Développement: décomposition de Dunford
Adrien Fontaine 10 octobre 2013
Proposition 1
Soit f ∈ L(E) et F ∈ K[X] un polynôme annulateur de f . Soit F = βM1α1...Msαs la décomposi- tion en facteurs irréductibles de K[X] du polynôme F . Pour tout i, on note Ni = Ker(Miαi(f )).
On a alors E = N1 ⊕ ... ⊕ Ns et pour tout i, la projection sur Ni parallèlement à Lj6=iNj est un polynôme en f .
Démonstration : D’après le théorème de décomposition des noyaux,
E = N1⊕ ... ⊕ Ns Pour tout i, on note Qi =Qj6=iMjαj.
Aucun facteur n’est commun à tous les Qi, donc ils sont premiers entre eux dans leur ensemble.
On applique alors Bézout :
∃U1, ..., Us ∈ K[X]/U1Q1+ ... + UsQs= 1 D’où,
Id(f ) = U1(f ) ◦ Q1(f ) + ... + Us(f ) ◦ Qs(f ) Pour tout i on note Pi = UiQi et pi = Pi(f ). On a
Id =
s
X
i=1
pi (1)
De plus, ∀j 6= i, F | QiQj.
Donc, ∀j 6= i, pi◦ pj = QiQj(f ) ◦ UiUj(f ) = 0 Donc,
pi=
s
X
j=1
pi◦ pjd’après ??
= p2i
Les pi sont donc des projecteurs. Montrons maintenant que ∀i, Im(pi) = Ni. Soit y = pi(x) ∈ Im(pi). On a
Miαi(f )(y) = Miαi(f ) ◦ Pi(f )(x)
= U − i(f ) ◦ F (f )(x)
= 0 donc, Im(pi) ⊂ Ker(Miαi(f ).
Soit x ∈ Ni. D’après ??, x = p1(x) + ... + ps(x). Or, ∀j 6= i, pj(x) = Uj(f ) ◦ Qj(f )(x) = 0 car Miαi | Qj, donc x = pi(x) ∈ Im(pi). Donc, Im(pi) = Ni.
1
2
Il ne reste plus qu’à prouver que Ker(pi) =Lj6=iNj.
∀j 6= i, on a Nj ⊂ Ker(pi) car si x ∈ Nj alors pi(x) = Ui(f ) ◦ Qi(f )(x) = 0 car Mjαj | Qi, donc L
j6=iNj ⊂ Ker(pi).
Soit maintenant x ∈ Ker(pi). D’après ??, x = Pj6=ipj(x) donc x ∈ Lj6=iNj. Finalement, Ker(pi) =Lj6=iNj. Ce qui conclut la démonstration.
Théorème 1 (Décomposition de Dunford)
Soit f ∈ L(E). On suppose que Pf est scindé sur K. Alors, il existe un unique couple (d, n) ∈ L(E)2 tel que :
1. d est diagonalisable 2. n est nilpotent 3. f = d + n 4. n ◦ d = d ◦ n
De plus, d et n sont des polynômes en f .
Démonstration : Existence
On écrit Pf = (−1)nQsi=1(X − λi)αi et Ni = Ker(f − λi)αi. On reprend les notations de la proposition précédente.
On pose d =Psi=1λipi (ainsi construit d est diagonalisable).
Et n = f − d =Psi=1(f − λiId)pi. Comme pi est un polynôme en f , il commute avec (f − λiId)k pour tout k, et comme pi◦ pj = δi,j, on a nk=Psi=1(f − λiId)kpi.
Pour q = sup1≤i≤sαi, on a donc nq= 0, donc n est nilpotente.
Et n et d commutent puisque ce sont des polynômes en f . Unicité
Soit (d0, n0) un autre couple vérifiant les conditions de la décomposition de Dunford. On a f ◦ d0 = d0 ◦ f , donc pour tout i, Ni est stable par d0 (on fait le calcul et on vérifie bien que ça marche).Comme d|Ni = λiIdNi, on en déduit que d ◦ d0 = d0◦ d sur Ni. Ceci étant vrai pour tout i, comme E =Lsi=1Ni, on en déduit que d et d0 commutent. De plus, d et d0 sont diagonalisables, on peut donc les diagonaliser dans une même base, ce qui prouve que d0 − d est diagonalisable.
Comme n = f − d et n0 = f − d0 et que d et d0 commutent, on a n et n0 qui commutent également.
Si on choisit p et q tels que np = n0q = 0, on a donc en appliquand la formule du binôme de Newton, (n − n0)p+q = 0. Donc, n − n0 = d − d0 est nilpotent. Or, d0− d est diagonalisable, donc d0− d = 0. D’où d = d0 et n = n0.
Application : calcul de l’exponentielle de f L’écriture f = d+n donnée par la décomposition de Dunford est intéressante car d et n commutant, on peut utiliser la formule du binôme de Newton pour calculer fp :
fp = (d + n)p =
p
X
k=0
k p
!
dk◦ np−k
Dans l’expression ci-dessus, on peut retirer les termes de la somme pour lesquels p − k est plus grand que l’indice de nilpotence de n.
Un autre intérêt est le calcul de l’exponentielle. En effet, d et n commutant, on a exp(f ) = exp(d)exp(n). Le calcul de exp(d) est simple si une base B de diagonalisation de d est connue :
si [d]B =
λ1 (0)
. ..
(0) λn
, [exp(d)]B = exp([d]B) =
eλ1 (0) . ..
(0) eλn
3
Quant à exp(n), il suffit d’écrire que exp(n) = Pq−1p=0np!p où q est l’indice de nilpotence de n.
Dans la pratique, on calcule d et n grâce à la méthode exposée dans la démonstration de la décomposition de Dunford (utilisation des polynômes de Bézout). On peut alors calculer exp(f ) sans diagonaliser d à partir des projecteurs pi. En effet, en reprenant les notations de la preuve précédente, les relations sur les pi entraînent que pour tout p, dp =Psi=1λpipi donc
exp(d) =
+∞
X
p=0
dp p! =
+∞
X
p=0
[
s
X
i=
λpi p!pi] =
s
X
i=1
[
+∞
X
p=0
λpi p!]pi =
s
X
i=1
eλipi
Par ailleurs,
exp(n) =
+∞
X
p=0
np p! =
+∞
X
p=0
[
s
X
i=1
(f − λiId)p p! ] =
s
X
i=
[
ri−1
X
p=0
(f − λiId)p p! ]pi Finalement, on en déduit
exp(f ) = exp(d)exp(n) =
s
X
i=1
eλi[
ri−1
X
p=0
(f − λiId)p p! ]pi