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De l'Application des lois ouvrières aux ouvriers et employés de l'État

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DE

L'APPLICATION DES LOIS OUVRIÈRES

AUX

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DE

L'APPLICATION DES LOIS OUVRIÈRES

AUX

OUVRIERS ET EMPLOYÉS

DE

L'ÉTAT

PREMIÈRE

CONFÉRENCE

Messieurs,

Dans la série des leçons que j'inaugure au-jourd'hui, je ne me propose ni de décrire les opérations techniques dn travail des ou "riers, ni d'expliquer l'organisation administrative des services et le détail des règles sur le recrute-ment, l'avancement et la rétribution des ou-vriers et sous-agents de l'Administration. Ce sont là matières en dehors de ma compéten-ce, et qui d'ailleurs font l'objet d'autres

ensei-,\

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-6-gnements dans cette Ecole. L'enseignement dont je suis chargé doit porter sur les grandes lignes de la législation ouvrière, dans son ap-plication particulière aux ouvriers et employés de l'Administration.

Les questions Rociales, on peut le dire à l'hon-neur de notre temps, sont devenues la grande préoccupation de l'heure présente. Elles n'agi -tent pas seulement les ouvriers salariés et les hommes qui se sont faits les organes de leurs revenuications; elles préoccupent aussi, à des titres divers, ceux qui ne sont pas des travail-leurs manuels: les u us, à cause des craintes que ces problèmes leur inspirent; les autres, par un sentiment de solidarité, de sympathie agissante, par une Rorte d'inquiétude de con-science qui a remplacé l'indirférence d'autre-fois.

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obte 7 obte

-nir de leurs employeurs le repos hebdoma-daire? Ce sont là, Messieurs, des choses nouvel-les, auxquelles on ne songeait guère il y a vingt ans. Il y a donc un sentiment nouveau qui a pénétré dans toutes les couches de la popula-tion, tant en France qu'à l'étranger; ce senti-ment, quelle que soit d'ailleurs l'opinion que l'on puisse avoir sur la cause génératrice de la valeur, c'est que, malgré des progrès incontes-tables que les socialistes eux-mêmes ne son-gent plus à nier aujourd'hui, les travailleurs salariés n'ont profité que d'une façon insuffi-sante, ('n bien-être et en loisirs, du merveilleux progrès des inventions et cie l'énorme accrois-sement cie richesses qui en Cl été la consé-quence.

Dans un temps de démocratie comme le nô-tre, il était inévitable que le sens de l'égalité, après avoir trouvé sa complète satisfaction dans le domaine politique, se manifestât également dans le domaine économique. Les novateurs, suivant leurs tempéraments, leurs milieux, leurs origines, se sont séparés en deux camps: les uns, se prononçant pour la révolution, les autres pour l'évolution.

Or, Messieurs, il me parait incontestable

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-8-qu'aujourd'hui, c'est l'école de l'évolution qui l'emporte. Grâce au progrès' des sciences natu-relles et de leurs méthodes, grâce au dévelop-pement général de la culture et de l'expérience, on sait parfaitement aujourd'hui, même au sein des classes populaires,que la société ne peut pas se transformer en Eldorado par la magie d'un coup de baguette; on sait qu'il y Cl une loi de continuité dans l'histoire à laquelle l'homme ne peut pas se soustraire, et que le moindre pro-grès social doit s'acheter au prix d'efforts inces-sants et d'une patiente élaboration.

En fait, t;ne évolution pacifique se poursuit tous Jesjours sous nos yeux, dans le sens d'une amélioration progressive des conditions de la vie ouvrière, et d'un développement continu de l'éducation économique chez les classes la-borieuses. Ce mouvement, nous le suivons en observateur attentif, a vec une entière et franche sympathie. C'est dans cet esprit que je me propose d'étudier la législation ouvrière et les questions sociales dans leur application à une classe particulière de salariés, ceux qui sont au service de l'Etat.

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in-

-9-vesti de la puissance publique; il est aussi une personne, ce que l'on appelle en droit une per-sonne morale, c'est-à-dire un être de raison doué par assimilation légale de la même capa-cité juridique qu'une personne vivante, capable par conséquent d'être propriétaire, crr.ancier et débiteur, d'avoir des obligations et de faire valoir ses droits en justice.

En cette qualité de personne morale, l'Etat est propriétaire d'un domaine foncier, principale-ment d'un domaine forestier considérable; en outre, il s'est chargé, comme pourrait le faire un individu ou une compagnie, de la gestion de nombreuses et considérables exploitations industrielles, qu'il exerce dans des buts divers, avec ou sans monopole.

Ainsi l'Etat, dans un but fiscal exerce le monopole de la fabrication des tabacs et des allumettes chimiques; dans un but de défense nationale, il se réserve le monopole des pou-dres, et entreprend de nombreuses fabrications dans les ateliers de la Guerre et de la Marine. L'Etat, dans l'intérêt de la circulation moné-taire, s'est réservé aussi le monopole de la fa-brication de la monnaie. Dans un intérêt artis-tique, l'Etat possède des manufactures de

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-10-porcelaine et de tapisseries. Dans le but de faire une expérience économique, il exploite tout un réseau de chemins de fer dans les Charentes et la Vendée. L'Etat emploie aussi des can-tonniers pour l'entretien de ses routes, des ty-pographes dans les ateliers de l'Imprimerie nationale, etc.

Il y a certains Etats qui ont un domaine in-dustriel plus considérable encore; ainsi l'Etat

prussien, qui exploite non seulement la plus grande partie des lignes de chemin de fer de son territoire, mais aussi des mines, des salines, des établissements métallurgiques divers.

Enfin, dans tous les pays ou à peu près, l'Etat s'est résf\rvé le monopole du transport des cor-respondances par la poste, le télégraphe et le téléphone.

En France, si l'on se reporte aux chiffres inscrits dans le budget de 1902, l'Etat emploie environ 43.000 sous-agents des postes. Quant au chiffre des ouvl'iers employés par l 'Adminis-tration des postes et télp-graphes, on ne peut pas le relever dans le budget, mais je pense qu'on peut l'évaluer à 3.000 environ.

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-tous les patrons, car c'est lui qui occupe cer-tainement le plus grand nombre d'ouvriers et d'employés. Aussi la conduite qu'il observe vis-à-vis d'eux doit exercer nécessaireme.nt une grande influence sur la situation des salariés dans l'industrie privée.

Je tiens, Messieurs, à poser dès maintenant un principe qui me servira de guide dans la sui e de ces développements: c'est que l'Etat industriel, vis-à-vis de ses ouvriers et em-ployés, se trouve exactement dans la même si-tuation légale, soumis aux mêmes lois et aux mêmes obligations qu'un patron ordinaire de l'industrie privée.

J'ajoute d'ailleurs immédiatement que ce principe n'a pas encore triomphé dans toutes ses applications; sur certains points, il est écarté par les tribunaux,et,à certaines époques, il a été nié formellement par les représentants du Gouvernement. La raison qui en a été don-née, principalement à la tribune, c'est que tous les agents de l'Etat, même les plus modestes, sont des fonctionnaire.s publics, et qu'à des fonctionnaires, on ne saurait reconnaître les mêmes droits qu'à des salariés ordinaires sans

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-briser les liens de la hiérarchie administrative, sans compromettre l'existence des services pu-blics et sans porter atteinte au principe même de la souveraineté nationale.

Sans portel' atteinte au principe de la sou ve-raineté nationale! Voilà, Messieurs, de bien grands mots, mais qui, à mon sens, recouvrent une véritable confusion d'idées.

Je ne m'attarderai pas à discuter la question de savoir si les salariés de l'Etat en général, et, d'une façon particulière, 1 es ouvriers et 1 es sous-agents de cette Administration, sont ou non des fonctionnaires publics. Nul, en effet, n'ajamais pu donner une définition satisfaisante du mot fonctionnaire public, nul n'a jamais pu dire où commence et où finit le fonctionnaire public, de telle sorte que les meilleurs et les plus sages parmi les jurisconsultes ont renoncé à en donner une dénnition générale.

