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"Diasporisme" chez Ami Bouganim ou nostalgie ironique de la galut?

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Academic year: 2021

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Emanuela Trevisan Semi

"Diasporisme" chez Ami Bouganim ou nostalgie ironique de la galut?

Ami Bouganim, originaire de Mogador (aujourd’hui Essaouira) au Maroc et auteur d’essais philosophiques en hébreu et de divers romans en français, a bravé la culture hégémonique israélienne, non seulement pour son choix d’utiliser la langue française mais aussi pour ses thèmes, nettement liés à l’exil. Parmi ses romans, il faut rappeler Récits du mellah (Paris, Lattes, 1981), Le cri de l’arbre (Paris, Stavit, 1984), Entre vents et marées (Paris, Stavit, 1998), Le juif égaré (Paris, Desclée de Brouwer, 1990), Rire de Dieu (Stavi, 2001), Le Charmeur des mouettes (Paris, La Chambre d’échos, 2005). Le style de Bouganim s’affirme comme une écriture de l’exil dans laquelle est exprimée une forte nostalgie pour la galut

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. Bouganim prend le temps de décrire le monde laissé, les vents furieux et les démons de Mogador, avec des éléments autobiographiques qui nous renvoient à la géographie et au paysage marocains sous le signe d’une grande nostalgie. Il chante l’exil, l’exil de Jérusalem, de l’Espagne, du Maroc. Dans ce roman, les frontières entre autobiographie et imagination ne sont pas tracées et le lecteur a la tâche d’en définir les contours fragiles. La caractéristique que partagent les styles des deux auteurs est leur ironie mordante et la revendication de leur propre tradition pour en rechercher les éléments les plus authentiques.

Yudith Roumani

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a mis en évidence certains traits typiques de la narration des écrivains d’origine nord-africaine (qui écrivent en français). Parmi ces caractéristiques entreraient la préférence pour les figures ouvertes, l’absence de frontières précises entre histoire et imagination, l’intégration d’éléments narratifs traditionnels (proverbes, apologues, petites histoires) au reste de la narration, la mise en évidence de contrastes culturels entre le passé et le présent. Certains de ces éléments peuvent effectivement être relevés dans la prose de Bouganim même s’il semblerait que ce type de caractéristiques n’appartienne pas uniquement à des écrivains en provenance de cette zone géographique.

Chez Bouganim, l’ironie naît en particulier de la mise en évidence des contrastes culturels entre mizrahim et ashkenazim. Sa narration, qui souligne les sentiments de frustration éprouvés par une collectivité toute entière et non par un seul individu, se transforme en une épopée collective.

Son premier roman, Récits du mellah, nous fait associer Bouganim autant au Mendele Mocher Sfarim (Moicher Sfurim) du monde du mellah, qu’à l’un des chanteurs ambulants qui s’exhibent sur la Jmaa el Fna, la célèbre place de Marrakech. L’auteur de la préface, Edmond El Maleh, un

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Yehudit Rumani, “Hagirah ba-romaim meet sofrim yehudim mi-tsafon Africa. Bensusan, Buganim, Khayat”, Peamim, vol.3, n.6 (1988), pp.130-139: p.137.

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Ibid.

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écrivain juif marocain qui a choisi de rester au Maroc, le salue comme un fils de la “nouvelle diaspora en terre promise”

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et annonce: “Un écrivain est né: Ami Bouganim! Ahlan! Baroughba!

Accueillez-le avec du lait et des dattes comme le veut la tradition”

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. Comme Mendele qui écrit aussi bien en yiddish qu’en hébreu mais dont la langue conserve un arrière-goût de yiddish, de la même manière, le judéo-arabe de Bouganim semble doubler la langue française dans laquelle il a choisi d’écrire, qui est donc invisible et en même temps toujours présente

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.

Quand Bouganim met dans la bouche de rabbi Dhak, le rabbin rieur de Mogador, certaines phrases pompeuses en style biblique dont le contenu est toutefois une exhortation à jouir de la vie “Arrachez et mangez! Arrachez et buvez, vous aurez à rendre des comptes pour tout ce que votre œil a vu et que votre bouche n’a pas goûté”, elles font écho à la parodie de Mendele au début du roman I viaggi di Beniamino Terzo quand il reprend les versets du “Croissez et multipliez” (peru u-revu) et du “Venez et montons vers le Seigneur” (lehu we-naaleh) en les transformant en une incitation à la mendicité “Levez-vous mendiants, pauvres, indigents… Bourgeonnez, grandissez comme l’herbe et les orties! Allez, oh fils de juifs, allez mendier de porte en porte”

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.

