• Non ci sono risultati.

Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Condividi "Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine"

Copied!
30
0
0

Testo completo

(1)

J. Desramé, D. Béchade, T. Lecomte et B. Landi

Tumeurs stromales digestives

Les tumeurs stromales digestives sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes du tube digestif (1, 2). Elles ont été récemment caractérisées grâce à l’immunohistochimie et à la biologie moléculaire. Les cellules tumorales de type fusiforme et/ou épithélioïde expriment la protéine c-kit (CD 117), récep- teur trans-membranaire ayant une activité tyrosine-kinase. Une mutation de type « gain de fonction » du gène c-kit entraîne une activation constitution- nelle de cette protéine. La découverte d’un traitement ciblé des formes avancées par un inhibiteur de tyrosine-kinase (Glivec

®

) en fait un modèle passionnant.

Classification, physio-pathogénie

La classification des tumeurs conjonctives reposait dans les années 1980 sur leur histogenèse présumée (1). En fait, la majorité des tumeurs conjonctives étaient peu différenciées. Avec l’essor de l'immunohistochimie, on a pensé pouvoir déterminer l'origine des tumeurs conjonctives (expression de l'actine en cas d’origine musculaire lisse, expression de la protéine S-100 en cas de d’origine schwannienne), mais les marqueurs manquaient initialement de spécificité. Certaines de ces tumeurs n'exprimaient aucun marqueur, d'autres avaient un marquage hétérogène ou un aspect histologique typique d'un type de tumeur, mais pas les marqueurs de la lignée présumée. En revanche, il a été montré que la majorité des tumeurs mésenchymateuses digestives exprimaient un marqueur commun, le CD 34. Le terme de tumeur stromale digestive a été utilisé initialement pour ces tumeurs conjonctives qui exprimaient CD 34, mais pas de marqueur de lignée (1).

Le terme de tumeur stromale digestive a évolué depuis la découverte de l'ex-

pression par les cellules tumorales de la protéine c-kit (1, 2). Il s’agit d’un

récepteur trans-membranaire ayant une activité tyrosine-kinase, dont le ligand

est un facteur de croissance (stem cell factor). Dans les cellules exprimant le gène

(2)

c-kit, la liaison protéine c-kit-ligand est responsable d’une activation d’effec- teurs intracellulaires impliqués dans des fonctions variées telles que l’apoptose, la prolifération, la différenciation et l’adhésion cellulaires. Chez l’adulte, la protéine c-kit est exprimée normalement par les cellules hématopoïétiques souches, les mastocytes, les cellules germinales, les mélanocytes et les cellules interstitielles de Cajal (1). La protéine c-kit a une homologie structurale avec d’autres protéines tyrosine-kinases, comme le PDGFr, le produit du gène normal c-abl ou le complexe bcr-abl observé dans la leucémie myéloïde chro- nique. Dans le tube digestif normal, la protéine c-kit est, en dehors des mastocytes, spécifiquement exprimée par les cellules interstitielles de Cajal. Ce sont des cellules pace-maker de la paroi digestive, responsables de l’induction et de la régulation de l’activité péristaltique de la musculature cellulaire lisse. Il est probable que les cellules interstitielles de Cajal ou un de leurs précurseurs soient à l’origine des tumeurs stromales (1, 2).

Les autres tumeurs conjonctives du tube digestif n’expriment pas c-kit et sont beaucoup plus rares : léiomyomes (qui expriment des marqueurs musculaires lisses tels que la desmine, la caldesmone ou la calponine), léiomyosarcomes, et schwannomes (qui expriment la protéine S-100) (tableau I) (1, 2).

L’activation constitutionnelle de la protéine c-kit a un rôle pathogénique majeur (3). Il s’agit d’un phénomène fréquent (> 95 %) et précoce, déjà présent dans les tumeurs de moins de 1 cm de diamètre de découverte fortuite, considérées classiquement comme « bénignes » (4). Elle entraîne une phos- phorylation de la protéine indépendante du ligand qui aboutit à une activation de la protéine c-kit (1). Une mutation du gène sur l’exon 11, codant pour le domaine cytoplasmique juxta-membranaire de la protéine et ayant une fonc- tion régulatrice, a été décrite en 1998 (5). Des mutations plus rares sur l’exon 9 codant pour le domaine extracellulaire et l’exon 13 codant pour le domaine kinase de la protéine c-kit ont été ensuite rapportées. Les mutations activatrices sont variées et peuvent correspondre à des insertions, des délétions et/ou des mutations ponctuelles (1, 2).

Tableau I – Fréquence relative des tumeurs stromales digestives et données schématiques de l’im- muno-histochimie, d’après Fletcher et al. (3).

Tumeur stromale Léiomyome Schwannome

Fréquence relative Fréquente Rare Très rare

Principales localisations Estomac Œsophage Estomac

Intestin grêle Rectum

CD34 +(60-70 %) +/- +/-

CD117 (c-kit) + - -

Desmine < 5 % + -

Protéine S100 < 10 % rare +

(3)

Épidémiologie

L’incidence exacte des tumeurs stromales digestives est inconnue. La fréquence des formes asymptomatiques rend délicate une estimation précise. Dans une étude suédoise récente, leur incidence annuelle était estimée à 16 cas par million d’habitants (6). Elle est estimée entre 2 000 à 5 000 cas par an aux États-Unis. Les tumeurs stromales digestives surviennent chez les adultes de tout âge, avec un pic de fréquence entre 40 et 60 ans, et un sex-ratio voisin de 1 (1).

Des associations pathologiques sont décrites. Dans la triade de Carney, survenant chez la femme jeune, il existe deux ou trois des tumeurs suivantes : tumeurs stromales gastriques multiples, chondrome pulmonaire et paragan- gliome extra-surrénalien (7). Dans la neurofibromatose de type 1, 5 % des patients développent des tumeurs stromales digestives symptomatiques et souvent multiples. Enfin, des cas de forme familiale de tumeurs stromales multiples ont été rapportés (7).

Anatomo-pathologie

Macroscopiquement, les tumeurs stromales se développent principalement à partir de la musculeuse du tube digestif (1). Leur taille est très variable. Elles sont de manière caractéristique bien limitées, formées d’un tissu fasciculé, parfois entourées d’une pseudo-capsule. Elles peuvent avoir une croissance endophytique vers la lumière, exophytique ou mixte « en sablier ».

La tumeur est constituée le plus souvent d’une prolifération de cellules fusiformes (environ 80 % des cas), plus rarement épithélioïdes (1, 2). Les tumeurs stromales ont des degrés de différenciation variables : tumeurs diffé- renciées d’allure myoïde, neurogène ou de type plexus ganglionnaire, tumeurs de différenciation incomplète ou indifférenciées (1, 2). Ces aspects variés peuvent être mélangés au sein d’une même tumeur. Les tumeurs ayant un aspect de différenciation de type système nerveux autonome sont dénom- mées par certains auteurs GANT (pour gastrointestinal autonomic nervous tumors).

En cas d’aspect histologique compatible avec le diagnostic, un immuno-

marquage CD 34 (positif dans 50 à 80 % des cas) et CD 117 (protéine c-kit)

doit être recherché (2). L’expression, typiquement cytoplasmique, de CD 117

dans la tumeur est présente généralement dans la majorité des cellules. Les

marqueurs musculaires lisses (desmine…) et nerveux (protéine S-100) sont

généralement négatifs. Ces éléments permettent de distinguer les tumeurs stro-

males d’autres tumeurs conjonctives, comme les léiomyomes et les

schwannomes (tableau I). D’autres tumeurs digestives rares peuvent exprimer

c-kit, comme les métastases digestives de mélanome (exprimant aussi la

protéine S-100) ou les angiosarcomes. Certaines tumeurs extra-digestives ont

(4)

une positivité marquée pour le CD 117, comme les carcinomes pulmonaires à petites cellules ou les séminomes (1). Si l’immuno-marquage est un outil supplémentaire pour la caractérisation tumorale, il ne remplace donc ni l’ana- lyse histologique ni la corrélation avec la clinique.

