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Les remises des emigrants italiens

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A U G U S T E N I C O L A Ï Licencié ii-Lettrea Docteur en Droit

LES REMISES

DES

EMIGRANTS ITALIENS

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SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'IMPRIMERIE 26, rue Smolett

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LES REMISES

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EMIGRANTS ITALIENS

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SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'IMPRIMERIE 26, rue Smolett

1935

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A

MADAME CHADWICK

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I

INTRODUCTION

(' À lier aux Terres Neufves descouvrir certaines ysles et pays où l'on dit qu'il se doibt trouver grant quantité d'or. » La consigne donnée à Jacques Cartier par François /"r, en 1534, n'explique pas

seulement la découverte du Canada : implicite ou proclamée, elle est à l'origine des découvertes et des migrations de tous les temps. Inutile de remonter aux origines biologiques de la migration, qui nous montreraient l'animal allant chercher sa nourriture partout où il croit la trouver. Certes, les temps modernes ne connaissent plus ces expé-ditions guerrières d'où les conquérants revenaient chargés de butin, les bras lourds de femmes ravies... C'est pourtant le même instinct de conquête et d'aventure qui, tout près de nous, meut les armées de salariés partant à la conquête de cette Toison d'or qui, hier encore, s'exprimait en dollars. Et comme le soldat mercenaire d'autrefoit, l'émigrant italien de naguère allait partout :

L ' a r p a al collo, s o n V i g g i a n e s e , T u t t o il m o n d o è il m i o p a e s e .

Le langage populaire, désignant les remises des émigrants sous le nom de rivoli d oro, les avait d'instinct rattachées aux produits de ces mines métalliques dont le rôle fut si important dans l'histoire économique du monde antique, et dont le produit, en un temps où r émigration n'était pas très différente de la colonisation, formait bien déjà une remise-type. Remise-type aussi, celle qu'assuraient, au temps des conquistadores, les galions de la flotte d'argent.

Cependant, aujourd'hui encore, pour s'en tenir à l'Italie, on connaît mieux l'appoint apporté aux finances de Trajan par les mines d'or de la Dacie (1) que le rôle des remises des émigrants dans Téco-nomie contemporaine. C'est qu'il fallait, pour que la question put devenir objet d'étude, qu'elle prit cet aspect statistique que lui ont donné les temps modernes. Dans le courant du XIX* siècle se produit un fait nouveau. La coexistence, permise par l'ère industrielle, de migrations de masses, généralement temporaires, et de l'extension progressive du salariat, tendant à devenir la forme exclusive de rénu-mération des émigrants, permet la généralisation des remises. Et peu

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les plut importants des comptes internationaux. Mais, pour l'Italie au moins, le phénomène est relativement récent. Ce n'est que dans les premières années du XXe siècle qu'elle se place au premier rang des

peuples migrateurs : l'cre historique de l'émigration anglaise est alors close, l'émigration allemande a fait long feu, l'émigration slave com-mence à peine...

Mais les difficultés naissent avec le problème, et nous compre-nons trop bien, pour notre part, après l'avoir déploré, que la biblio-graphie du sujet se réduise encore à quelques articles de revue. Quand Leroy-Bcaulieu avance, gratuitement à notre avis, que ce sont les agents d'émigration qui font insérer dans les journaux les annonces de fortunes fabuleuses faites par des émigrants partis sans un sou (I) il traduit bien l'attitude de son temps en face de la question : une indifférence et une légèreté mal informées. Il est pourtant bien vrai, au moment où il écrit, qu'à l'adjectif près, des fortunes très réelles sont nées de tant de migrations heureuses. Pendant longtemps encore, les remises n'auront pas droit de cité en économie politique. Elles ne sortiront parfois du domaine de l'anecdote, fantaisiste ou non, que pour rester du ressort exclusif de l'affabulation morale (2), quand

ce n'est pas de l'imagerie grossière. (3) L e s remises faisaient pourtant depuis longtemps l'objet d'allusions réticentes dans les chapitres con-sacrés à la balance des comptes. Mais, en plus des problèmes délicats qu'elles soulevaient par leur seule présence, leur caractère d'éléments casuels, occultes, impondérables, y installait un scandale permanent, égalé seulement, non dépassé, par les <i dépenses des touristes », ce

dernier-né des postes de la balance, comme elles fléau de la statis-tique et désespoir des statisticiens.

Si, comme on l'a dit, l'émigration est l'impérialisme des nations pauvres, elle doit leur apporter autre chose et davantage que cet indispensable appoint monétaire que des pays mieux partagés ont trouvé dans d'autres formes de conquête et d'expansion. Tel ultra, tel zelante de l'émigration a pu fonder sur les remises des espoirs excessifs. S'il est Vrai que, selon la maxime d'Alberti gobernar es

poblar, il n'est pas douteux que l'émigration italienne ait un moment

réuni toutes les conditions favorables par où aurait pu se vérifier la vérité de cet antique prcfjerbe vénitien qui affirme que le monde est

à qui le prend.

La guerre, parmi tant de méfaits, aura causé celui de précipiter

(1) P. Leroy-Beaulieu : De la Colonisation chez les peuples modernes. 5 édit.

(Paris. 1902). t. Il, p. 494.

(2) A . Dauzat en fournit un exemple typique, qui écrit : « Je ne me rappelle

pas sans émotion le geste spontané et touchant de ce montagnard piémontais qui.

après m'avoir raconté comment il avait dû partir tout enfant de la maison

pater-nelle pour aller gagner sa vie de l'autre côté de la frontière, se leva de sa chaise

et se découvrit en déclarant : « J'aime et je respecte la France parce qu'elle m'a donné du pain ». (L'expansion italienne. Paris, 1914, p. 248) Nous aurons

l'occa-sion de voir que les Italiens d'aujourd'hui tiennent un langage tout différent, non

seulement quant à l'effusion sentimentale, mais du strict point de vue économique.

(V. infra. Ch. I, § 2 et Chap. IV, § 4)

(3) R. Le Conte, dans une étude par ailleurs remarquable sur L'Emigration italienne (Paris, 1901), écrit, à propos des émigrants italiens : « Chaque dimanche (il») adressent à leurs femmes (restées en Italie) des mandats-po9taux. ne gardant

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une évolution historique dont les débuts avaient été si heureux• Les restrictions aux migrations, au départ comme à l'arrivée, assimilent de plus en plus les nations contemporaines à ces prisons dont parlait Bentham. Les capitaux, affectés d'un coefficient national de plus en plus lourd à porter, perdent cette mobilité par quoi une économie plus heureuse, ou simplement plus nq'ive, avait cru pouvoir les définir. Dans un monde économique qui se minéralisé, les remises tendent à disparaître, et si depuis plusieurs années l'émigration agonisante a permis d'ultimes envois, c'est un peu à la façon de ces étoiles éteintes dont le rayon voyage encore.

Il reste que les remises auront du moins marqué la physionomie de l'émigration italienne de ces trente dernières années, telles quç ces pages essayent de la fixer. Leur apport affaibli n'a pu toutefois jouer à plein dans l'économie ébranlée de l'Italie d'après-guerre. Aussi bien ont-elles jamais été autre chose qu'une forme honteuse du mercantilisme ? L'histoire montre les déplorables erreurs amenées par la recherche exclusive des métaux précieux, et la défaillance des remises dans l'Italie d'aujourd'hui l'illustre d'une nouvelle et dure façon. A l i e n u m aes. a c e r b a servitus. Amenant l'Italie du Licteur à

réfléchir sur les conditions manquées d'un avenir migratoire désor-mais compromis, les remises lui auront du moins permis de repenser les conditions du problème• L'infatigable génie latin sera conduit à poser de nouveaux jalons pour une expansion dont la nécessité a toujours été proclamée, et c'est par un aperçu des nouvelles direc-tives de la politique financière de l'émigration italienne que s'achève cette étude.

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C H A P I T R E I

Le phénomène de» Remises dans l'émigration

italienne

§ 1. Les remises en tant que moteur de l'émigration italienne. — § 2. Les remises et la législation italienne de l'émigration. — § 3. L'émi-gration italienne, émiL'émi-gration-type de remises.

