LE FRANÇAIS: VERS UNE LANGUE
MAJORITAIRE (1)
LE «FRANÇAIS DE PARIS» ET «DU
BON USAGE»
RÉCAPITULATIF: DEUX HYPOTHÈSES
1) Parmi tous les dialectes des différentes régions, celui de l’Ile-de-France a le dessus = dialecte du pouvoir = le «français de Paris» = le «francien»
2) en présence d’une koiné (langue de culture supradialectale, comprise de tous dès les Serments de Strasbourg)
Coexistence de latin parlé + variations régionales
«Si m’escusez de mon langage car nes ne sui pas de Paris» (Jean de Meung, orléanais) Le OUI
ita> hoc > (h)oc > oc
Ita > o je > o il > oïl
(1528) ERASME, Dialogus de
recta latini graecique sermonis pronuntatione
→ Le mythe du «latin éternel».
Les humanistes relèvent des altérations, des déformations et des dégradations au cours des siècles.
Sous l'impulsion d'Érasme, un vaste mouvement de «révision» se met en branle
Mouvement «révisionniste» se fait sentir à la fois dans l'orthographe
et le lexique.
Les grammairiens «délatineurs»
GEOFFROY TORY «imprimeur du roi » remplace les lettres élidées par une apostrophe (la + apostrophe → l'apostrophe) → Rôle dans l'élaboration des signes graphiques du français.
(1539) ROBERT ESTIENNE Dictionnaire François latin contenant les motz et manieres de parler françois tournez en latin
LOUIS MEIGRET premier à utiliser ‘français’ à la place de ‘françois’ + terminologie (adjectif, Adverbe, Conjonction, conjugaison, terminaison)
(1562) PIERRE DE LA RAMEE dit PETRUS RAMUS, La Gramere
Distinction entre /u/ et /v/
Trois /e/ é, è, ê et ponctuation: le point virgule, le trait d'union, etc.
RONSARD. La «tour de Babel»
dialectale
Tu sauras dextrement choisir & approprier à ton œuvre les mots plus significatifs des dialectes de nostre France, quand mesmement tu n'en auras point de si bons ny de si propres en ta
nation, & ne se fault soucier si les vocables sont Gascons, Poitevins, Normans, Manceaux,
Lionnois ou d'autres païs, pourveu qu'ilz soyent bons & que proprement ilz signifient ce que tu veux dire, sans affecter par trop le parler de la court, lequel est quelquesfois tresmauvais pour estre le langage de damoiselles & jeunes gentilzhommes qui font plus de profession de bien combattre que de bien parler. […] Tu ne rejecteras point les vieux verbes Picards,
comme voudroye pour voudroy, aimeroye, diroye, feroye : car plus nous aurons de motz en
nostre langue, plus elle sera parfaicte, & donnera moins de peine à celuy qui voudra pour
passetemps s'y employer. (Ronsard, 1565).
≠ Le langage ‘françois’
Ceux qui avoient quelque asseurance de leurs esprits, escrivoient au vulgaire de la Cour de
leurs Maistres, qui en Picard, qui Champenois, qui Provençal, qui Tholozan, tout ainsi que ceux qui estoient à la suite de nos Roys escrivoient au langage de leur Cour. Aujourd'huy il vous en prend tout d'une autre sorte. Car tous ces grands Duchez et Comtez estant unis à nostre
Couronne nous n'escrivons plus qu'en un langage, qui est celuy de la Cour du Roy, que nous appellon François. (Pasquier, 1570).
Recherches pour la France
Le rôle des imprimeurs?
- uniformisation de l’orthographe. (les clercs, érudits, juristes, copistes, poètes et autres écrivaient les mots sans aucune véritable contrainte)
- introduction de consonnes étymologiques absentes dans la graphie française
Ex. un g et un t dans doi ( doigt latin digitum); le p de compter < lat. computare, le b de doubter
< lat. dubitare, le c de faict < lat. factum, le g de congnoistre < lat. cognoscere, le p de corps <
lat. corpus ou de temps < lat. tempus, le h de homme < lat. homo, le b de soubdain <
lat. subitaneus, le p de sept < lat. septem, le g de vingt < lat. viginti, le x de paix < lat. pax
≠ ancien français: conter, doter, faz, conoitre, cors, tems, om, sudein, set, vint et pais.