Facteurs prédictifs de malignité

Les tumeurs stromales digestives ont la particularité d’avoir un potentiel de malignité variable (2, 8). L’invasion d’organes de voisinage ou la présence de métastases affirme d’emblée la malignité. Dans les autres cas, les deux facteurs prédictifs les plus puissants du potentiel de malignité sont l’index mitotique et la taille de la tumeur (tableau II). De plus, les tumeurs stromales du grêle ont une évolution maligne plus fréquente, à taille et index mitotique équivalents, que les tumeurs de l’estomac (8). L’index mitotique est généralement apprécié par le compte du nombre de mitoses pour 50 champs à fort grossissement (x 400). Les tumeurs de moins de 2 cm de diamètre, sans mitose visible, ont un très faible risque de dissémination à distance, alors que les tumeurs de plus de 5 cm, avec un index mitotique élevé (> 5 mitoses pour 50 champs), méta- stasent fréquemment. Il n’existe cependant pas de critère formel de taille et d’index mitotique pour clairement distinguer une tumeur stromale maligne d’une tumeur à faible risque évolutif. En effet, l’évolution peut parfois être inattendue en regard de l’aspect histologique. On considère donc maintenant qu’il existe un continuum entre bénignité et malignité (2). Une cellularité élevée, une nécrose intra-tumorale, des remaniements kystiques ou des atypies nucléaires sont plus fréquents dans les tumeurs à fort potentiel de malignité.

Cependant, ces différents critères ne sont pas des facteurs pronostiques indé- pendants en analyse multivariée. Les marqueurs immuno-histochimiques de prolifération (Ki-67, MIB-1, PCNA) ne semblent pas être plus puissants que les paramètres conventionnels (2). Sur le plan cytogénétique, des anomalies ont

Tableau II – Évaluation par un comité d’experts du risque évolutif après exérèse d’une tumeur stro- male digestive en fonction de la taille et de l’index mitotique (3).

*CFG : champs à fort grossissement.

Diamètre maximal Index mitotique

Très faible risque < 2 cm < 5/50 CFG*

Faible risque 2-5 cm < 5/50 CFG

Risque intermédiaire < 5 cm 6-10/50 CFG

5-10 cm < 5/50 CFG

Risque élevé > 5 cm > 5/50 CFG

> 10 cm Quelconque

Quelconque > 10/50 CFG

(5)

été décrites, en particulier sur les chromosomes 1p, 9q, 14q et 22q (pertes ou gains chromosomiques). Le profil d’altération de l’ADN pourrait être différent selon le stade évolutif de la tumeur (8).

Caractéristiques cliniques

Soixante pour cent environ des tumeurs stromales digestives siègent dans l'estomac, 25 % dans l'intestin grêle (le plus souvent dans l’iléon), 5 à 10 % dans le côlon-rectum (1, 7). Les autres localisations sont rares (œsophage, pancréas, épiploon et mésentère). Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont initialement asymptomatiques, jusqu’à ce qu’elles deviennent volumi- neuses ou entraînent une complication. De ce fait, leur découverte fortuite est relativement fréquente, par exemple lors d’une endoscopie digestive haute. Les symptômes les plus fréquents sont un saignement digestif (lorsque la tumeur est ulcérée) ou des douleurs abdominales non spécifiques, plus rarement une masse palpable. Les autres symptômes possibles sont une anorexie, une dysphagie, un syndrome obstructif, une perforation, de la fièvre ou un ictère obstructif (7).

Diagnostic

Le diagnostic de tumeur stromale gastrique peut être évoqué lors d’une endo- scopie devant une tumeur d’allure sous-muqueuse, parfois ulcérée. Au niveau du grêle, le diagnostic est souvent fait à un stade plus tardif. Le diagnostic peut enfin être porté au stade métastatique.

L’écho-endoscopie est le meilleur examen pour caractériser les tumeurs sous-muqueuses du tractus digestif haut ou du rectum (9). L’aspect écho-endo- scopique des tumeurs stromales digestives est souvent typique : lésion hypo-échogène, souvent homogène, développée à partir de la quatrième couche hypo-échogène, à limites régulières, d’aspect parfois fasciculé. Certains critères écho-endoscopiques prédictifs de malignité des tumeurs stromales ont été établis par plusieurs études rétrospectives (10) : la taille de la lésion (> 3 cm), l'existence d'une nécrose centrale, des contours mal limités, l’envahis- sement d'organes de voisinage, la présence de zones kystiques intra-tumorales.

En revanche, la présence d’adénopathies est rare.

Le scanner abdominal permet de détecter les tumeurs de grande taille. Si

l’aspect n’est pas spécifique, certaines caractéristiques peuvent être évocatrices

de tumeur stromale. Il s’agit le plus souvent de tumeurs volumineuses, avec un

développement plutôt extraluminal, à rehaussement périphérique, avec un

centre volontiers nécrotique, et peu infiltrantes en périphérie (11). Le scanner

peut aussi révéler un envahissement d’organes de voisinage ou la présence de

métastases hépatiques. L’entéroscopie, l’entéro-scanner et la vidéo-capsule sont

les examens les plus sensibles pour visualiser une tumeur du grêle de petite

(6)

taille. Seule l’analyse histologique permet de confirmer le diagnostic de tumeur stromale. Les biopsies endoscopiques sont généralement négatives. La sensibi- lité de la ponction sous écho-endoscopie pour le diagnostic de tumeur stromale gastrique était encore récemment considérée comme décevante. Des données récentes suggèrent que la ponction sous écho-endoscopie, réalisée par une équipe expérimentée, permet de confirmer le diagnostic dans environ 80 % des cas, grâce à l’utilisation d’aiguilles à ponction de gros calibre (22 gauge) et à la réalisation de cytologie en milieu liquide et d’immuno-marquage c-kit sur les micro-biopsies (12). En revanche, elle n’a pas de valeur histo-pronostique. Une biopsie percutanée pré-opératoire est possible en cas de tumeur d’allure inex- tirpable ou métastatique, mais elle comporte un risque théorique d’essaimage péritonéal.

Pronostic

L’histoire naturelle des tumeurs stromales reste mal connue, en particulier pour les tumeurs de petite taille. La taille moyenne lors de la découverte d’une tumeur stromale symptomatique est de 6 cm versus 1,5 cm pour une tumeur de décou- verte fortuite (13). On sait maintenant que les anciennes séries de léiomyomes et de léiomyosarcomes gastriques correspondent essentiellement à des tumeurs stro- males. Globalement, la survie à cinq ans varie de 28 % à 60 % dans la littérature.

Ces données doivent cependant être relativisées, car elles émanent de centres de référence prenant en charge des patients avec des tumeurs évoluées. Environ 80 % des patients sans métastase peuvent bénéficier d’une exérèse complète initiale (14, 15). Le risque de récidive postopératoire peut être estimé à partir de la taille et de l’index mitotique (tableau II). La majorité des récidives postopéra- toires surviennent dans les cinq ans (14). Le risque est maximal dans les deux premières années, mais des rechutes tardives, plus de dix ans après la résection, ont été rapportées. Dans la série d’un centre anticancéreux, 80 patients seulement sur 200 (40 %) avaient bénéficié d’une résection complète. Avec un délai médian de suivi de deux ans, une récidive était observée chez 40 % des patients (32 sur 80). La survie spécifique à cinq ans était de 54 % (15). Dans une autre série, 60 % des patients présentaient une récidive dans les deux ans suivant l’exérèse initiale.

Les métastases sont principalement hépatiques et péritonéales (15). Les méta- stases ganglionnaires sont rares (< 10 % des cas), comme dans les autres sarcomes.

Traitement

Chirurgie

La résection chirurgicale est le seul traitement potentiellement curatif des

tumeurs stromales localisées. Pour prévenir toute dissémination péritonéale, il

est essentiel d’éviter une perforation per-opératoire (16). Le curage ganglion-

(7)

naire n’est pas systématique. Pour les tumeurs localisées, le geste chirurgical dépend de leur siège. Pour une tumeur gastrique, de siège antral ou fundique, une gastrectomie atypique sans interruption de la continuité digestive est indi- quée avec une marge de sécurité. Une marge de sécurité de 1 à 2 cm est considérée comme raisonnable (16). Ce geste est désormais souvent réalisé sous cœlioscopie (17). L’énucléation est à proscrire car elle ne permet d’avoir ni exérèse transmurale ni marge de sécurité. Même en cas de tumeur volumi- neuse, une gastrectomie partielle est préférable, si elle est possible, à une gastrectomie totale qui n’apporte pas de bénéfice carcinologique. Les tumeurs de siège péricardial ou pré-pylorique imposent une gastrectomie réglée. Pour les tumeurs du grêle, une résection plus ou moins étendue de grêle avec un rétablissement immédiat de la continuité est réalisée. Les tumeurs stromales de l’œsophage sont rares (de 1 à 3 %), souvent volumineuses et à potentiel de malignité élevé. Contrairement aux léiomyomes, l’exérèse ne peut être réalisée par énucléation sous thoracoscopie. Une œsophagectomie doit être discutée.

