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Les emprunts dans le nanomonde français. Analyse lexicale et syntaxique des anglicismes dans un corpus de textes scientifiques sur les nanosciences et les nanotechnologies et dans la lexicographie française contemporaine

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Academic year: 2021

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Università degli Studi di Modena e Reggio Emilia D

IPARTIMENTO DI STUDI LINGUISTICI E CULTURALI

Corso di Laurea Magistrale in

LANGUAGES FOR COMMUNICATION IN

INTERNATIONAL ENTERPRISES AND ORGANIZATIONS

Les emprunts dans le nanomonde français. Analyse lexicale et syntaxique des anglicismes dans un corpus de textes scientifiques sur les nanosciences et les nanotechnologies et

dans la lexicographie française contemporaine

I prestiti del nanomondo francese. Analisi lessicale e sintattica degli anglicismi in un corpus di testi scientifici sulle

nanoscienze e nanotecnologie e nella lessicografia francese contemporanea

Prova finale di:

Anna Alessi Relatore:

Prof.ssa Chiara Preite

Correlatore:

Prof.ssa Silvia Modena

Anno Accademico 2019/2020

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Le présent travail vise à étudier le phénomène des interférences linguistiques dans le domaine scientifique des nanosciences et nanotechnologies. Les interférences linguistiques consistent dans le transfert d’unités lexicales et grammaticale d’une langue-modèle vers une langue-imitatrice, dans notre cas de l’anglais vers le français. Les exemples d’anglicisation lexicale ainsi que grammaticale sont nombreux, de l’inclusion de nouveaux termes anglais à la pénétration silencieuse de structures syntaxiques. L’inclusion de termes étrangers peut engendrer un enrichissement ou bien un appauvrissement de la langue-imitatrice : dans le premier cas, la langue nécessite d’introduire de nouveaux vocables pour combler des vides lexicaux ; dans le deuxième cas, les éléments allochtones inclus se superposent aux termes natifs, parfois en les substituant. Pour limiter le contact direct avec le matériel linguistique étranger, les nouvelles unités lexicales peuvent toutefois être adaptées aux normes phonétiques, graphiques et morphosyntaxiques de la langue-imitatrice, à défense du lexique autochtone (ex. supermarket > supermarché). Contrairement aux interférences lexicales, la pénétration de structures syntaxiques est un phénomène plus lent par lequel des constructions grammaticales étrangères pénètrent à travers les points les plus faibles du système grammatical natif, en les érodant et parfois en les substituant. On distingue les structures figées (ex. to be familiar with

> être familier avec) des structures productives (ex. la phrase interrogative double, de l’anglais Who’s who, d’où de diverses combinaisons se sont formées, comme qui fait quoi, qui va avec qui, qui vient d’où). Ces phénomènes ont été recherchés et analysés au moyen d’un corpus de textes français concernant les nanosciences et nanotechnologies, un domaine scientifique nouveau et qui se développe rapidement, sur lequel l’anglais exerce son influence. L’analyse des anglicismes du corpus a été menée également à l’aide d’outils comme le Vocabulaire panlatin de la nanotechnologie, conçu par le réseau Realiter, et le dictionnaire terminologique FranceTerme, afin de rechercher des formes natives équivalentes aux anglicismes employés par les locuteurs du nanomonde. En effet, le corpus a détecté un usage répandu d’anglicismes dont les francisations n’ont été employées que rarement (ex.

bottom-up approach > approche ascendante). Si d’une part l’anglicisation lexicale semble caractériser le nanomonde français, de l’autres l’anglicisation grammaticale paraît plus limitée. Les données relatives au rapport entre hypotaxe et parataxe, à la longueur moyenne des phrases et à l’emploi de la nominalisation – les particularités principales de l’anglais déterminant sa concision – ont été recueillies et comparées à un deuxième corpus de textes anglais équivalents. Bien que l’emploi de la nominalisation résulte répandu dans les textes français, la longueur moyenne des phrases et le rapport entre hypotaxe et parataxe demeurent plus élevés par rapport aux textes anglais. La dernière analyse menée dans ce travail a concerné le traitement lexicographique des anglicismes du corpus, tel qu’opéré par quatre dictionnaires français (deux versions en ligne et deux versions en papier).

Cette analyse a relevé que rarement les dictionnaires ont inclus et encouragé l’emploi de francisations

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existantes au détriment des anglicismes, en alimentant le contact direct entre les locuteurs français et la langue anglaise, bien que le français revendique une forte créativité lexicale et une systématisation grammaticale utiles à s’opposer à l’influence de l’anglais.

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This work aims at exploring the linguistic interferences characterizing the scientific field of nanosciences and nanotechnologies. Linguistic interferences consist in the transferring of lexical and grammatical elements from a source-language (in our case English) to a target-language (French).

Numerous examples show the anglicization of French, such as the inclusion of new English words in its vocabulary, and the silent penetration of syntactic structures in its grammatical system. The inclusion of foreign words may lead to either an enrichment or an impoverishment of the target- language. In the first case, the TargetLanguage needs to include new words in order to fill some lexical gaps, thus enriching itself. In the second case, the unnecessary foreign new words included may even substitute the corresponding lexical forms of the TargetLanguage. The contact with foreign linguistic units can be limited via the adaptation of the new foreign words to the target-language phonetic, graphic, and morphosyntactic rules, as a defence for the native vocabulary (e.g. supermarket

> supermarché). Differently from a lexical anglicization, grammatical anglicization is slower and less visible, the foreign syntactic structures penetrating through the weakest points of the grammatical target-system. Sometimes, foreign grammatical rules may even substitute the less systematized native ones. We can distinguish fixed syntactic structures (e.g. to be familiar with > être familier avec) from productive ones (e.g. the double interrogative sentence, from the English expression Who’s who, which generated numerous combinations with other French wh- words, such as qui fait quoi, qui va avec qui, qui vient d’où). These phenomena were analysed via a corpus of scientific French texts about nanosciences, a recent and fast-developing scientific field where English plays a pivotal role.

Additional linguistic tools such as Vocabulaire panlatin by Realiter and the terminological dictionary FranceTerme were used to find French forms equivalent to the anglicisms collected in the corpus. In fact, the corpus texts included numerous anglicisms without adaptation whose French forms were rarely exploited (e.g. bottom-up approach > approche ascendante). If lexical anglicization seems to characterize the French nanoworld, the data about grammatical anglicization showed a different scenario. Analysis on the hypotaxis-parataxis ratio, the number of nominalisations, and the average words/sentence – the main aspects explaining English conciseness – were carried out on the French corpus and compared to a secondary English corpus on nanotechnologies. Even though French nanoworld speakers seem to use nominalisations frequently, the French corpus hypotaxis-parataxis ratio and the average words/sentence remain higher than the English corpus. The research was concluded with a corpus-driven lexicographic analysis of the anglicisms collected to understand how they were treated in four French dictionaries (two in paper form, two in electronic form). In fact, only in few cases the dictionaries included and encouraged the use of existing French forms as a substitution for the anglicisms, thus increasing the direct contact between English language and

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French speakers, even though French has the means to protect itself – a strong lexical creativity and grammatical systematicity useful to counter the influence from the English language.

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Il presente lavoro intende studiare il fenomeno delle interferenze linguistiche nell’ambito scientifico delle nanoscienze e nanotecnologie. Le interferenze linguistiche consistono nello scambio di elementi lessicali e grammaticali da una lingua-modello a una lingua-imitatrice, nel nostro caso dall’inglese al francese. Numerosi sono gli esempi di anglicizzazione sia lessicale sia grammaticale della lingua francese, dall’inclusione di nuovi lessemi inglesi alla penetrazione silenziosa di strutture sintattiche.