§ I. — L ' é m i g r a t i o n qui, d a n s d ' a u t r e s p a y s et d a n s certaines circonstances, pouvait être d u e à d e s causes politiques o u religieuses, fut d é t e r m i n é e avant tout en Italie, pour la p é r i o d e q u e nous o c c u p e , p a r d e s facteurs é c o n o m i q u e s . C'était p o u r fuir d e s conditions écono-m i q u e s d é f a v o r a b l e s q u e les éécono-migrants quittaient en écono-masse un p a y s aux possibilités trop restreintes, où un traditionnalisme persistant p e r p é t u a i t p a r ailleurs les conditions d é m o g r a p h i q u e s favorables à l'émigration. {I)

C e p e n d a n t , la misère c o m m e cause n ' a u r a i t jamais suffi, aux y e u x d ' e x c e l l e n t s juges (2), à expliquer l'accroissement rapide d e l'émigration, d o n t 1g m a x i m u m s ' o b s e r v e p e n d a n t la p é r i o d e

1900-1910, en m ê m e t e m p s q u ' u n essor industriel et commercial remar-q u a b l e . Il faut tenir c o m p t e d e ces remises remar-q u ' o n a t e n d a n c e à reléguer au t e r m e d e s é t u d e s c o n s a c r é e s à 1 émigration p a r c e qu elles constituent l'aboutissement, d a n s l'ordre chronologique, d u cycle migratoire, sans p r e n d r e garde que, d a n s bien d e s cas, elles jouent un rôle moteur, qui, p o u r l'émigration italienne, semble bien avoir été décisif. En m ê m e t e m p s qu'elles p r o v o q u a i e n t u n e émigration t o u j o u r s p l u s a b o n d a n t e , elles assuraient à la nation u n e prospérité jusque là sans exemple, et ceci expliquait cela, en u n e matière où

(1) V . G i n o Arias : La questione méridionale (Bologne, 1921). — Fr. Coletti : Dell' emigiazionc italiana in cinquanta anni de storia italiana : 1860-1910. (Milan, 1911), p. 100 et M. Gentile : Il problema dell'emigrazione in Calabria (Rome, 1921).

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la force persuasive d e l ' e x e m p l e est peut-être plus grande q u e par-tout ailleurs. On était parti, d ' a b o r d , p a r nécessité : le succès d e tant d exodes h e u r e u x provoquait l'imitation et, finalement, se créait une véritable tradition migratoire, observée en d e n o m b r e u s e s régions et qui devenait parfois, selon l'expression d ' u n intéressé, u n e véri-table « fureur ». (1)

Emigranti o briganti : telle était, sous sa f o r m e proverbiale, la douloureuse alternative qui se posait, d a n s les dernières a n n é e s d u XIX" siècle, aux p o p u l a t i o n s méridionales. (2) Et les remises, parti-culièrement celles n é e s d e l'émigration transocéanique, l'avaient h e u r e u s e m e n t résolue, selon un processus qui d o n n e la clef d e l'émigration italienne m o d e r n e , et q u e n o u s p o u v o n s reconstituer à travers les réponses recueillies par u n e commission d ' e n q u ê t e offi-cielle. La fascination au d é p a r t : « O n naît avec l'idée d'aller en A m é r i q u e », constate un témoin. (3) Les remises n é e s d u séjour d e l'émigrant, enregistrées p a r l'aveu reconnaissant d u n e m è r e sici-lienne : « Sans ce q u e m ' e n v o i e m o n fils, je n e pourrais p a s vivre ; s'il n ' y avait p a s l ' A m é r i q u e , nous mourrions d e f a i m . » (4) Enfin, a p r è s le retour triomphal, la satisfaction é p a n o u i e d ' u n p a y s a n cala-brais, génératrice d e n o u v e a u x d é p a r t s : « C'est l ' A m é r i q u e qui nous a fait riches... » (5) Et le cycle r e c o m m e n c e . . . Selon les régions, l ' A m é r i q u e est r e m p l a c é e p a r tel ou tel p a y s e u r o p é e n , suivant la destination plus f r é q u e n t e d e l'émigration locale : tout le long d e l ' e n q u ê t e , en t e r m e s plus ou moins explicites, mais t o u j o u r s avec un égal d e g r é d ' é v i d e n c e , c'est bien cette possibilité d'enrichisse-m e n t d'enrichisse-monétaire qui a p p a r a î t l'id'enrichisse-mpulsion d é t e r d'enrichisse-m i n a n t e de 1 éd'enrichisse-migra- émigra-tion.

11 ressort d ' u n e autre e n q u ê t e , se r a p p o r t a n t à 1888, q u e le

« désir d ' u n meilleur sort » et la « misère » étaient les mobiles domi-nants chez 76 % des émigrants d e l ' a n n é e considérée. (6) O n recueil-lit les r é p o n s e s d e 2.310 c o m m u n e s , f o r m a n t u n e population totale d e 10.401.218 habitants, d o n t 236.613 émigrèrent p e n d a n t l ' a n n é e considérée. Les causes p r é v a l e n t e s d e l'expatriation, telles qu'elles ressortaient d e s questionnaires, étaient : 10 le « désir d un meilleur (1) V . lnchiesta parlamentare sulle condizioni dei contadini nelle provincie meri-dionali e nella Sicilia (Rome, 1908-1910).

(2) V . Coletti /oc. cit. p. 118. V . les travaux de la Commissione d'inchiesta sul brigantaggio. 1863. — E. Reclus écrit : « Le m o u v e m e n t d'émigration est devenu un dérivatif aux anciennes moeurs du brigandage » ( N o u v . Géogr. univers., t. I, p. 96).

(3) lnch. pari III. V . C h a p . VII, p. 96.

(4) Ibid, III, V , Ch. VII, p. 98.

(5) Ibid.

(6 U n questionnaire avait été adressé, sur l'initiative de Luigi Bodio, à tous les maire des c o m m u n e s ayant compté plus de 10 émigrants en 1888. V . Statistica délia emigrazione italiana per il 1.888. (Rome, 1889). Un congrès des émigrants de la Valtelline présentait, en 1914, l'émigration temporaire c o m m e un « acte de pré-voyance » (Rivista di emigrazione, ianv.-févr. 1914, p. 2). L ' i m p o r t a n t e émigration f é m i n i n e , déplorée à la m ê m e é p o q u e dans la province de Bari, était attribuée à

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sort » : 920 c o m m u n e s , soit 40 % d u total, c o m p r e n a n t 4.242.757 habitants (41 %) d o n t 70.873 émigrants (30 %) ; 2° la « misère » : 853 c o m m u n e s (37 %), 3.659.244 habitants (35 %), d o n t 105.805 émigrants (45 %) ; 3° le « m a n q u e d e travail » : 251 c o m m u n e s (11 %), 1.315.336 habitants (12 %), dont 28.219 émigrants (12 %) ; 4° les (i m a u v a i s e s récoltes » : 133 c o m m u n e s (6 %), 493.820 habi-tants (5 %), d o n t 14.622 émigrants (6 %) ; 5° la « crise agricole » : 36 c o m m u n e s (2 %), 174.801 habitants (1 %), dont 2.625 émigrants (5 %) ; 6° les « autres c a u s e s » : 117 c o m m u n e s (5 %), 515.260 habi-tants (5 %), d o n t 14.469 émigrants (6 %). O n voit q u e le « désir d ' u n meilleur sort » ou la « misère » viennent en tête, selon q u e l'on considère le chiffre total de la population d e s c o m m u n e s e n q u ê t é e s ou le n o m b r e d e s émigrants. Le « désir d ' u n meilleur sort » dominait d a n s les provinces septentrionales, qui sont aussi les plus p e u p l é e s et les plus riches (Ligurie 62 %, P i é m o n t 49 % d e s réponses) ; la « misère » d a n s les provinces méridionales, les plus pauvres, celles où l'émigration était proportionnellement la plus forte (42 % d e s r é p o n s e s en m o y e n n e ) .

Il est certain que, si elle avait été poursuivie a p r è s 1900, u n e pareille e n q u ê t e eût relevé q u e la proportion d e s d é p a r t s attribuablef au « désir d un meilleur sort » s'était considérablement accrue aux d é p e n s d e l'émigration i m p o s é e par la détresse. A sa f a ç o n , la légis-lation italienne de 1 émigration devait reconnaître q u ' u n d e s plus puissants motifs d ' a t t r a c t i o n d e s émigrants italiens vers l'étranger, et s p é c i a l e m e n t vers les p a y s neufs, résidait d a n s cette é p a r g n e r e n d u e facile par les conditions favorables des p a y s d'immigration, et qui, au retour d e s émigrés en Italie, ou à travers leurs envois, p r e n a i t facilement figure de richesse ou d e trésor.

§ 2. — A travers l ' e n c o u r a g e m e n t déguisé ou les e m p ê c h e m e n t s variés qu elle consacrait, selon les périodes, à u n e émigration e n face d e laquelle elle n e pouvait rester indifférente, la législation italienne a r a r e m e n t e x p r e s s é m e n t visé les remises d e s émigrants. U n e cer-taine p u d e u r g o u v e r n e m e n t a l e est d e règle en u n e matière où la réglementation unilatérale soulève de délicates questions d'intérêt international. Cet aspect d e la question migratoire n'était p a s p o u r a u t a n t négligé, encore q u e ce f û t à l'abri d e la notion plus accep-table d e « protection d e 1 émigrant » o u d a n s les t e r m e s p e u compro-m e t t a n t s d e « valorisation d e 1 écompro-migration ».

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vague de l'émigration italienne d e s t e m p s m o d e r n e s . Inspirée p a r la volonté d e Crispi d e faire d e l'Italie un p a y s fort, la loi d u 30 d é c e m b r e 1888 fait de 1 interdiction d'émigrer le droit c o m m u n , et d e l'émigration, s u b o r d o n n é e , p o u r tous les h o m m e s entre 18 et 32 ans, à u n e autorisation expresse, l'exception.