Les tumeurs localement évoluées correspondent souvent à des tumeurs de plus de 10 cm de diamètre, étendues à d’autres organes de voisinage dans plus de la moitié des cas (18). Le caractère complet de la chirurgie n’est possible que si on réalise l’exérèse d’un ou plusieurs viscères adjacents envahis. Ces exérèses larges, parfois mutilantes, ne sont licites que si elles sont curatives. Cette atti- tude agressive est à moduler en fonction des organes concernés et du terrain.

L’alternative d’un traitement néo-adjuvant par imatinib est en cours d’évalua- tion. Cependant, il existe un risque d’hémorragie ou de perforation de la tumeur primitive sous imatinib (14). De ce fait, en cas de carcinose péritonéale et/ou de métastases hépatiques synchrones, l’exérèse de la tumeur primitive semble préférable avant d’introduire l’imatinib. Le bénéfice de l’exérèse des nodules de carcinose péritonéale ou de métastases hépatiques n’a pas été claire- ment établi. Ses indications seront à préciser dans l’avenir après traitement par imatinib.

Chimiothérapie

La chimiothérapie palliative est peu active avec des taux de réponse de l’ordre

de 5 % (19). La plupart des études anciennes sont rétrospectives, avec de faibles

effectifs, et les tumeurs stromales digestives non individualisées parmi d’autres

sarcomes. Les protocoles de chimiothérapie systémique évalués sont ceux des

sarcomes des tissus mous. Les trois agents les plus utilisés seuls ou en associa-

tion sont la doxorubicine, l’ifosfamide et la dacarbazine. Les taux de réponse

rapportés avec les anthracyclines seules ou en association sont inférieurs à

10 %. Ce résultat est comparable au taux de 7 % de réponse objective dans une

étude prospective associant doxorubicine et dacarbazine chez des patients

traités pour un sarcome digestif. L’ifosfamide seul ou associé à l’étoposide ou à

la doxorubicine n’a aucune efficacité dans les sarcomes digestifs. Dans un étude

plus récente de phase II ayant évalué l’association doxorubicine, dacarbazine,

mitomycine C et cisplatine, les taux de réponse étaient de 4,8 % (21) pour les

(8)

tumeurs stromales digestives contre 67 % pour les léiomyosarcomes (20).

Aucune réponse objective n’a été observée dans une étude de phase II ayant évalué la gemcitabine chez 17 patients atteints d’une tumeur stromale digestive maligne. La chimiorésistance de ces tumeurs s’explique par une forte expres- sion des protéines de résistance aux anti-cancéreux (glycoprotéine-P et protéine de résistance multidrogue-1), une étude ayant montré qu’elle était supérieure à celle observée dans les léiomyosarcomes (19). La chimiothérapie n’a aucune place en situation adjuvante.

La chimio-embolisation hépatique a été évaluée dans deux études de phase II ayant inclus de faibles effectifs de patients avec des métastases hépa- tiques isolées et non résécables de léiomyosarcomes digestifs, avec des résultats divergents en terme de taux de réponse (21). Les résultats des traitements intra- péritonéaux (péritonectomies associée à une chimiothérapie ou à une chimio-hyperthermie intrapéritonéale) chez des patients ayant une récidive péritonéale d’un sarcome ont été rapportés dans quelques séries (22). Ils ne peuvent être actuellement discutés que dans le cadre d’essais thérapeutiques.

Radiothérapie

La radiothérapie a été peu évaluée dans les tumeurs stromales du fait d’un volume tumoral souvent important et de la proximité d’organes qui ne tolèrent que de faibles doses d’irradiation. Les données limitées dont on dispose suggèrent que la radiothérapie est peu efficace, aussi bien en situation palliative qu’adjuvante (14).

Imatinib (Glivec

®

)

L’imatinib (sous forme de mesilate, anciennement STI 571) est un inhibiteur sélectif des tyrosine-kinases c-kit, c-abl, bcr-abl et PDGFR qui agit au niveau du site de fixation de l’ATP (14). Glivec

®

est administré par voie orale, en une prise quotidienne du fait d’une demi-vie longue. Les gélules sont dosées à 100 mg. Son métabolisme est hépatique et son élimination essentiellement biliaire. La biotransformation hépatique expose à un risque d’interactions avec les médicaments inducteurs (phénitoïne) ou inhibiteurs (kétoconazole, érythromycine) de l’iso-enzyme CYP3A4 du cytochrome P450 et avec ses autres substrats (simvastatin) (14).

La première malade traitée par imatinib était une femme de 50 ans atteinte

d’une tumeur gastrique métastatique, multi-opérée, et résistante à plusieurs

lignes de chimiothérapie (23). Après deux semaines de traitement par imatinib

à la dose de 400 mg/j, la taille des métastases hépatiques avait diminué de

moitié. La patiente était toujours en réponse partielle et sous traitement avec un

recul de deux ans. Une étude de phase I a été réalisée chez 36 patients atteints

de tumeur stromale digestive en progression clinique (dont 30 avaient des

métastases hépatiques) et chez 4 patients ayant un sarcome n’exprimant pas la

protéine c-kit (24). 32 patients (89 %) atteints de tumeur stromale ont eu une

(9)

réponse partielle ou une stabilisation, alors que 3 des 4 patients ayant un sarcome ont progressé sous traitement. La dose toxique limitante était de 500 mg x 2/j et la dose maximale tolérée de 400 mg x 2/j. Une étude de phase II multicentrique randomisée américaine a été réalisée chez des patients atteints de tumeurs non résécables ou métastatiques (25). Elle a évalué la tolérance et l’efficacité de l’imatinib administré à la dose de 400 ou de 600 mg/j. 147 patients ont été inclus. Les patients avaient été préalablement opérés dans 98 % des cas, traités par chimiothérapie dans 51 % des cas et par radiothérapie dans 15 % des cas. Une réponse partielle a été observée chez 53,7 % des patients, une stabilité chez 27,9 % et une progression d’emblée chez 13,6 % des patients (4,8 % des patients n’étaient pas évaluables). Les taux et les durées de réponse n’étaient pas significativement différents dans les deux groupes. Avec une médiane de suivi de 288 jours, 120 patients (81,6 %) étaient encore sous traitement.

L’efficacité de l’imatinib a été confirmée par deux essais randomisés de phase III ayant inclus 1 692 patients (26-29). Le but de ces deux essais était de comparer l’efficacité de l’imatinib à 400 mg/j et à 800 mg/j et d’évaluer l’in- térêt de passer de 400 à 800 mg/j en cas de progression pour les patients traités initialement à 400 mg/j. Les résultats préliminaires de ces études ont été rapportés en 2003 et 2004. Dans une analyse intermédiaire de l’étude de l’EORTC (26, 27), le taux de réponse objective était de 54 % à la dose de 400 mg/j versus 57 % à la dose de 800 mg/j. La survie et la survie sans progres- sion à un an étaient respectivement de 90 % et 70 %, sans différence significative dans les deux groupes. Chez 97 patients évaluables, le passage de 400 à 800 mg/j permettait d’obtenir un taux de contrôle de la maladie de 32 % avec, à un an, 26 % des patients sans progression documentée. Dans l’étude améri- caine (28, 29), le taux de survie globale à deux ans dans le bras 400 mg/j était de 78 % versus 73 % dans le bras 800 mg/j. Pour la survie sans progression, les taux étaient respectivement de 50 et 53 %. Dans cette étude, pour les 68 patients évaluables parmi les 164 ayant bénéficié d’un cross-over, les médianes de survie sans progression et de survie globale étaient respectivement de quatre mois et de dix-neuf mois. Actuellement, la dose quotidienne de 400 mg, qui est celle de l’AMM, reste donc la dose standard. La dose quoti- dienne de 800 mg est utilisée en cas de progression à 400 mg. Globalement, environ 90 % des patients tirent un bénéfice du traitement par imatinib et 70 % des patients sont toujours sous traitement à un an dans les différentes études (30). Le traitement est actuellement administré jusqu’à progression ou toxicité limitante. En effet, une étude qui comparait deux stratégies de traite- ment chez des patients traités depuis un an par imatinib (arrêt jusqu’à progression ou poursuite) a été interrompue en raison de résultats significati- vement en faveur du bras dans lequel le traitement était poursuivi (31).

Des effets secondaires surviennent chez la majorité des patients. Ils sont le

plus souvent d’intensité modérée et régressent au cours du traitement (25). Les

trois effets secondaires les plus fréquents sont les œdèmes (péri-orbitaires et/ou

des membres inférieurs), l’asthénie et les troubles digestifs (nausées, douleurs

abdominales, syndrome dyspeptique, diarrhée). Parmi les autres effets secon-

(10)

daires fréquents, on peut citer les éruptions cutanées, les crampes musculaires, les arthralgies et les céphalées. Les cytopénies sont le plus souvent modérées.

