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Œuvres complètes de Bernardin de Saint-Pierre, romans et contes, éd. Jean-Michel Racault, Guilhem Armand, Colas Duflo, Chantale Meure. Paris: Classiques Garnier, 2014. 1053 pp.

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Œuvres complètes de Bernardin de Saint-Pierre, romans et contes, éd. Jean-Michel Racault, Guilhem Armand, Colas Duflo, Chantale Meure.

Paris: Classiques Garnier, 2014. 1053 pp. 49 euros. ISBN 978-2-8124-3086-2.

La figure de Bernardin de Saint-Pierre a reçu une attention croissante au cours des dernières années, marquées par une floraison de contributions. La parution de sa première biographie moderne en 2006 (Malcolm Cook, Bernardin de Saint-Pierre: A Life of Culture [Oxford: Legenda]), conjointement à la publication de la Correspondance dans le projet Electronic Enlightenment de la Voltaire Foundation (Bodleian Libraries, University of Oxford<http://www.e-enlightenment.com>) et à l’organisation de trois colloques spécialisés à l’occasion du bicentenaire de sa mort en 2014 (Réunion, Rouen/Le Havre, Sorbonne), ont contribué à mettre en lumière la complexité et la polyvalence de sa pensée. Bien qu’il soit l’un des écrivains les plus éclectiques et représentatifs du tournant des Lumières (il est romancier et botaniste, philosophe et ingénieur militaire) l’œuvre de Bernardin est encore largement négligée par la critique dix-huitiémiste, comme le montre l’« État présent » récemment publié par Simon Davis (French Studies 69 [2015]: 220–227).

Parmi les raisons qui ont marqué la mauvais fortune historiographique de Bernardin de Saint-Pierre, ressort le fait qu’il est le seul des auteurs littérairement consacrés du dix-huitième siècle français dont les écrits n’aient fait l’objet d’aucune publication d’ensemble récente et sûre. L’unique édition existante des Œuvres complètes, due à Aimé-Martin, ami et secrétaire de l’écrivain, remonte à près de deux siècles (Paris: Mequignon-Marvis, 1818, 12 vol.). Cette édition, en plus de ne pas être (évidemment) en mesure de répondre aux critères philologiques modernes, n’a pas été rééditée depuis un siècle et demi et elle est maintenant accessible seulement dans les fonds anciens de quelques rares bibliothèques. La lacune cruciale d’accès matériel aux textes a finalement été comblée par la publication de la première édition critique des Œuvres complètes, dont le livre faisant l’objet du compte rendu représente le volume inaugural. Délimiter et établir le corpus bernardinien est une tache considérable, car il est composé non seulement en grand partie par des œuvres entièrement ou partiellement posthumes dont l’authenticité pose problème, mais aussi par des nombreuses œuvres qui n’existent présentement qu’à l’état manuscrit. En outre, ces manuscrits sont souvent des versions concurrentes de la même œuvre, tel que confirmé par l’exemple frappant des Harmonies de la nature (voir notamment S. Baridon, Les Harmonies de la nature di Bernardin de Saint-Pierre: studi di filologia e di critica testuale [Milan: Istituto Editoriale Cisalpino, 1958]).

Pour réussir dans l’entreprise de “reconstruire” une œuvre entièrement caractérisée par un mode de composition anarchique, le comité de rédaction, dirigé par Jean-Michel Racault – spécialiste érudit et incontesté de l’ouvrage bernardinien, comme le confirme son récent recueil d’essais intitulé Bernardin de Saint-Pierre. Pour une biographie intellectuelle (Paris: Champion, 2015) – a adopté un mode de regroupement qui vise à respecter en même temps une cohérence thématique et chronologique. Le projet éditorial sera divisé en cinq sections de deux volumes chacune. La première section recueille les récits et voyages, la deuxième et la troisième les œuvres philosophiques et scientifiques – à savoir les Études de la nature et les Harmonies de la nature –, la quatrième les œuvres politiques et pédagogiques, et la cinquième les mélanges philosophiques, scientifiques et littéraires.

Dans ce premier tome on trouve l’essentiel des textes de fiction de Bernardin de Saint-Pierre, précédés d’une utile Bio-bibliographie (19–32), accompagnés de leurs divers paratextes auctoriaux (dont Bernardin, fidèle au principe de la composition par greffes, fait usage et abus) et d’annexes documentaires. Il ne peut bien sûr manquer, dans un volume consacré aux romans et aux

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contes, Paul et Virginie, l’écrit qui a assuré à son auteur une célébrité durable quoique à certains égards encombrante, puisqu’il a éclipsé de fait le reste de sa production. Précisément pour remplacer la célèbre œuvre dans le contexte plus large de la pensée philosophique et scientifique de Bernardin (de sa première publication, en 1788, l’“espèce de pastorale” figure en fait dans le tome IV de la troisième édition des Études de la nature) Paul et Virginie apparaît dans une présentation qui respecte celle adoptée initialement par l’auteur, c’est-à-dire précédée d’un Avis sur cette ouvrage, et suivie de L’Arcadie. L’Avis, présenté par Guilhem Armand et Jean-Michel Racault, est une exposition scientifique, erronée mais solidement informée, du système des marées, qui a le mérite de faire ressortir les prémisses épistémologiques et philosophiques, résolument anti-newtonien, de la pensée de Bernardin de Saint-Pierre.