L'érection, e n 1890, d ' u n e section « p o u r les Italiens résidant à l'étranger » à la Caisse d ' E p a r g n e postale, sur laquelle n o u s revien-d r o n s (I), n ' a p a s revien-d autre portée q u e celle revien-d ' u n e m e s u r e arevien-dminis- adminis-trative, d u e sans d o u t e à l'initiative d ' u n directeur agissant : elle reste en d e h o r s du grand m o u v e m e n t d e l'émigration, qui, à cette é p o q u e , n'avait p a s encore pris l'allure q u e nous lui verrons d a n s le premier quart d u XXe siècle. Elle n ' e n est p a s moins significative d e l'attention q u e les pouvoirs publics c o m m e n c e n t à accorder à u n p h é n o m è n e qui p r e n d r a plus tard un grand d é v e l o p p e m e n t .

La loi d u 30 janvier 1901 (2) est le premier texte organique d e l'émigration italienne. L'émigration est, en principe, déclarée libre (art. 1). Seule d e m e u r e interdite 1 émigration d e s e n f a n t s d e moins d e

15 ans, en v u e d ' e x e r c e r u n e « p r o f e s s i o n a m b u l a n t e , périlleuse ou insalubre ». Et aussi, exceptionnellement, p o u r d e s raisons d ' o r d r e public, l'émigration q u e le ministre d e s Affaires étrangères, d accord avec le ministre d e l'Intérieur, jugerait devoir interdire p o u r certains p a y s d a n s d e s circonstances particulières. L ' é m i g r a t i o n est p r o t é g é e à la fois contre les entreprises intéressées d e s agents d ' é m i g r a t i o n et d e s c o m p a g n i e s d e navigation, et, en général, contre tous les p r o p a g a -teurs d e fausses nouvelles. Enfin, sont créés (art. 7), e n vue d e la systématisation d e l'émigration et d ' u n e meilleure protection d e s émigrants, un Conseil d e l'émigration d o n t le rôle est surtout consul-tatif, et un Commissariat d e l'émigration qui devait devenir, d a n s les a n n é e s suivantes, l'organisme d e surveillance et d ' e x é c u t i o n à travers lequel se sont e x p r i m é e s les diverses directions d e la politique ita-lienne d e l'émigration.

L ' e f f e t bienfaisant d e s remises a c o m m e n c é à se faire sentir. A p r è s les é p r e u v e s d o u l o u r e u s e s q u e la terre d ' A f r i q u e avait réservées aux finances et aux a r m e s italiennes, les s p h è r e s g o u v e r n e m e n -tales sont d e v e n u e s hostiles à toutes restrictions p o u v a n t e m p ê c h e r l'afflux d e c e q u ' o n c o m m e n c e à a p p e l e r les rivoli d'oro a p p o r t é s p a r les émigrants. Le sens évident d e s dispositions générales d e la loi d u 30 janvier 1901 est un e n c o u r a g e m e n t très net à l'émigration. Rien, d a n s le texte m ê m e d e la loi, n ' a trait aux remises qui sont p o u r t a n t u n e d e s p r é o c c u p a t i o n s d o m i n a n t e s d e s p r o m o t e u r s d e la nouvelle législation. « Il faut p r o c é d e r a v e c g r a n d e p r u d e n c e , p a r c e q u e d a n s les U . S . A . — et on pourrait ajouter d a n s les autres Etats — n ' i m p o r t e quel office d ' E t a t , n ' i m p o r t e quelle action qui é m a n e ou qui ait l'air d ' é m a n e r d i r e c t e m e n t d ' u n g o u v e r n e m e n t étranger et d e représenter son ingérence, trouvera toujours d a n s

(1) V . injra. Ch. II, § 5.

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1 opinion p u b l i q u e et a u p r è s d e s autorités d e s difficultés insurmon-tables. » (1) 11 subsiste aussi d a n s les milieux responsables un reste d e cette réserve q u e les gouvernements, c o m m e les f e m m e s , aiment parfois d ' a f f e c t e r à p r o p o s d e s questions d ' a r g e n t . . .

D e u x jours a p r è s la loi d u 30 janvier 1901, est p r o m u l g u é le pre-mier texte où soit p r o n o n c é le mot « remise » : la loi d u l"r février

1901, « sur la protection d e s remises et d e s é p a r g n e s d e s émigrés italiens à l'étranger » confie au plus ancien et au plus p o p u l a i r e d e s é t a b l i s s e m e n t s italiens d e crédit, le Banco di Napoli, u n e mission d ' o r d r e national, qui a survécu d e p u i s à toutes les vicissitudes d e la politique italienne d e l'émigration. 11 s'agissait essentiellement d e mêttre à la disposition des émigrés un m o d e d e transmission prati-q u e prati-qui favorisât l'afflux d e s remises, et dût l o r d o n n a n c e d e cet exposé en souffrir, n o u s n ' a b o r d e r o n s l ' é t u d e détaillée d e s disposi-tions d e la loi d u lo r février 1901 q u ' a u chapitre suivant. Qu'il n o u s suffise p o u r l'instant d e dire q u e la politique financière d e l'émigra-tion italienne, qui devait p e n d a n t si l o n g t e m p s graviter autour d e s seules remises, avait trouvé un instrument d o n t l'acquisition, malgré les imperfections révélées à l'usage, était définitive.

L a p é r i o d e qui va de 1901 à 1914 est 1 âge d or des remises. La guerre, en s u s p e n d a n t , avec l'émigration, les envois d e s émigrés, r e m e t la question au p r e m i e r plan d e s p r é o c c u p a t i o n s g o u v e r n e m e n -tales. Q u e l q u e s a n n é e s plus tard, l ' a v è n e m e n t d u fascisme conduit le législateur à r e p e n s e r les d o n n é e s f o n d a m e n t a l e s d u p r o b l è m e d e l'émigration.

Q u a n d le fascisme s ' e m p a r e d u pouvoir, en o c t o b r e 1922, il n ' a p a s encore d e doctrine arrêtée q u a n t à l'émigration. Rien n'autorise à croire (2) que. d è s les p r e m i è r e s a n n é e s d u régime, d e s mesures restrictives aient eu la faveur d e s dirigeants, et q u e seules les circons-t a n c e s en aiencircons-t r e circons-t a r d é l'applicacircons-tion.

A u contraire, d e s écrivains fascistes de la p r e m i è r e heure félici-tent le G o u v e r n e m e n t d'avoir osé s u p p r i m e r les restrictions n é e s d e la guerre (3) ; d ' a u t r e s c o m p t e n t sur lui p o u r abolir définitivement les entraves qui subsistent à la liberté d ' é m i g r e r . (4) De fait, on trouve p a r m i les p r e m i e r s actes d u n o u v e a u g o u v e r n e m e n t d e s m e s u r e s d o n t le m o i n s q u ' o n puisse dire est qu'elles sont loin de traduire u n e volonté ou m ê m e u n e arrière-pensée d e restrictions. A 1

inté-(!) Discours de l'honorable Visconti Venosta. C h a m b r e des Députés, séance du 27 novembre 1900.

(2) C o m m e M. W o o g : La politique d'émigration de l'Italie (Paris, 1930), p. 117. (3) Manlio d ' A m b r o s i o : Il mezzogiorno d'Italia e l'emigrazione negli Stati Uniti (Rome, 1924),, p. I. Il nous est impossible de suivre M. Morini-Comby qui a cru remarquer que « les révolutions italienne et espagnole ont suivi de près l'arrêt du courant migratoire ». (Essai sur les conséquences économiques des migra-tions, in Revue d'économie politique ]Janv.-févr. 1932) p. 84. — A u m o m e n t où éclate la révolution fasciste (octobre 1922), l'émigration italienne ne rencontre encore d'autres restrictions que celles édictées aux U.S.A- par le bill Dillingham du 19 mai 1921, qui ne devaient être aggravées que par l'acte du 16 mai 1924.

(4) Fr. Sulpizi II problema dell'emigrazione dopo la rivoluzione iascista (Rome,

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rieur d u r o y a u m e est remis en vigueur le décret d u 18 d é c e m b r e 1919 qui instituait auprès du Commissariat d e l'émigration une com-mission c h a r g é e de présenter les v œ u x d e s classes ouvrières et d e d o n n e r d e s avis sur. le p l a c e m e n t d e s émigrants à l'étranger. P o u r l'étranger, on institue au sein d u Commissariat u n e e n q u ê t e p e r m a -n e -n t e sur l'état d u m a r c h é i-nter-natio-nal d u travail. (I) Le 18 ja-nvier

1923 voit l'extension, jusque là retardée, des lois italiennes de l'émi-gration aux anciens territoires autrichiens récupérés, et la déclara-tion d e Trieste, port d ' e m b a r q u e m e n t . Le 11 mars 1923, un décret modifie la composition du Conseil Supérieur d e l'émigration et y introduit un n o m b r e imposant de r e p r é s e n t a n t s des milieux ouvriers. M. Mussolini voit alors d a n s l'émigration u n e « incompressible néces-sité d é m o g r a p h i q u e » (2) et déclare : « Il est inutile d e discuter si l'émigration est un b i e n ou un mal. Elle constitue un fait, un besoin p h y s i q u e du p e u p l e italien, qui ne p e u t être c o n t e n u tout entier d a n s sa terre d'origine. » (3) Enfin, en 1926 encore, étaient institués a u p r è s d e s consulats italiens d e s « attachés à l'émigration » c h a r g é s d'infor-mer p é r i o d i q u e m e n t le g o u v e r n e m e n t d e s conditions d u m a r c h é d u travail d a n s le p a y s d e leur résidence. (Art. 58 d u décret-loi d u 26 mai 1926, N° 1395.)