Dans les Récits du mellah, Bouganim ironise sur l’équivoque qui a poussé des communautés toutes entières du Maroc à émigrer, convaincues que le Messie était arrivée, un Messie à l’aspect laïc, sous la forme d’un Premier ministre mais qui n’en avait pas moins été présenté comme un Messie: “Les juifs attendaient un Messie, ils se retrouvaient avec un ministre, pas n’importe lequel, mais un Premier ministre. Ils appelaient de leurs vœux un royaume de Dieu… ils se retrouvaient avec une république” (p.83). Bouganim utilise librement les éléments historiques pour les transformer selon ses propres inventions moqueuses. Par exemple, tandis que les politiques migratoires de l’Agence juive dans les années cinquante exclurent les personnes âgées et les handicapés des listes de départ rédigées au Maroc, Bouganim se venge de cette vexation et dans son roman fait écrire par le rabbin rieur mentionné ci-dessus, en cachette des émissaires arrivés d’Israël, une liste sur laquelle ne figurent comme candidats à l’émigration vers Israël que des personnes âgées et handicapées.

Bouganim écrit: “Puis les partants commencèrent à monter dans le car et ce ne fut que lorsque ses portes se refermèrent que les sionistes découvrirent qu’ils venaient d’être floués par “le fou de Dieu”. Il avait en effet sélectionné tout ce que le mellah comptait de mendiants, d’infirmes, de débiles, de fous dangereux… sur un signe de leur rabbin, ils se mirent à ânonner la “prière du voyage” qui aussitôt provoqua une averse de pluie. Pluie de bénédiction ou pluie de désolation?”

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Edmond Amran El Maleh, Mille ans, un jour, Marseille, André Dimanche Editeur, 2002, p.15.

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Ibid. p.16.

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Ibid. p.10.

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Mendele Moicher Sfurim, I viaggi di Beniamino Terzo, Torino, Marietti, 1983, p.1 ( “Alzatevi

mendicanti, poveri, indigenti …germogliate, crescete come erba, come ortiche! Andate, o figli

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(p.138). La suite du récit nous montre évidemment qu’il s’agissait d’une pluie de désolation du moment qu’avec des mots d’esprit disséminés ici et là, Bouganim signale le triste destin de toute une génération, qui s’est retrouvée dans les hospices et les maisons de retraite, dans l’anonymat et la plus complète solitude ou au sein de ces dérives de la jeunesse qui débouchèrent sur les émeutes de Wadi Salib et puis au mouvement des Panthères noires: “Vos mendiants seront parqués dans les asiles, vos rabbins moisiront dans vos consciences, vos propres enfants vous renieront” (p. 97).

Les envoyés sionistes en action au Maroc sont considérés par le fils d’Issho comme un cauchemar car il craint de devoir abandonner le Maroc: “Un jour je trouvai un sioniste dans la maison. Il relevait les noms, les dates de naissance, les professions, tout sauf les surnoms. ‘On va partir en Israël’ m’annonça-t-on après son départ. On avait omis de me demander mon avis. Je me mis à prier, pour que les départs cessent de nouveau, pour que ma mère tombe de nouveau enceinte, pour que le sioniste rende l’âme avant qu’il nous fasse rendre notre identité” (p.216).

La plus grande partie du récit de Bouganim reste centrée sur la diaspora, les vents possédés de Mogador et les démons juifs guident l’imagination de cet écrivain qui se laisse à son tour emporté et bercé par les vagues de l’océan qui menacent les murs du mellah. Bouganim a émigré physiquement en partant en Israël mais son esprit est encore dans la Mogador de son enfance.

Un roman (le second) Le cri de l’arbre (1984) a lieu en revanche dans les ma‘abarot d’Israël dans les années cinquante. A travers deux protagonistes féminins, Mzel et Zohra, et les contrastes qui sont soulignés entre les deux femmes, le monde déraciné du mellah apparaît dans tout son désespoir quotidien.

