• Non ci sono risultati.

L'Écriture Sainte nu temps de Spinoza

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Condividi "L'Écriture Sainte nu temps de Spinoza "

Copied!
14
0
0

Testo completo

(1)

GROUP E DE RECHERC HES SPINO/l'i 11

'l ( 'ollntmn d111~éi.: p.1r PK-rri.:· Fr.111\0I\ Mc11,.111

Lm!

et

traduire

'lèxtc\ réuni' p.1r J.1cqudinc Lagrée ec Pierre-François Moreau

Méthode et métaphysique

'lèxtc\ rÔlnl\ par Jacqueline Lagrée cc Pierre-François Moreau

L'Écriture Sainte nu temps de Spinoza

'lèxtc\ réuni\ par Jacqueline Lagrée cc Pierre-François Moreau

1.rs Pmnières Rlfi11ntions de Spinow. Aubert de

Ver.ré,

Wittich, Lamy

Christiane Huhert

fio111p.1, tl11rér et éternité dnns les

«

Principes de la philosophie de Descrirtes

»

de Spinoza

Yannis Prclorcntzos

Spin()V/ et Les affects

Fahicnnc Brugère cr Pierre-François Moreau (dir.)

l

.11

Rectn Rtliio, Criticiste et Spinoziste? Mélanges offerts

à

Bernard Rousset

L1urcnc Bove (dir.)

Cnrl Gebhardr. Spinoza, judaïsme et baroque

Savcrio AnsaJdi (dir.}

Des vues de Spinoza. Argument! et figures de la «philosophie vraie •

Jean-Pierre Juillet

Spinow et les mathématiques

Fabrice Audié

Spinoza et /.n Rennissrmce

Sav<.:rio Ansaldi (dir.)

Frédé tiL Manzini (dir.)

Spinoza et ses scolastiques

Retour aux sources et nouveaux enjeux

' PUPS

(2)

111g.111i~11 p.11 hnll'l11 M.1111111i

.1vn Il'\ \Olll ll'll\ du Cn111t• d'l'1111k•, l.11161rn11n ( l l11iv1 1s111I l'.11 i' ,\011111 11111·) t·1 du Groupnk· m.hnd1l'' spino1i,ll'' (C ERl'l 11-llMR 5017)

Les PUPS sont u11 !>t:rvice général de l'université Paris-Sorbonne

©Presse~ de l'univcrsiré Paris-Sorbonne, 2.011 ISllN: 978-2.-84050-751-2

Maquette ec réalisa1io11 : Compo-Méca s.a.r.I. (64990 Mouguerre) d'après le graphisme de Patrick V.1n l)icrcn

PUPS Maison de la Recherche Université Paris-Sorbonne

2.8, rue Serpente 75006 Paris pups@paris-sorbonnc.fr http://pups.paris-sorbonne.fr

Tél. (33) OI 53 10 57 60

fax. (33) 01 53 10 57 66

SPINOZA FT

IFS~<

0 1.AS'l

l(~lJI•\

AC'l'UA Ll 'l' l~ lHJN RETOUR AUX ~OUR< 1 .S

frédéric Mrmzini

Rechercher si Avl'rroès peut revendiquer quelque chose dam le 'Y'tèmc du penseur d'Amsterdam [Spino7.al, cc !>t:rJit dépasser les limites oi1 do11 ,',m~·tn, dans le.~ questions de filiations de systèmes, une juste curiosité: no M'rair voulo11 retrouver la rracc du ruisseau quand il s'est perdu dans la prairk-1

1 rneM Rt·11.111

Ut per rivulm, non s111tim, in 11/llrr tligas introirr: quia per fodlitm11td difllo/11m1 oporll't dromirr2

Thom.ts d'Aquin

La question des rapports entre Spinoza el la scolastique re trouve, depui., quelques années3, une vigueur et un intérêt qu'on a pu croire perdus. Ouverte

l'll

AJlemagne dès la fin du

XDé

siècle par l'étude innovante e t fo ndatrice de Jakob Freudentha1 4, puis prolongée et approfondie durant les premières

décennie~

d u xx• siècle nocammenc par les rema rquables travaux de Stanislas von Dun in Borkowski5 et d e Harry Wolfson

6,

cette vaste entrep rise de Quei/enforschun,'1,

1 E. Renault, Averroès et /'averrorsme. Essai historique, Paris, Michel Lévy, 1861, p. 199.

2 « Choisis d'entrer dans la mer par les petits ruisseaux, et non d'un trait : car c'est par le plus facile qu'il convient de parvenir au plus difficile» (« Epistola exhortatoria de modo studendi ad Fratrem loannem », Opuscu/a Theologica, Torino, Marietti, 1975, t. 1, p. 451).