Elles sont plus marquées lors de l’utilisation de l’imatinib dans la leucémie myéloïde chronique. Des toxicités plus sévères de grade III-IV sont survenues chez 21 % des patients de l’étude de phase II américaine (25) : anémie (2 %), neutropénie (4,8 %), toxicité hépatique (1,4 %), surcharge hydrosodée majeure (2,1 %), et surtout hémorragie digestive, souvent d’origine tumorale (5,4 %).

L’imatinib n’a dû être interrompu que chez environ 5 % des malades du fait des effets secondaires. Aucun cas d’hyperuricémie ou de syndrome de lyse tumo- rale n’a été rapporté.

La tomodensitométrie est l’examen standard pour évaluer la réponse tumo- rale. Néanmoins, le délai médian pour observer une réponse objective est de quatre mois, et des réponses tardives (après six mois) ne sont pas rares (26). Le taux de réponse objective est d’environ 50 %, mais le taux de réponse complète n’est que de 5 %. 30 à 35 % des patients sont stables (26-29). La survie sans progression de ces patients est similaire à celle des répondeurs. Les lésions hépa- tiques prennent souvent un aspect pseudo-kystique sous traitement. Elles peuvent donc augmenter de taille ou sembler mieux visibles lors d’une tomo- densitométrie ou d’une IRM de contrôle. Cet aspect ne doit pas être confondu avec une progression de la maladie qui repose sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques, voire scintigraphiques. Un autre aspect original est le nouveau concept de progression localisée : il s’agit de l’apparition de nodules au sein de lésions hypodenses précédemment contrôlées par imatinib. Il a été montré que la tomographie par émission de positons était une méthode plus précoce et très sensible pour prédire la réponse au traitement par Glivec

®

. De plus, ses résultats sont corrélés à la survie sans progression (32). Actuellement, du fait de sa disponibilité limitée, elle est surtout utilisée dans les cas difficiles où il existe un doute entre lésion active et cicatricielle. L’écho-Doppler avec injection de produit de contraste pourrait en cas de métastases hépatiques constituer une alternative actuellement en évaluation.

Il existe une relation entre le type de mutation observé sur le gène c-kit et

la réponse au traitement. Dans l’essai américain de phase II, 83 % de réponses

ont été observées chez les 70 % des patients ayant une mutation sur l'exon 11,

seulement 46 % chez les 17 % de patients ayant une mutation sur l'exon 9 et

8 % chez les 13 % des patients chez lesquels aucune mutation du gène n'a été

détectée (33). Le type de mutation influence aussi la survie sans progression des

patients, significativement plus longue chez les patients présentant une muta-

tion sur l’exon 11 du gène c-kit que chez ceux présentant une mutation sur

l’exon 9 ou aucune mutation identifiée (33). Néanmoins, même au sein du site

le plus fréquent de mutations (exon 11), une grande variété de délétions ou de

substitutions a été rapportée ; elles n’ont probablement pas toutes la même

valeur pronostique. Des mutations du gène codant pour un autre récepteur

tyrosine kinase, le PDGFRa, ont été récemment décrites dans les tumeurs stro-

males (34). L’imatinib a aussi une action inhibitrice sur ce récepteur et son

efficacité serait corrélée au type de mutation du récepteur PDGFRa. 30 % des

(11)

tumeurs stromales sans mutation identifiée de c-kit auraient ce type de muta- tion. Environ 10 à 15 % des patients présentent une résistance primaire au Glivec

®

(26-29). À long terme, l’évolution des patients traités par imatinib est encore mal connue, mais environ 15 % ont une résistance secondaire après un an de traitement.

Perspectives

L’imatinib a transformé la prise en charge et le pronostic des tumeurs stromales à un stade avancé. Néanmoins, nos connaissances sont encore limitées. La dose optimale à administrer, la durée du traitement, ont fait l’objet d’essais dont les résultats définitifs ne sont pas encore disponibles. L’efficacité et la toxicité à plus long terme sont encore inconnues. Sa place en situation adjuvante et néo- adjuvante est en cours d’évaluation, ainsi que la place de la chirurgie dans le traitement de lésions résiduelles. D’autres questions se posent telles que les modalités optimales d’évaluation de la réponse tumorale et l’intérêt pratique des résultats de biologie moléculaire. Pour les patients en échappement théra- peutique, un nouvel inhibiteur de kinase, le SU11248, a donné des résultats très encourageants dans une étude de phase II et est actuellement en cours d’évaluation dans un essai de phase III. Enfin, d’autres molécules inhibant spécifiquement une voie de signalisation cellulaire impliquée dans le processus de prolifération cellulaire sont à l’étude. Il s’agit de nouvelles voies thérapeu- tiques pour les tumeurs solides.

Les tumeurs desmoïdes

Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs constituées par une prolifération fibroblastique monoclonale bien différenciée, associée à des amas de tissu colla- gène. Elles se développent à partir des fascias ou des structures musculo-aponévrotiques et sont dépourvues de potentiel métastatique. D’un point de vue histologique et évolutif, ces tumeurs sont donc de type bénin.

Cependant, le caractère monoclonal de la prolifération cellulaire, le comporte- ment infiltratif local de ces tumeurs et leur tendance marquée à la récidive locale après exérèse les apparentent à des néoplasies de bas grade à caractère localement invasif (35).

Épidémiologie

Ce sont des tumeurs rares, avec une incidence estimée à 2 à 4 par million d’ha-

bitants et par an. Elles représentent environ 0,03 % de l’ensemble des tumeurs

et 3,5 % des tumeurs fibreuses. Elles touchent plus souvent les femmes que les

(12)

hommes et surviennent dans plus de 50 % des cas entre 20 et 40 ans. Elles ont une topographie extra-abdominale (ceinture scapulaire, région cervicale, paroi thoracique, membres) dans près de 50 % des cas. Au niveau de l’abdomen, elles sont localisées dans la paroi ou au sein même de la cavité abdominale, en posi- tion intra- ou extra-péritonéale (35, 36). Dans le péritoine, elles peuvent être localisées dans le mésocôlon, le ligament rond et le mésentère. La fibromatose mésentérique (FM) est une forme clinique particulière, correspondant à une tumeur desmoïde développée à partir du mésentère. Les tumeurs desmoïdes sont fréquemment associées à la polypose adénomateuse familiale (PAF) et l’as- sociation tumeur desmoïde-PAF correspond au syndrome de Gardner. Au cours de la PAF, des tumeurs desmoïdes abdominales et extra-abdominales sont observées dans 3,5 à 32 % des cas (29 % dans la série de Gardner), les tumeurs du mésentère représentant plus de 50 % de ces tumeurs (35-37).

Physiopathologie

L’étiologie reste inconnue. Cependant plusieurs facteurs semblent associés à leur développement (35-38) :

– un traumatisme sur le site de développement de la tumeur est retrouvé une fois sur quatre. Ainsi, dans la PAF, les tumeurs apparaissent le plus souvent au décours d’une colo-proctectomie prophylactique ;

– la plus grande fréquence chez la femme en période d’activité génitale, des observations de progression tumorale au cours de grossesses ou de traitements contraceptifs, de régression spontanée lors de la ménopause suggérant un carac- tère hormono-dépendant, d’autant plus que 30 % de ces tumeurs expriment des récepteurs aux œstrogènes ;

– l’association avec la PAF suggère le rôle du gène APC dans la genèse de ces tumeurs. Une prépondérance de mutation sur l’exon 15 a été rapportée chez les patients atteints de tumeurs desmoïdes et de PAF. Le phénotype serait d’au- tant plus sévère que le siège de la mutation serait proche de l’extrémité 3’, ce type de mutation étant par ailleurs associé à un phénotype de polypose colique atténuée.

Présentation clinique

Les tumeurs desmoïdes périphériques se présentent sous la forme de masses

tumorales sous-cutanées, fermes et plus ou moins mobiles à la palpation. Elles

ne sont jamais associées à des adénopathies dans le territoire lymphatique

correspondant. Les tumeurs desmoïdes abdominales sont souvent découvertes

tardivement lorsqu’elles ne sont pas recherchées dans le cadre du bilan d’une

PAF car elles ne sont symptomatiques que dans 25 à 42 % des cas. Les princi-

pales circonstances de découverte sont des douleurs abdominales, la palpation

(13)

parfois fortuite d’une masse, un tableau de fistule digestive ou des signes cliniques témoignant d’une compression d’une structure digestive, vasculaire, urinaire ou nerveuse (35, 37, 38).