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- 13

publics, tous les agents de l'Etat doivent être classés en deux grandes catégories suivant la nilture de leurs fonctions.

Dans une première catégorie, on range les agents qui exercent la puissance publique, c'est-à-dire ceux qui ont reçu, par délégation d Ll souverain, une parcelle quelconque de l'auto-rité publique, et qui ont qualité pour exercer un pouvoir de contrainte, de commandement vis-il-vis des citoyens. Parmi eux, il faut com-prendre Don seulement les agents de l'ordre le plus élevé, comme les ministres, les préfets, les maires, les magistrats de l'ordre judiciaire, mais même les agents de la force publique les plus modestes qui ont le pouvoir de verbaliser. On les appelle tous des agents d'autorité.

Dans une seconde catégorie que l'on oppose à la première, on classe les agents de gestion, qui ne détiennent pas la puissance publique, qui n'ont nullement qualité pour exercer sur les citoyens un pouvoir de contrainte, mais qui ont uniq uement pour fonction de gérer les se r-vices publics; depuis les plus élevés, comme les d irecLeurs de ministère et les inspecteu rs généraux, jusqu'aux: plus modestes, comme les facteurs des postes ou les ouvriers des manu-factures des tabacs.

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-14-Vou S vOyf\Z, Messieurs, que cette distinction n'est pas du tout basée sur le rang plus ou moins élevé qu'occupent les agents de l'Etat dans la hiérarchie ad ministrati ve ; cette distinc-tion est uniquement basée sur la nature des fonctions exercées.

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davan-- 15

-tage dans la doctrine et la législation. En dehors de lui, il n'y a qu'illogisme et contra-diction.

Considérons maintenant le mouvement des faits contemporains, dans leur tendance au rc-lèvementde la situation sociale des travailleurs. A cet égard, nous apercevons trois modes d'ac-tion en jeu: la loi, l'effort personnel des inté-ressés et l'assistance patronale.

La loi intervient de plus en plus à notre époque, non seulement en France, mais daos tous les pays industriels, pour la protection des intérêts des travailleurs. Nous voyons se mul-ti plier ces lois ouvrières: lois limitant la durée du travail des enfants, des femmes et même des ouvriers adultes dans les établissements indus-triels; lois prescrivant des mesures d'hygiène et de sécurité dans les ateliers; lois protégeant les travailleurs contre certains abus dans le règlement des salaires ; lois organisant les assurances ouvrières pour les accid ents, les maladies, la vieillesse, etc ...

Si nous nous référons au principe antérieu-rement posé, principe de l'assimilation de l'Etat avec un patron ordinaire, nous np. serons pas

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-

i6-embarrassés pour dire que les différentes lois de protection des travailleurs qui ont été faites dans notre pays s'appliquent aussi bien aux ou-vriers de l'Etat qu'à ceux de l'industrie privée.

Un second mode d'action pour l'amélioration de la condition des travailleurs, c'p,st l'effort personnel des inLéressés. Ici encore, nous voyons, à notre époq ue, se manifester une très grande activité. Les travailleurs ont su se

grou-per en associatlons de diverses natures pour défendre leurs intérêts et pour améliorer leur situation matérielle: syndieats professionnels, sociétés coopératives de consommation, socié-tés de secours mutuels, etc ... Là encore,si nous cherchons quelle est la situation des ouvriers et employés de l'Etat, nous dirons, confor-mément à notre princi pe d'assimilation, que la liberté d'associatiou, que les droits ordinaires reconnus à tous les citoyens, appartiennent aux ouvriers et employés de l'Etat comme à ceux' de l'industrie privée.

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-17-Ces économistes, malgré leurs principes libé-raux, montrent une hostilité plus ou moins ouverte à l'égard des libres syndicats ouvriel's, qu'ils accusent volontiers d'être plutôt des instruments de guerre et de tyrannie que des. instru men ts de pacification sociale. Ils se défendent d'ailleurs très énergiquement de se désintéresser du progrès des classes ou-vrières; mais (;e progrès, ils l'attendent, non pas de l'Etat, non pas même des syndicats ouvriers, mais de la bienveillance, de la géné-rosité déS patrons, et des diverses institutions qui peuvent être créées par eux: caisses de se-cours, écoles, crèches, économats, habitations ouvrières, etc ...

De fait, Messieurs, on peut constater que dans un certain nombre d'établissements, et principalement chez les grandes compagnies privées, compagnies de chemins de fer, com-pagnies de mines, on a fondé, surtout dans la seconde moitié du XIX· siècle, des œu vres con-sidérables en faveur des ouvriers.

Ce mode d'assistance patronale a certaine -ment produit, dans certains endroits, des résul-tats favorables ; il a pu maintenir la paix sociale dans des régions où les populations

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-

iH-ouvrières ont gardé d'anciennes habitudes d'es -prit et ont conservé avec les patrons des rap

-ports d'une nature patriarcale.

Néanmoins, et bien qu'il faille rendre justice

aux intentions des fondateurs de ces œuvres,

le système de l'assistance patronale me paraît tout à fait insuflisant pour fournir une solution satisfaisante de ce qu'on a appelé la question

sociale. Il est insuffisant, d'abord, parce qu'il sera toujours limité; son extension est néces -sairement liée au progrès du sentim(mt de la

bien veillance chez les patrons; or, les patrons

généreux seront toujours naturellement l'excep_ tion. Et ne sentez-vous pas que I·âpreté de la

concurrence empêche souvent les mieux in-tentionnés de fonder des œuvres coflteuses au profit de leurs ouvriers?

J'ajoute que cette conception du rôle du pa -tron implique toujours plus ou moins une idée

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-19-la révolte et l'hostilité ouverte chez les autres. Nous en avons eu, dernièrement encore, de retentissants exemples, dal).s des établisse -ments où la direction avait fuit de gros sacri -fices pour fonder des institutions en faveur des ouvriers, et où la grève a cependant éclaté avec violence, comme une protestation contre un régime de contrainte morale qui ne laissait pas même aux ouvriers la liberté de se syndiquer. Cette conception du patronat bienveillant et autoritaire me paraît donc appartenir au passé. Qu'on s'en afflige ou qu'on s'en réjouisse, il faut bien s'incliner devant les faits, et re-connaître que l'idéal du passé ne peut pas s'a -dapter à tous les milieux sociaux.

Est-ce à dire que le patron qui comprend son temps et les nécessités de l'époque moderne doive se borner strictement, dans ses rapports avec ses ouvriers, à un rôle put'ement com-mercial, au rôle d'acheteur de la marchandise /travail ? Je ne le pense nullement, Messieurs; je crois,au contraire, que le patron moderne qui a une claire notion de ses devoirs peut parfaite-ment se concilier l'estime et même la sym-pathie de ses ouvriers,si, tout en maintenant la discipline à l'atelier - et c'est là un point sur

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-

20-lequel j'insiste particulièrement, parce qu'il ne faut pas croire que les hommes favorables aux

intérêts ouvriers perdent de vue les nécessités industrielles - si donc il traite ses ouvriers non pas en inférieurs et en protégés, mais en hom-mes ayant des droits égaux, non seulement dans leur vie privée et dans leur vie publique, muis même à l'atelier, en tant qu'ils se présentent

pour conclure le contrat de travail ou pour en

faire observer les clauses.

Le rôle du patron moderne me parait être,

non seulement de donner à ses ouvriers un juste salaire et des conditions de travail normales, mais aussi deles traiter avec ces égards auxquels

l'ouvrier français est si particulièrement sen-sible. Il saura respecter, chez ses ouvriers, le sentiment très intense de leur indépendance, favoriser toutes les œuvres sorties de l'initia-tive ouvrière et qui sont de nature à fortifier chez eux le sentiment de la dignité personnelle en même temps que l'habitude des gestions économiques. Enfin, et surtout, il reconnaîtra franchement, sincèrement et sans

arrière-pen-sée, les syndicats ouvriers, et négociera loyale-ment avec eux dans un esprit de large

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-Tel me paraît être le rôle du patron vis-à-vis des populations ouvrières dans un état de dé-mocratie. Tel également, si nous continuons à suivre le principe qui nous a guidés jusqu'ici, le rôle de l'Etat et de ses représentants vis-à-vis de ses employés et ouvriers.