L’inclusione di lessemi stranieri può indurre a un arricchimento o indebolimento della lingua: nel primo caso, la lingua-imitatrice necessita di introdurre vocaboli nuovi per colmare le proprie lacune lessicali; nel secondo caso, gli elementi alloctoni inclusi si sovrappongono a elementi autoctoni equivalenti, a volte sostituendoli. Per limitare il contatto con il materiale linguistico straniero, i nuovi elementi lessicali possono tuttavia essere adattati alle regole fonetiche, grafiche e morfosintattiche native, in difesa del lessico autoctono (es. supermarket > supermarché). Contrariamente alle interferenze lessicali, la penetrazione di strutture sintattiche è un fenomeno più lento secondo cui i costrutti sintattici stranieri penetrano attraverso i punti più deboli del sistema grammaticale nativo, erodendoli e sostituendoli. Si distinguono i costrutti fissi (es. to be familiar with > être familier avec) dai costrutti produttivi (es. la frase interrogativa doppia, dall’inglese Who’s who, da cui si sono formate diverse combinazioni, come qui fait quoi, qui va avec qui, qui vient d’où). Questi fenomeni sono stati ricercati e analizzati per mezzo di un corpus di testi francesi concernenti le nanoscienze e nanotecnologie, un campo scientifico nuovo e in rapido sviluppo su cui l’inglese esercita una forte influenza. A sostegno di quest’analisi, l’impiego di strumenti come il Vocabulaire panlatin de la nanotechnologie di Realiter e il dizionario terminologico FranceTerme si è reso necessario per ricercare forme native equivalenti agli anglicismi usati dai locutori del nanomondo francese. Il corpus ha infatti rilevato l’uso di anglicismi non adattati raramente sostituiti dalle proprie francesizzazioni (es. bottom-up approach > approche ascendante). Se l’anglicizzazione lessicale sembra caratterizzare il discorso delle nanotecnologie francese, l’anglicizzazione grammaticale parrebbe invece più limitata. Dati come il rapporto fra ipotassi e paratassi, la nominalizzazione e la lunghezza media delle frasi – aspetti caratteristici della sinteticità dell’inglese – sono stati raccolti attraverso il corpus francese e comparati a un secondo corpus di testi equivalenti inglesi: dai testi francesi è risultato un uso elevato della nominalizzazione, mentre la lunghezza media delle frasi e il rapporto fra ipotassi e paratassi restano superiori ai dati del corpus inglese. Il lavoro si è concluso con un’analisi dei trattamenti lessicografici operati da quattro dizionari francesi (due in versione cartacea e due versioni online) per gli anglicismi reperiti nel corpus. Quest’analisi ha dimostrato che in pochi casi i dizionari hanno incluso e incoraggiato l’uso di forme francesizzate esistenti in sostituzione degli anglicismi, aumentando pertanto il contatto diretto fra i locutori francesi e la lingua inglese, benché il francese

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dimostri una forte creatività lessicale e una sistematizzazione grammaticale utili a contrastare l’influenza inglese.

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Table de matières

Introduction ... 1

Chapitre 1. Les interférences linguistiques ... 3

1.2 Le prestige de l’anglais ... 7

1.3 L’interférence lexicale ... 10

1.3.1 L’inclusion par nécessité ... 10

1.3.2 L’inclusion par mode ... 12

1.4 L’interférence grammaticale ... 13

Chapitre 2. L’anglicisation du français ... 19

2.2 Les anglicismes lexicaux ... 22

2.2.1 Les emprunts ... 22

2.2.2 Les calques lexicaux ... 25

2.3 Les anglicismes grammaticaux : les calques syntaxiques ... 28

2.3.1 Les constructions grammaticales figées ... 28

2.3.2 Les constructions grammaticales productives ... 29

2.4 La créativité lexicale du français ... 32

Chapitre 3. L’anglicisation du nanomonde français ... 36

3.2 L’analyse et les outils de recherche ... 37

3.2.1 Sketchengine et le corpus du nanomonde ... 37

3.2.2 Le Vocabulaire panlatin de la nanotechnologie ... 39

3.2.3 Les nanosciences et nanotechnologies ... 42

3.3 L’étude du corpus ... 45

3.3.1 L’adaptation phonétique et les anglicismes purs ... 46

3.3.2 L’adaptation graphique et les emprunts de retour ... 53

3.3.3 Les calques ... 55

3.3.4 Les sigles ... 58

3.3.5 Les modalités d’inclusion des anglicismes ... 60

3.3.6 L’anglicisation grammaticale ... 65

3.3.7 Conclusions ... 68

Chapitre 4. Les anglicismes dans les dictionnaires ... 71

4.2 L’acceptabilité des emprunts ... 73

4.3 L’analyse des anglicismes du nanomonde dans les dictionnaires ... 75

4.3.1 Les traitements des dictionnaires en ligne ... 76

4.3.2 Les traitements des dictionnaires version en papier ... 81

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4.3.3 Versions papier et versions en ligne en comparaison ... 85

4.3.4 Conclusions ... 87

Conclusion ... 90

Annexe ... 92

Bibliographie ... 149

Sitographie ... 150

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Introduction

Le présent travail vise à rechercher et à analyser le phénomène des interférences linguistiques se vérifiant entre l’anglais et le français, notamment dans le domaine scientifique des nanosciences et nanotechnologies. L’anglais revendiquant un pouvoir communicatif fort à l’intérieur de ce domaine récent et au développement rapide, la présence d’anglicismes lexicaux et grammaticaux paraît tangible.

L’anglicisation peut intéresser l’aspect lexical aussi bien que l’aspect grammatical d’une langue, ces deux types d’anglicisation ayant des particularités différentes. Pour cette raison, la première partie de ce travail sera consacrée à une étude générale du phénomène des interférences linguistiques pour mieux en connaître les causes et les effets. Suite au premier chapitre, où des considérations sur l’influence de l’anglais et sur les caractéristiques principales de l’anglicisation de deux langues néolatines – l’italien et le français – seront tirées de travaux d’experts italiens aussi bien que français, le deuxième chapitre se focalisera davantage sur les modifications lexicales ainsi que syntaxiques du système linguistique français dérivées des interférences de l’anglais. Les particularités de ces deux anglicisations du français seront analysées par le biais de plusieurs exemples pour établir également les moyens de défense linguistiques employés par le français, à savoir la créativité lexicale et la systématisation grammaticale, toutes les deux contribuant à l’enrichissement de la langue par l’introduction de matériel linguistique non superflu et adapté aux règles natives. Une fois le niveau d’anglicisation du français établi, une analyse quantitative et qualitative de ce phénomène sera menée au moyen d’un corpus de textes scientifiques concernant le nanomonde français. En effet, un tel domaine ferait état d’une anglicisation considérable de par l’influence que l’anglais exerce sur les domaines scientifiques et économiques les plus récents.

Le troisième chapitre sera donc consacré à l’étude du corpus créé dans le but de découvrir les anglicismes lexicaux et grammaticaux du nanomonde français. L’anglicisation lexicale sera analysée à partir des occurrences des anglicismes les plus fréquents détectés dans le corpus et à l’aide de plusieurs dictionnaires terminologiques et étymologiques, employés pour découvrir l’origine des termes anglais ainsi que de potentielles francisations existantes. Le but sera d’établir combien d’anglicismes les locuteurs du nanomonde français emploient en moyenne sans recourir aux formes natives équivalentes. En ce qui concerne l’anglicisation grammaticale, elle sera analysée en fonction des aspects syntaxiques et textuels caractérisant la concision anglaise et qui par conséquent témoigneraient d’un transfert de matériel linguistique grammatical de l’anglais au français.