Lorsque le diagnostic de tumeur desmoïde est suspecté, une enquête rigou- reuse doit être conduite qui visera à :

– préciser l’extension loco-régionale et la résécabilité éventuelle de la tumeur : examen clinique, TDM, angio-IRM ;

– rechercher des arguments en faveur d’une PAF afin de déterminer s’il s’agit d’une forme sporadique ou d’un syndrome de Gardner : antécédents familiaux de tumeur desmoïde, de polypes coliques, de cancer colorectal ou du duodénum. Les manifestations digestives et extra-digestives s’intégrant dans la PAF seront systématiquement recherchées : kystes sébacés et épidermiques, radiographie du crâne et de la mandibule à la recherche d’ostéomes et de dents incluses, fond de l’œil à la recherche d’une rétinite pigmentaire, bien qu’elle soit habituellement absente dans la PAF associée à des tumeurs desmoïdes, examens endoscopiques (coloscopie et fibroscopie œso-gastro-duodénale, voire duodénoscopie) à la recherche de polypes. Si le diagnostic de PAF est confirmé ou suspecté, le patient doit alors être adressé en consultation d’onco-génétique.

La confirmation du diagnostic repose avant tout sur l’analyse histologique d’une pièce opératoire. L’analyse cytologique de matériel recueilli par une ponction percutanée est le plus souvent insuffisante pour porter un diagnostic de certitude car la cytologie ne permet pas de différencier une tumeur desmoïde d’un fibrosarcome de bas grade. Lorsque les données cliniques (contexte de PAF, masse de croissance tumorale lente) et radiologiques (masse infiltrante, mal limitée, prenant faiblement le produit de contraste) sont suffi- samment évocatrices, il n’est pas indispensable pour certains auteurs d’obtenir une preuve anatomo-pathologique en cas de localisation intra-abdominale, le recours à une biopsie chirurgicale exposant à un risque d’accélération de la croissance tumorale.

Histologie

Macroscopiquement, ces tumeurs se présentent comme une masse non encap- sulée, adhérant et infiltrant les tissus de voisinage, de consistance fibreuse, de couleur marron clair. La microscopie optique met en évidence, au sein d’une trame collagène dense, de nombreux fibroblastes au cytoplasme éosinophile abondant, avec une activité mitotique peu marquée, associés à un infiltrat constitué de macrophages, de cellules géantes multi-nucléées et de lympho- cytes. Le contingent cellulaire est majoritairement localisé en périphérie de la lésion. Cet aspect histologique et le contexte clinique permettent de différen- cier ces tumeurs des autres formes de fibromatose et surtout d’un fibrosarcome.

En immuno-histochimie, outre les marqueurs habituels (vimentine), ces

tumeurs peuvent exprimer c-kit, PDGFr et PDGF (35, 39).

(14)

Évolution

Non traitée, l’évolution habituelle de ces tumeurs est marquée par une crois- sance lente avec un envahissement de proche en proche des structures de voisinage ou une alternance de phases de stabilité et de croissance. Cependant, des stabilisations, voire des régressions spontanées après plusieurs années d’évo- lution, ont été rapportées (35, 38). Après traitement chirurgical, le taux de récidive varie de 30 à 50 %, en fonction notamment de l’existence ou non d’un envahissement microscopique des marges d’exérèse. Les récidives surviennent le plus souvent dans les trois premières années au décours de l’exérèse. Ainsi, dans une série de 189 patients, les taux de récidive à cinq et dix ans pour les patients traités par chirurgie seule sont respectivement de 34 et 38 %, avec un taux de récidive à dix ans de 27 % en l’absence d’envahissement des marges et de 54 % dans le cas contraire (36). La morbidité et la mortalité liées à ces tumeurs sont très variables en fonction de leur localisation. Pour les tumeurs périphériques, la mortalité est exceptionnelle, mais le retentissement fonc- tionnel peut être majeur. À l’inverse, pour les localisations intra-abdominales, le taux de mortalité varie de 10 à 40 % dans les séries. Les tumeurs desmoïdes intra-abdominales sont la première cause de mortalité au cours de la PAF après colectomie prophylactique (38).

Traitement

La prise en charge des tumeurs desmoïdes, notamment pour les localisations intra-abdominales, reste très controversée et impose une compétence multidis- ciplinaire dans un centre référent.

Le traitement de référence est la chirurgie. Elle doit toujours être discutée en cas de tumeur complètement résécable, surtout si elle est évolutive et qu’il n’existe aucun sacrifice prévisible de structures vasculaires, nerveuses ou diges- tives potentiellement responsable de séquelles fonctionnelles invalidantes.

Cependant, l’appréciation de la résécabilité n’est pas toujours aisée, notam-

ment dans les localisations mésentériques où les rapports avec les vaisseaux

peuvent être difficiles à évaluer et éventuellement imposer des résections iléales

et coliques associées étendues. Une indication chirurgicale première peut être

retenue pour une tumeur asymptomatique, de petite taille, mais qui pourrait

devenir non résécable en cas de progression en raison de sa localisation au

contact de structures vasculaires ou nerveuses (35, 36, 40). Lorsque la résection

a été complète, l’intérêt d’un traitement adjuvant reste débattu. En cas d’enva-

hissement des marges de section, la radiothérapie pourrait diminuer le taux de

récidive locale. Dans la série de Ballo et al., chez les patients avec des marges de

résection envahies, le taux de récidive à dix ans était de 54 % dans le groupe

chirurgie seule versus 31 % dans le groupe chirurgie suivie d’une radiothérapie

adjuvante (p = 0,007). Par contre, en l’absence d’envahissement des marges, la

(15)

radiothérapie adjuvante ne diminuait pas significativement le taux de récidive locale à dix ans (27 % versus 15 % ; p = 0,442) (35, 36, 40). Les traitements médicaux anti-hormonaux et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) n’ont pas été évalués en situation adjuvante.

Pour le traitement médical de ces tumeurs, plusieurs options sont envisa- geables. Les deux classes médicamenteuses les plus utilisées et les mieux évaluées sont les AINS et les anti-œstrogènes.

• traitements anti-hormonaux de type Tamoxifène

®

et/ou AINS de type Sulindac, ou Indométhacine : des taux de réponse de 50 % environ avec des réponses complètes ont été rapportés. Le délais d’obtention de la réponse avec ces traitements peut être très long (de six à huit mois, notamment pour les AINS). L’efficacité ne devra donc être évaluée qu’après dix-huit à vingt-quatre mois de traitement (35, 40) ;

• chimiothérapie : les protocoles sont les mêmes que ceux utilisés dans le traitement des sarcomes (isofosfamide-étoposide, cisplatine-doxorubicine- mitomycine C, cyclophosphamide-doxorubicine, dacarbazine-doxorubicine, cyclophosphamide-dacarbazine-doxorubicine, vinblastine-méthotrexate). Là aussi, des taux de réponse d’environ 50 % avec des réponses complètes ont été rapportés ; cependant, le caractère rétrospectif de ces séries et le faible nombre de patients inclus rendent difficile l’interprétation de ces résultats. Une chimio- thérapie hebdomadaire avec une association vinblastine-méthotrexate pourrait également avoir une certaine efficacité (40, 41). Il convient de souligner que l’indication d’une chimiothérapie « conventionnelle » est limitée dans ce type de tumeur.

• radiothérapie : l’efficacité de la radiothérapie seule à forte dose (55-65 Gy) reste très discutée. Par ailleurs, certaines localisations, notamment mésenté- riques, sont difficilement accessibles à ce traitement du fait du risque de toxicité digestive. L’existence d’un reliquat tumoral après une exérèse incom- plète pourrait être une indication (35, 40).

En pratique, lorsque le diagnostic de tumeur desmoïde est posé et qu’une indication de chirurgie première n’est pas retenue (tumeur asymptomatique, de topographie non menaçante ; tumeur non résécable ou à haut risque chirur- gical), le premier temps consiste à apprécier l’évolutivité de la tumeur. En cas de tumeur lentement évolutive, une hormonothérapie associée ou non à un traitement par AINS est proposée en première intention. En cas d’échappe- ment, une hormonothérapie de deuxième ligne (analogue de la LH-RH), un traitement par analogue de la somatostatine ou une chimiothérapie peuvent être proposés (40, 42). En cas de tumeur rapidement évolutive, une indication de chimiothérapie première peut être retenue (35, 40-42). Quelle que soit la réponse au traitement médical, la possibilité d’un traitement chirurgical doit toujours être périodiquement rediscutée et, en cas d’échappement thérapeu- tique, une résection incomplète, voire une chirurgie palliative (dérivation digestive) peuvent même être discutées (35, 40).

Pour les tumeurs exprimant c-kit, PDGF ou PDGFr, un traitement par

imatinib peut être discuté. En effet, deux cas de tumeur desmoïde exprimant

(16)

ces marqueurs et traités par imatinib ont été récemment rapportés, avec une réponse clinique et radiologique après respectivement neuf et onze mois de traitement (39).