Qu'il me suffise, à cet égard, de citer ici des paroles autorisées: « Nous n'oublierons jamais que le premier devoir d'un Etat républicain ei:it de donner l'exemple à l'industrie privée, et que le gouvernement de la République doit être le meilleur, le plus juste et le plus humain des patrons. »

Nous pouvons maintenant aborder dans le détailles questions qui appartiennent à notre programme d'études. Nous analyserons d'abord le contrat de travail qui est passé entre l'Etat et ses ouvriers et sous-agents. En second lieu, nous étudierons les syndicats et les grèves, non pas, encore une fois, à un point de vue général, mais seulement à l'occasion des ouvriers et employés de l'Administration. En troisième lieu, je parlerai. de la réglementation légale du travail, de l'applicatiuI!- de ces dispositions l é-gislatives aux ouvriers de l'Etat. Enfin, dans

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22-une dernière partie, je traiterai des assurances ouvrières, c'est-à-dire des accidents du travail, des maladies, des retraites pour la vieillesse, et des dispositions prises par l'Etat pour assurer ou assister les ouvriers et sous-agents de l'Ad-ministration des postes et télégraphes.

I. - Du contrat de tl·avail.

Le contrat de travail: terme qui ne se ren-conh'e pas dans le Code ci vil, qui cependant se trouve consacré par un usage constant, et sous lequel on désigne géuéralement deux contrats prévus par le Code civil, le contrat de louage de services et le contrat de louage d'ouvrage: le premier, s'appliquant au louage des ouvriers et employés qui sont payés au temps et aux piè-ces; le second, désignant le contrat d'entreprise qui est passé pour la confeclion d'un ouvrage avec un ouvrier travaillant à domicile,ou même avec un groupe d'ouvriers travaillant à l'atelier et prenant en commandite l'exécution d'une be-sogne déterminée moyennant un prix, combi-naison souvent employée en typographie.

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-

23-nous n'avons à retenir que le contrat de louage de services.

Conformément au principe posé au début, je dirai qu'entre l'Etat et ses ouvriers ou sous-agents, il y a louage de services ordinaire; car les ouvriers et sous-agents de l'Administration des postes et télégraphes sont sans contredit des agents de gestion, et rentrent dans la seconde catégorie que

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'ai distinguée; ils n'exercent au-cune portion de la puissance publique. Or, c'est seulement pour les agents d'autorité que les relations entre l'Etat et ses agents sont de na-ture particulière, dominées par la notion de souveraineté, au lieu d'êLre des relations con-tractuelles ordinaires régies par le Code civil; c'est seulement pour les agents d'autorité que la collation d'emploi est un acte de puissance pu-blique de la part de l'Etat, un acte administratif unilatéral n'ayant pas le caractère d'un contrat du droit civil, bien que la nomination suppose le consentement de l'agent qui la reçoit.

Rien de tel pour les ouvriers et employés qui nous occupent; à leur égard, l'idée de sou-veraineté n'intervient plus; leurs relations avec l'Etat dérivent d'un véritable contrat de travail soumis aux règles du droit commun.

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24-Voilà, Messieurs, le principe qui me parait le plus sûr; mais je dois dire que la jurispru-dence actuelle E'st loin de le reconnaître.

Le personnel dont nous avons à nous occu-per est de nature très variée. Ce sont d'abord les ouvriers des services télégraphiques et télé-phoniques. Vous connaissez mieux que moi la diversité de leurs travaux; les uns sont des ouvriers d'équipes chargés d'installer les lignes, de rechercher et relever les dérangements; les autres sont des ouvriers d'atelier, employés dans l'établissement central du boulevard Brune à la construction et à la réparation des appareils, à la fabrication des timbres-poste, à la vérifica-tion du matériel_; quelques-uns sont employés aux ateliers du Magasin régional, d'autres en-core aux ateliers de force motrice et aux ate-liers de force électrique, tels que üeux du Poste

central et de l'Hôtel des postes à Paris. Il y a parmi eux des ouvrier;:; d'état, monteurs, mécaniciens, aj usteurs, peintres, serruriers, plombiers, menuisiers-ébénistes; il Y a des chauffeurs, des ouvriers typographes, des em-ployés aux écritures; il Y a de simples manœu-vres; il Y a quelques ouvri ères employées au

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25-personnel ci vil et marin des câbles sous-marins, employé dans les ateliers et sur les bateaux spéciaux dr. l'Administration.

Ces différents ouvrierB se divisent en deux grandes catégories: les ouvriers temporaires, qui font déjà partie des cadres réguliers de l'Administration, mais ne sont occupés que d'une façon intermittente, et ne sont payés que pour les jours de travail effectif où ils sont em-ployés; et les ouvriers commissionnés, qui sont attachés au service à titre définitif, reçoivent un salaire continu et jouissent de divers autres avantages. En dehors de ces cadres réguliers, l'Administration est autorisée, pour les cas de travaux urgents et exceptionnels, à employer de simples journaliers supplémentaires qui peu vent être em hauchés provisoirement par les chefs de service, suivant les besoins du service, en dehors des conditions d'aptitude rég lemen-taires et des règles ordinaires du recrutement, Voilà pour les ouvriers.

D'autre part, il y a les sous-agents des postes ct télégraphes, qui sont extrêmement nom-breux dans les diverses fonctions qu'ils occu-pent, et qui tous, ou presque tous, sont titu-laires, c'est-à-dire, eux aussi, commissionnés.

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26-Ce sont les facteurs locaux et ruraux, les fac-teurs de ville, les facteurs chefs et sous-chefs, les chargeurs, les entreposeurs, les eourriers-convoyeurs, les gardiens de bureau sédentaire et gardiens de bureau ambulant, les brigadiel's-facteurs, les facteurs receveurs, etc .. ,

Etant données ces différentes catégorie? de personnel, quelle est la nature juridique'des relations qui les unissent à l'Administration?

Je n'ai pas d'hésitation, pour ma part, après le prinr,i pe général que j'ai posé, à donner tou-jou.rs la même réponse: quel que soit le titre de ces ouvriers et sous-agents, leurs relations avec l'Administration sont des relations con-tractuelles qui dérivent d'un véritable con-trat de travail,d'un véritable contrat de louage de services. Tel est le principe que je voudrais défendre ici.

Nous allons, Messieurs, commencer l'étude Je cette question de droit en considérant d'a-bord les salariés pour lesquels la solution pré-sente le moins de difficultés, c'est-à-dire ceux qui sont embauchés à titre supplémentaire et exceptionnel pour les travaux urgents. L'em~

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-

27-présente une analogie tout à fait frappante avec celle des ouvriers de l'industrie privée.

Les deux arrêtés du 29 mars 1902 se bornent à poser une seule règle en ce qui concerne les ouvriers supplémentaires: leur salaire mini-mum sera de cinq francs. Mais, pour le reste, ces textes s'en réfèrent à la convention verbale qui sera passée dans chaque cas particulier entre le chef de service et l'ouvrier. C'est par convèntion verbale et de gré à gré que sera fixé ]e salaire, sauf le minimum de cinq francs indi-qué par le texte; c'est la convention verbale qui réglera la nature, la durée, le moment et le lieu du travail. Nous nous trouvons donc ici en présence d'un accord entre employeur et employé qui est absolument de même nature que dans l'industrie privée.

Pour la prochaine leçon, Messieurs, nous aurons à examiner la nature des relations de l'Etat avec les ouvriers tem poraires et com-missionnés. La question sera un peu plus délicate, et cependant, comme je vous l'ai fait pressentir, nous la résoudrons absolument dans le même sens.

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DEUXIÈME CONFÉRENCE

Messieurs,

Dans la dernière leçon, je vous ai

expli-qué qu'à l'égard des ouvriers et jonrnaliers

qui sont employés par l'Ad ministration des postes et des télégraphes à titre exceptionnel,

pour des travaux urgents, il ne pouvait y avoir

de doute sur le principe qu'il y a entre eux et

l'Administration un véritable contrat de louage de services ordinaire; en effet, lorsque ces ouvriers sont embauchés, les conditions du

contrat sont débattues librement, individ uelI

e-ment, entre eux et le chef de service qui les embauche.