Le dernier aspect que ce travail étudiera concerne le rôle des dictionnaires français dans l’anglicisation. En effet, les dictionnaires représenteraient les moyens par le biais desquels les

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locuteurs français apprennent à connaitre les potentialités de leur langue endogène – sa créativité lexicale en particulier – sans devoir recourir à l’emploi d’anglicismes superflus. À travers une étude inductive du corpus, les anglicismes relevés seront recherchés dans quatre dictionnaires français (deux version en ligne et deux version papier) pour comprendre s’ils sont inclus et comment ils sont traités. En effet, le traitement lexicographique proposé aux locuteurs serait au cœur de la sensibilisation et de la prise de connaissance des locuteurs français à l’égard des potentialités lexicales de leur langue endogène.

Les conclusions nous serviront enfin à confirmer le degré d’anglicisation lexicale et grammaticale du français, en particulier dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies, à comprendre quels sont les emplois concrets que les locuteurs du nanomonde font des anglicismes, et à établir les effets de divers traitements lexicographiques des dictionnaires français sur le discours du nanomonde.

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Chapitre 1. Les interférences linguistiques

Les langues vivantes sont des systèmes linguistiques en évolution constante, leurs caractéristiques et leur organisation interne étant le résultat des interactions entre les parlants. Ces caractéristiques et cette organisation interne sont, d’une part, systématisées au moyen de règles grammaticales, phonétiques et orthographiques propres à chaque langue, qui aident les parlants à employer la langue de façon correcte et cohérente. De l’autre part, elles reflètent toute variation linguistique qui modifie la structure d’une langue et qui se concrétise par le biais de l’usage que les parlants en font.

Par conséquent, bien que les règles linguistiques contribuent à établir l’identité interne d’une langue dans le but d’en préserver la structure, on comprend que leur imposition n’est pas totalement arbitraire. Il est vrai que l’emploi de la langue se base sur ces règles linguistiques, mais il dépend aussi de la façon dont ses parlant interagissent. Les interactions ou les diverses manières d’employer la langue propre à chaque parlant peuvent parfois présenter des éléments linguistiques complètement nouveaux qui ne font pas encore partie de la structure interne de la langue. Ces éléments nouveaux peuvent être le fruit d’une évolution interne de la langue elle-même liée aux divers usages que les parlants en font, ainsi que le résultat d’une interférence linguistique externe dérivant d’une langue étrangère.

Les interférences linguistiques consistent dans un passage de matériel linguistique entre deux langues. La plupart des interférences se réalisent par un passage unilatéral d’éléments linguistiques où une langue modèle exerce son influence sur une autre langue, appelée imitatrice1. Pour que ces éléments étrangers pénètrent dans le système linguistique imitateur, deux conditions s’avèrent nécessaires. Premièrement, les parlants doivent les inclure dans leurs interactions, c’est-à-dire qu’ils doivent potentiellement reconnaître le mot ou le syntagme étranger employé dans la langue modèle pour pouvoir le transférer dans la langue imitatrice. En effet, ce passage linguistique se vérifie quand l’élément étranger est tout d’abord identifié à l’intérieur de son système linguistique d’origine, pour être conséquemment interprété et assimilé par le parlant qui l’emploie. Le degré d’interprétation varie en fonction de la connaissance et de la perception que le parlant a de la langue étrangère en question.

Le parlant ayant une connaissance plus limitée de la langue étrangère a des possibilités majeures d’attribuer au mot ou au syntagme étranger une signification différente par rapport à sa signification originale. Ce serait le cas du mot italien « sofisticato » dérivant de l’anglais « sophisticated » : le premier désigne quelqu’un ou quelque chose qui est altéré ou contrefait, parfois excessivement

1 Pour des approfondissements en la matière, faire référence à Gusmani R., Saggi sull'inteferenza, Le Lettere, Firenze, 1986, et à Klajn I., Influssi inglesi nella lingua italiana, Leo S. Olschki Editore, Firenze, 1972.

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raffiné2, une signification s’éloignant du mot original, où on contraire l’on désigne une personne intelligente et compliquée ou qui vante une très bonne connaissance en matière de culture et de mode3. Ainsi, la langue italienne aurait capté le mot anglais en le caractérisant par des aspects plus négatifs par rapport à sa signification originale. En revanche, le parlant ayant une bonne connaissance de la langue modèle a plus de possibilité d’employer le mot ou le syntagme étranger de façon cohérente ; en d’autres mots, l’élément étranger s’installera dans la langue imitatrice sans perdre sa signification originale, comme c’est le cas pour la majorité des emprunts. Deuxièmement, ces éléments nouveaux doivent devenir productifs à l’intérieur du système imitateur, c’est-à-dire qu’ils doivent bien s’établir parmi les règles linguistiques et être employés comme tout autre élément linguistique appartenant à la langue imitatrice. Un exemple-clé est le mot « sport »4 en français et en italien, devenu productif grâce à l’application de morphèmes et d’affixes tels que « sport-if », « sport-ivo », « anti-sport-ivo ».

Leur productivité peut aussi augmenter si le mot ou le syntagme étranger est facilement intégrable : si le mot se caractérise par une forme base très simple dans la langue modèle – en d’autres mots, s’il manque d’articulations particulières – le parlant a non seulement moins de difficultés à l’employer dans son interaction, mais il peut aussi y appliquer les règles d’articulation de la langue imitatrice, en en augmentant la productivité et la versatilité linguistique à l’intérieure du système. C’est le cas des verbes anglais installés dans l’italien, comme « to flirt »5, d’où on génère « flirtare », « flirtato ».

L’emploi de ces nouveaux éléments devient conséquemment invisible : les parlants utilisent ces nouveaux mots ou syntagmes sans parfois en reconnaître l’origine, et le système imitateur les englobe pour qu’ils deviennent une partie intégrante des règles linguistiques natives.

Le phénomène des interférences linguistiques a toujours caractérisé le monde linguistique, les langues du présent étant le fruit de nombreux échanges de matériel linguistique dans le passé.

Toutefois, l’intérêt général des experts pour ce phénomène n’a augmenté qu’à partir du 20ème siècle, où les premières études ne concernaient que les interférences linguistiques les plus évidentes, les interférences lexicales, c’est-à-dire le passage de mots d’une langue à une autre avec ou sans modification partielle ou totale du mot au moment de son installation à l’intérieur du système imitateur. La raison qui se cache derrière un approfondissement si récent sur le sujet et derrière des études qui n’ont concerné que le type d’interférence linguistique le plus fréquent, l’interférence lexicale, consiste dans la nature des interférences elle-même, leur invisibilité et leur acceptabilité aux

2 Définition de l’institut Giovanni Treccani, Enciclopedia Italiana di Scienze, Lettere ed Arti, version en ligne.

http://www.treccani.it/vocabolario/sofisticato/, consulté le 28 juin 2020.

3 Définition de Cambridge Dictionary, version en ligne.

https://dictionary.cambridge.org/it/dizionario/inglese/sophisticated, consulté le 28 juin 2020.

4 Exemple tiré de Ruozzi P., L’emprunt et le calque (decalquage, decalque) linguistique.

https://www.dea.univr.it/documenti/OccorrenzaIns/matdid/matdid189516.pdf, consulté le 28 juin 2020.