Ce n ' e s t q u e plus tard, q u a n d le régime affermi a eu le t e m p s d e préciser ses objectifs, q u e se fait jour u n e politique r a d i c a l e m e n t différente. D é j à le décret d u 18 janvier 1923, qui rattachait le Com-missariat d e l'émigration, jusqu'alors a u t o n o m e (et à vrai dire d a v a n t a g e un pouvoir q u ' u n service) a u Ministère d e s Affaires Etran-gères ; d é j à la circulaire du 22 août 1924, t e n d a n t à réprimer l'émi-gration clandestine, avaient un accent annonciateur faisant p r é s a g e r d e s mesures plus radicales. B r u s q u e m e n t , un décret-loi d u 28 avril 1927 s u p p r i m e le Commissariat d e l'émigration et le r e m p l a c e p a r une Direction G é n é r a l e d e s Italiens à l'étranger, f o n c t i o n n a n t c o m m e un service n o r m a l d e s Affaires Etrangères, et p l a c é e sous les o r d r e s d ' u n f o n c t i o n n a i r e d e la carrière consulaire et d i p l o m a t i q u e (4). U n décret d u 18 juin 1927 s u p p r i m e le F o n d s d e l'émigration à partir d e 1 exercice 1927-1928 et en transfère les chapitres au b u d g e t d e s Affairs étrangères. P e u a p r è s le Conseil Supérieur d e l'émigration, ainsi q u e le comité p e r m a n e n t constitué d a n s son sein, sont à leur tour s u p p r i m é s p a r le décret-loi N° 2146 d u 23 o c t o b r e 1927,

(1) Manlio d ' A m b r o s i o (op. cit.). p. 319.

(2) Lettre à M. de Michelis a c c o m p a g n a n t le décret-loi N° 3148 d u 15 d é c e m b r e 1923, qui créait l'I.C.L.E., publiée in Relaz. sull'emigrazione 1924-1925, p. 281.

(3) Discours à la séance inaugurale d u cours spécial d'émigration de l'Ecole Carlo T e n c a , de Milan. (Bol. emigr., mai 1923).

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La circulaire ministérielle qui accompagnait le décret du 28 avril 1927 (1) ne s exprimait encore qu en termes généraux, qui auraient pu tout aussi bien s ' e n t e n d r e d ' u n renforcement présumé d e la protection accordée à l'émigration par un Etat conscient des devoirs que lui impose son autorité recouvrée : « Le Gouvernement ne considère p a s le p r o b l è m e d e l'émigration c o m m e un fait d ' o r d r e technico-administratif, mais essentiellement c o m m e un problème d ' o r d r e politique... Il n'y aura plus une tutelle technique et d assis-tance distincte d e la tutelle politique, et vice-versa, mais une tutelle unique... » En réalité, l ' a n n é e 1927 marquait un tournant d a n s la politique fasciste d e l'émigration. M. Grandi, alors sous-secrétaire d ' E t a t aux Affaires étrangères, s en était expliqué en des termes où, pour la première fois, apparaissait clairement une volonté restrictive : « A u j o u r d ' h u i , l'Etat fasciste unitaire, qui tend à se développer d a n s la cinquième a n n é e d u régime révolutionnaire, après avoir abattu la démagogie et imposé sa politique sur les grandes routes du monde, n e p e u t pas considérer le marché et l'emploi d ' u n e si grande partie d e notre race c o m m e un fait qui n e touche p a s à sa politique, et penser q u e les émigrants sont des francs-tireurs qui se déplacent d'eux-mêmes, sans tenir compte du plan de la bataille, et il ne peut p a s expédier loin d e lui à l'étranger, ces parias de l humanité... L'Italie fasciste n'est plus celle d'il y a vingt ans... Nous devons avoir le courage d'affirmer que l'émigration est un mal lorsque, c o m m e aujourd'hui, elle est faite vers d e s pays étrangers. L émigra-tion est un besoin, mais sous la souveraineté naémigra-tionale. Les peuples, aujourd'hui, mesurent leurs forces à leur population et à leur vita-lité d é m o g r a p h i q u e . Ce sont les conditions d e l'unité et d e la puis-sance d e s nations. Les h o m m e s et les groupes les moins résistants sont f a t a l e m e n t conduits à être assimilés par les autres. Pourquoi notre race doit-elle constituer un vivier humain pour alimenter les nations d é m o g r a p h i q u e m e n t faibles ? Nos mères n'ont pas besoin d'avoir d e s fils qui seront soldats ailleurs ; et d a n s certains pays, la lutte anti-fasciste n ' a pour but que d e permettre plus facilement la

dénationalisation d e s Italiens. » (2)

Q u e s'est-il d o n c passé pour expliquer un c h a n g e m e n t d e direc-tion si profond ? Les remises, nous le verrons, après avoir atteint d e très hauts niveaux en 1920, ont c o m m e n c é à décroître sous la double influence des restrictions édictées par les U.S.A. qui étaient jusqu'alors leur principale source, et de modifications profondes dans la nature et la composition de l'émigration italienne. La vio-lente crise d e s changes d e 1925 a favorisé des remises spéculatives qui auraient p u devenir dangereuses pour l'épargne et pour la mon-naie italienne. L a confiance tranquille jusqu'alors inspirée par l'ap-port d e s remises, devenues un poste intégrant d e la balance des comptes, se trouve é b r a n l é e . La b a l a n c e d e l'émigration, privée d e

(1) Gaz. U f f i c . du 6 mai 1927.

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l'appoint d e s remises, risque de devenir déficitaire... O n craint q u ' u n e émigration d o n t le caractère d e p e r m a n e n c e va s ' a c c e n t u a n t , rie vide l'Italie d e sa substance : le fascisme va y parer.

C'est en termes é c o n o m i q u e s q u ' u n e circulaire ministérielle, adressée a u x p r é f e t s à la d a t e d u 3 juin 1927, expliquait le change-m e n t d ' o r i e n t a t i o n d e la politique d e l'échange-migration et faisait allusion à ces p r é o c c u p a t i o n s : « J u s q u ' à ce jour, 1 é m i g r a t i o n p e r m a n e n t e a causé d e s pertes a u p a y s : au point d e vue é c o n o m i q u e , tout c e q u e la nation a d é p e n s é p o u r élever l'émigrant et Le mettre en état d e produire ; au point de vue militaire, car l'émigrant n e sera p a s soldat d a n s son p a y s : enfin, au point de v u e d é m o g r a p h i q u e , car l'émigration prive le p a y s d ' u n é l é m e n t jeune, qui va f é c o n d e r le sol é t r a n g e r . . . L e s P r é f e t s doivent faire c o m p r e n d r e à tous les agents p l a c é s s o u s leurs o r d r e s q u e toute province qui s a u r a conserver au p a y s les b r a s d e ses fils pour son progrès et sa défense, a u r a b i e n mérité d e la Patrie. »

L e s circulaires n u m é r o s 75 , 76 et 77, adressées le 20 juin 1927 a u x autorités italiennes d u R o y a u m e et aux autorités consulaires d e l'étranger, entrées e n vigueur le Ier s e p t e m b r e 1927, constituent les textes f o n d a m e n t a u x d e la nouvelle législation italienne d e

l'émigra-tion. (I) Sauf p o u r les U . S . A . , o ù les dispositions antérieures restaient e n vigueur et o ù la législation d e 1921-1924 assurait à elle seule, et bien au-delà, la volonté restrictive nouvelle d u g o u v e r n e m e n t italien, l'émigration n ' é t a i t p e r m i s e q u ' a u x Italiens :

1° « M u n i s d ' u n contrat régulier d e travail, c'est-à-dire d ' u n contrat c o n t e n a n t toutes les clauses relatives à l ' e m p l o i d e s travail-leurs, visé par le Consul c o m p é t e n t , et p r o v e n a n t d ' u n e m p l o y e u r étranger, o u d ' u n p a r e n t d ' u n degré supérieur au troisième (2) ;

2° o u <( r é c l a m é s par d e s p a r e n t s d un degré n o n supérieur a u troisième, l'acte d ' a p p e l (atto di chiamata) é t a n t visé p a r le Consul c o m p é t e n t . Ces p a r e n t s privilégiés sont : le conjoint, les enfants, les ascendants, les grands parents, les frères et s œ u r s , les oncles pater-nels et materpater-nels. »

U n e circulaire N° 51, d u 3 mai 1928, d e la Direction G é n é r a l e d e s Italiens à l'étranger, p o u r m i e u x assurer le contrôle d e s émigrants temporaires, d é s o r m a i s a p p e l é s « Italiens à l'étranger », stipulait l'apposition sur leurs p a s s e p o r t s d e la m e n t i o n « travailleur ». T a n d i s q u e , p e u après, la presse fasciste mettait à l'actif d u régime, qui abolissait ainsi u n e distinction « humiliante », la suppression, réalisée p a r le d é c r e t d u 21 juin 1928, du p a s s e p o r t spécial d e s émigrants. S a n s souligner q u e c ' é t a i t 1 émigration qui faisait les frais d e c e s é g a r d s inattendus, car le m ê m e texte abolissait la gratuité d u passe-p o r t établie passe-p a r l'art. 15 d e la loi d u 13 n o v e m b r e 1919 en faveur d e s « Italiens quittant l'Italie p o u r travailler à l'étranger «, et faisait

(1) V . Chronique des migr. 1927, pp. 391, 394.