Lorsqu'il s'agit des ouvriers commissionnés el des sous-agents titulaires, qui sont

égale-ment commissionnés, la question de la nature juridique des relations qui existent entre eux e.t l'Administration peut paraître un peu plus

~.

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-

30-délicate, et cependant, Messieurs, comme je vous l'annonçais à la fin de la dernière leçon, cette question, à mon sens, doit êlre résolue de la même manière.

Pourquoi peut-il y avoir plus de doute à l'égard des ouvriers commissionnés et des sous-agents titulaires? C'est que leurs droits et obli-gations sont fixés d'une tout autre manière que ceux des ou vriers provisoires.

Le commissionnement confère des avantages spéciaux garantis par des règlements, par de_s arrêtés ou des décrets; parcourons quelques'~ uns de ces avantages particuliers, voyons de plus près cette situation stable qui est assurée aux ou vriers commissionnés et aux sous-agenls titulaires.

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sa 31 sa

-laire pour tous les jours de l'année, jours non ouvrables comme jours ouvrables, et, par con-séquent, sont à peu près dans la même situation qu'un fonctionnaire qui reçoit un traitement fixe annuel.

L'avancement de classe ou d'emploi des titu-laires et commissionnés est déterminé par cer-taines règles fixes qui font une part au choix et à l'ancienneté; à ce point de vue encore, nous voyons leur situation réglée à l'avance, déterminée par des textes et non pas par un accord préalable et individuel.

Le régime disciplinaire également est soumis à des règles fixes. Ainsi, il résulte d'un drcret du 16 novembre 1901 que les peines discipli-naires, d'ailleurs strictement limitées par des décrets antérieurs, ne peuvent être appliquées à ces ou vriers commissionnés ou à ces sous-agents que sur un avis d'un Conseil de disci-pline. Deux représentants de la catégorie à la-quelle appartienll'intéressé doivent siéger dans ce Conseil, et l'intéressé a le droit, s'il y tient, de présenter sa défense.

Voilà donc tout un ensemble de garanties qui sont consacrées par les textes. J'ajoute que ces mêmes ouvriers et employés ont droit, en

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-

32-cas de maladie, à des secours médicaux et à une indemnité journalière égale à l'intégralité de leur salaire, et qu'à partir d'un certain âge ils ont droit aussi à une pension de retraite, l'Etat participant aux versements dans une mesure déterminée par les règlements.

En un mot, MessieUl's, la situation des ou-vriers commissionnés et des sous-agents titu-laires est absolument fixée par des règlements, c'est-à-dire par des actes unilatéraux de l' Ad-ministration, et l'on pourrait ne pas apercevoir à première vue dans ces circonstances les con-ditions ordinaires d'un contratde travail,comme dans le cas où un patron ordinaire embauche un OUVrIer.

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-

33-Le contrat de travail, le contrat de louage de services est tacitement conclu sur les bases et conditions offertes par les règlements, dès que l'ouvrier commissionné ou le so us-agent accepte, reçoit la nomination qu'il a sol-licitée.

Est-ce là, 'Messieurs, une affirmation para-doxale? Nullement, car si nous jetons les yeux sur l'ind ustrie privée, nous voyons que lr,s choses ne s'y passent pas autrement. Il n'y a pas une usine de quelque importance qui n'ait aussi son règlem'ent, et, dans certains grands établis-semen ts, ce règlement fixe même les conditions de la retraite. Là aussi, le règlement constitue l'offre faite par l'industriel des conditions aux-quelles il pmbauche ses ouvriers, et les tribu-naux décident constamment que, par cela seul qu'un ouvrier est entré dans l'établissement, il est censé, bien que l'accord ne porte jamais sur les conditions de détail énumérées dans le rè-glement, avoir accepté tacitement toutes les conditions qui s'y trouvent portées.

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-3'1.-Pas davantage! Le commissionnement n'existe pas seulement dans les Administrations publi-ques, il existe aussi dans les compagnies de chemins de fer. Malgré ce commissionnement, nul n'a jamais contesté que les ouvriers et em-ployés, même commissionnés, des compagnies de chemins de fer, fussent liés par un véritable contrat de travail. A cet égard, il n'y a pas de doute: lorsqu'il s'agit du commissionnement conféré par les compagnies de chemins de fer, les tribunaux n'hésitent pas à jug(W en ce sens. Donc, nous dirons, pour les ouvriers des Ad-ministrations publiques comme pour les ou-vriers des chemins de fer, que ce sont de véri-tables relations contractuelles qui s'établissent entre eux et leur employeur.

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- 3;)

-peu près la certitude d'être commissionnés, et très rapiJement, s'ils font régulièrement leur service. Mais ces textes qui règlent leur situa-tion tout entière ne font que fixer les condisitua-tions de leur contrat.

Cette question principale éclaircie,nous allons maintenant, Messieurs, passer à quelques ap-plications et voir certaines particularités du conti at de travail.

Salair·es. - D'après les arrêtés pris en 1901 et 1902, les salaires des ouvriers des télégraphes et téléphones sont touj ours des salaires au temps et non plus jamais des salaires aux pièces. De leur côté, les sous-agents, au lieu d'être rétri-bués suivant un tarif kilométrique ou suivant lenombre des dépêches, reçoiven,t un traitement fixe, Pour les sous-agents titulaires, surveillants et chefs surveillants, traitement annuel; pOUl' les ouvriers, salaire journalier, mais qui est dû aux commissionnés pour tous les jours de l'an-née, dimanches et jours fériés compris, et n'est suspendu qu'en cas d'absence non justifiée.

A ce salaire, à ce traitement, dont le tari f est fixé pour chaque emploi et pour chaque classe, s'ajoutent des indemniLt',s diverses: première

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-

36-mise d'habillement, indemnité de découcher, indemnités supplémentaires pour les travaux effectués en dehors des heures et des jours réglementaires.

D'après le règlement du 12 août 1901, les salaires doivent être payés par quinzaine. Sur ces salaires, y a-t-il des retenues possibles? Il en est une sur laquelle j'aurai à m'expliquer plus tard, qui est destinée à la constitution de la pension de retraite. Mai s l'Administration a renoncé aujourd'hui à exercer des retenues à titre disciplinaire; l'amende a disparu du Gode pénal de l'Administration.

Il y a une autre retenue qu'il faut prévoir, du fait des créanciers de l'employé ou de l 'ou-vrier; c'est celle qui résulte d'une saisie-arrêt, d'une opposition sur les salaires ou les traite-ments. Ici nous rencontrons l'application d'une loi ordinaire, la loi du 12 janvier 1895 sur la saisie-arrêt des salaires et petits traitements.

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- 37

par les créanciers que jusqu'à concurrence d'un dixième au maximum, sauf suppression de cette limite s'il s'agit de dettes alimentaires; ils ne sont cessibles, ils ne peuvent être cédés par l'intéressé que jusqu'à concurrence d'un autre dixième. La procédure de cette saisie-arrêt est réglée d'une façon particulière par la loi du 12 janvier 1895; vous trouverez cette pro-cédure tout au long dans la deuxième partie de la loi.

Lorsqu'il s'agit des ouvriers et des agents de l'Administration, la saisie doit être faite entre les mains du receveur principal des pos-les et télégraphes du département (Arrêt de la Cour de cassation du if janvier 1899, Bull. des postes et télégmphes, mème année, p. 87). Cette saisie-arrêt est soumise à la péremption, c'est-à-dire qu'elle perd son efficacité quand elle n'a pas été renou ,"elée dans un délai de cinq ans; c'est l'application d'une règle ordi-naire concernant les saisies-arrêts faites entre les mains des comptables de l'Etat, quise trouve rappelée dans une circulaire du Ministre des Finances de l'année 1900 (Bulletin, p. 266).