Les adénocarcinomes de l’intestin grêle

Les cancers de l’intestin grêle sont rares, représentant moins de 2 % des cancers digestifs. En France, leur incidence par million d’habitants a été évaluée à 12,5 chez l’homme et 10,5 chez la femme, alors que pour le cancer colo-rectal l’in- cidence est respectivement de 400 et 250. Dans les pays occidentaux, les adénocarcinomes sont les plus fréquents, représentant environ 40 % de ces tumeurs, suivis par les tumeurs endocrines (25 %), les lymphomes (20 %) et les sarcomes (10 %) (43-48).

Épidémiologie

Les adénocarcinomes de l’intestin grêle seraient plus fréquents chez l’homme (sex-ratio : 1,4) et chez les sujets noirs, l’âge moyen de découverte se situant entre 60 et 70 ans. Les localisations duodénales représentent plus de 50 % des cas, avec une prédominance des localisations ampullaires et péri-ampullaires, suivies par le jéjunum (30 % environ, majoritairement situées dans la portion proximale) et l’iléon (20 % environ) (43-48). Pour les localisations ampullaires, la prise en charge des adénomes et des adénocarcinomes débutants posent des problèmes spécifiques qui ne seront pas abordés dans ce chapitre.

Physiopathologie

Comme au niveau du côlon, les adénocarcinomes de l’intestin grêle se déve- loppent à partir de polypes adénomateux. Ils sont d’autant plus fréquents que les polypes sont nombreux, de grande taille, avec un contingent villeux et une localisation ampullaire. De nombreuses hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer, d’une part, la prépondérance des localisations duodénales et, d’autre part, la rareté de ces tumeurs, alors que l’intestin grêle occupe plus de 90 % de la surface du tube digestif (43, 49) :

– le caractère agressif des sécrétions bilio-pancréatiques pour la muqueuse duodénale, favorisant la survenue de lésions dont la réparation aboutit à une augmentation de l’activité mitotique cellulaire responsable de l’émergence de cellules malignes ;

– la pauvreté de la flore intestinale anaérobie limitant la transformation des

acides biliaires en carcinogène ;

(17)

– la richesse de la muqueuse en enzymes capables de détoxifier le contenu luminal ;

– la rapidité du temps de transit, limitant le temps de contact entre la muqueuse et d’éventuels carcinogènes ;

– la faible concentration des carcinogènes du fait de l’abondance du volume liquidien qui protège par ailleurs la muqueuse de lésions traumatiques ; – la richesse du tissu lymphoïde et des sécrétions en IgA qui jouent un rôle dans l’identification et la destruction précoce de cellules malignes ;

– l’absence de contact entre les carcinogènes du contenu intestinal et les cellules souches entérocytaires localisées au fond des cryptes ;

Le risque d’adénocarcinome de l’intestin grêle est augmenté :

– dans la maladie de Crohn : il augmente à partir de dix ans d’évolution de la maladie. Les tumeurs surviennent le plus souvent dans l’iléon, sur des segments digestifs lésés ;

– dans la maladie cœliaque ;

– dans la polypose adénomateuse familiale : le risque cumulé serait proche de 5 % pour les tumeurs duodénales, avec une topographie ampullaire et péri- ampullaire préférentielle marquée ;

– dans le syndrome HNPCC (cancer colorectal héréditaire sans polypose) : la tumeur de l’intestin grêle peut révéler la maladie ou même la résumer. Comme pour le cancer colorectal, ces tumeurs touchent des patients plus jeunes que dans la forme sporadique et semblent avoir un meilleur pronostic. En revanche, ces tumeurs surviennent principalement chez l’homme (sex-ratio 3,0), alors que pour les tumeurs coliques, le sex-ratio est de 1,0 ;

– dans la forme sporadique du cancer colorectal : il a été mis en évidence à la fois une augmentation du risque de tumeur ampullaire chez les patients porteurs d’un cancer colorectal et une augmentation du risque de cancer colo- rectal chez les patients porteurs d’une tumeur ampullaire, confirmant ainsi les données d’études où il existait des liens entre les adénocarcinomes du côlon et de l’intestin grêle.

Présentation clinique

Ces tumeurs sont longtemps asymptomatiques et se présentent souvent au début sous la forme d’un tableau clinique non spécifique et peu évocateur, ce qui explique que plus de 50 % sont diagnostiquées à un stade localement avancé et/ou métastatique, avec un retard moyen au diagnostic de six à huit mois (44-48, 50).

Les tableaux cliniques les plus fréquemment observés sont la douleur, l’hé-

morragie digestive, l’altération de l’état général et les syndromes sub-occlusifs ou

occlusifs. Ce dernier mode de présentation est surtout observé dans les localisa-

tions distales. Dans une série, un tableau aigu chirurgical révèle la tumeur dans

22 % des cas (46). Dans les localisations duodénales, et notamment de la région

ampullaire, la tumeur pourra être révélée par une cholestase anictérique, un

(18)

ictère parfois intermittent et fugace. Enfin, une anémie ferriprive est fréquem- ment présente et peut constituer à elle seule le mode de révélation (44-48).

La gastro-duodénoscopie est l’examen de référence pour le diagnostic des localisations duodénales. Pour les autres localisations, le transit du grêle, mais surtout la tomodensitométrie abdominale (TDM), sont les techniques de choix, l’entéro-scanner semblant particulièrement prometteur. Ainsi, dans une étude, l’entéro-scanner permettait d’identifier des tumeurs de 8 à 25 mm qui n’étaient pas visibles dans 58 % des cas sur le transit du grêle (51). Cette nouvelle technique va probablement devenir la technique de référence et permettra sans doute un diagnostic plus précoce, notamment chez les patients à risque, en permettant un dépistage systématique. Cependant, l’accessibilité de l’entéro-scanner reste encore limitée et sa fiabilité, tant pour différentier les différents types de tumeur de l’intestin grêle que pour leur bilan d’extension, n’a pas encore été évaluée, la TDM classique s’étant montrée peu perfor- mante (51). La chirurgie garde donc encore une place encore importante dans le diagnostic ; dans une série récente, le diagnostic est encore fait par la chirurgie dans plus de 25 % des cas (44). La place de l’entéroscopie, de la vidéo-capsule et de l’écho-endoscopie dans le diagnostic et le bilan d’extension est mal définie, cette dernière technique ayant été surtout évaluée dans la prise en charge des adénomes et des adénocarcinomes micro-invasifs (51).

Histologie

Le diagnostic de certitude repose sur l’analyse histologique de biopsies ou d’une pièce opératoire. Dans 50 à 60 % des cas, ce sont des adénocarcinomes bien ou modérément différenciés, les formes peu ou pas différenciées représen- tant plus de 30 % des cas (44, 45).

Pronostic

Ces tumeurs sont de mauvais pronostic avec une médiane de survie d’environ

vingt mois et un taux de survie à cinq ans inférieur à 30 % dans la plupart des

séries (44-48). Les localisations duodénales ont un plus mauvais pronostic que

les localisations jéjuno-iléales, avec une médiane de survie de respectivement

dix-sept mois versus trente mois. Trois facteurs semblent expliquer cette diffé-

rence : un âge plus élevé des patients au diagnostic, des tumeurs plus évoluées

et une chirurgie plus complexe. Le principal facteur pronostique semble être la

possibilité d’une chirurgie curative. Les autres facteurs, qui sont inconstam-

ment retrouvés dans les différentes séries de la littérature, sont l’âge

au diagnostic (supérieur ou inférieur à 75 ans), la localisation de la tumeur,

l’extension de la maladie, avec notamment l’envahissement ganglionnaire

(stade III dans la classification de l’AJCC), et la présence de métastases à

(19)

distance (stade IV dans la classification de l’AJCC) (44-48, 52, 53). Ainsi, dans une série récente, les patients avec une tumeur de stade IV avaient un taux de survie à cinq ans (5 %) et une médiane de survie (onze mois) significativement inférieurs à ceux des patients avec des tumeurs de stade I à III (taux de survie à cinq ans : 36 % ; médiane de survie : vingt-neuf mois). De même, pour les patients opérés, le taux de survie à cinq ans et la médiane de survie étaient significativement inférieurs chez les patients avec un envahissement ganglionnaire (respectivement 32 % versus 52 % et vingt-deux mois versus soixante-dix-huit mois) (44).

Traitement

En l’absence d’études prospectives, la prise en charge thérapeutique des adéno- carcinomes du grêle reste mal définie. Dans les recommandations de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive, il est rappelé que « les adénocarcinomes du grêle sont habituellement assimilés sur le plan thérapeu- tique aux cancers du côlon ».