3 Voir notamment deux publications et une réédition récentes : G. Coppens (dir.), Spinoza en de scholastiek, Leuven, Acco, 2004, la réédition établie par M. Walther et M. Czelinski de Die Lebensgeschichte Spinozas, stark erweiterte und vollsll!ndig neu kommentierte Autlage der Ausgabe von Jakob Freudenthal 1899, 2 Bande, Stuttgart, Frommann-Holzboog, 2006 ainsi que U. Renz et R. Schnepf (dir.), Spinoza and Late Scholasticism, Studia Spinoza na, Würzburg, Kônigshausen & Neumann, 2008, t. 16.

4 J. Freudenthal, «Spinoza und die Scholastik »,dans Philosophische Aufslitze, E. le/Ier, zu seinem fünfzigjêihrigen Dodor-jubiliium gewidmet, Leipzig, Fues's Verlag, 1887, p. 83-138. Voir également J. Lewkowitz, Spinoza's Cogitata metaphysica und ihr Verhêiltnis zu Descartes und iur Scholastik, Breslau, T. Schatzky, 1902.

s

S. von Dun in Borkowski, Spinoza, Münster, Aschendorff, 1933-1936, 4 vol.

6 H.A. Wolfson, The Philosophy of Spinoza unfolding the latent process of his reasoning, Cambridge-Massachussets, Harvard University Press, 1934, 2 vol., puis 1962, trad. fr.

A.·D. Balmès, La Philosophie de Spinoza, Paris, Gallimard, 1999. Les références à cet ouvrage sont données dans la traduction française puis, entre crochets, dans l'édition originale.

(3)

LA SCOLASTIQUE COMME RÉPERTOIRE ET REPÈRE:

LE CAS DE L'ÉTERNITÉ DU MONDE ET DES GENRES DE CONNAJSSANCE

Enumueki Scribttno

U1111'"11U de Sinme

Avanr d'êcre l'objec de ses critiques ou la source de cerraincs de ses chèses, la scolastique esc, pour Spinoza, le cadre à t'incérieur duquel prennenc place ses réflexions- norammcnr celles concernant la métaphysique et la théologie-, le poinc de repère au cour duquel ses thèsess'articulenc et se prédsenc, la médiation qu'empruncenc ses raisonnements. Je proposerai succe:.sivemenc, dans cette étude, trois exemples illustrant les rapporrs encre Spinoza cr la scolastique.

1.

Le premier

cas

est celui oi1 Spinoza enrre en discussion avec la littérature philosophique scolastique pour la réfuter, pour ainsi dire, de l'inrérieur. On crouve un exemple de cerce procédure dans l'ouvrage

OLI

la cul cure scolascique est le plus évidemment présence, à savoir Cogitttta 1nett1physict1, cr plus particulièremenr le paragraphe du chapitre

10

de la deuxième partie, consacré à l'examen des problèmes philosophiques posés par la création du monde, ec inrirulé, par Meyer, "Si Dieu agissait par nécessicé, il n'aurait pas une verru inÎlnie •'. La question est celle de l'écernicé du monde, dont Spino1.a entend ici démontrer l'impossibilité. Cerre question est liée à celle, plus générale, de savoir si Dieu peuc créer l'infini, ou s'il peut créer toue ce qui csc en sa puissance, à savoir un monde infini quant à son exceosion, aux nombres des créatures cc à sa durée. C'es1 donc la puissance de Dieu qui esc en jeu lorsqu'il s'agir de s'interroger sur la possibilité de l'éternité du monde.

Pour apprécier la srruccurc de l'argument auquel Spinoza a recours afin de réfurer la possibilité de l'écernicé du monde, il faut revenir à ses ancécédencs, et nocammenc à l'œuvrc du jésuice espagnol Beniro Pereira. li ne fait aucun doute que c'esr bien Pereira que Spino1.a vise dans cerce question de l'éternité du monde ; ce sont en effet les argumencs que cet auceur avait utilisés pour démontrer la possibilité de l'éternité du monde qui reviennent sous la plume

1 le cite les œuvres de Spinoza dans la traduction de Charles Appuhn.