A Mzel qui est tourmentée par la forte déception éprouvée à son arrivée en Israël et qui ironise amèrement sur les promesses non maintenues des émissaires, s’oppose Zohra qui se console en chantant les innombrables exils de l’histoire du peuple juif. Tandis que Mzel maugrée et maudit:

“…elle maudissait le jour funeste où elle avait cédé aux avances des sionistes: Une villa, qu’ils disaient!, à Jérusalem? A Jérusalem, qu’ils promettaient! …Le coup de la villa à Jérusalem lui restait en travers de la gorge” (p.11), Zohra, se console en chantant en judéo-espagnol des mélodies qui racontent l’exil: “Elle chante l’exil, un embrun nostalgique autour de la voix, l’exil de Jérusalem, l’exil d’Espagne, l’exil du Maroc. Souvent elle s’embrouille dans ses innombrables exils, et elle passe d’une sérénade en espagnol à une chanson en français, d’une mélopée en arabe à un cantique en hébreu” (p. 12).

Mzel, originaire de Marrakech, Zohra de Tétouan, appartiennent à deux univers qui se différencient

radicalement d’un point de vue culturel, historique, linguistique et qui furent souvent en contraste

mais dont les divergences sont aplanies dans la nouvelle réalité israélienne, où on ne différencie

plus un juif marocain fier de sa propre origine andalousienne conservée pendant des siècles à

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Tétouan d’un juif marocain appartenant aux toshavim, ces juifs qui ont vécu pendant des millénaires au Maroc: “De tous ces gens, qui jamais ne se seraient présentés comme Marocains - ils étaient Juifs originaires d’une ville ou d’un village précis, membres d’un clan déterminé - les vouz

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avaient fait, en peu de temps, un peuple. Un peuple primitif, physiquement et mentalement anémié, porteur de microbes, et de couteaux” (p.18).

Bouganim, dans ce roman, ne semble plus en mesure de contenir sa propre colère contre le traitement réservé aux Marocains en Israël et il entrecoupe la narration sur la ma‘abarah d’âpres commentaires, d’invectives et de sarcasme.

Sa voix poétique reprend son cours dans les autres romans qui ont comme objet Mogador uniquement, sa ville natale tant aimée, ou Mogador et Paris.

En Israël, Bouganim revendique ses propres origines diasporiques et une grande nostalgie pour sa propre ville et culture d’origine, rendue moins douloureuse par sa capacité à prendre ses distances de manière ironique. Ces origines diasporiques lui fournissent une matière à réflexion, non seulement pour la production artistique mais aussi pour les problématiques des diasporas à l’époque contemporaine. Dans un récent article qui a comme objet justement le thème des diasporas, Bouganim termine avec un petit divertissement sur Mogador, nom d’une ville mais aussi d’un théâtre, d’une rue et surtout d’un restaurant dans le XVIème arrondissement de Paris dont les propriétaires actuels, émigrés de la seconde génération, n’ont plus aucune idée ni sur cette ville dont leur restaurant porte le nom ni sur ses spécialités et voilà que même les plats perdent tout à coup de leur saveur pour laisser la place à la triste prise de conscience que, même le goût et le parfum des sardines grillées ne pourront être transmis aux futures générations

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Emanuela Trevisan Semi est professeur associé de Langue et de Littérature hébraïque à l’Université Ca’ Foscari de Venise. Elle a publié différents essais et articles sur la littérature israélienne, en particulier sur A.B. Yehoshua (Leggere Yehoshua, Torino, Einaudi 2006) et sur les écrivains mizrahim. Elle a par ailleurs publié divers essais sur les mouvements de conversion à l’hébraïsme (Ebrei per scelta, Milano, Cortina 2004), sur les Juifs d’Ethiopie (Jacques Faitolivitch and the Jews of Etiopia, London, Vallentine Mitchell 2007) et sur les Caraïtes (Les Caraïtes: un autre judaïsme,

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Expression utilisée pour désigner les ashkenazes.

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Voir A. Bouganim, “La notion de diaspora à l’ère de la mondialisation”, in F. Abécassis, K.

Dirèche, R. Aouad, La bienvenue et l’adieu, vol 3 “Entre mémoire et nouveaux horizons”

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Paris, Albin Michel, 1992) ainsi que sur le paradigme diasporique Le diaspore, Bologna, Il Ponte

2008. Sa dernière recherche (avec Hanane Sekkat Hatimi) s’intitule Mémoire et représentation des

Juifs au Maroc: les voisins absents de Meknès, Paris, Publisud, 2011.

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