Résiliation du contmt de travail. - Lorsq u 'il s'agit du personnel non commissionné, le

COD-s

l

\

(40)

-

38-trat de travail peut être résilié à tout moment par un acte de simple volonté, soit par l'Admi-nistration, soit par l'ou vrier; cependant, nous trouvons quelques garanties pour l'ouvrier dans l'arrêté ministériel du 25 octobre 1898. Cet arrêté dispose que les ouvriers auxiliaires et temporaires qu'il y a lieu de licencier pour manque de travail doivent être, autant que possible, prévenus au moins un mois à l'a-vance, et doivent recevoir une indemnité égale

(41)

-

39-côté, l'ouvrier commissionné ou le sous-agent se trouve également engagé d'une façon dura-ble vis-à-vis de l'Administration; il ne pour-rait donc quitter son service qu'en donnant une démission dans la forme ordinaire.

Contentieux. - Enfin nous avons à nous oc-cuper de toutes les contestations de droit qui peu vent s'élever à propos du contrat de travail. C'est précisément ici que nous allons voir l'in-térêt qui s'attache à la nature juridique des re-lations entre l'Administration et ses employés.

D'après le droit commun, lorsqu'une contes-tation s'élève sur le contrat de travail entre un patron et son ouvrier ou employé,elle est portée, suivant les cas, soit devant le conseil des prud'-hommes, soit devant le juge de paix, soit de-vant le tribunal ùe commerce, soit devant le tribunal civil; il Y a là de nombreuses distinc-tions à faire. Ce qui nous importe ici et qu'il nous faut retenir, c'est que, quelle que soit lajuridiction, c'est toujours un tribunal judi-ciaire qui est corn pétent.

(42)

-

40-l'Etat et un patron ordinaire. Non pas que le conseil des prud'hommes ou le tribunal de

com-merce puissejamais être compétent à cet égard, d'après notre législa tion actuelle; mais les j u-ges de paix et les tribunaux ci vils devraient être

COol pétents sur ces sortes de litiges, s'il est

vrai, comme je l'ai soutenu, que c'est un véri-table contrat de travail qui unit les ouvriers, même commissionnés, à l'Administration.

C'est ici, Messieurs, une opinion individuelle que j'expose; car aujourd'hui, il faut le recon-naitre, la jurisprudence est fixée en sens con-traire. Elle a refusé jusqu'ici de voir un véri-table contrat de travail dans les rapports entre l'Administration et ses employés, et elle en tire certaines conséquences au sujet de la com-pétence et des droits des ouvriers.

La plupart des contestations qui s'élèvent en-tre une Administration publique - j'emploie à dessein cette expression tout à fait large -entre une Administration publique et ses em-ployés, se présentent sous la forme de deman-des en dommages-intérêts pour l'évocations injustifiées ou prétendues telles.

(43)

-

41-récemment par une loi du 27 décembre 1890. Aux termes de ce texte, lorsqu'un contrat de louage de services est fait sans détermination de durée, il appartient toujours à chacune des deux partiBs de faire cesser le contrat. Mais cette rrsiliation par la volonté d'une seule des deux parties peut donner lieu à des dommages-intérêts. A ce sujet, le texte est très peu expli-cite, et l'on décide généralement qu'il faut se référer à la jurisprudence antérieure pour l'in-terpréter.

Ainsi, pour un contrat sans délai déterminé - et c'est bien là la situation de l'ouvrier ou de l'employé vis-à-vis de l'Administration -faculté de résiliation pour chacune des parties, mais aussi responsabilité possible en domma-ges-intérêts. Or une jurisprudence constante refuse d'appliquer ce texte aux employés des Administrations publiques.

(44)

4.2

-ingénieurs ou architectes directeurs des tra -vaux municipaux, eV::. Vous com prenez en effet, Messieurs, qu'avec les vicissitudes élec -torales, ce sont les employés municipaux qui sont les plus exposés à ces renvois brusques et souvent injustifiés.

D'une façon à peu près unanime, les cours d'appel et le Tribunal des Conflits, qui est dans notre pays l'arbitre suprême des compétences, ont jugé que les tribunaux judiciaires sont in -compétents sur de pareilles réclamations faites par des employés municipaux révoqués. Et pourquoi? Parce que la nomination et la r é-vocation de ces agents des Administrations pu-bliques sont non pas des actes contractuels, mais des actes auministralifs, c'est-à-dire des actes de la puissance publique.

Vous le voyez, cette jurisprlldenee refuse de considérer comme des relations contractuelles ordinaires les relations entre l'Administration publique et son employé; elle voit dans la collation d'emploi au profit d'u-n simple agent de gestion un acte de la puissance publique, un acte unilatéral, aussi bien que s'il s'agissait d'un agent de l'autorité publique.

(45)

-

43-même que les tribunaux sont incompétents sur les réclamations qui émanent des employés d·e l'Etat. La jurisprudence a eu à statuer très ra-rement sur de pareilles réclamations; elle n'a eu à le faire que pour des employés du chemin de fer de l'Etat qui se plaignaient d'avoir été révoqués. Un arrêt de la Cour d'Orléans du 28 novembre 189'l (Sirey, 1892,2,105) repousse la demande, en déclarant que les tribunaux judiLiaires ne sont pas compétents, parce que l'autorité judiciaire ne peut apprécier les actes d'administration publique.

Mais les tribunaux administratifs ne pour-raient-ils pas du moins statuer;sur cette réclama-tion ? Ne pourraient-ils pas, à défaut des tribu-naux judiciaires, accorder des dommages-inté-rêb. 9. l'employé révoqué? Les intéressés, dans les a flaires qui avaient d'abord été soumises aux trib unaux judiciaires, ont essayé, Pon effet, de cette voie de recours; ils se sont retournés du côté des tribunaux administratifs, et se sont adressés à la juridiction administrative de droit commun, au Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat a déclaré qu'il était saisi à bon droit, c'est-à-dire qu'il était compétent; néanmoins, sta-tuant sur le fond même de la réclamation, il

(46)

-44-a repoussé l-44-a dem-44-ande, il a refusé d'allouer

des dommages-intérêts à l'agent révoqué, par la raison que si la révocation n'était attaquée

ni pour incompétence, ni pOUl' vice de formes,

elle était parfaitement régulière, et rentrait clans les pouvoirs ordinaires de l'autorité admi-nistrative; elle ne pouvait donc donner lieu à

aucune réclamation contentieuse devant les tri-bunaux administratifs, ni à une demande en

réintégration, .ni même à une demande en

dommages-intérêts,

Parmi les nombreuses décisions en ce sens,

je ne veux citer que la plus récente, un arrêt du Conseil d'Etat du 29 avril 1892, qui astatué sur une demande en dommages-intérêts formée

par un architecte révoqué (Dalloz, 1893,3,67),

Il résulte de cette jurisprudence une différence

assez lJizane entre les employés des chemins de fer des compagnies et ceux des chemins cie

fer de l'Etat, bien qu'il ait été dit à différentes

reprises, au moment du rachat, que l'Etat d

e-vait se trouver exactement dans la même situa-tion que les compagnies.

(47)

-

45-agents et ouvriers de l'Etat; je crois que les tri-bunaux judiciaires devraient se déclarer com-pétents sur leurs demandes en dommages-inté-rêts pour rupture du contrat de travail, et que ces réclamations pourraient être accueillies dans les cas et conditions où la jurisprudence admet la responsabilité d'un patron ordinaire.

Quels sont ces cas?

Quand un patron est actionné en dommages-int rèts pour avoir renvoyé son ouvrier, ce n'est pas, d'après la jurisprudence ordinaire, le patron qui doit prouver qu'il avait des mo-tifs légitimes de renvoi; c'est, au contraire,l'ou-vrier renvoyé qui doit fournir la preuve que le patron a rompu le contrat pour un motif in jus-tifiable, contrairement à l'équité qui doit prési-der à des rapports contractuels d'après l'arti-cle 1135 du Code civil (Cas!:L,22 mai 1901 ,Sirey, 1901,1,416). Vous voyez que la demande en dommages-intérêts n'est pas accueillie facile-ment.

Voilà les principes qui, à mon sens, devraient être applicables aussi bien à l'Etat qu'à un pa-tron ordinaire. On les écarte, parce qu'on craint d'apporter le trouble dans la hiérarchie admi-nistrative, dans l'organisation des services

pu-3.