5 Gusmani R., Op. cit., p. 50.

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yeux des parlants. En effet, les parlant jouent le rôle principal dans le processus d’échange de matériel linguistique, leur sens d’inclusion ou d’exclusion face aux mots et aux syntagmes étrangers déterminant toute variation linguistique de la langue imitatrice. Quand des parlants jugent un mot étranger comme acceptable et utilisable, l’inclusion de ce mot nouveau dans leurs interactions favorisera l’emploi du même mot de la part d’autres parlants. Le mot étranger s’installera complètement dans la langue imitatrice par le biais de l’usage que les parlants en font, sans être formellement reconnu par les institutions règlementatrices de la langue. Même si les variations linguistiques dérivant des interférences se vérifient sans l’intervention des institutions linguistiques – les organismes de contrôle – celles-ci jouent néanmoins un rôle fondamental non seulement dans la reconnaissance formelle d’un mot étranger ou dans son exclusion totale, mais aussi dans la protection de la langue contre toute interférence, en sensibilisant les parlants afin qu’ils affinent leur conscience linguistique relative à leur langue maternelle et à toute conséquences liées à l’emploi superflu de mots étrangers.

Les raisons derrière l’inclusion de matériel linguistique étranger sont nombreuses, mais distinguables entre deux macro-catégories : l’inclusion par nécessité et l’inclusion par mode6. L’inclusion par nécessité est strictement liée au concept de la relativité linguistique avancée par l’hypothèse Sapir-Whorf7, ce qui affirme que chaque langue et chaque culture aperçoit, découpe et exprime le monde de façon différente, en employant des expressions, des constructions et des structures linguistiques différentes et uniques8. L’unicité de ces éléments linguistiques expliquerait la nécessité d’autres langues manquant de ces mêmes structures, de les inclure à l’intérieur de leur système pour combler un vide linguistique9 – en d’autres mots, ces langues deviennent des langues imitatrices en empruntant, quand nécessaire, les mots et les expressions des langues modèles qui leur manquent. Ce processus d’emprunt contribue au phénomène des interférences linguistiques, notamment là où la langue imitatrice tend à emprunter sans modifier, c’est-à-dire emprunter le matériel linguistique étranger nécessaire pour exprimer un concept nouveau sans néanmoins y appliquer les règles phonétiques, orthographiques et morphologiques du système imitateur, en laissant le mot ou le syntagme étranger emprunté complètement inchangé. Dans le cas de l’inclusion par mode, l’adoption du matériel étranger ne s’avère plus nécessaire afin de combler un vide expressif ou culturel. Au contraire, il s’agit de l’emploi de matériel étranger, rarement avec des modifications de sa forme en fonction des règles du système imitateur, pour de simples raisons de mode. En effet,

6 Gusmani R., Op. cit., pp. 130.

7 Pour des approfondissements sur l’hypothèse Sapir-Whorf, faire référence à Sapir E., Whorf B. L., Linguaggio e relatività, Castelvecchi, Roma, 2017.

8 L’unicité de ces expressions, constructions et structures linguistiques est strictement liée au concept de l’idiomaticité, analysé dans le paragraphe 2.2.2 du présent travail.

9 Le concept du vide lexical est analysé par Gusmani R., Op.cit., p. 151.

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la langue imitatrice possède déjà les éléments linguistiques natifs nécessaires pour exprimer le même concept, mais les parlants préfèrent employer des mots étrangers parce qu’ils donnent un caractère plus recherché, plus technique, plus obscure, ou plus à la mode à leur interaction. Ces mots étrangers appartiennent à des langues spécifiques ainsi qu’à des secteurs lexicaux bien précis : il s’agit de langues qui vantent un certain prestige dans des secteurs fondamentaux de la communication contemporaine, à savoir l’informatique, l’économie et le business, les sciences. À présent, la langue la plus prestigieuse est sans aucun doute l’anglais. Considérée désormais comme la langue véhiculaire de la communauté internationale, c’était lors du Traité de Versailles en 1918 que l’anglais détrôna une autre langue qui, pendant très longtemps, avait joué un rôle fondamental dans la communication européenne : le français.

Les langues se sont toujours influencées l’une l’autre au moyen des interférences linguistiques. L’échange de matériel linguistique permettant parfois d’exprimer des concepts nouveaux, détermine une expansion notable du vocabulaire de la langue imitatrice et son enrichissement. Toutefois, le phénomène des interférences linguistiques est parfois accompagné par un deuxième phénomène, un effet secondaire qui pourrait avoir des impacts négatifs sur certaines langues imitatrices sur le long terme : la paraisse linguistique. Certaines langues profitant bien du matériel linguistique anglais, tendent à l’adopter sans jamais le modifier. La conséquence la plus grave serait une perte progressive de l’emploi de matériel linguistique natif dans les secteurs susmentionnés au profit des mots et des expressions anglais. Les parlants imitateurs dépourvus de néologismes natifs pour faire face à l’évolution technologique et scientifiques de plus en plus rapide dans ces secteurs s’appuient sur le pourvoir communicatif de l’anglais pour interagir. Cette paraisse linguistique a été aperçue par de nombreux linguistes italiens, l’italien étant caractérisé par une forte tendance à inclure des mots et des syntagmes anglais sans en modifier la forme. En revanche, d’autres langues semblent présenter une protection majeure envers les interférences exercées par les anglicismes, comme c’est le cas du français10. Cette protection se caractériserait par une créativité lexicale et une systématisation grammaticale plus fortes par rapport à l’italien, tout en partageant la même origine linguistique : le latin. Dans ce nouveau scénario qui évolue sans cesse, les organismes de contrôle de la langue jouent un rôle de plus en plus fondamental, c’est-à-dire guider leurs parlants dans leurs interactions quotidiennes, en leur offrant du matériel linguistique nouveau pour pouvoir communiquer sans forcément devoir inclure des mots étrangers – une réaction linguistique vive, créative et de plus en plus nécessaire.

10 Le chapitre 2 offrira une analyse plus détaillée de l’anglicisation lexicale et grammaticale du français.

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Dans les prochains paragraphes et dans le chapitre 2, l’étude convergera sur des analyses approfondies des anglicisations lexicale et grammaticale opérant sur deux langues latines très proches l’une de l’autre, à savoir l’italien et le français. Le but de ces analyses est de découvrir les diverses réactions linguistiques de l’italien et du français face aux anglicismes, notamment le degré d’inclusion du matériel linguistique allochtone, son installation et son utilisation par les locuteurs natifs. L’emploi d’exemples concrets en italien ainsi qu’en français s’avéreront donc nécessaires pour mesurer la capacité de ces deux « langues-cousines » d’inclure des éléments linguistiques étrangers sans néanmoins renoncer à leur identité linguistique – en d’autres mots, mesurer leurs degrés de créativité lexicale ainsi que de systématisation grammaticale servant en tant que protection contre l’installation d’anglicismes lexicaux et grammaticaux purs.

1.2 Le prestige de l’anglais

Comme déjà évoqué, l’anglais est considéré comme la langue véhiculaire de la communication contemporaine depuis des décennies. Il est le point de référence pour la communication internationale, pour que des communautés linguistiques totalement différentes puissent se mettre en contact par le biais d’un même code communicatif. Par conséquent, l’anglais est désormais présent dans tous les secteurs d’échange communicatif, mais il fait état d’une position de privilège dans des domaines spécifiques qui sont nés ou se sont développés en se basant sur l’anglais. Il s’agit du monde de l’économie et du business, des sciences et des technologies, notamment de l’informatique.

Les raisons pour lesquelles l’anglais a eu un très grand succès dans ces secteurs spécifiques sont strictement liées aux besoins communicatifs caractérisant ces secteurs, qui peuvent être satisfaits par les particularités linguistiques de l’anglais – une combinaison parfaite qui a davantage favorisé le pouvoir communicatif de l’anglais. Les secteurs de l’économie et du business ainsi que des technologies et des sciences partagent un caractère scientifique, mathématique, logique et linéaire qui nécessite d’une expression propre, synthétique, concise et directe.