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revivre la gabella emigrationis en s u b o r d o n n a n t la délivrance du pas-seport au v e r s e m e n t d u n e taxe élevée (1).

Un p e u plus tard, d e nouvelles restrictions devaient aggraver ces dispositions jugées encore trop libérales, et limiter les seules catégories d e p e r s o n n e s p o u v a n t bénéficier d ' u n atto di chiamata à l ' é p o u s e a p p e l é e par son mari, les e n f a n t s (s ils sont mineurs et célibataires) a p p e l é s par leur père, ou par leur mère, veuve ; les ascendants, a p p e l é s p a r leurs e n f a n t s ; les soeurs nubiles o u veuves, a p p e l é e s par leurs frères (2), les oncles et tantes, a p p e l é s par leurs n e v e u x (3).

T o u t e s ces dispositions, on le voit, visent principalement à contrarier l'émigration p e r m a n e n t e , considérée p a r le régime c o m m e u n e p e r t e d e forces vives. Le besoin de remises faisait seul tolérer l'émigration temporaire, mais d e s précautions seront prises p o u r q u e ces remises soient b i e n assurées, et p o u r éviter q u e sous le couvert d ' u n e émigration t e m p o r a i r e des émigrants n e quittent l'Italie sans esprit d e retour. O n n ' o s e dire q u e la circulaire N° 70 d u 26 juillet

1928, considère c o m m e d e s otages les m e m b r e s d e la famille d e l'émigrant éventuel... P o u r t a n t , c o m m e n t expliquer autrement "ses dispositions essentielles qui interdisent aux émigrants d e se faire a c c o m p a g n e r p a r 1 un q u e l c o n q u e d e s m e m b r e s d e leur famille, d ' e n v o y e r u n atto di chiamata à qui q u e ce soit, stipulent q u e men-tion e x p r e s s e d e c e s interdicmen-tions sera faite sur le p a s s e p o r t d e s « travailleurs », et s u b o r d o n n e n t p o u r l'avenir l'autorisation d u d é p a r t à la p r é s e n t a t i o n d ' u n contrat de travail obligatoirement conclu pour u n e d u r é e précise et inférieure à trois a n s ?

En m ê m e t e m p s , rien n ' é t a i t négligé de ce qui pouvait a m e n e r les émigrés à rapatrier : réductions ferroviaires d e 50 % à partir d e la frontière, établies en octobre 1927, en m ê m e t e m p s q u ' é t a i e n t s u p p r i m é e s les r é d u c t i o n s d e m ê m e ordre, jusqu'alors accordées aux émigrants en p a r t a n c e , v o y a g e s et frais m é d i c a u x entièrement p a y é s aux Italiennes désireuses d e venir a c c o u c h e r e n Italie, etc... Enfin, un décret, N° 2260, d u 23 octobre 1927, c o m p l é t é p a r u n e circulaire d u 13 janvier 1928, limitait le n o m b r e d e représentants d e s c o m p a -gnies p a t e n t é e s pour le transport d e s é m i g r a n t s à un seul agent par c o m p a g n i e et par circondari (4).

(!) 80 lire-papier dans le R o y a u m e , ou 22 lire-or à l'Etranger, plus dans tou3 les cas un supplément de 15 lire-papier représentant le coût du document lui-même. La durée m a x i m a du passeport était en m ê m e t e m p s fixée à une a n n é e . V . Chro-nique des migr. 1928, p. 462). L'article 160 du décret-loi du 14 avril 1927 organi-sant la Sûreté P u b l i q u e avait créé le délit d'expatriation clandestine, dans un régime dont on croit trop facilement qu'il a réhabilité l'obéissance.

(2) La sœur nubile seulement si elle n ' a ni père ni mère, ni frère ni sœur en Italie, et la veuve si elle n ' a d a n s le R o y a u m e a u c u n de ces parents, ni d ' e n f a n t . (3) Circulaire N ° 65 du Ministre des Affaires Etrangères en date du 18 juillet 1928.

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Selon les circonstances, c e s dernières années, les autorités ita-liennes ouvriront plus o u moins la s o u p a p e de l émigration. Elles se montreront d ' a u t a n t plus libérales q u e la crise mondiale, dont les p r e m i è r e s atteintes se sont fait sentir en 1929, aggravant la situation é c o n o m i q u e italienne, rendront à b i e n d e s égards plus nécessaire u n e d é c o m p r e s s i o n d é m o g r a p h i q u e à quoi les p a y s d'immigration, au moins aussi gravement touchés, opposeront à leur tour d e s mesures d e s a u v e g a r d e . 11 reste q u e les mesures r a p i d e m e n t p a s s é e s en revue ci-dessus se d é v e l o p p a i e n t à l'encontre d e la politique suivie jusque alors, mais d a n s la m ê m e ligne, c'est-à-dire en impliquant é g a l e m e n t u n e r é f é r e n c e constante, bien q u e r a r e m e n t exprimée, aux remises considérées c o m m e le principal bénéfice mis par l'émigration à l'actif d e la nation. Parallèlement, le fascisme inaugurait u n e politi-q u e financière d e l'émigration d u n e tout autre envergure, politi-qui aban-d o n n a i t aban-d é l i b é r é m e n t le c a aban-d r e étroit aban-d e s remises p o u r essayer aban-d e d o n n e r à l'émigration u n e armature financière établie sur d e s b a s e s élargies, mieux a d a p t é e s aux conditions actuelles d e s p h é n o m è n e s émigratoires. E b a u c h é e d è s 1923 par la constitution d e l ' I . N . C . l . L . E . , organisée e n 1925 p a r la création de 1 I . C . L . E . , entré e n fonctions s e u l e m e n t en 1927, cette nouvelle direction d e s destinées financières d e l'émigration italienne n ' a p a s e n c o r e trouvé ses bases définitives. Elle n ' a p a s d é t o u r n é les autorités d e 1 émigration d e l'intérêt désor-mais traditionnel suscité par le p r o b l è m e d e s remises, tel qu'il se p o s e a u j o u r d ' h u i encore à travers les parties e n c o r e en vigueur d e la législation d e 1901. Elle constitue la création la plus originale d u régime e n la m a t i è r e ; aussi, n o u s retiendra-t-elle l o n g u e m e n t en son t e m p s . (1) J u s q u ' à présent, elle n ' a guère modifié la p h y s i o n o m i e d e l'émigration italienne, qui reste, à bien d e s égards, u n e émigra-tion-type d e remises.

§ 3. — Emigration-type d e remises, elle l'était d a b o r d malgré l ' a b s e n c e d e tout texte d e droit p u b l i c o u privé s a n c t i o n n a n t l'envoi d ' a r g e n t d e s émigrants italiens, ou plutôt en raison m ê m e d e cette a b s e n c e . L'obligation alimentaire d e l'émigrant était assurée en Italie p a r le droit c o m m u n (2), s a n s rien d ' a n a l o g u e aux stipulations qui, d a n s certains p a y s , r é g l e m e n t e n t les remises r e n d u e s obligatoires,

soit d i r e c t e m e n t p a r voie d e r e t e n u e sur les salaires (3), soit

indirec-(1) V . infra Ch. V .

(2) V . A n d r é Colin : La famille dans la législation italienne (Paris, 1931), part. I, Ch. V : l'obligation alimentaire. — Ce n'est qu'assez r é c e m m e n t q u e la législation italienne a institué des dispositions analogues à la loi française du 7 février 1924 sur l ' a b a n d o n d e famille par l'art. 570 d u nouveau Code Pénal, entré en vigueur le 1er juillet 1931. D a n s le cas d ' u n émigrant, le jeu de ces dispositions est assez difficile.

