire que, quoique les chercheurs puissent avoir une idée générale de l’objet à étudier, ce seront dans la plupart des cas les données à dévoiler la direction précise du travail sur la base des régularités qui en émergent. La même situation s’est présentée dans le cas de l’analyse dont nous présentons ici les résultats.

L’une des différences entre AD et AC, donc, dérive de la priorité donnée par la dernière à la conversation authentique. Cette attention fait ainsi que l’AC étudie premièrement le fonctionnement oral de la conversation, ce qui la mène à parler aussi des « scories » de l’oral, c’est-à-dire de tous ces phénomènes, par exemple les marques d’hésitation, les reformulations, les répétitions ou les ratés de l’élocution, qui sont d’habitude effacés dans l’élaboration écrite de dialogues fictifs. Il ne s’agit en réalité pas de productions incorrectes ou de signaux problématiques, mais plutôt d’un moyen pour les participants de venir à termes avec la pression et l’effort cognitif implicites dans le travail d’encodage. Les hésitations et les reformulations, par exemple, permettent aux locuteurs de gagner le temps nécessaire à planifier leur production, tout en gardant son droit de parole et l’attention de l’interlocuteur. De plus, les scories maintiennent une fonction importante dans la co-costruction de la conversation, vu qu’elles sont produites aussi bien par le locuteur que par son interlocuteur. Une co-participation active tout au long de la rencontre est alors assurée et la dimension interactionnelle se manifeste parmi les intérêts de l’AC.

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26 L’ADi, nous venons de le dire, trouve son origine dans l’AC, dont elle constitue une variation. Nous tracerons les similitudes entre les deux approches dans la section suivante, mais pour l’instant nous essayerons de dessiner les différences qui les séparent.

Tout d’abord, c’est la nature des données acceptées dans l’analyse qui les distinguent : le purisme de l’AC, qui se focalise uniquement sur les transcriptions de conversations spontanées, est considéré par l’ADi comme excessif. Par conséquent, cette nouvelle approche admet des matériaux de diverse nature.

Plus en particulier, aux données orales et spontanées s’ajoutent aussi les données élicitées, c’est-à-dire celles qui dérivent de conversations provoquées par un chercheur en laboratoire. Malgré le caractère artificiel de la rencontre, les chercheurs de l’ADi insistent sur le fait que les productions verbales en elles-mêmes sont pour la plupart naturelles, et permettent des analyses de qualité. Enfin, l’ADi ne renie pas l’héritage de l’AD, de sorte que les données écrites et non authentiques ne sont pas bannies. L’oralisation des répliques cinématographique ou théâtrales, par exemple, imite les pratiques discursives et les interactions réelles. Ainsi, ce type de matériel permettra de mettre en lumière certaines activités et phénomènes liées à l’interaction de manière intelligible et valide.

Un autre aspect qui sépare les deux types d’investigation est l’ampleur de leurs analyses : si l’approche conversationnelle vise à décrire l’organisation de la conversation et à montrer ses unités constitutives, ces aspects sont relégués à des éléments analysés parmi d’autres dans le cadre de l’ADi. L’emphase porte en réalité sur l’interaction et sur la construction d’un sens collectif des énoncés. Il en dérive que la conversation n’est considérée que comme un phénomène parmi d’autres, et que c’est le contexte interactif qui retient le plus l’attention des chercheurs.

Nous avons avancé également la présence d’un lien de descendance entre AD et ADi. Cependant, nous ne nous intéresserons ici qu’aux différences, premièrement le dialogisme. L’ADi prend en compte les interactions directes entre les locuteurs, quoique le face-à-face ne soit pas nécessaire. Une conversation téléphonique, ou encore une vidéoconférence, pourraient faire l’objet

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27 d’une étude dans le cadre de cette approche, intéressée surtout par les mécanismes qui caractérisent l’interaction conjointe des participants, et les conséquences sociales qui peuvent en dériver.

Sous l’influence d’autres disciplines l’ADi ne se limite pas à la prise en compte de l’aspect verbal des interactions. Bien au contraire, la présence de transcriptions tirées d’enregistrements audiovisuels conduit à une ouverture à l’étude du canal multimodal, notamment par le biais des études de Goodwin et Mondada sur la multimodalité. Ce terme se réfère à l’interdépendance des trois niveaux de la communication que nous avons évoqués : le niveau verbal, paraverbal et non verbal. Un autre sujet au cœur de l’ADi est le plurisémiotisme des unités communicationnelles, sur lequel elle se penche grâce à la théorie des actes de langage. Dans cette optique, l’énoncé prend sa signification dans et en vertu du contexte de parution. Une même intervention, donc, permet d’envoyer différents messages dans différents contextes d’emploi.

Finalement, nous passons aux aspects qui montrent la filiation de l’Analyse du Discours en interaction de l’Analyse des Conversations. Pour ce faire, nous présenterons quelques-uns des piliers de la dernière qui sont aussi appliqué dans l’ADi.

I.1.2. Les principes de l’AC et de l’ADi

Nous ne comptons pas traiter exhaustivement des résultats des études conversationnelles sur l’organisation et sur les pratiques de l’interaction. En revanche nous nous contenterons de donner brièvement des indications quant aux lignes directrices appliquées par l’AC et l’ADi dans tout type d’analyse des interactions, y compris dans nos analyses.

I.1.2.1 La nature des données

Tout d’abord, et comme nous l’avons déjà relevé, les deux types d’analyses s’appuient sur le naturalisme des données, ce qui implique une démarche de travail très précise. Premièrement, la mise en place d’un corpus préconise la collecte de données sur le terrain, où des données primaires et secondaires sont recueillies et ensuite élaborées de sorte à créer un corpus accessible à la

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