(48)

-

46-blics. Ce trouble, on le redoute si les tribunaux ordinaires sont appelés à apprécier les motifs d'une révocation et à faire peser une responsa -bilité sur l'Etat. Mais observons que si le droit commun était applicable à l'Etat, il n'y aurait de responsabilité pécuniaire pour l'Etat que si la révocation était absolument injustifiée; il faudrait que l'employfi ou l'ouvrier l'évoqué prouvât que le renvoi a été fait de mauvaise foi. Cette preuve ne serait pas facile à fournir; mais s'il était établi que l'Administration a agi contrairement à l'équité en renvoyant son e m-ployé ou son ouvrir-r, il me semble qu'il n'y aurait pas lien d'écarter ici l'application du droit commun. Il n'y a pas de raison pour qu'un salarié de l'Administration ne jouisse pas des mêmes garanties qu'un salarié ordinaire.

J'ajoute qu'une pareille hypothèse est pr es-que invraisemblable, surtout lorsqu'il s'agit d'une Administration comme celle des postes et télégraphes, où la révocation n'est pronon -cée qu'après une décision du Conseil de disc i-pline, entourée de tontes les garanties dont je parlais tout à l'heure.

(49)

-

47-même au point de vue pratique, de se deman-der si l'arlicle 1780 du Code civil s'applique aux relations entre l'Etat et ses employés.

Si, en effet, l'article 1780 du Code civil peut être invoqué par l'ouvrier ou le sous-agent ré-voqué, la réciproque doit être vraie, ce même texte doit pouvoir aussi être invoqué par l'Ad-ministration contre l'ouvrier qui a quitté son service ou qui l'a refusé d'une façon illégitime. Suivant le principe que ces relations sont des relations contractuelles ordinaires,j e concevrais très bien en pareil cas que l'Administration poursuivit le sous-agent ou l'ouvrier pour obte-nir des dommages-intérêts. Si elle ne le fait pas, parce qu'elle pense que cet agent sera in-sol vable, au moins trouvera-t-elle dans ce refus de service un motif parfaitement légitime de révocation.

(50)

-

48-salaire qui occupent les conseils de prud 'hom-mes. Quand une pareille contestation s'élève entre l'Administration et l'un de ses ouvriers, comment est-elle tranchée? En fait, elle l'est toujours par le chef de service; elle n'est jamais portée devant une juridiction.Et effectivement, il serait bien dimcile à l'ouvrier de saisir une juridiction, dans l'état actuel de la jurispru-dence.

(51)

- 4·

9-contrats; mais elle continuera à s'appliquer aux traitements et salaires contestés, tant que la jurisprudence refusera de voir un contrat dans les rapports entre l'Etat et ceux qu'il em-ploie comme agents de gestion.

Messieurs, appii.quez ces principes généraux aux réclamations des ouvriers des télégraphes, vous serez obligés de dire que pour la plus mi-nime contestation relative au salaire, portant peut-être sur un chiffre de 5 ou 10 francs, il faut que l'ouvrier provoque une décision du

Mi-nistre du Commerce; et si le MiMi-nistre du Com-merce ne lui donne pas satisfaction, ou si le Ministre garde le silence pendant quatre mois, alors seulement l'ouvrier pourra porter sa ré-clamation devant le Conseil d'Etat.

(52)

-

50-En résumé, dans l'état actuel de la jurisp ru-dence, lorsqu'il s'agit de révocation, il n'y a pas de réclamation contentieuse possible, soit en réintégration, soit en dommages-intérêts, ni devant les tribunaux judiciaires, ni devant les tribunaux administratifs. Lorsqu'il s'a-git d'un autre différend relatif au contrat de travail, si l'ouvrier ne se contente pas de la dé-cision qui a été prise par le chef de service,

il n'a d'autre ressource que de s'adresser au ministre, et de recourir ensuite au Conseil d'Etat.

(53)

- 51

-seraient déterminés par un règlement d'admi-nistration publique.

Cet amendement n'a pas encore été discuté devant le Sénat. J'ai tenu néanmoins à vous signaler le vote de la Chambre des députés, parce que j'y vois une manifestation très inté-ressante de la tendance actuelle à une assimi-lation complète entre ,'Etat industriel et un

patron ordinaire.

J'a' épuisé, Messieurs, le premier obj et que j e me proposais d'étudier devant vous, c'est-à-dire le contrat de travail; je vais maintenant, et c'est le deuxième point que je dois traiter, étudier les syndicats et les grèves, en tant qu'ils

concer-nent les employés des Administrations publi-ques.

II. - Syndicats et grèves.

(54)

(

;)2

-Ce sont d'abord des associations de capitaux, des sociétés anonymes constituées par actions, qui se chargent des plus vaste,; entreprises, telles que le percement de l'isthme de Suez ou la construction et l'exploitation d'un grand ré-seau de chemins de fer. Ce sont des coalitions de producteurs, si fréquentes aux Etats-Unis, connues aujourd'hui sous le nom de Trusts. Il y a dix-huit mois,nous apprenions qu'il se cons-tituait aux Etats-Unis un Trust gigantesque de l'acier, une corporation de l'acier formée par la fusion d'un très grand nombre d'entreprises considérables, au capital de 5 milliards,

possé-dant à la fois des mines,des fours àcokc et hauts-fourneaux, des usines métallurgiques, des che-mins de fer, des lignes de bateaux à vapeur.

(55)

-

53-en Allemagne et 53-en Italie, où elles viennent en aide à la petite culture.

Ou bien, ce sont des sociétés coopér ati-ves de consommation; nous en avons quelques-unes en France, mais elles sont loin d'atteindre le niveau des sociétés coopératives de con som-mation anglaises, qui réalisent un chiffre d'af-faires d'un milliard au moins par an. Elles ont fondé,à Manchester et à Glasgow,deux magasins de glOS qui font les achats par masses consi dé-rables pour le compte des sociétés, et qui fa-briquent pour elles, dans leurs propres usines, une grande partie des articles dont elles ont

besoin; leur production atteint une somme de 200 millions par an.

n

est donc tout naturel qu'en présence de la puissance croissantr, Jes capitaux, les t ravail-leurs aussi aient songé il se grouper, à se forti-fier par l'union pour la défensede leurs intérêts.

Nous avons vu, principalement dans la se-conde moitié du siècle dernier, des associa-tions ouvrières se former dans tous les pays de civilisation occidentale, non seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis et en Au s-tralie.

(56)

- 54

(57)

-55-droit aux secours qui rattachait d'une façon tout à fait étroite les membres à l'association professionnelle. En temps de paix, l'ouvrier ne cesse pas de verser ses cotisations, parce qu'il sait y trouver l'avantage du secuurs mutuel.

En France, la Révolution, qui a supprimé toutes les anciennes corporations de métiers jadis investies du monopole dans certaines pro-fessions, comme elle asupprimé les autres corps de l"~ ncien régime, s'est montrée très hostile, on peut le dire, aux associations ouvrières. Toutes les associations d'un caractère profes-sionnel furent interdites, de la façon la plus formelle, par la loi du 14-juin 1791, que l'on a appelée, du nom de son rapporteur, la loi Cha-pelier. Aussi, depuis lors, les associations ou-vrières sont restées longtemps soumises à un régime prohibitif. Jusqu'à ces derniers temps, elles ont été régies par l'article 291 du Code pénal, établissant des peines contre les associa-tions de plus de 20 personnes qui se seraient formées sans l'autorisation du Gouvernement. Les associations ouvrières sont restées long-temps soumises à ce régime de droit commun. Il est vrai que, malgré cette interdic.tion géné-rale, malgré ce régime si sévère et si restrictif,

1

(58)

-

5n-en fait,le gouvernem5n-ent du Second Empire s'est montré très tolérant vis-à-vis des chambres syndicales ouvrières. Mais l'interdiction légale, résultant de la loi de 1791 et surtout de l'arti-cle 291 du Code pénal, n'a été réellement levée que par la loi sur les syndicats professionnels du 21 mars 1884. Cette loi permet de former librement, sans aucune autorisation adminis-trative, des associations professionnelles, soit de patrons, soit d'ouvriers, quand elles ont pour but exclusif la défense des intérêts de la pro-fession.