La plupart des aspects linguistiques de l’anglais, notamment sa structure grammaticale, son vocabulaire et ses constructions syntagmatiques, favorisent une formulation claire et synthétique comme les discours scientifique, technologique et économique le requièrent. Dans le détail, l’anglais offre des formulations simples et brèves, cette concision favorisant la clarté du discours dont la structuration grammaticale demeure légère et simplifiée grâce à l’emploi considérable de la parataxe

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au détriment de l’hypotaxe11. L’emploi de la parataxe crée un discours linéaire où les phrases coordonnées se suivent l’une l’autre sans s’enchaîner – ce qui est, en revanche, la particularité de l’hypotaxe. Contrairement à la majorité des langues latines, l’italien et le français inclus, l’anglais est une langue paratactique aux phrases brèves, coordonnées et concises. Les exemples suivants12 montrent la linéarité de la parataxe anglaise et témoignent de son influence sur l’hypotaxe de l’italien :

1. I’d busted him only because he’d held up a grocery store; I was a cop doing my job.

1. Io l’avevo arrestato unicamente perché lui aveva rapinato una drogheria. Ero un poliziotto che aveva fatto il suo dovere.

2. There was no way out. He ran over the possibilities again and again, but he always ended up with the same conclusion: he had to leave Afghanistan.

2. Non c’erano vie d’uscita. Riesaminò più volte le possibilità: ma arrivava sempre alla stessa conclusione. Doveva lasciare l’Afghanistan.

Concision, brièveté et parataxe grammaticale ne sont que les premiers aspects qui garantissent à l’anglais le pouvoir communicatif nécessaire pour les discours des secteurs en vogue à présent. En effet, la parataxe intéresse parfois le domaine lexical aussi. La parataxe des mots13 permet d’éliminer les mots-outils d’un syntagme nominal – en d’autres termes, tous les mots caractérisés par une fonction grammaticale et qui aident la délivrance du message – pour ne laisser que les mots pleins, c’est-à-dire les mots lexicaux porteurs des significations. Ce processus comporte un raccourcissement notable des constructions nominales, comme les montrent les mots-composés et les expressions français suivant : timbre-poste, assurance vie, crédit-vacances, qui sont considérés synthétiques14 de par l’absence de prépositions qui relieraient les mots entre eux. La présence de l’anglais dans les secteurs principaux de l’ère contemporaine et son influence ont déclenché la parataxe des mots dans d’autres langues aussi, à côté d’un deuxième phénomène, la nominalisation, c’est-à-dire la conversion de phrases en syntagmes nominaux15:

3. […] because of severe cut-backs in insurance coverage of mental illness in recent years, hospital stays are much shorter.

11 Cette description des caractéristiques linguistiques anglaises dérive des travaux de Lubello S., L'itangliano è ancora lontano? Qualche riflessione sull'influsso dell'inglese, Il Mulino, Bologna, 2014, p. 76; Garzone G., La traduzione comme Fuzzy Set: percorsi teorici e applicativi, Edizioni universitarie di Lettere Economia Diritto, Milano 2015, pp. 70-71 ; Scarpa F., « L’influsso dell’inglese sulle lingue speciali dell’italiano », in Rivista internazionale di tecnica della traduzione = International Journal of Translation, n° 16, 2014, pp. 236-237.

12 Garzone G., La traduzione…cit., p. 71.

13 À cet égard, l’Office québécois de la langue française offre les définitions d’asyndète et de parataxe sur leur Banque de dépannage linguistique en ligne. http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4092, consulté le 6 juillet 2020.

14 Picone M. D., Le français face à l’anglais : aspects linguistiques, in : Cahiers de l'Association internationale des études françaises, 1992, n°44., pp. 15-18.

15 Définition du dictionnaire La Rousse, version en ligne.

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/nominalisation/54817, consulté le 28 juin 2020.

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3. A causa dei forti tagli alla copertura assicurativa sulla malattia mentale praticati negli ultimi anni, i ricoveri ospedalieri sono molto più brevi.

3. Poiché negli ultimi anni la copertura assicurativa per malattia mentale è stata fortemente ridotta, i ricoveri ospedalieri sono molto più brevi16.

La parataxe lexicale et la nominalisation sont deux des particularités lexicales qui mieux caractérisent l’anglais et leur succès est dû à leur productivité à l’intérieur des langages des technologies, des sciences et de l’économie. L’anglais offre de telles structures linguistiques parce qu’il est une langue synthétique. Contrairement aux langues latines comme l’italien et le français, qui se caractérisent par une structuration analytique ordonnant les éléments des phrases de gauche à droite, l’anglais est connu pour son emboîtement synthétique des composants des phrases. Cet emboîtement permet de combiner les mots pleins des phrases en les enchaînant de droite à gauche, comme le montrent les titres de textes scientifiques, en particulier les medical abstracts, un genre textuel dont l’objectif est de résumer le contenu de recherches et d’analyses scientifiques. Le titre du travail présente donc le sujet du texte en peu de mots-clés pour attirer l’attention des lecteurs, comme par exemple « Fatal Lung Maturity Testing »17 (quatre mots), traduisible en français par « Test sur la maturation pulmonaire fœtale »18 (au moins 6 mots, dont deux mots-outils, une préposition et un article qui n’apparaissent pas dans la version anglaise). La différence principale entre les langues analytiques et les langues synthétiques consiste dans la longueur des phrases. Les langues analytiques nécessitent de nombreux mots-outils pour relier les mots-pleins, tandis que les langues synthétiques se servent des relations silencieuses qui se créent parmi les mots-pleins une fois enchaînés. Le résultat final est un décalage évident en termes de longueur des textes et de nombre de mots employés entre les langues analytiques et synthétiques : en général, les langues synthétiques comme l’anglais emploient moins de mots par rapport aux langues analytiques pour transmettre le même message.

Par conséquent, on comprend que le prestige de l’anglais et sa présence globale sont strictement liés à ses prestations linguistiques aisément applicables aux discours scientifiques susmentionnés. Au-delà de sa structuration synthétique, l’anglais se caractérise par son économie linguistique, ce qui répond à la tendance humaine à mémoriser un nombre minimum d’information suffisant pour interagir. En général, les parlants suppriment instinctivement tous les éléments qui sont considérés comme les plus complexes, ce qui comporte une érosion lente des structurations des langues analytiques, aperçues comme moins productives et conséquemment moins appropriées pour les objectifs communicatifs des domaines susmentionnés.

16 Garzone G., La traduzione…cit., p. 198.

17 Il s’agit d’un des exemples de medical abstracts rapportés sur le site de l’American Journal of Clinical Pathology.

https://academic.oup.com/ajcp/article/131/2/286/1766372, consulté le 28 juin 2020.

18 Cet exemple ainsi que la traduction ci-rapportée sont le résultat d’une analyse personnelle.

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Comme déjà évoqué, les secteurs contemporains où l’anglais est le plus employé sont les technologies, les sciences et l’économie. Ces domaines partagent des aspects discursifs similaires, des besoins communicatifs que le système linguistique anglais peut satisfaire : une structuration simple et linéaire des phrases, une formulation directe et concise des informations, et la nécessité moderne de véhiculer beaucoup de données en très peu de temps. Ce dernier aspect est directement lié à l’avènement de l’informatique et de la publication numérique de textes de toute sorte. La numérisation a comporté un changement dans l’approche vers la lecture de certains textes accessibles sur internet, à savoir une accélération de la même : à présent, les textes informatifs numériques les plus convenables sont ceux qui permettent d’accéder à un grand nombre d’informations en peu de temps, d’où le besoin de synthétiser les formulations linguistiques. L’anglais n’est pas simplement une langue à la mode qui a su exploiter son pouvoir communicatif au sein des domaines et des secteurs en vogue ; il est une langue qui présente des caractéristiques linguistiques concrètes qui mieux répondent aux nécessités communicatives du moment, d’où son prestige.