31

...

0

-

(4)

de Spinoza: comme le fils de Dieu csr érernel, le monde peut l'être aussi ; comme la puissance de Dieu est infinie, son cffetpeutl'êue aussi

2,

etc. Adriaan Heereboord, dans ses Melerem11t11 philosophica, avait déjà pris soin de réfmer la thèse de Pereiral. Spinoza, pour sa part, ne reprend pas les arguments que Heereboord avait opposés à Pereira ; il cririque le jésuice en s'appuyai1t sur la distincdon emre éternité et durée, dans la mesure où il utilise cette: distincrion pour rejecer la dérnonsuarion que Pereira fait de la possibilité de l'éternité du monde à partir de la puissance de Dieu.

~argumemde

Pereiraétairlesuivanr: La puissance de Dieu est infinie qu'ü agisse par nécessité ou qu'il agisse par liberté.

Or, s'il agissait par nécessité, étanc donné que sa puissance est infinie, la durée du monde le senlir aussi; donc, la puissance infinie de Dieu peuc produire un effet actuellement infini dans la durée, et le monde peut être écernel. Spinoza réfute cet argument en soutenant que la durée, par sa nature propre, ne peur être inllnie, et donc qu'il ne s'agir aucunemem d'une impuissance de Dieu s'iJ

32

ne peur pas créer une durée actuellement infinie er si le monde, par conséquenc, ne peut pas être éccrnel. De plus, ü esr faux d'affirmer que, si Dieu agissait par nécessité, sa vertu serait infinie. Au contraire, si Dieu agissait par nécessité, sa puissance serait indéniablemenc finie puisque Dieu ne pourrait rien créer au-delà de ce qu'il a effectivement créé. Seul un effet pocentiellemenr infini, à savoir un effer auquel on peut rnujours ajouter un effer plus grand, sauvegarde en même cemps la liberté er la toute puissance de Dieu :

Nous venons de démonm:r qu'il n'y a aucune dmée donc on ne puisse

concevoir

le double, ou cdle qu'on n'en puL<>se concevoir de plus gr.mde er de plus petice:

cr par su ire une durée plus grande ou plus pctire qu'une durée donnée peut toujours êae créée par Dieu qui agit librement d'une venu infinie. Mais si Dieu agissaic par une nécessiré de narurc, cela

11e suivrai[ en

aucune façon ; seule en effet la durée qlli résulterait de

sa nature pourrait êrrc produire er non une

ioflnicé d'aurrcs plus

brrand~

que celle qui serait donnée. Nous argumentons donc ainsi brièvemcnc : Si Dieu créair la durée la plus grande, de façon que

2 Cf Benedictus Pereira, De communibus omnium rerum naturaUum principils et a(fedionibus Libri quindedm, Roma:?, lmpensis Venturi ni Tramezini, 1576, I. XV. cap. XV, De motus et mundi œtenitate, p. 46osq. On trouve dans le chapitre XII,

à

la page 508, les arguments discutés par Spinoza : Pereira y cite l'opinion favorable

à

l'éternité du monde de Thomas d'Aquin et des

«nominales». Pour Thomas. voir Summa theo/ogiœ, I', qu. 46 art. 2. Parmi les modernes qui avaient accueflli la thèse thomiste, voir F. Suarez, Disputationes metaphysicœ, XX, sect. 6.

Thomas et Suarez avaient appuyé la possibilité d'une création ab œterno avec l'exemple de la génération du Fils, exemple rejeté comme impertinent

à

la fois par Heereboord et par Spinoza. Cf. A. Heereboord, Meletemata philosophica, Lugduni Batavorum, F. Moyardi, 1654 ; editio ultima, Neomagi, ex officina A. ab Hoogenhuysen, 1665, I, p. 70 et Spinoza, Cogitata metaphysica. Il. chap. "tO.

3 A. Heereboord, Meletemata phi/osophica. I. disp. XIX et XX, op. dL, p. 68sq.

(5)

lui-même n'en

put

créer une plu~ ~rande,

il

d.iminuerail néccs\aircmcm sa pui""'3.Jlce.