Ces associations professionnelles peuvent se former librement, pourvu qu'elles obéissent à certaines prescriptions de la loi qui impose des conditions de publicité; il faut déposer les sta-tuts à la mairie, et publier les noms des admi-nistrateurs qui doivent être Français. A ces conditions, le syndicat est valablement consti-tué et jouit de plein droit d'une certaine capa-cité civile; il est une personne morale.

(59)

-

57-unions, dans la législation actuelle, n'ont pas le caractère de personnes morales.

(60)
(61)

TROISIÈME CONFÉRENCE Messieurs,

J'ai terminé la dernière leçon en vous expo -sant la législation générale sur les syndicats,

et j'ai rappelé que la liberté syndicale datait de la loi du 21 mars 1884.

Celte législation générale est-elle applicable aux ouvriers des Administrations publiques, et, en particulier, aux ouvriers et sous-agents de l'AdministraLion des postes et télégraphes? On l'a nié en différentes circonstances, d'une façon publique, et il me paraît opportun de retracer ici l'historique de la question devant le Parlement :

(62)

dé-- 60dé--

60-claration suivante: « Je ne reconnais pas du

tout aux agp.nts du Gouvernement le droit de mettre à exécution la loi sur les syndicats pro-fessionnels, parce que cette loi ne s'applique pas à eux, parce que, s'ils se syndiquaient, ce serait contre la représentation nationale elle-même qu'ils organiseraient le syndicat. 1)

Ainsi, Messieurs, l'affirmation est catégo-rique: les ouvriers de l'Etat, les employés de l'Etat n'ont pas le droit de se syndiquer. De la même façon, un ministre allemand, s'adressant récemment aux délégués d'un syndicat qui s'était formé dans l'Administration des postes, a déclaré que ce syndicat, tendant à former un Etat dans l'Etat,devait se dissoudre, et que tous les agents devaient se sentir suffisamment représentés par leur chef, le ministre. De même, dans Ip,s houillères fiscales du bassin de la Sarre, l'Administration prussienne fait obsta-cle à toute formation de syndicat. Aussi voit-on, dans les congrès inLernationaux,les ou vriers mineurs allemands prendre nettement parti contre la nationalisation des mines.

(63)

-

61-parlementaire; il s'agissait alors des employés des chemins de fer. Les compagnies de chemins de fer avaient refusé à leurs agents les congés qu'iJ.,o; sollicitaient pour se rendre au Congrès national de la fédération de leurs synd icats. Sur ce refus des compagnies, qui mettait obs-tacle, sinon à la formation, du moins au fonc-tionnement des syndicats et de la fédération syndicale, le Ministre des Travaux publics, 1\1. Jonnart, fut interpellé à la Chambre. M. Jon-narL soutint alors cette théorie que le droit d'association doit être reconnu aux employés des compagnies; ils peu vent former des sy n-dicats d'après la loi de 1884. Mais, en même temps, le Ministre des Travaux publics, s'en référant aux déclarations précédentes de l'an-cien Ministre du Commerce, déniait le même droit aux employés des chemins de fer de l'Etat, au moins quand ces employés sont commis-sionnés.

(64)

-

62-rieurement une autorisation administrative.

Je vous dirai tout à l'heure quel a été le sort

de ces diverses déclarations et propositions.

Dans la séance de la Chambre des députés

du 22 mars 1897, le Ministre de l'Instruction publique, M. Rambaud, qui venait de faire

dissoudre l'Association des maîtres répétiteurs,

déclarait, sur une interpellation qui lui était adressée de ce chef, que cette association avait été d,issoute parce qu'elle n'avait pas voulu se

borner au rôle d'une simple société de secours

mutuels, et il ajoutait: « Personne n'élève la

prétention que la loi de 1884. puisse être

appli-quée à des fonctionnaires de l'Etat. »

<. Enfin, conformément à la même doctrine, le

Préfet de la Seine a dissout à différentes

repri-ses des syndicats qui s'étaient formés entre

travailleurs munici paux, cantonniers, employés

d'octroi de la Ville de Paris, etc ...

Quelles furent donclesraisons invoquées dans

les débats parlementaires? On s'est toujours

fondé, pour refuser la liberté syndicale dans

les Administrations publiques, sur'ce que l'Etat

n'est pas un patron ordinaire. Il est inadmis-sible, contraire à toute disci pline, à toute

(65)

-

63-grouper en associations pour discuter leurs

in-térêts avec leurs chefs de service, car, dit-on,

quand il s'agit de l'Etat, le salarié n'est plus

en présence d'un simple intérêt privé, comme lorsque l'association se dresse contre un

pa-tron ordinaire; il se trouve en prr.sen<.;e d'un

intérêt public et de la souveraineté nationale

elle-même. On ajoute subsid iairement que des

dépenses inscrites au budget, comme les sa

-laires et traitements des ouvriers et employés des Administrations publiques, ne peuvent

être l'objet d'une discussion entre

l'Adminis-tration et un syndicat.

Messieurs, pour trancher cette question, je

crois qu'il faut encore s'en référer au principe

qui m'a guidé jusqu'à présent, à la distinction

que j'ai faite entre les agents d'autorité et ceux

de gestion. S'il s'agit des agents d'autorité, nous

savons que les relations qui existent entre eux' et l'Etat ne sont pas des relations contrac-tuelles, ce sont des relations de souveraineté.

n

est impossible, par conséquent, de

reconnaî-tre aux agents d'autorité les mêmes droits

qu'aux autres citoyens, notamment le droit de

former des associations professionnelles; un

syndicat formé entre agents de la puissance

\ 1

(66)

-

64-publique, capable de mettre en échec ou de suspendre l'exercice de la sou veraineté, serait

incompatible .avec les principes du droit public.

C'est pourquoi je se l'ais disposé à refuser le droit d'association, en dehors des simples grou -pements d'assistance mutuelle, non seulement

aux agents de la force publique comme les

gar-diens de la paix, mais aussi aux employés des

chemins de fer, soit de l'Etat, soit même des

corn pagnies, lorsqu'ils sont assermentés et in-vestis du droi t de verbaliser. J'en dirai autant

des surveillants et chefs surveillants du service

télégraphique, qui sont aussi assermentés dans le même bLlt. Tous, ils sont des agents d'auto-rité, pri vés par conséquent du droit de former des associations syndicales.

Mais, quand il s'agit d'agents de gestion,

il en est tout autrement. Les agents de gestion

tels que les instituteurs, les maîtres répéti-teurs, les professeurs des divers ordres

d'en-seignement, les employés de tout grade ùes Administrations publiques, les ouvriers des manufactures de l'Etat, les facteurs des postes

et des télégraphes - tous compris dans la caté-gorie des agents de gestion comme n'ayant

(67)

-- -

65-se trouvent liés à l'Etat par un véritable con-trat de louage de services. Leurs rapports avec l'Etat me paraissent être de même nature gue

ceux d'un ouvrier ou employé ordinaire avec

son patron, et je n'aperçois aucune raison

pui-sée dans les lextes ou dans les principes géné-raux pour leur refuser le droit ordinaire des

ciloyens, le droit de défendre leurs inlérêts

vis-à-vis de leur employeur, l'Etat, au moyen d'as

-sociations professionnelles.

Sans doute leurs salaires, leurs traitements

sont inscrits au budget; mais est-ce à dire,

Messieurs, parce que ces salaires figurent dans les crédits budgétaires, que le taux en soit

im-muable, et que ces salaires soient soustraits

aux lois ordinaires de la concurrence? En

au-cune façon. Est-cc que les fournitures de

l'ar-mée, par exemple, ne figurent pas, elles aussi, dans les dépenses du budget? Est-on' tenté de soutenir pour cette raison gue les

fournis-seurs de l'Etat sont privés du droit de débattre

les prix de lems fournitures avec l'AJminis

tra-tion? Jamais personne n'a soutenu cette pré

-tention.