1.3 L’interférence lexicale

L’échange de matériel linguistique entre deux langues est un phénomène récurrent et naturel où une langue emprunte des mots ou des syntagmes étrangers appartenant à une autre langue pour de diverses raisons. La raison principale qui justifie le processus d’échange linguistique est l’inclusion par nécessité, qui se vérifie quand la langue imitatrice a besoin d’emprunter du matériel étranger pour exprimer des concepts nouveaux. Le manque d’expressions ou de mots natifs équivalents justifie l’emploi de mots étrangers.

1.3.1 L’inclusion par nécessité

L’inclusion par nécessité peut avoir des impacts positifs sur le système linguistique qui en profite, à savoir une expansion considérable du vocabulaire. Identifier des vocables étrangers qui peuvent combler des vides lexicaux dans la langue imitatrice, et les assimiler par le biais des interactions communicatives, entraînerait un enrichissement lexical contribuant positivement au système linguistique. Par conséquent, une langue qui imite est une langue qui profite des sources linguistiques qui l’entourent pour s’enrichir. Toutefois, cet enrichissement dépend directement de la façon dont la langue assimile les éléments étrangers.

Le premier pas vers l’assimilation de matériel étranger est certainement l’imitation, qui consiste à identifier le matériel étranger, le comprendre pour pouvoir le reproduire au cours des échanges communicatifs. Cette reproduction peut être totalement fidèle à la forme et aux sons

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étrangers ou varier à l’intérieur de l’interaction, le niveau de fidélité dépendant de l’intention des parlants qui incluent les mots étrangers dans leur discours. La première variation se vérifiant au cours de la reproduction de matériel linguistique étranger intéresse l’aspect phonétique. Il est fréquent d’employer des mots étrangers sans en reproduire la prononciation originale, mais en y appliquant les règles phonétiques natives – le mot anglais « leader » prononcé /ˈliː.də(ɹ)/ en anglais britannique et /ˈlidɚ/ en anglais américain, devient \li.dœʁ\ en français et /ˈlider/ en italien. Cette reproduction quasi- fidèle de matériel étranger peut être suivie par une deuxième variation concernant l’orthographe, comme c’est le cas pour le mot « goal », qui a été assimilé tel quel ainsi qu’adapté en « gol » en italien – dans ce cas, l’italianisation du mot « goal » a dépendu notamment de sa fréquence d’usage ainsi qu’à la période de son englobement, les emprunts les plus « âgées » étant soumis aux normes phonographiques natives davantage par rapport aux emprunts les plus « jeunes ». Encore une fois, les règles natives relatives à l’orthographe seraient appliquées au matériel assimilé afin que son installation à l’intérieur du système linguistique soit cohérente avec les paramètres linguistiques natifs. Au fur et à mesure que la variation et la modification de nouveaux mots s’approfondit, son origine étrangère devient de plus en plus invisible, cet englobement cohérent avec le système linguistique imitateur permettant d’enrichir la langue par le biais de l’application des règles natives.

Le pas final vers une assimilation complètement cohérente, qui rend l’étrangeté de nouveaux mots totalement invisible aux yeux des profanes, consiste dans une reproduction infidèle. Cette infidélité dépasse les niveaux phonétique et orthographique, en créant des mots nouveaux de matrice native. Ce processus de création s’inspire aux mots étrangers de façon différente, en en calquant la forme, la signification, ou l’image. C’est le cas du mot anglais « honey-moon » assimilé par sa forme comme « luna di miele » 19 en italien, tout comme du mot anglais « white lie », assimilé par son image connotative comme « bugia buona » en italien. La possibilité pour une langue imitatrice de s’enrichir de concepts et de vocables nouveaux en les assimilant avec sa propre empreinte linguistique en garantit le maintien de l’identité linguistique. En revanche, les langues qui laissent pénétrer du matériel étranger sans l’adapter en fonction des règles natives, exposent leurs parlants aux mots étrangers de façon directe. Une exposition prolongée encourage les parlants à inclure ces mots dans leurs interactions en perdant les traits linguistiques natifs néanmoins applicables. Substituer des néologismes natifs potentiels avec des mots étrangers pour des raisons d’économie linguistique, ou de mode, affaiblit le système natif, ses règles internes et sa créativité lexicale20. La créativité est à la base de l’enrichissement lexical d’une langue qui réagit aux interférences lexicales, parce qu’elle

19 D’autres exemples sont rapportés dans Gusmani R., Op.cit., p. 217-249.

20 Le français a démontré une créativité lexicale capable de générer les néologismes nécessaires pour faire face aux nombreux anglicismes. Pour des approfondissements sur le sujet, faire référence à Picone M. D., Le français…cit., p. 17.

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permet de bien profiter de nouveaux éléments linguistiques sans renoncer à sa propre empreinte linguistique.

1.3.2 L’inclusion par mode

Le second type d’inclusion qui a été présenté dans le paragraphe précédent concerne l’inclusion par mode. Inclure par mode signifie employer des mots étrangers même si la langue imitatrice n’a aucun vide lexical à combler. Dans ce cas, les parlants peuvent choisir entre l’emploi de matériel étranger et l’emploi de matériel natif pour exprimer le même message. La préférence pour les mots étrangers au détriment des mots natifs est strictement liée au succès des mots étrangers. Ce succès dépend du prestige de la langue étrangère en question. Étant donné qu’inclure par mode préétablit que la langue imitatrice n’a aucune nécessité de s’enrichir à travers l’assimilation de nouveaux concepts, mais au contraire qu’elle possède déjà les moyens linguistiques pour exprimer ces mêmes idées, on affirme que l’inclusion par mode rarement aboutit en un enrichissement linguistique. Dans le cas de l’inclusion par mode, l’enrichissement consisterait dans une juxtaposition du nouveau terme étranger au terme natif, les deux devenant parfois synonymes : la langue acquerrait un nouveau mot, en élargissant son vocabulaire – par exemple, le mot anglais « weekend » englobé en italien à côté du mot « fine settimana »21 (cf. image 1 en annexe). Si ce n’est pas le cas, le nouveau mot étranger étant préféré au mot natif, les parlants n’emploieraient que le nouveau terme sans plus recourir au terme natif, comme il a été le cas avec le mot anglais « computer » qui a quasi-totalement substitué le mot italien « calcolatore »22 (cf. image 2 en annexe). Le pas successif serait la substitution complète du terme natif à faveur de l’élément étranger.

Même si la langue modèle exerce une influence notable sur la langue imitatrice, cette dernière a toujours les moyens pour profiter de la langue modèle et pour s’enrichir sans perdre son identité linguistique. De divers types d’inclusion comportent des conséquences différentes. De là, le rôle joué par les organismes de contrôle à défense de la langue endogène devient primordial. En effet, les institutions linguistiques peuvent intervenir dans la modalité de réception de matériel étranger et en

21 Cet exemple est le fruit d’une recherche personnelle d’occurrences de mots italiens au moyen de la plateforme NGram Viewer, basée sur des corpus de livres Google datant du 1800. Le lien au résultat :

https://books.google.com/ngrams/graph?content=weekend%2C+fine+settimana&year_start=1800&year_end=2019&co rpus=33&smoothing=3&direct_url=t1%3B%2Cweekend%3B%2Cc0%3B.t1%3B%2Cfine%20settimana%3B%2Cc0.

Consulté le 16 juillet 2020.