La chirurgie reste le traitement de référence : résection segmentaire avec curage ganglionnaire dans les localisations jéjunales et iléales, duodéno- pancréatectomie céphalique dans les localisations duodénales. L’ampullectomie chirurgicale n’est actuellement recommandée que pour des petites tumeurs avec une extension endo-canalaire limitée à l’ampoule et ne franchissant pas la sous-muqueuse duodénale en raison du risque d’envahissement ganglionnaire (0 % versus 30 %), ce qui correspond en pratique à des foyers d’adénocarci- nome au sein de polypes adénomateux (stade 0 ou 1 sans franchissement de la musculaire muqueuse de la classification AJCC) (52). Une chirurgie curative est réalisable dans 40 à 65 % des cas. Elle permet d’obtenir des taux de survie à cinq ans de 40 à 80 % chez les patients ayant bénéficié d’une exérèse complète, en fonction de la présence ou non d’un envahissement ganglion- naire (44-48). Une récidive locale ou à distance survient dans environ 40 % des cas, ce qui pose la question de l’intérêt d’un traitement adjuvant. Dans les plus grandes séries de la littérature, plus de 25 % des patients bénéficient d’un trai- tement associé à la chirurgie, de type chimiothérapie ou radio-chimiothérapie, par analogie avec ce qui est proposé dans le cancer colorectal (44, 45).

Cependant, l’impact de ces traitements sur la survie reste mal connu. Dans une série où il a été évalué, la chimiothérapie adjuvante n’était pas un facteur pronostique de survie (44). Une étude de phases I-II de radio-chimiothérapie adjuvante ayant inclus 8 patients avec des tumeurs de la région ampullaire n’a pas montré de résultats encourageants (54). Par contre, une autre étude de phases I-II a montré de bons résultats chez 4 patients présentant des tumeurs du duodénum et ayant bénéficié d’une radio-chimiothérapie néo-adjuvante.

Lors de l’intervention, il n’était pas retrouvé de résidu tumoral et, avec un suivi

moyen de 4,5 ans, tous les patients étaient vivants. Cependant, le staging pré-

thérapeutique de ces tumeurs n’est pas précisé (55). En l’absence de résection

(20)

complète, la chirurgie ne semble pas améliorer la survie et, en situation pallia- tive, elle garde essentiellement une place pour prévenir ou traiter la survenue de complications (45, 47).

La place de la chimiothérapie dans la prise en charge palliative de l’adéno- carcinome du grêle a été très peu étudiée. Dans une étude rétrospective récente, elle améliore significativement la médiane de survie des patients qui en ont bénéficié (douze mois versus deux mois ; p = 0,02) (44). Une seconde étude suggère également un bénéfice de survie pour les patients recevant une chimio- thérapie à base de 5-FU en situation métastatique (survie médiane de 10,7 mois chez 6 patients traités versus quatre mois pour 8 patients non traités) ou en cas de récidive après une chirurgie curative (survie médiane de 11,5 mois chez 6 patients traités versus 7,9 mois chez 21 patients non traités) (56). Dans les études rétrospectives du M.D. Anderson (14 patients) et du. Royal Marsden (8 patients), avec des chimiothérapies à base de 5-FU, les résultats sont modestes avec, au total, une réponse complète, trois réponses partielles et des médianes de survie de respectivement neuf et treize mois. Le protocole qui semble le plus efficace dans ces deux séries est l’ECF (association de 5-FU perfusion continue, cisplatine et épirubicine) (57, 58). Une série rétrospective française publiée sous forme d’abstract a rapporté chez 20 patients traités par une association 5-FU-cisplatine un taux de réponse objective de 20 %, un taux de contrôle de la maladie de 65 % avec une médiane de survie de quatorze mois et une médiane de survie sans progression de huit mois (59). Enfin, dans une étude prospective comparant le 5-FU à l’association 5-FU/cisplatine dans le traitement palliatif du cancer du pancréas, 9 tumeurs ampullaires sont incluse.

Une réponse objective est rapportée avec l’association 5-FU-cisplatine et, en analyse multivariée, la localisation ampullaire était un facteur de bon pronostic pour la survie (60). Aucun résultat n’a été rapporté avec les drogues de nouvelle génération de type oxaliplatine ou irinotécan. La chimiothérapie à base de 5-FU semble donc améliorer la survie des patients en situation métastatique.

Cependant, on dispose de très peu d’éléments et, dans cette situation, en l’ab- sence de données supplémentaires, la décision ne peut être prise qu’au cas par cas, en fonction de l’état général du patient, eu égard à la toxicité potentielle de toute chimiothérapie.

Les pseudomyxomes péritonéaux

Les pseudomyxomes péritonéaux (PP) sont dus à la présence de cellules sécré- tant du mucus dans le péritoine. Ils s’associent souvent à une ascite mucineuse, longtemps qualifiée de « gélatineuse ». Cependant, cette appellation de

« maladie gélatineuse du péritoine », qui correspondait à une dénomination

clinique imprécise, ne doit plus être employée, d’autant plus que les formes à

composante fluide « gélatineuse » sont moins fréquentes que les formes à

composante tumorale compacte. Le terme de PP est un terme général qui

(21)

recouvre des états néoplasiques très variés sur les plans histologique, pronos- tique et thérapeutique. Le PP est une tumeur rare dont la fréquence est de 2 pour 100 000 laparotomies et qui serait deux fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme (61, 62).

Physiopathologie

Quatre-vingt pour cent des PP sont d’origine appendiculaire (rupture d’un mucocèle appendiculaire qui est une lésion kystique de taille variable, secon- daire à une accumulation de mucus produit par une lésion bénigne ou maligne mucineuse de l’appendice), et non d’origine ovarienne (extension péritonéale d’une tumeur ovarienne mucineuse primitive à faible degré de malignité ou

« borderline » (TOMFM)) (61-63). En effet, les profils immuno-histochi- miques des PP sont le plus souvent de type colo-rectal (antigène CK7 et HAM-56 négatifs) ; par ailleurs, l’étude des mutations du gène K-ras et des pertes alléliques des chromosomes 18q, 17p, 5q et 6q signant une origine colique a montré qu’elles sont le plus souvent présentes dans les PP alors qu’elles ne sont pas retrouvées dans les TOMFM (63). On admet donc actuel- lement que les PP sont le plus souvent secondaires à un ensemencement de la cavité péritonéale par des cellules mucineuses provenant d’un adénome ou d’un adénocarcinome mucineux de l’appendice, la rupture de la paroi appen- diculaire par la mucine permettant l’issue de mucine et de cellules mucipares dans la cavité péritonéale. Plus rarement, l’origine de l’ensemencement peut être la rupture d’une tumeur mucineuse ovarienne (TOMFM), pancréatique ou d’autre origine. Ces distinctions sont importantes sur le plan pronostique, la survie à cinq ans observée dans les TOMFM étant de 95 à 100 %, alors qu’elle n’est que de 75 à 80 % dans les PP peu agressifs et qu’elle est inférieure à 10 % dans les PP agressifs (61-64).

Classification histo-pronostique

Au sein des PP, deux entités de pronostic très différent ont été individualisées

à partir de l’étude des « coques » tumorales correspondant aux zones d’im-

plantation des cellules épithéliales mucineuses sur le péritoine (62-64) :

– l’adénomatose mucineuse péritonéale disséminée (AMPD), correspondant

au grade 1 de la classification de Ronnet et al., est constituée par de la mucine

extracellulaire abondante, contenant un épithélium mucineux simple ou proli-

fératif très localisé, avec peu d’atypies cellulaires et une faible activité

mitotique. Elle est secondaire à un adénome mucineux appendiculaire. Sur le

plan macroscopique, le péritoine recouvrant l’intestin grêle est souvent épargné

et il n’existe jamais d’envahissement lymphatique ou de métastases. La survie à

cinq ans est de 80 % ;

(22)

– la carcinose péritonéale mucineuse (CPM), correspondant aux grades 2 et 3 de la classification de Ronnet et al., est constituée par de la mucine extracellu- laire en quantité modérée à abondante, contenant de l’épithélium mucineux très prolifératif, des glandes mucineuses ou des cellules cancéreuses isolées ou en amas, avec une architecture et une cytologie de carcinome. Elle est secondaire à un adénocarcinome mucineux appendiculaire. L’aspect macroscopique corres- pond à celui d’une carcinose péritonéale. Les métastases sont essentiellement lymphatiques, hépatiques et pulmonaires. La survie à cinq ans est de 10 %.