(3) La législation chinoise est particulièrement a b o n d a n t e à ce sujet, et si nous en croyons ce qui nous revient de divers endroits, particulièrement inefficace. D a n s ce pays où le culte d e la famille est pourtant à l'honneur, mais où le stig-m a t e d e l'éstig-migration interdit les h o n n e u r s littéraires, le gouverneur de Shanghaï, s'adre3sant a u x consuls de3 puissances, à la date d u 28 novembre 1857. déplorait le grand n o m b r e de i ces Chinois pauvres qui, séduits par l'espoir d ' u n salaire

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t e m e n t (I). Alors q u e d e s textes d e ce genre, soulignant le caractère sacrificiel d e s remises qu'ils p r é t e n d e n t imposer, autorisent tous les

élevé consentent à s'expatrier, alors q u e leurs parents, qu'ils ont laissé sans sou-tien. tombent dans une profonde misère, et souvent meurent de faim. L ' h a r m o n i e qui existe entre le ciel et la terre n ' e n sera-t-elle point blessée ? » (cité par J. Duval : Hist. de l'émigr. au XIX« siècle (Paris, 1862), p. 392. Le Commissaire anglais de 1' émigration pour les Indes Occidentales en Chine, ouvrant un bureau d'émigration à Canton, fit établir par son gouvernement un modèle de convention entre l'agent et l'émigrant dont l'article 5 stipulait q u e les sommes consacrées par les émigrants chinois à leurs familles seraient retenues sur leurs salaires et payées mensuellement aux destinataires par l'agent d'émigration à Canton. (Convention reproduite in loc. cit. p. 393-394).- Plus récemment, u n e loi chinoise du 21 avril 1918 (V.B.I.T. E t u d e s et documents. Série O, N° 3. Réglementation des migra-tions Vol. III, p. 166-167) substitue aux accords contractuels une réglementation générale d ' o r d r e public. Les ' émigrants doivent a b a n d o n n e r à leur famille 20 % de leurs salaires. La s o m m e prélevée mensuellement est envoyée au directeur du bureau d' émigration chinois par une b a n q u e désignée par ce fonctionnaire. Cette retenue est générale. Les prélèvements faits sur les salaires du travailleur sans famille sont déposés dans une b a n q u e et il les retrouve à son retour en Chine. — U n e convention austro-polonaise, signée le 24 juin 1924, prévoit un système de retenues obligatoires sur les gains des ouvriers, destinées à leurs familles. Les rete-nues opérées sur les salaires des émigrants ont fait l'objet d ' u n e proposition de

résolution de la Commission internationale de l'émigration d e la S.D.N. — S.D.N. Emigration 'et Immigration (Genève, 1922), p. 254 et 434. V . aussi sur la question, le r a p p o r t . d e la délégation italienne à la C o n f é r e n c e internationale de l'émigration et de l'immigration tenue à R o m e en 1924.

(I) C'est le cas le plus f r é q u e n t . O n en rencontre surtout des exemples en faveur de la m a i n - d ' œ u v r e de couleur. U n arrêté ministériel français du 19 février

1861 sur le régime des immigrants à la G u a d e l o u p e charge le Commissaire de l'immigration de « diriger les engagés dans les versements qu'ils auraient à faire au Trésor de toutes sommes destinées à être envoyées à leurs familles ». (Ch. V , art. 45). V . La main-d'œuvre aux colonies (Paris, 1897), Ie série, t. 1, p. 227. A côté des textes cités dans la note précédente, un a r r a n g e m e n t sino-britannique en date du 13 mai 1904 assure à tout émigrant chinois recruté pour les colonies anglaises des facilités pour c o m m u n i q u e r avec son pays d'origine et pour faire des envois d ' a r g e n t à sa famille. ( R é g l e m . des migrations. Vol. III, p. 166-167). — Un décret d u 18 août 1922 oblige les indigènes d u Congo désireux d'émigrer à constituer avant leur départ un cautionnement destiné à assurer, en m ê m e temps q u e le r e m b o u r s e m e n t des frais supportés par la colonies au cas de maladie éven-tuelle de l'émigrant, ou de rapatriement, l'entretien des personnes envers les-quelles l'émigrant a des obligations alimentaires, si p e n d a n t son absence elles se trouvaient dans le besoin. A u Costa-Rica (loi du 18 octobre 1922), au Nicaragua (loi du 31 janvier 1923) et au G u a t é m a l a (décret du 20 juillet 1923) des précautions peu différentes sont prises à l'égard des émigrants mariés, ainsi q u ' e n G a m b i e britannique, au Nigeria, et dans le Sierra-Leone (Ibid. Vol. I, p. 46 et sqq.). E n E u r o p e m ê m e , des lois norvégienne (6 juillet 1892). roumaine (11 avril 1925), suisse (22 mars 1888), et tchécoslovaque (15 février 1922), envisagent le cas de l'émigrant qui laisserait un e n f a n t sans ressources. Le plus souvent, ces dispositions

législa-tives, en obligeant l'émigrant, ou, plus généralement, l'agence d'émigration, à contracter u n e assurance-vie au profit de ses héritiers, organisent une véritable remise post mortem• C'est en particulier le cas de la loi bulgare du 1 I janvier 1908 (art. 19) V . B.I.T. Série législative. 1927. Part. I, p. 418. — Le contrat-type des ouvriers polonais îecrutés pour les mines françaises (art. III, § 6, note) ainsi q u e le contrat-type des ouvriers agricoles (art. 5, § 4, note) stipulent : « L'employeur

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d o u t e s sur 1 efficacité d e s dispositions qu'ils stipulent, leur fin était

assurée, en Italie, par le sens familial particulièrement vif des

émi-grants, sans q u e jamais soit a p p a r u e la nécessité d ' u n e

réglementa-tion, par voie législative ou par voie d e traités.

Emigration-type de remises, l'émigration italienne a p u l'être

encore p a r c e q u e les s o m m e s soustraites p a r l'émigrant à la

consom-mation immédiate sont en rapport étroit avec ses facultés

indivi-duelles de privation, et q u e ces facultés étaient très grandes chez les Italiens, bien q u e les emplois o c c u p é s par eux fussent en général les plus m o d e s t e s et les moins rétribués.

U n e e n q u ê t e américaine (1) révélait en 1910 q u e d e très nom-b r e u x chefs d e famille italiens avaient d e s salaires annuels dont la m o y e n n e n e dépassait p a s 390 $, alors q u ' a u m ê m e m o m e n t , d e s commissions chargées d établir les salaires minima aux U . S . A . esti-maient q u ' u n e girl worl^er seule, p o u r vivre i n d é p e n d a n t e , devait gagner d e 400 à 450 $ p a r an. La conscience de 1 infériorité irrémé-diable d e l'émigration italienne semblait a c c e p t é e p a r les Italiens e u x - m ê m e s . U n e circulaire d u Commissaire d e l'émigration en d a t e d u 23 n o v e m b r e 1926, précisant l'art. 10 de la loi d u 13 n o v e m b r e 1919, définissait les émigrants p a r un chapelet d'exclusions : « Sont émi-grants ou p r é s u m é s tels au sens de la loi et d e s règlements d'émigra-tion, tous ceux qui, se r e n d a n t à 1 étranger p o u r y travailler, ou p o u r un motif personnel, ne rentrent p a s d a n s les catégories suivantes :

professeurs, industriels, c o m m e r ç a n t s ou p e r s o n n e s vivant d e leurs rentes, ou encore p e r s o n n e s o c c u p a n t un emploi fixe bien rétribué. » Ce texte, d o n t les derniers mots, p a r u n e ironie involontairement bien a m è r e , paraissent c o n d a m n e r la grande majorité d e s é m i g r a n t s italiens à d e s situations dont les caractéristiques s e m b l e n t devoir être l'instabilité, la précarité et u n e mauvaise rénumération, nous livre bien les caractères les plus saillants d e l'émigration italienne : c'est u n e émigration d e salariés, et, à d o u b l e titre s'il est vrai q u e l'émigration c o m p o r t e u n e association f o r c é e avec l'idée d e p a u p é -risme (2), u n e émigration d e salariés pauvres.

Leur faculté d ' é p a r g n e était d ' a u t a n t plus r e m a r q u a b l e , surtout celle d e s Italiens d u Sud, d o n t le niveau d e vie, e n Italie m ê m e , était e x t r ê m e m e n t bas. U n e e n q u ê t e , faite p o u r les a n n é e s 1905-1906, par trois grandes c o m p a g n i e s américaines de chemin de fer, e m p l o y a n t d e n o m b r e u x Italiens, p o u r la plupart méridionaux, en d o n n e une idée (3) :

(1) Immigration Commission de 1908-1910, citée par R. F. Foerster : The italian

émigration oj our times. (Cambridge, 1919), p. 379.

(2) M. Reboud l ' a d m e t explicitement, et s'avance singulièrement, à notre avis, lorsqu'il écrit de l'émigration en général ce qui n'est vrai que de l'émigration asso-ciée au salariat des temps modernes : « le mot émigration n ' i m p l i q u e pas seulement

l'idée d ' u n e expatriation dans u n Etat civilisé, mais aussi une idée de pau-périsme. Les riches citoyens d ' u n pays qui s'installent à l'Etranger ne sont évi-d e m m e n t p a s évi-des émigrants évi-dans le sens usuel évi-du mot ». Précis évi-d'économie

politique. 1927, t. I, p. 135, n. I.