22 Cet exemple est le fruit d’une recherche personnelle d’occurrences de mots italiens au moyen de la plateforme NGram Viewer, basée sur des corpus de livres Google datant du 1800. Le lien au résultat :

https://books.google.com/ngrams/graph?content=computer%2C+calcolatore&year_start=1800&year_end=2019&corpu s=33&smoothing=3&direct_url=t1%3B%2Ccomputer%3B%2Cc0%3B.t1%3B%2Ccalcolatore%3B%2Cc0. Consulté le 16 juillet 2020.

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déterminer l’installation à l’intérieur du système linguistique – imitation pure ou création lexicale – en agissant sur les interactions des parlants.

1.4 L’interférence grammaticale

L’interférence lexicale demeure la typologie d’interférence la plus facile à capter. L’inclusion de mots étrangers qui ne subissent aucune adaptation aux règles natives phonétiques, orthographiques ou morphologiques demeurent visibles aux yeux des profanes. Pour que leur étrangeté n’aliène plus les parlants, ils doivent être adaptés en fonction des règles natives. L’exemple-clé est le calque : contrairement à tout autre emprunt lexical dont l’identité étrangère demeure visible, le calque se distingue pour son degré élevé de camouflage. Moins visible aux yeux des profanes, il ne peut être identifié que par les linguistes. Cette invisibilité provoque un effet profond dans la structure de la langue imitatrice, dont les parlants assument et emploient régulièrement du matériel étranger sans le reconnaître. Un exemple concret de calque est le mot « gratte-ciel » en français, « grattacielo » en italien, dérivant du mot anglais « skyscraper ». Ce qui détermine l’invisibilité de ce type d’emprunt est le processus de sa création, qui accorde plus d’importance à l’aspect sémantique qu’à l’aspect extérieur de la forme. Privilégier l’aspect sémantique au détriment de la forme implique l’emploi de matériel natif pour reproduire le mot étranger, en l’incluant dans le respect des règles linguistiques de la langue imitatrice.

Le processus du calque se vérifie surtout quand les mots étrangers à inclure sont des syntagmes parce que de telles formulations nominales se caractérisent par une charge connotative très forte dérivant des liaisons sémantiques entre ses composants. L’aspect sémantique devient alors le plus important à reproduire pour inclure des syntagmes nominaux dans le système imitateur. Par conséquent, on peut affirmer que l’inclusion de syntagmes étrangers par le biais du calque se caractérise par une invisibilité23 majeure par rapport aux autres emprunts lexicaux.

L’invisibilité joue des rôles différents en fonction de la typologie de l’interférence. D’une part, l’invisibilité des interférences lexicales sert à protéger le lexique de matrice native des éléments étrangers, cette protection étant le fruit de tout processus de lexicalisation, de la création de néologismes à la simple application des règles phonétiques et orthographiques aux mots étrangers.

Protéger le vocabulaire de la langue imitatrice est primordial afin que la langue continue de générer de nouveaux vocables sans directement exploiter le matériel linguistique d’autres langues pour des

23 Zoppetti A., « Interferenza linguistica: una classificazione dei forestierismi misurabile », Diciamolo in italiano (2018, febbraio 6). Version en ligne, consulté le 28 juin 2020.

https://diciamoloinitaliano.wordpress.com/2018/02/06/interferenza-linguistica-5- una-classificazione-dei-forestierismi- misurabile/

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raisons d’économicité ou de paraisse. De l’autre part, l’invisibilité est la caractéristique principale de l’interférence grammaticale, ce qui est la raison pour laquelle, premièrement, cette typologie d’interférence a fait rarement l’objet d’études d’experts, et deuxièmement, elle est considérée comme l’interférence la plus dangereuse.

L’interférence grammaticale est moins fréquente par rapport à l’interférence lexicale parce qu’elle ne dépend d’aucun choix linguistique opéré par les parlants. En revanche, les parlants reproduisent des éléments grammaticaux étrangers sans s’en apercevoir. Cette reproduction inconsciente explique le degré du danger de l’interférence grammaticale, qui opère silencieusement.

Inclure du matériel grammatical étranger signifie assimiler des locutions et des syntagmes qui peuvent changer la structure interne de la langue imitatrice. De nombreux experts italiens ont longuement débattu sur le sujet, notamment sur le danger relatif à l’assimilation de simples constructions grammaticales. Le débat encore en cours s’est focalisé sur la capacité réelle de ces locutions d’exercer une influence suffisante pour modifier la structure interne de la langue imitatrice, d’en altérer les règles grammaticales.

Des exemples d’inclusion de locutions grammaticales anglaises dans la langue italienne ont fait preuve de la capacité des interférences grammaticales de modifier les règles italiennes auxquelles elles s’appliquent. Parmi les cas qui ont fait l’objet des études et des analyses d’experts on trouve :

• Un emploi majeur du pronom personnel sujet24 même quand il est sous-entendu selon les règles grammaticales de l’italien. Ce phénomène d’explicitation serait directement lié à une plus grande exposition de l’italien à l’anglais, qui explicite toujours le pronom personnel sujet ;

• Une variation dans le positionnement du pronom personnel sujet dans la phrase25. En italien, le sujet se positionne avant ou après le verbe en fonction de l’information qu’il contient – une information nouvelle ou déjà connue. À présent, les parlants italiens positionneraient le sujet de la phrase avant le verbe plus fréquemment, même quand l’information est nouvelle, en calquant la structuration anglaise où le sujet est toujours préverbal26 ;

24 Cardinaletti A., Garzone G, L'italiano delle traduzioni, Franco Angeli, Milano 2005, pp. 61-65.

25 Ibid., pp. 73-75.

26 Des exceptions à cette règle sont les cas des inverted sentences, où un complément de la phrase autre que le sujet ou un adverbe de négation est placé en première position, suivi par le verbe, pour des raisons d’emphase : « Never have I ever been so wrong » ; le même procédé s’applique aux propositions conditionnelles aussi, « Should you want to win you next competition, you need to work out more ». Pour des approfondissements en la matière, faire référence à Culicover P. W.

et Winkler S., English focus inversion, Cambridge University Press, 2008, pp. 648-655, version en ligne. Consulté le 16 juillet 2020. https://www.researchgate.net/publication/228975645_English_focus_inversion

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• L’adjectif qualificatif en italien se positionne généralement après le nom auquel il se réfère27. Le parlant peut le déplacer avant le nom pour en augmenter la charge connotative. Sous l’influence de l’anglais, qui positionne l’adjectif toujours avant le nom, l’italien aurait acquis l’habitude de déplacer l’adjectif avant le nom même quand sa charge connotative est neutre ;

• L’emploi de la périphrase progressive exprimée par « stare + gérondif » en italien, qui calquerait l’-ing form anglaise28. Les verbes anglais sont souvent employés avec -ing form pour désigner de diverses fonctions grammaticales. Les parlants italiens longtemps exposés à l’anglais, auraient aperçu l’emploi insistent de l’-ing form et l’auraient reproduit sous la forme de la périphrase progressive, dont la récurrence dans les interactions italiennes a augmenté visiblement. En effet, la formulation « Ho incontrato Gianni mentre stavo correndo » serait désormais plus fréquente par rapport à la formulation « Ho incontrato Gianni mentre correvo » ;

• La récurrence de la phrase interrogative multiple29, dérivant directement de l’anglais, et qui présente plusieurs éléments d’interrogation en séquence. Le système linguistique italien manquant d’une telle formulation, en a bien profité en altérant les règles grammaticales natives en la matière. En effet, il a été facile pour l’italien d’imiter et de calquer une formulation comme « Who did what ? » et de la transformer en « Chi ha fatto cosa ? » ;

• L’emploi de l’adjectif à la place de l’adverbe30. En particulier, ce phénomène est apparu dans le domaine du sport télévisé chez les commentateurs sportifs italiens, et demeure fréquent. Il est en effet commun d’entendre des adjectifs à la place des adverbes, comme « Avanza veloce » et non pas « velocemente », au détriment des règles grammaticales natives. Cette tendance semblerait directement liée à certaines formulations linguistiques anglaises, où l’adverbe cède la place à l’adjectif, comme

« Think positive » ;

27 Cerruti M., « La collocazione pronominale di sintagmi aggettivali complessi nell’italiano contemporaneo », in Consani C. (a cura di), Contatto interlinguistico fra presente e passato, Edizioni universitarie di Lettere Economia Diritto, Milano 2005, pp. 397-420.