Diagnostic

Les symptômes révélateurs sont le plus souvent des douleurs et/ou une disten- sion abdominale en rapport avec de l’ascite, des nausées, des vomissements ou un tableau évocateur de carcinose péritonéale. Cependant, le diagnostic est souvent fait, soit fortuitement à l’occasion d’une chirurgie réglée, soit au cours d’une laparotomie ou d’une coelioscopie motivée par un tableau pseudo- chirurgical évoquant une appendicite aiguë ou une pathologie ovarienne. Il peut s’agir également d’une découverte fortuite sur un examen d’imagerie.

L’échographie abdominale montre typiquement une ascite « immobile », dont la ponction peut être non contributive ou ramener un liquide riche en mucine.

Les aspects TDM sont très évocateurs : la mucine, qui a une densité voisine de celle de la graisse, apparaît souvent hétérogène. Un aspect de carapace (scalloping) est souvent observé au niveau du foie et de la rate, entraînant parfois des compressions hépatiques dans certains cas de PP agressifs. Le grêle est refoulé en arrière ou sur les côtés. La réalisation d’une ponction cytologique avec ou sans biopsie n’est pas recommandée car elle est le plus souvent peu contribu- tive. Au total, le diagnostic repose sur l’aspect scannographique associé ou non à la présence d’un liquide riche en mucine sur une ponction d’ascite ou sur la découverte fortuite d’un aspect macroscopique évocateur lors d’une laparo- tomie ou d’une coelioscopie exploratrices. En cas de découverte chirurgicale fortuite, une exérèse incomplète des lésions ne doit pas être réalisée, ce type de geste pouvant entraîner une poussée évolutive de la maladie et une majoration des difficultés opératoires lors de la réintervention (61, 62, 65).

Traitement

La chirurgie d’exérèse reste le traitement de référence. C’est une chirurgie

palliative, de réduction tumorale, toujours associée à une appendicectomie de

principe ; elle est plus difficile et délabrante en cas de CPM. Elle est proposée

en cas de symptômes invalidants, mais expose au risque de résections itératives

techniquement de plus en plus difficiles et de moins en moins efficaces en

raison du développement de cloisonnements et de fibrose. Aucune des études

publiées ne permet d’apprécier son bénéfice réel. Dans la majorité des cas,

(23)

l’exérèse ne concerne que la partie centrale et gélatineuse des lésions, alors que les lésions du péritoine périphérique viscéral et pariétal où est localisé le contin- gent cellulaire sont laissées en place : les prélèvements ne ramènent que la composante amorphe paucicellulaire voire acellulaire de la tumeur, ne permet- tant pas ainsi de typer le PP sur le plan histologique (61, 62, 65). Chez la femme, les formes ascitiques à composante gélatineuse fluide très prédomi- nante doivent être considérées en première intention comme secondaires à une TOFMF et bénéficier si possible d’une chirurgie de résection complète. Ce n’est qu’en cas de récidive que le diagnostic de PP d’origine appendiculaire devra être évoqué (62).

La chimiothérapie systémique, avec ou sans sel de platine, semble inefficace et pourrait même diminuer la survie (61, 65, 66). Dans la série de la Mayo Clinic, la chimiothérapie systémique est un facteur de mauvais pronostic. Dans celle du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, il n’y a pas de différence de survie entre les patients recevant ou non une chimiothérapie en complément d’une chirurgie.

La radiothérapie utilisée en complément de la chirurgie ou en cas de réci- dive n’a montré aucune efficacité, mais une morbidité certaine (65).

La chirurgie ultra-radicale associée à la chimiothérapie intrapéritonéale immédiate (CIPI) ou à une chimio-hyperthermie intrapéritonéale (CHIP) consiste à réaliser des péritonectomies étendues ou à détruire par électrofulgu- ration la totalité des lésions macroscopiquement visibles. Elle concerne surtout les PP de grade 2-3 (CPM) et, de manière moins formelle, les PP de grade 1 (AMPD) (62). La CIPI permet de détruire le résidu tumoral microscopique constitué par des cellules tumorales libres dans la cavité péritonéale qui peuvent secondairement se réimplanter sur les zones dépéritonisées. Cette technique est potentialisée par une hyperthermie comprise entre 42 °C et 43 °C (CHIP) (62, 67, 68). Malgré une mortalité voisine de 3 à 8 % retrouvée dans toutes les séries, les premiers résultats de l’équipe de Sugarbaker et al., portant sur 288 patients, faisaient état d’une survie à cinq ans de 69 % (111). Sur une série de 36 malades traités par CIPI ou par CHIP, Elias et al. retrouvent une survie sans récidive à cinq ans de 55 % et une survie à cinq ans de 66 %, malgré une mortalité postopératoire de 13,8 % (62). Ce type de traitement maximaliste doit être proposé précocement, alors que l’extension de la maladie est limitée, afin de diminuer la morbi-mortalité opératoire. Un second look systématique dans les trois ans ou en cas de récidive est proposé, la survie à cinq ans étant significativement améliorée chez les patients réopérés (74 % versus 68 %) (69).

Pronostic

Les deux facteurs pronostiques sont le caractère complet ou non de l’exérèse et

le grade histologique de la tumeur (62) : l’étude de Sugarbaker et al., concer-

nant 550 patients, a montré que l’exérèse complète des lésions, ne laissant

aucun résidu tumoral supérieur à 2,5 mm, suivie de CHIP ou de CIPI, permet-

(24)

tait d’obtenir une survie de 72 % à cinq ans versus 20 % en cas d’exérèse incom- plète, même suivie de CHIP ou de CIPI. Le grade histologique était également déterminant, avec une survie à cinq ans de 80 % pour les grades 1 et de 30 % pour les grades 2-3, chez des patients traités par chirurgie maximaliste suivie de CHIP ou de CIPI (69).

Conclusion

Le PP correspond à une pathologie maligne rare et englobe différentes entités histologiques et pronostiques. La précocité du diagnostic est fondamentale pour améliorer la survie et la morbi-mortalité des traitements maximalistes associant une chirurgie complète à une CHIP ou une CIPI.

Le mésothéliome péritonéal

Le mésothéliome péritonéal est une tumeur développée à partir des cellules mésothéliales bordant la cavité péritonéale. La localisation péritonéale ne repré- sente environ qu’un cinquième à un tiers de toutes les localisations, la plus fréquente étant la plèvre. Sa pathogénie est difficile à préciser, compte tenu de la variabilité du pouvoir carcinogène des différentes amiantes et fibres miné- rales et de la très longue latence de la maladie. Si l’exposition à l’amiante constitue un facteur de risque classique, elle n’est retrouvée que dans 30 à 50 % des cas ; d’autres carcinogènes, comme les radiations ionisantes et l’exposition au béryllium ou au thorotrast, ont été individualisés. Plus récemment, un virus à ADN, le virus Simian 40 (SV40) et des facteurs génétiques, tels que les muta- tions p16, p14ARF et NF2, ont été isolés comme facteurs déterminants dans la carcinogenèse, seuls ou en association. Le mésothéliome est responsable de 10 000 décès par an et la mortalité augmentera de 5 à 10 % par an dans la plupart des pays industrialisés, au moins jusqu’en 2020. L’usage non régle- menté de l’amiante dans les pays les moins industrialisés fait que cette épidémie persistera pendant tout le siècle en cours. La médiane de survie spontanée de la maladie est de cinq à douze mois (70, 71).

Diagnostic

À partir d’une série de 51 patients, Sugarbaker et al. ont dégagé les caractéris- tiques cliniques du mésothéliome péritonéal. L’âge moyen au diagnostic est de 53 ans, avec des extrêmes allant de 16 à 78 ans. Trois modes de révélation prin- cipaux de la maladie sont individualisés :

– une forme « humide » correspondant à l’ascite maligne responsable d’une

augmentation du volume abdominal ;

Riferimenti

Documenti correlati

Subgroup comparisons of the weighted mean difference of diastolic blood pressure (BP) between minority groups and EU participants by panethnicity and gender. Diamonds denote the

Naturally, just like the principle of least action and Lagrangian mechanics are equivalent to Newton’s equation of motion, this novel variational approach should constitute a way

politiche sociali a Torino negli ultimi cinquanta anni. La cultura del Servizio Sociale, Torino, CELID, 2004. BERNOCCHI NISI Rosa, L’origine delle scuole per assistenti sociali

È interessante notare che gli spostamenti totali sono di maggiore entità nella porzione superiore del modello, per poi diminuire nella porzione intermedia ed

developments, it is also necessary to evaluate, to which extent the stakeholders will exert their power. Local authorities, for instance, can have a high impact on an organization.

Rispetto agli altri tipi di studio il benchmarking interno richiede un’organizzazione del lavoro più semplice ed è caratterizzato da una maggiore tempestività e