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En $ SALAIRES COUT DE LA VIE EPARGNE Min. Max. Min. Max. Min. Max.

1905 26.34 35.39 6.93 8.25 18.09 29.99 1906 33.60 38.55 5.53 7.70 16.63 30.80 l£n Argentine, furent constatés, à la m ê m e é p o q u e , les salaires et les é p a r g n e s suivants (I) :

(Moyennes mensuelles, en pesos) Gain Epargne

Ouvrier aisé, 3 enfants 175 27 »

Ouvrier, 4 e n f a n t s 160 40.50 Ouvrier célibataire 95 13.25

Surtout, d e tous les immigrants de diverses nationalités que c o m p t a i e n t les U.S.A., les italiens étaient les plus é c o n o m e s , en un t e m p s où d a n s toutes les classes sociales, il n était d é j à p a s rare d e vivre au-dessus d e ses m o y e n s (2) :

BUDGET F A M I L I A L

Total des en équilibre en excédent en déficit familles à 25 3 > près étudiées N. % N % N. % Américains . . . 67 27 40 15 23 25 37 A l l e m a n d s . . . 39 21 54 9 23 9 23 Irlandais . . . 24 9 38 7 29 8 33 Noirs et Asiatiques . . . . 28 9 32 7 25 12 43 T c h è q u e s . . . 14 12 86 — — 2 14 Russes . . . 57 11 19 29 51 17 30 Autrichiens . . . 32 13 41 16 50 3 9 T c h è q u e s . . . 57 11 19 29 51 17 30 Italiens . . . 57 14 25 33 58 10 \i

11 était courant d e r e p r o c h e r aux Italiens leur niveau d e vie p e u élevé et les privations au prix desquelles ils parvenaient à équi-librer d e s b u d g e t s m o i n s riches q u e c e u x de b e a u c o u p d ' i m m i g r a n t s . O n a b e a u c o u p parlé à cet é g a r d d e leur sobriété, et les ennemis d e

(1) G. Vivaldi : Sulle condizioni degli opérai nella Republica Argentina in Rioista Coloniale, sept. 1906, p. 47.

(2) R. Coit C h a p i n : The standard living among wor\ingmen s families in New-York eity (New-New-York, 1909). — M. Fr. Lami (Rapport au lo r Congrès International de l ' E p a r g n e . Milan, 1924. Actes, p 438, n. 2) cite sans indication de source des statistiques américaines plus récentes relatives à des ouvriers de diverses nationalités occupés à des travaux de m ê m e genre, d'où il résulte que les dépenses moyennes des ouvriers italiens n'atteignent que 31 % de leurs salaires, alors que la m o y e n n e pour les autres nationalités est de 46 %. — Déplorons ici que d ' u n e manière géné-rale l'étude des budgets des familles ouvrières, qui a d o n n é lieu à une abondante littérature, se soit attachée presque exclusivement à la consommation, et ait négligé le plus souvent les facultés d ' é p a r g n e dont les modalités sont d ' a u t a n t plus inté-ressantes que les possibilités de consommation différée sont plus étroites. Des nom-breuses enquêtes citées par M. H a l b w a c h s dans son étude sur les budgets des familles ouvrières aux U.S-A. (Bull, de la Statist. gén. de la France, avril-juin

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I émigration italienne n ' o n t p a s m a n q u é de les accuser de pousser cette vertu ancestrale j u s q u ' à l ' e x t r ê m e sordidité. Or, il résulte d e 1 e n q u ê t e q u e nous venons d e citer, que, sur les 318 familles étudiées, a y a n t toutes u n r e v e n u compris entre 600 et 1.100 $>, 72 étaient sous-alimentées, mais sur ces 72 familles, 3 seulement étaient italiennes, et elles figuraient toutes les trois p a r m i les familles ayant leur b u d g e t en e x c é d e n t . Et si ce dernier fait semble à la vérité con-firmer la thèse courante, voici qui montre bien, au contraire, q u e les d é p e n s e s d'alimentation n ' é t a i e n t p a s négligées p a r les émigrants italiens :

Dépenses d'alimentation en %

du total des dépenses

F a m i l l e s a y a n t un r e v e n u 6 0 0 e t 7 0 0 e t 8 0 0 e t 9 0 0 e t I . 0 0 0 e t c o m p r i s e n t r e ( $ ) : 7 Q 0 8 0 0 9 0 0 1 . 0 0 0 1 1 0 0 Total des familles . . . . 44.6 45.6 44.3 44.7 44.7 Familles italiennes . . . . 49.7 47.8 51.6 50.8 48.1

Dans trois cas sur cinq, le p o u r c e n t a g e du groupe italien est plus élevé q u e celui des autres nationa^tés, et d é p a s s e m ê m e celui d e s Américains. L a p l a c e i m p o r t a n t e q u e ces chiffres assignent aux d é p e n s e s d ' a l i m e n t a t i o n d a n s les b u d g e t s italiens m o n t r e bien qu'elles o n t é t é les seules consenties, toutes les autres a y a n t été i m p i t o y a b l e m e n t s u p p r i m é e s p o u r permettre, au prix d e sacrifices n e p o r t a n t p a s sur le point vital d e 1 alimentation, la constitution d ' u n p é c u l e d o n t ce n ' e s t p a s trop d e dire qu'il avait, selon l ' i m a g e d e rigueur, un caractère « sacré ».

Il y avait, p a r contre, un revers à la médaille, et les Italiens, qui étaient les plus é c o n o m e s d e s immigrants aux U . S . A . , étaient aussi p a r m i les plus e n d e t t é s :

Familles Nationalités consultées Familles endettées Américains 67 9 A l l e m a n d s 39 2 Irlandais 24 10 Noirs et Asiat. . . 28 1 Familles Familles Nationalités consultées endettées

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confirme par le faible p o u r c e n t a g e , inférieur à celui d e b e a u c o u p d ' a u -tres nationalités, d e s Italiens secourus p a r les institutions d e bienfai-sance. (1)

L ' é p a r g n e était soutenue, on n ' o s e dire féroce. Elle était tradi-tionnelle aussi, et ne cédait q u e fort p e u à cette f o r m e m o d e r n e d e l'assurance, qui tend d e plus en plus à la remplacer. Maintenue liquide, elle pouvait d ' a u t a n t mieux se transférer en Italie, au cas d e retour définitif, o u se fractionner en remises p e n d a n t tout le t e m p s d e l'émigration. (2)

Familles investissant N A T I O N A L I T E S Nombre de familles leurs économies en

consultées assurances épargne proprement dite A m é r i c a i n s 67 23 5 A l l e m a n d s 39 8 14 irlandais 24 7 1 Noirs et Asiatiques . . . . 28 7 6 T c h è q u e s 14 — — R u s s e s 57 3 19 Autrichiens 32 8 9 Italiens 57 — 29 318 56 83 Enfin, p o u r le m o n t a n t m ê m e d e la transmission, les Italiens v e n a i e n t en tête d e tous les émigrants e u r o p é e n s , au moins aux b e a u x t e m p s d e 1 émigration italienne aux U . S . A . :

DESTINATIONS Nombre de mandats Montant total Montant moyen internationaux des mandats de chaque

expédiés des U.S.A. mandat de 100 à 1906 (en $)

Italie 1.313.350 - 50.716.688 38.59 H o n g r i e 709.700 22.917.566 32.29 Autriche 892.965 22.452.492 25.15 Russie 1.347.618 23.671.169 17.57

T o u t e s ces d o n n é e s se r a p p o r t e n t aux seuls Etats-Unis, mais les conclusions qu'elles autorisent sont valables p o u r tous les p a y s où se dirigeait l'émigration italienne. Car l ' i m p o r t a n c e exceptionnelle d e l ' é p a r g n e chez les émigrés italiens n e doit p a s être a t t r i b u é e à leur seule faculté d e privation : elle n'était possible q u e p a r c e q u ' à ces efforts individuels d ' é p a r g n e correspondaient, du côté italien, d e plus g r a n d e s facilités d e transfert.

(1) R a p p o r t é pour les U . S . A . en de n o m b r e u x endroits, n o t a m m e n t par E. Lord, J. J. D. T v e n o v et S. J. Barrows : Italians in America, p. 194 : The Anals of the American Academy of political and social science, juillet 1909, p. 295 ; et Relazio. sulla emigr. ital. 1910-1923 (Rome, 1924), t. Il, p. 179 et 182.

(25)

C H A P I T R E II

Les moyens de transfert

§ 1. Les banques privées. § 2. Le Banco di Napoli jet le ,sermce

organisé par la loi du 1 " février 1901. — § 3. Les mandats-poste inter-nationaux. — § 4. Lettres chargées, recommandées, etc. — § 5. Les conventions internationales sur les Caisses d'Epargne. — § '6. Les Coo-pératives.