Or ceuc

conséquence \.'liC tàu~ccu:.sa puissance ne

diffi:rc pas

de

S-On

essence. Donc ecc. En omre, ,; Dieu agissait par nécessité de n.irur.:,

il

dcvraic créer une durée celle que lui même n'en pur créer de plus grJnde; mah un Dieu créam une celle durée n'a pa' une vertu infinie; car nous pouvo11\ umjours concevoir une durée plus grande qu'une durée donnée. Dune si Dieu agissair par nécessicé de narnrc

il

n'aumi1 pa.' une venu in!lnie4.

Dan~

cen:e réfucacion de la possibilicé d'une créaàon ab

111emtJ,

deux argumenrs s'cncrecroisem. Le principal, que l'on appdlera" argumenc A ... est celui qui esr lié à la démonsrraàon <le l'impossibilité d'une durée celle qu'il soir impossible d'en concevoir une majeure " Nous venons de démontrer qu'il n'y a aucune durée donr on ne puisse concevoir le double[ ... ],. - er cenc démonsrration a pour horizon l'hypothèse d'une accion créatrice nécessaire. Un Dieu agissant par nécessité produirait

né~ircmcm

une durée déterminée (et non la plus grande, qui est impossible par définition), et, par conséque.nc, il ne pourrair plus faire ce que, au contraire, l'esprit fini conçoit comme possible, à savoir la produccion d'une quancicé plus grande: par conséquenc la puissance de Dieu serait limitée:

"si Dieu agissait par une néccs:.iré de narure, il devrait créer une durée celle que lui-même n'en put créer de plus grande; mais un Dieu créanr une tdle durée n'a pas une venu infinie; car nous pouvons toujours concevoir une durée plus grande qu'une durée donnée. Donc, si Dieu agissaic par nécessité de narure il n'aurait pas une vcrru infinie». La puissance divine, dans l'hyporhèse d'une acrion nécessaire, serait limitée à une durée finie sans que Dieu puisse en créer une plus grande. Si, au contraire, Dieu agie librcmcnr. il pem roujours créer une durée plus grande que la durée donnée, même s'il ne peur pas créer la durée la plus grande, qui n'esr pas concevable; il esc donc à la fob libre ec rour-puissant.

Adossé à cet argumenc qui reste le principal, on peur repérer, dans un court passage. un argumenc différenc que l'on appellera• argunienr B "et dans lequel on admec que la durée qui résulceraic d'une acrion nécessaire de Dieu sera.ic la plus grande mais, dans ce cas égalemenc, la puissance de Dieu serait limitée, précisément parce qu'il ne pourrait pas créer une durée plus grande:« Si Dieu aéair la durée la plus grande, de façon que lui-même n'en pûr créer une plus gnm<le, il diminuerait nécessairement sa puissance. Or certe conséquence est fausse car sa puissance: ne diffère pas de son essence. Donc, erc. •·Cette fois-ci, la question de la nécessité de l'acrion divine n'est pas posée: il s'agir simplement de répondre à la question principale implicite : Dieu peur-il créer la durée la plus grande ?

4 Spinoza. Cogitata metaphysica.11, 10, (§ 13(.

33

(6)

Lorsqu'il s'agir de déterm.iner les limites de la puissance divine, la scolastique distingue les impos!iibilirés concernam les effets.et les impossibilités regarda.ne la causes. rargumenr A vise une impossibilité du premier genre - la quantité n'est pas susceptible d'une infinité actuelle- candis que l'argument B vise une impossibilité du second genre - la puissance divine ne peur pas êtreépu.isée. Les deux argumencs se conjuguent pour exclure la possibiliré d'une durée infinie du monde, er ilssonrformulés par Spinozaàl'encomrede J'hyporhèsed'unecréation ab .eterno, que Pereira avaic soucenue. li est donc pour le moins surprenanr de constaœr que Pereira avait utilisé soit l'argumenc A soie l'argument B pour écarcer la possibilité d'un autre infini dans les effets de Dieu, à savoir l'infin.icé dans l'extension du monde et dans le nombre des créarures. À ce propos, Pereira renvoyait, à son tour, à Durand de Saint-Pourçain. Thomas d'Aquin, rappelle Pereira, avair exclu que le monde puisse êcre infini en extension, parce que la nature du corps est relie qu'elle demande une nature déterminée et, 34 par conséquent, fmie. Durand a.vair approuvé cerce rhèse rhomisre mais l'avait légitimée par deux raisons différenres, .inauguranr ainsi l'argument qui niait la possibilité d'une extension infinie à cause de la nature de la quantité, susceptible ni d'un minimum ni d'un maximum:

Licet

1wtem

htf.c opinio D. Thomtt proberur DtJrtwdus, rmiones mmen ipsius non

plncm.1. Q111tre ipse

ponit

nlias dtJdS q1ûdem 1ul reftUendmn in.fi11it11m multit11dinem,

quarum

prior est

htte:

producta

infinita multftudine. v.g.

lnpidum, vel

t1ngel.orum,

possetne Dem produtere alios n11geLos? Si non, ergo potmtia Dei est diminuta et exhausta ; si possec , ergo 1wgeLi

prius

producti

11011

emnt

infiniti. 1 . . • ]

Quod

autem non p1Jtest

dari

infinita nu1gnitudo.

it11

demonstmt; non potest d1tri

minina magnil1ulo

quia tjlltt!etmque fuerit d1tt11,

si

rmtgnitudo

est, poterit etillm

amplim

dividi , ergo neq11e

potest

da,.; maxima, par enim videru.r esse ratio urriusqtle /./Jm

maximtt, q111tm 111ù1ù11.t;

sed si

met in.finittt magriitudo. utique

il/a

esset nutxinut;

ergo 11011 poresr dari infinita mt1gnitudo6

5 Voir Thomas d'AQuin.Summo

contra Gentes,

li. 25.

6 B. Pereira,

De commun/bus omnium rerum natura/lum princlpiis et affection/bus, op. cil.,

1. XV, cap. X,

An infinitum passit e{ficl

à

Deo,

p. 339-340. L'argument de Ou rand à partir de l'impossibilité d'un maximum dans la quantité avait connu un bon succès. On le retrouve chez Lessius. à l'intérieur de la discussion sur la toute-puissance divine : «

Cum dicltur passe facere infinita, in te/lige infinita

syncategorematice

ut /oquuntur Phi/osophi, non

categorematice,

id est. passe il/um tot res cuiusvis generis facere, ut semper passit pl ures, et p/ures sine fine; adeo ut nul/us numerus tom magnus concipl queat a mente creata, quln lot etplures sine fine possit facere; sictamen ut nunquam facial infinltum actu, iuxta probabiliorem s. Thom;e et mu/torum aliorum sententiam: quia repugnat creatura? esse infinitum actu

». Voir l. Lessius.

Quinquaginta nomina Dei, seu divlnarum perfedionum compendiario expositio,

Diling~. formls Cornelii leyserii, i641 (prem. éd. Bruxelles 1640).

p. 65.

(7)

Durand proposait deux arguments pour repousser l'hypochèse d'une infinité dans l'cxrension du monde et dans le nombre des créarures. Suivant le premier, l'infiniré dans les créarures esc impossible parce que. si Dieu créait une quanticé infinie, sa puissance seraic épuisé.

[I

s'agir de l'argument B qu'on a recrouvé chez Spinoza. Le second s'applùe sur la narurc de la quantité, qui ne supporte ni maximum ni minimum: c'est I'., argument A,. utilisé par Spinoza. Lesargurncncs utilisés par Durand concrc l'infinité du monde se trouveront alliés dans la liccérature successive, au moins jusqu'à Suarez qui, quand il s'agira de déterminer la puissance divine, affirmera à

<>00

rour que la puissance divine ne peut pas êcre épujsé (•argument B" de Spinoza) cr que la quanlité créée n'csr susceptible ni d'un minimum ni d'un maximum(« argumem A» de Spino7.a)7.

Comme on le disaic, il est étonnaru de reuouver ces argumencs chC'l Pereira, c'est-à-dire chez celui qui a combattu pour affirmer la possibilité d'une durée infinie, au nom de la possibiüré pour la puissance divine de s'épuiser rocalemenc dans la créarion

8

Conrre la possibilicé de la créacion d'un infini actuel, en extension ec en nombre de

créature~.