28 L’analyse de ce phénomène linguistique ainsi que les exemples rapportés sont tirés de Cortelazzo M., « La perifrasi progressiva in italiano è un anglicismo sintattico? », AAVV., Studi in onore di Pier Vincenzo Mengaldo per i suoi settant'anni, a cura degli Allievi padovani, SISMEL - Edizioni del Galluzzo, Firenze 2007, pp.1753- 1764.

29 Benincà P., « Sintassi », in Sobrero A. (a cura di), Introduzione all'italiano contemporaneo - Strutture, Laterza, Roma 1993, pp. 247-290.

30 Klajn I., Influssi…cit., p. 16.

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• L’emploi de l’article indéfini dans une phrase qualificative anglaise comme « I’m an engineer » a influencé radicalement la langue italienne31, qui dans le passé exprimait le même message sans employer aucun article, comme « Sono ingegnere ». À présent, les parlants italiens emploient instinctivement l’article indéfini, « Sono un ingegnere ».

Tous ces exemples partagent un aspect en commun, à savoir le degré de productivité des anglicismes grammaticaux assimilés. La productivité d’une locution empruntée détermine son évolution à l’intérieur du système imitateur ; en d’autres mots, la locution n’est pas simplement calquée pour demeurer figée, mais elle s’acclimate en fonction de la structure linguistique interne et devient une partie intégrante de la grammaire native. Au fur et à mesure que les parlants en font l’usage, elle pourrait même devenir une nouvelle règle grammaticale, en replaçant les normes précédentes.

Ce danger lié au degré de productivité de certains éléments étrangers grammaticaux paraît mineur quand les éléments grammaticaux assimilés sont des locutions syntagmatiques figées. Dans ce cas, les locutions pénétreraient le système imitateur en guise d’expressions figées32, et elles s’acclimateraient en gardant leur forme, sans se modifier au cours du temps. Parmi les exemples italiens les plus connus de locutions syntagmatiques figées on retrouve :

• Les locutions « Quello che è » ou « Questo è quello che » dérivant de l’anglais « What is »33 ;

• La locution « Sembra a me », traduite littéralement de l’anglais « It seems to me »34 ;

• Les formulations « x per y » et « x e/o y » dérivant de « x for y » et « x and/or y »35 ;

• L’expression « Thank you for sending me »36 aurait influencé l’italien si tant qu’à présent l’expression « Grazie per inviarmi » est devenue assez fréquente. Dans ce cas, on retrouve un décalage connotatif important entre l’élément étranger acclimaté en italien et sa signification originale. L’expression anglaise est une requête polie d’envoyer quelque chose, tandis que l’expression italienne est employée afin de remercier pour avoir envoyé quelque chose.

Ces formulations ne varient pas ni génèrent d’autres locutions en y appliquant leur structuration parce qu’elles manquent de productivité. Les parlants les aperçoivent comme des syntagmes figés et les emploient tels quels. Le danger lié à cette typologie d’interférence grammaticale est certainement plus limité par rapport à l’inclusion de matériel grammatical productif ; toutefois, il s’agit toujours

31 Renzi L., Come cambia la lingua, Il Mulino, Bologna 2012, p. 75.

32A cet égard, Klajn, Op. cit., p. 187, rapporte l’opinion de nombreux experts tels que Vogt, Deroy et Meillet.

33 Ibid., p. 190.

34 Exemple tiré de Renzi L., Op. cit., p. 74.

35 Exemples tirés de Klajn I., Op. cit., pp. 188-189 et de Dardano M., « Profilo dell'italiano contemporaneo », in Serianni L., Storia della lingua italiana - Scritto e parlato, Einaudi, Torino 1994, pp. 343-430.

36 Exemple tiré de Renzi L., Op. cit., pp. 71-72.

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d’une influence invisible qui pénètre dans le système linguistique imitateur silencieusement et sans que les parlants en soient conscients.

Comme déjà évoqué, l’interférence lexicale est la conséquence d’un choix linguistique opéré par les parlants, qui préfèrent employer des mots étrangers plutôt que des termes natifs. En revanche, l’interférence grammaticale agit à travers l’inconscience des parlants. Ce qui rend possible la pénétration de matériel grammatical étranger, notamment les éléments grammaticaux qui englobent des normes linguistiques productives, c’est le degré de systématisation des règles grammaticales de la langue imitatrice.

On peut affirmer que les éléments grammaticaux étrangers qui s’installent dans une langue imitatrice sans obstacles et qui deviennent une partie intégrante de la grammaire native en la modifiant, coïncident avec des points opaques de la structure linguistique native et de ses normes. En effet, quand une norme linguistique native est forte, bien systématisée et transparente aux yeux des parlants, la pénétration de nouvelles structures et de nouvelles normes comparées à celle de la langue imitatrice demeure visible. Les parlant aperçoivent le matériel étranger en en prenant conscience, parce que sa présence crée une friction avec les règles natives existantes. Cette friction est le résultat de la transparence et de la clarté des normes natives37 ainsi que de leur systématisation grammaticale, ce qui contribue à la protection de la grammaire d’une langue imitatrice contre les interférences grammaticales. En revanche, quand la langue imitatrice se caractérise par quelques points opaques, des zones grammaticales qui ne sont pas transparentes, qui manquent de systématisation, que les parlants eux-mêmes méconnaissent, les éléments étrangers pénètrent dans la grammaire des parlants avec moins de difficulté et s’instaurent en prenant la place des règles natives faibles. En d’autres mots, les parlants n’aperçoivent aucune friction quand ils entrent en contact direct avec du matériel grammatical étranger, et ils l’accueillent comme s’il était une norme native – le cas de l’anglicisation silencieuse de la phrase italienne « Sono ingegnere » par l’ajout de l’article indéfini « un », d’où

« Sono un ingegnere », confirme cette thèse.

Les interférences lexicale et grammaticale expliquées et analysées ci-dessus sont le fruit d’une première étude générale concernant ces deux phénomènes dans le cadre de la langue italienne. En effet, le processus de l’interférence existe depuis les premiers contacts instaurés parmi les langues, mais il n’a fait l’objet d’études d’experts qu’à partir du siècle dernier. La nature parfois silencieuse des interférences rendant sa détection et son analyse plus ardues, peu d’experts en matière ont contribué à son étude.

37 Le concept des zones grammaticales faibles a été analysé dans le travail de Cardinaletti A., Garzone G., Op. cit., pp.

60 et 71.

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D’une part, l’italien a montré être une langue favorable à l’accueil des éléments anglais lexicaux ainsi que grammaticaux. C’est aussi la raison pour laquelle plusieurs experts italiens se sont exprimés à cet égard, en débattant sur les conséquences concrètes de l’inclusion de matériel linguistique étranger ainsi que sur le futur de la langue italienne. De l’autre part, un nombre plus limité d’experts français a abordé le sujet, le français semblant une langue moins accessible par les interférences, notamment les interférences grammaticales. Par conséquent, une analyse minutieuse de la nature inclusive ou exclusive du français dans les domaines lexical et grammatical sera rédigée dans le prochain chapitre dans le but d’établir le degré de sa créativité lexicale et de sa systématisation grammaticale.

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