Négligeons p o u r le m o m e n t les s o m m e s a p p o r t é e s avec eux p a r les émigrants d e retour : elles appellent p e u d e commentaires, et n o u s les retrouverons au m o m e n t d'établir u n e évaluation totale d e s s o m m e s mises p a r l'émigration à l'actif d e la b a l a n c e d e s c o m p t e s italienne. Les m o y e n s d e transfert q u e les émigrants avaient à leur disposition étaient les suivants, classés selon la f r é q u e n c e décrois-sante a v e c laquelle ils y avaient recours :

I 0 L e s b a n q u e s ordinaires ;

2° L e Banco di Napoli. q u e la loi d u l01" février 1901 avait chargé

d ' u n service spécial créé à leur intention ; 3° Les m a n d a t s poste internationaux ;

4° Les lettres chargées, r e c o m m a n d é e s , etc...;

5° L e s facilités m é n a g é e s p a r les conventions internationales entre les Caisses d ' é p a r g n e ;

6° L e s facilités m é n a g é e s p a r certaines organisations coopératives. § I. — L e s remises p a r voie b a n c a i r e constituent un m o d e d e transmission é p r o u v é , qui a p p e l l e p a r lui-même p e u d e c o m m e n t a i r e s . L e s remises d e l'émigration e u r o p é e n n e , faites à travers le r é s e a u d e s succursales d e s g r a n d s établissements d e crédit continen-taux, n e diffèrent guère d ' u n q u e l c o n q u e règlement commercial : aussi sont-elles sans histoire.

Il n en est p a s d e m ê m e d e l'émigration transocéanique, où c'est à la vérité trop dire q u e d e parler d e b a n q u e s et d e banquiers, au m o i n s p o u r ces premières a n n é e s d u XXe siècle qui sont l'âge d ' o r

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valable, d a n s le p a y s expéditeur, p o u r ce stade de l'opération qui constituait le transfert p r o p r e m e n t dit. A u x U.S.A., où la loi interdit les b a n q u e s à succursales, en A m é r i q u e d u Sud où d ' i m m e n s e s éten-d u e s restaient en éten-d e h o r s éten-du c h a m p éten-d ' a c t i o n éten-d'établissements finan-ciers encore à leurs d é b u t s — d o n c p o u r la partie la plus impor-tante d e l'émigration italienne — les remises n ' é t a i e n t p a s recueil-lies a u p r è s d e s émigrants d i r e c t e m e n t p a r les grandes b a n q u e s qui en assuraient la transmission en Italie. Il n o u s f a u t ici faire connais-sance avec un p e r s o n n a g e qui e n c o m b r e la littérature d e 1-émigration transocéanique, un intermédiaire d o n t les méfaits, souvent d é n o n c é s , p r o v o q u è r e n t les plaintes d e s autorités italiennes et la vigilance d e s g o u v e r n e m e n t s étrangers, m a i s qui s e m b l e bien avoir survécu à toutes les m e s u r e s prises contre lui, le banchista.

Ce mot, dérivé, avec u n e n u a n c e péjorative, d e banchiere (ban-quier), désigne l'intermédiaire à qui les émigrants confient leurs éco-nomies, ainsi mises à 1 abri d e s p e r t e s et d e s vols à quoi leur vie errante les expose, soit p o u r les faire fructifier, soit p o u r e n assurer la transmission d a n s leur p a y s d'origine. V o y o n s avec quelque détail la p h y s i o n o m i e du p e r s o n n a g e . Si c'est u n e digression, elle est indis-p e n s a b l e , car le b a n c h i s t a d o m i n e l'histoire financière d e l'émigration salariée d e s c i n q u a n t e d e r n i è r e s a n n é e s . Ses agissements, tant vitu-pérés, p o u r r o n t n o u s éclairer sur les conditions psychologiques d e s remises d u plus grand n o m b r e d e s émigrants. Le banchista fait entrer les remises d a n s le circuit capitaliste, et c'est son entremise, parfois inquiétante, p r e s q u e toujours indispensable, qui a engagé le sort d e s règlements internationaux d ' u n grand p a y s c o m m e l'Italie sur cette poussière d é p a r g n e , h u m b l e et indifférenciée, qu'il s était d o n n é mission d e rassembler. Mais avant d e voir le b a n c h i s t a à 1 œuvre, il faut r e m o n t e r à son a n c ê t r e direct, le padrone. (1)

P a r son origine, à la vérité bien oubliée, le p a d r o n e se rattache à l ' a n t i q u e « p a t r o n u s », distributeur d u travail et d u pain quotidiens. P a d r o n i et banchisti, a p p o r t a n t aux U . S . A . cette camorra qui, trans-f o r m é e , est à l'origine d u gang, ont l o n g t e m p s h a b i l e m e n t exploité cette h a b i t u d e d e s p a y s a n s italiens d e se concilier les b o n n e s grâces d u padrone ou propriétaire p a r d e s d o n s g é n é r a l e m e n t en n a t u r e , s ' a i o u t a n t aux r e d e v a n c e s stipulées entre eux à p r o p o s d ' u n contrat agricole. Introduit aux U . S . A . p a r l'émigration, le padrone-system y eut son plein d a n s la p é r i o d e d e réveil industriel qui suivit la guerre d e Sécession. Il avait à l'origine u n e justification d a n s la législation américaine d e 1 é p o q u e au sujet d e 1 immigration, qui ne la p e r m e t t a i t q u ' a u t a n t q u ' e l l e était faite under contract. Le p a d r o n e établi aux U . S . A . favorisait ainsi l'accès d u p a y s au Italiens désireux d ' é m i g r e r , r e c r u t é s par ses agents d a n s la péninsule. A leur arrivée, il les accueillait, les logeait, les nourrissait et les aidait à trouver du

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travail. Alors intervenait le boss, intermédiaire entre les employeurs et lfts immigrants. L a bossatura est un terme italianisé qui désigne la commission p e r ç u e p a r 1 intermédiaire qui avait trouvé d u travail aux immigrants. Parfois p e r ç u e p a r le p a d r o n e lui-même, la bossa-tura était variable avec le t e m p s p r é v u p o u r la d u r é e d u contrat d e travail. Souvent, le p a d r o n e touchait lui-même les salaires d e ses pensionnaires, p o u r en prélever p l u s facilement le m o n t a n t d e leur pension et d e s d é p e n s e s p a r eux effectuées d a n s son établissement, auxquelles il ajoutait les plus é t r a n g e s dîmes. (1)

L'institution d u p a d r o n e a été parfois incontestablement utile à l'émigrant f r a î c h e m e n t d é b a r q u é , ignorant tout d e la langue et d e s habitudes d u p a y s où il se trouvait. Mais les a b u s n ' o n t p a s tardé à se faire jour. Le p a t r o n a t , d ' a b o r d moral, devenait r a p i d e -m e n t une -main--mise i-mpérieuse qui per-mettait l'exploitation la plus é h o n t é e d e l'émigrant p a r force trop confiant. N o n seulement les bosses s'étaient arrogé u n e sorte d e m o n o p o l e d e fait sur la fourni-ture d e travail, n'hésitant p a s à e m p l o y e r tous les m o y e n s p o u r dis-suader les émigrants d e chercher d u travail p o u r leur p r o p r e c o m p t e , mais ils prolongeaient à plaisir la p é r i o d e d ' a t t e n t e p e n d a n t laquelle les émigrants s ' e n d e t t a i e n t a u p r è s d ' e u x , afin d e pouvoir les tenir plus l o n g t e m p s et plus f a c i l e m e n t à leur merci. (2)

C'est au padrone-system qu il f a u t attribuer la rareté des remises d a n s l'émigration italienne d e s dernières a n n é e s d u XIXe siècle. A v e c l'accroissement d e l'émigration féminine, le p a d r o n e a t t é n u e ou transforme son activité. A partir d e 1890, les plaintes p r o v o q u é e s p a r le padrone-system se font plus rares. L exploitation d e l'émi-grant p o r t e r a d e m o i n s en moins sur ses conditions d ' e x i s t e n c e . Elle s est d é p l a c é e , et s ' e x e r c e m a i n t e n a n t sur son é p a r g n e , d o n t on n ' e m p ê c h e plus la constitution, quitte à 1 atteindre en la transmet-tant. Bien q u ' e n fait les d e u x n o m s n ' a i e n t souvent désigné q u ' u n m ê m e p e r s o n n a g e très a d a p t a b l e , le p a d r o n e c è d e la place au b a n -chista : l'ère historique d e s remises est née, sous le signe d e ce mal nécessaire.

P a s p l u s q u e le p a d r o n e , le b a n c h i s t a n ' e s t exclusivement italien, et toutes les colonies é t r a n g è r e s ont souffert d e ces fléaux d o n t seule la p l u s g r a n d e f r é q u e n c e relative o b s e r v é e d a n s les milieux italiens a fait a d o p t e r p a r les A m é r i c a i n s e u x - m ê m e s , p o u r les désigner, d e s m o t s italiens. Les établissement d e s banchisti f u r e n t l o n g t e m p s désignés aux U . S . A . sous le n o m de banks, mais le

padrone-(1) Koren cite des padroni qui retenaient régulièrement à leurs pensionnaires un « droit de l a m p e pour l'illumination en h o m m a g e à la Madone » (sic).

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