Sur la synergie entre la science, la philosophie et la littérature insiste aussi Colas Duflo dans sa présentation à Paul et Virginie. Ici, selon Duflo, “la fiction est mise au service de l’expression de vérités philosophiques” (123), de façon cohérent avec l’idée que la pastorale est une “application romanesque” des Études de la nature – dont le même Duflo a édité l’unique édition moderne jusqu’ici disponible (Saint-Étienne: Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007) – en particulier de la question de la théodicée naturelle.

Alors que Paul et Virginie était un ouvrage destiné à entrer parmi les grands mythes de la littérature occidentale, le sort du court roman qui le suivait dans la troisième édition des Études, L’Arcadie, il aurait été très différent. L’Arcadie est une sorte d’épopée en prose sur le model du Télémaque : largement oubliée, même de spécialistes de l’auteur, elle n’a guère été lue non plus en son temps. Reste d’un très vaste projet avorté, L’Arcadie est un “roman archéologique” axé sur l’échappatoire utopique. L’utopie est en fait ici le moyen de restaurer l’harmonie de l’individuel et du collectif. La représentation d’un avenir heureux ne passe pas cette fois par une transposition dans l’espace, mais par la projection dans un très ancien passé. Le plan définitif de cet écrit inachevé aurait dû être structuré par le récit d’un voyage qui opposerait au monde pastoral de l’Arcadie, image de l’état de nature rousseauiste, l’état de barbarie de la société des Gaules plusieurs siècles avant la conquête romaine et la corruption de l’Égypte de Séstoris, emblème du plus haut degré de civilisation. Grace à la dimension utopique, ce récit à l’antique, comme le montre de manière convaincante Jean-Michel Racault dans sa présentation, est aussi une réflexion politique sur la société française à la vieille de la Révolution.

Le même intérêt pour un ailleurs politique rêvé et pour la littérature de voyage qui anime le projet de L’Arcadie, se trouve dans la section finale du livre, éditée par Chantale Meure et intitulée Contes indiens et aventures philosophiques. Sur cette intitulation (factice mais efficace) ont été réunis cinq opuscules au statut assez différent, mais unis d’une indiscutable unité formelle et thématique. Les premiers deux textes, deux contes philosophiques, La Chaumière indienne et Le Café de Surate, sont publiés du vivant de l’auteur, respectivement en 1791 et 1792. Le troisième et le quatrième texte, L’éloge historique et philosophique de mon ami et les Voyages de Codrus sont parus pour la première fois dans les Œuvres complètes éditées par Aimé-Martin. Il s’agit respectivement d’une évocation, en même temps lyrique et ironique, du départ vers l’île de France en compagnie de l’“ami” Favori, un petit chien épagneul, et d’un conte autobiographique, masqué sous une fiction à l’antique, qui reflète – comme la plus célèbreChaumière indienne – sur les vraies valeurs de la vie. Le volume est fermé par une agréable surprise, à savoir une œuvre romanesque inédite, intitulée Histoire de l’Indien. Ce récit d’aventure, qui mène son héros des rives du Gange à l’embouchure de l’Amazone, en passant par le Grand Nord, propose le thème, cher à Bernardin, de la fondation d’une république utopique et philanthropique. Ces écrits oubliés (sauf La Chaumière indienne) et pur certains inconnus ont le mérite de faire ressortir soit la place cruciale de l’Inde dans l’imaginaire bernardinien – récemment enquêtée dans le collectif Bernardin de Saint-Pierre et

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l’océan Indien (Paris, Garnier: 2011) – soit la fécondité du modèle voltairien du conte philosophique dans l’ouvrage d’un disciple de Rousseau.

En conclusion, la publication du premier volume des Œuvres complètes de Bernardin de Saint-Pierre ne peut être accueillie qu’avec joie par tous les dix-huitièmistes. La qualité du travail philologique, la précision des apparats critiques, l’érudition solide mais jamais pesante,font de cet ouvrage l’édition de référence pour les générations à venir. L’espoir est que cette publication puisse contribuer à mettre fin, une fois pour toutes, à l’époque de l’indifférence ou, pire, de la condescendance critique pâti par la figure de Bernardin de Saint-Pierre, pour la replacer à sa juste place, dans l’histoire (littéraire, mais aussi philosophique et scientifique) du tournant des Lumières.

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