Pereira, se rangeant aux côtés de Durand, prend au contraire à son compte la thèse suivant laquelle Dieu ne peut pas créer une extension infinie ou un nombre: infini de choso:

Detts non powt si

mu/

tt

t1c111

faun:, quirquul potest simpliclftr fortre: ergo non porest fi1rm mfimtttm. 1 ... l Prttttrtll, n potmlta Det m

111finit11,

ergo per nuUum

7 Voir F. Suarez, Disputationes metaphysiœ, XXX. sect. 17, n. 16: «ad infinitatem potentiœ nan solum spedot passe simu/ facere quamcunque rem possibilem, sed etiam non passe exhauriri.

(ut sicdicam) sed passe semperelflcere, quantumvismulta, ve/ magna prius e{fecerit •:et n. 20:

"nul/a[._] repugnantia in eo invo/vilur, quod in speciebus possibl/lbus in lnfinitum procedatur.

Constat enim in numerorum spedebus passe in infinitum procedl, sicut in divlsio contlnui. Item in magnitudine corporis posslbi/is: quis enim Cotholicus audeat dicere esse pesse corpus {initum tantœ magnitudinis, ut Deus non possit facere mai us?•. Gabriel vazquez, dans son commentaire de la Summa theoiogiœ de Thomas d'Aquin. attribuait à Alexandre de Hales la paternité de l'argumentsulvant lequel Dieu ne peut pas créer un effet infini, parce que autrement sa puissance serait épuisée. Cf. G. Vazquez, Commentaria ac Disputationes ln prlmam partem Sancti Thomae XXVI, De ln{infto in rebus creatis. Lugduni, Sumptibus Jacobi Cardon 1631, 1, p. 98b: «Deus non potest simu/ facere, quicquid cognoscil simul possibile fieri, ergo non potest facere in{inltum.

Nam si Deus infinitum produceret, faceret omnia quœ cognoscit possibi/io {ieri hœc enim duo reciprocari vldentur. Deum autem non passe simu/ focere omnla quœ cognoscit posslbilla, hoc ratione probant. Si Deus produceret il/a omnia simul, nihïl a/iud superesset faciendum, ergo omnipotentia esset exhausta, atque odeo minor. quam antea, ve/ certe nul/a. Hœc ratio est A/exand: t pars d. 21 m. 2 ad 3, quœ mu/lis viris doctls nostra? œtatis magni momenti visa est."

Alexandre formulait cet argument de la façon suivante : « Potentio finira patest educi in totum suum adum. Patent/a vero in{inita pot est educi in actum, sed non in totum; hoc enim sequeretur.

quod esset finita, et ira quod esset {inito et in{inito. quod est impossibiie •. Voir Alexandre de Hales. Universae Theologiœ Summa, pars prima. qUïESlio 21, membrum Il, An divlno Potentia /imitara sit? Coloniae Agrippinae, Sumptibus loannis Gymnici, 1622. p. 1o6a.

8 D'ailleurs Suare1 aussi refusait l'infinité dans la quantité du monde mais, suivant Thomas d'Aquin, admettait son éternité possible. Voir ci·dessus note 2.

35

"'

:s:

>

c z

~

"'

~ "'

>

z

0

:.;;-

"'

n

0

âi

"'

ii' c 111 n 0

3

111 3

(8)

opus .11111111 potest fini ri, ago impossibile es1 fien

11

De11 1Jp11s 11/iqm1d 1ant11111, quin possit 1d111d fitri mttius ipso. Al1<1q11i11 potmtut Dei LimlltJf1t fumet per illius productionem

9.

Er c'est Pereira lui-même qui

~ouli~ne

explicirement la ditTérence enrre la durée infinie du monde, qu'il juge possible.

et

son extension infinie, qu'il 1uge,

ccne fois. impossible: ·

Ad id 1mtm1 q11t>d nddihtr de

i11fi111111te

durttrionis, re.1po11de1ul11m

est,

ewsmodi infi11i1<11r111 11er Arist1Jtelis disdplinte nec r.itioni rcpug111trt', nec 11Jodo possibilem esse. std t1inm

11rrrssarutm:

nos

11utrm 111111omnnn10/lbmtS m.J;11i1tuli11em,

sed

mm

Mnmmmudo quir

al

ud in m11/ri111dinr 1't'I in mag111111di11r'

0

Mais revenons à Spinoza er au rextc de Cogitata mnaphysic11, 11, ro. Afin de rejeter la rhèsc d'une durée inÎlnic du monde, Spinoza se <.:ontence de faire jouer contre la possibilité d'une durée infinie du monde les argumenrs que Durand avait élaborés pour nier la

possibilic~

d'une infinité dans la quantité des choses créées, et que Pereira lui-même, parmi d'autres, avaic adoptes.