Ex. Abhorrer (< lat. abhorrere) ≠ populaire avorir trop simple!!!
OBSERVATEURS ET
RÉFORMATEURS DE LA LANGUE
Henri ESTIENNE langue parlée «entre Seyne et Loire»
«Voicy donc comme se definit le bon Usage […] c’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformement à la façon d’escrire de la plus saine partie des Autheurs du temps.
Quand je dis la Cour, j’y comprens les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le Prince réside, qui par la communication qu’elles ont avec les gens de la Cour
participent à sa politesse» (VAUGELAS, Remarques sur la langue française, 1647)
François de MALHERBE proscription des provincialismes, archaïsmes, néologismes, termes
techniques
FRANCISATION INÉGALE (administration et justice)
- distribution inégale selon les provinces (pas en Bretagne, imposition en Alsace par Colbert, par le Conseil provincial au Roussillon).
- circonstances locales
- Pour Louis XIV, il importait plus d'avoir des sujets catholiques que des sujets francophones!
MAIS
- Langue de la diplomatie
- langue de la science pour concurrencer le grec et le latin.
Exemple de politique de francisation
(1666) lettre écrite par le ministre Colbert à son frère, magistrat en Alsace.
- Politique de francisation passe par l'enseignement de la langue française à la jeunesse (intégration à la France des régions germanophones annexées en 1648) :
Comme il est de conséquence d'accoustumer les peuples des pays cédés au Roy par le traité de Munster à nos moeurs et à nos coustumes, il n'y a rien qui puisse y contribuer davantage qu'en faisant en sorte que les enfants apprennent la
langue française afin qu'elle devienne aussy familière que l'allemande et que
par suite du temps elle puisse mesme sinon abroger l'usage de cette dernière du
moins avoir la préférence dans l'opinion des habitants du pays.
L’ Académie française (1635)
= la langue est affaire d’État
- centralisation politique
- Première «société savante» règlementée par l’État (40 membres dont VAUGELAS)
Dictionnaire de l’usage = du «bel usage» = celui de la Cour, des salons parisiens (Hôtel de Rambouillet)
Mots exclus:
Ex. Angoisse, immense jugés trop vieillis Ex. Poitrine, épingle trop «populaires»
+ termes techniques (publication à part)
AVANT-PROPOS du Dictionnaire
C'est dans cet estat [de perfection] où la Langue Françoise se trouve
aujourd'huy qu'a esté composé ce Dictionnaire; & pour la representer dans ce
mesme estat, l'Académie a jugé qu'elle ne devoit pas y mettre les vieux mots
qui sont entierement hors d'usage, ni les termes des Arts & des Sciences qui
entrent rarement dans le Discours; Elle s'est retranchée à la Langue commune,
telle qu'elle est dans le commerce ordinaire des honnestes gens, & telle que
les Orateurs & les Poëtes l'employent; Ce qui comprend tout ce qui peut servir
à la Noblesse & à l'Elegance du discours."
LE 8 MAI 1673: ORTHOGRAPHE UNIQUE
- ORTHOGRAPHE: malgré volonté de simplification, rétablissement des formes archaiïques avec consonnes superflues
Ex. corpS, tempS, pouLmon
≠ debvoir → DEVOIR; febvrier → FEVRIER
- PRONONCIATION: solutions particulières et non règlement général Ex. Corbeau ou Courbeau / Cossin ou Coussin
ex. Loi /roi / moi >/ lwé/ /rwé/ /mwé/ > /lwa/ /rwa/ /mwa/
Élimination des consonnes finales Chute de la voyelle –e (e muet)
Distinction entre voyelles longues et brèves: ex. Vit, bout, la ≠ vie, boue, las; armée ≠ armé