Comme l'a dit avec beaucoup de raison un

orateur, dans la discussion de 1894., il n'est pas

(68)

-

66-admissible que l'Etat fasse des lois au profit des ouvriers et cherche à s'y soustraire; ce serait trop commode de faire de la démocratie sur le dos de l'industrie privée.

En fait, l'Administration n'ajamais contesté la liberté syndicale aux ouvriers de ses manu-factures. Les associations syndicales parmi ces ouvriers sont déjà anciennes. Ainsi, le premier syndicat des ouvriers des manufactures des ta-bacs a été formé à Marseille en 1887; le pre-mier syndicat des ouvriers des manufactures d'allumettes a été formé, également à Mar-seille, en 1890. Et depuis 1893, dans toutes les manufactures de l'Etat, il y a des syndicats qui sont fédérés entre eux.

(69)

Gou--

67-vernement à la respecter et à en faciliter

l'exé-cution. » Voilà, Messieurs, une décision bien nette, qui rompt avec les précédents suivis

jus-que-là par les Administrations publiques. Elle

reconnaît d'une façon péremptoire aux ouvriers ùe l'Etat et aux employés des Administrations publiques,comme aux salariés de l'industrie

pri-vée, la liberté syndicale de droit commun. Cet

ordre du jour eut des conséquences politiques

très importantes sur lesquelles je n'ai pas à m'arrêter ici; il entraîna la chute, non seule-ment du Ministre des Travaux publics, mais

aussi du Cabinet tou~ entier (Cabinet

Casimir-Perier).

En 1896, lorsque M. Marcel Barthe proposa

au Sénat l'amendement dont je parlais tout à l'heure, cet amendement eut si peu de succès, même devant la Haute Assemblée, 9,ue son au-teur dut le retirer avant qu'il fût soumis au vote. On trouve, il est vrai, dans la loi du 30

no-vembre 1892 sur l'exercice de la médecine, un article qui, tout e.n conférant aux médecins le droit de se syndiquer dans les conditions de la loi du 21 mars 1884, leur refuse le même droit

à l'égard de l'Etat, des départements et des

(70)

fi8

-moins le Sénat, étail certainement dominé, en 1892, par l'idée que les fOllctionnaires publics

d'un ordre quelconque ne peuvent former des syndicats. Mais cette pensée ne s'est traduite en loi que dans le texte précédent, spécial à un ordre de fonctionnaires particulier. Or, pour priver toute une catégorie de citoyens, les ou -vriers et employés des Adminislrations publi-ques, du bénéfice du droit commun, il faudmit une disposition générale formelle, qui ne se trouve nulle part. Aussi la Chambre, en 18~H, ne s'est-elle pas considérée comme liée par la disposition subreptice et très limitée de la loi de 1892. Et aujourd'hui surtout, depuis la loi du 1er juillet 1901 surle contrat d'association, la liberté synd icale ne pourrait être contestée aux fonctionnaires de gestion que dans le cas où leur syndicat aurait un objet illicite.

Les asso~iations professionnelles sont très nombreuses parmi les agents de l'Etat. Il existe des associations syndieales non seulement chez les ouvriers des manufactures de tabacs et d

'al-lumettes, mais parmi les instituteurs, profes -seurs d'en::;eignement seeondaire, etc.

Dans l'Administration des postes et des t

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-

fi9-des agents, un Syndicat des ouvriers des postes, télégraphes et téléphones fondé en décembre 1899, et une Association générale des sous-agents des postes ct télégraphes qui a été for-mée à la fin de l'année 1900.

Je m'arrête un instant sur le Syndicat des ouvriers des postes, télégraphes et télépho-nes.

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- 70

aucun syndicat ouvrier français la cotisa-tion n'atteint la somme de 1 fr. 25 par se-maine, qui est la moyenne dans les Trade-Unions. Il est impossible, avec une cotisation aussi faible, d'organiser des secours mutuels, qui font la force des associations anglaises. Le syndicat est dirigé par un conseil d'administra-tion. Il a toute une organisation locale,des bran-ches locales, des groupes locaux constitués par 50 syndiqués au moins; chacun de ces groupes possèJe deux sortes de fonctionnaires syndi-caux, un secrétaire, qui est l'intermédiaire avec le conseil d'administration, et un receveur gé-nérai.

Grèves. - Les grèves ont existé de tout temps. On relève, dans les documents histo-riques, des grèves parmi les ouvriers, notam-ment à Ly,on, dès le XVI" siècle; il ne faut donc pas croire gue les grèves soient un fait pure-ment contemporain. Ce qui est exact, C'E'stque les grèves ont pris au XIX· siècle un

dévelop-pement inconnu jusque-là, à cause de la con-centration des masses onvrières dans les cen-tres ind ustriels.

(73)

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-degré de ci vilisation et le développement mo-ral et matériel des classes ouvrières.

Dans les pays les moins avancés. là où les classes ouvrières sont encore ignorantes, mi-sérables et inorganisées, les grèves ont un vé-rilable caractère insurrectionnel ; ce sont, comme les révoltes serviles, des soulèvements brusques, souvent même des émeutes sanglan-tes, sui vis d'aITaissements prolongés. 11 ne peu t en êtrè autrement, là où manquent l'organisa-tion, les ressources, les chefs exerçant une autorité incontestée par leur caractère et leur esprit de suite. C'est à peu près l'état de choses que nous constatons aujourd'hui en Espagne.

Dans les pays où la classe ouvrière est déjà émanci pée matériellement et moralement, mais où, en même tem ps, les organisations ouvrières sont encore assez faibles I:'t disposent de res -sources insuffisantes, les grèves sont-beaucoup

plus fréquentes et encore désordonnées, sans avoir le caractère violent de la phase précé -dente. Elles éclatent généralement sans aver -tissement préalable, sans que les ouvriers son -gent à présenter au patron un programme de revendications précises, à la suite d'une lon -gue accumulation de griefs que les patrons

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-72-mêmes ne soupçonnent pas toujours; parfois,

elles ont des causes qui ne sont pas d'ordre pro-fessionnel, et sont dirigées par des hommes étrangers à la profession. De leur côté, les pa-trons refusent de reconnaître les syndicats,

d'entrer en pourparlers avec les représentants des syndicats. Ils sont portés à considérer la

grève comme une sorte de révolte contre leur

autorité légitime, comme un ade d'insubordi-nation de la part d'inférieurs, et on les voit

sou vent lutter contre les synd icats autant par esprit de domination que par intérêt. Cet état

de choses, nous le constatons encore dans une large mesure en France.

Enfin, dans les pays les plus avancés, où les organisations ouvrières sont anciennes, riches et puissantes, les grèves, quand elles éclatent,

sont souvent colossales, elles s'étendent au

personn·e.t d'une industrie tout entière, mais elles sont plus rares et surtout plus pacifiques. Dans ces pays très avancés, grâce à la puissante organisation, non seulement des associations ouvrières, mais aussi des associationS patro-nales, les rapports entre le capital et le travail

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73-permanents dans lesquels siègent, à titre régu -lier, des représr.ntants des patrons Pot des re-présentants des ouvriers, élus par les asso-ciations patronales et ouvrières.

Il résulte de cet état de choses une sorte de paix armée, analogue à celle dans laquelle vivent les nations modernes; et lorsque la paix a été rom pue a près épuisement des moyens de conciliation ordinaires, le conflit trouve pour se dé ouer des organisations tontes prêtes, qui sont assez fortes pour imposer dans chaque groupe, aussi bien du côté des patrons que du côté des ouvriers, les solutions établies par les conciliateurs ou les arbitres. On a alors ce que l'on appelle le régime du contrat collectif, par opposition au contrat de travail individuel; régime dans lequel les tarifs des salaires et les autres conditions du contrat de travail, au lieu d'être fixés individuellement, sont débattus et arrêtés entre le syndicat des patrons et la fé-dération des ouvriers de la même industrir., de telle sorte que les con'ditions établies, les tarifs convenus forment une règle commune pour tous les établissements de l'industrie intéressée. Tel est, Messieurs, ce que l'on a appelé, à

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