La quesrion Je la possibilité de l'infini acruel a hancé la scola.scique, et la pensée moderne a héricé des cadres conceptuels dans lesquels la quesrion avan été formulée cc résolue. Descarces connaissair bien l'un des argumems urilisél>

par les sco lasciques pour réfucer l'inflniré accuelle du monde et lui accorder seulement l'i nfinité en puissance; il faic usage de cet argument dans la Troisième Midit11tio11 à

propo~

de la perfecrion de

l'e.~prit

créé, pour l'opposer à l'infinirc des perfecrions

divines:

"encore que ma connaissance s'augmencair de plus l!n plus, néanmoins je ne laisse pas de concevoir qu'elle ne sJurair être acrueUemcnt infinie, puisqu'elle n'arrivera jamais à un si haur point de perfection, qu'elle ne soir encore capable d'acquérir quelque plus grand accroissement. Mais je conçois Dieu acruellement infini en un si haut degré, qu'il ne se pc.-ur rien ajourer à la souveraine pafcccion qu'il possède • ". Descarces oppose l'infini en

pui~nce

des perfections de l'être créé à l'infini actuel des perfecnons divines, suivanc le schéma scolascique donc on a précédemment souligné l;1 large diffusion. Le même argumcnc sera utilisé par Desç;mes en cc qui concerne la division de la matière ec son extension

12

C'est avec le même argument que Spinoza repousse

9 B. Pereira, De commun/bus omnium rerum noturalium principiis, op. cit .. X, cap. XI, p. 340.

10 Ibid .. X. cap. IX, p. 338.

11 Voir René Descartes, Œuvres. éd. Ch. Adam et P. Tannery, Paris, Vrin, 1964-1974, n vol.

(édition désormais abrégée A. r. suivie de l'indicallon du tome, de la page

et

éventuellement de la ligne), IX·1, 37.

12 Voir Descartes. Principio philosophiœ, Il, § 20-21. L'infini potentlel comme troisième voie entre la finitude et l'infinité actuelle sera repris par Kant dans la solution de la première antinomie. Voir O. Garber, ~ Les limites du monde •. dans M. Fichant

et

1.-L. Marion

(9)

la possibilicé d'une durée éternelle du monde, hyporhèl.e parciculièremenr privilégiée par les représenrams les plus

illusu~

de la lirrérarure scolastique, à

parrir de Thomas d'Aquin.

Mais si Spinoza accorde que la quantité n'esrja.maissusceptiblc d'un maximum et n'hésite pas à uriliser cette thèse conue celle de la durée éternelle du monde, il csc Join de partager la chèsc suivant laquelle la puissance de Dieu ne peuc s'acrnaliscr coralemenrdans ses effec:;, thèse qu'il avait néanmoins utilisée conrre Pereira. En fair, l'argumenc ciré de la puissance divine, utilisé par Spinoza dans les Cogitoto metaphysica pour repousser la possibilité de l'éternité du monde (• argumenr B ><)sera réfuté par le même Spinoza, dans le: scolie d'lthique I,

proposition 17. En ce cas précis, Spinoza examine I' argumenr de ceux qui, pour sauvegarder la libercé d'indifférence en Dieu, souciennenr que Dieu

ne peur pas

créer tout ce qui esr en son

pouvoir:~

mes adversaires scmblenr ( ... ) nier b roure-pttissance de Dieu. Ils

~0111

contraints d'avouer, en effet, que Dieu a l'idée d'une infinité de choses cré;tbles que cependant il ne pourra jamais créer. Car, autrement, c'esr-à-dire s'il créait tout ce donc il a l'idée, il épuiserait, suivant eux, coure sa puissance cr se rendrait imparfait

,.Il,

Dans !'Éthique, cet argumenr est rejeré au profit de celui qui affirme que.- de la

néces.~iré

de la narure divine doivcnc suivre en une infinité c.le modes une infinirédes

choses•~.

Au contraire,

dan~

les Cogitata, le même argument avait écé urilisé pour réfuter ceux qui souri en ne

nt

que la durée du monde aurait pu être celle que Dieu n'en au raie pu créer une plus grande.

De fait, dans le scolie de la proposilion i7 d'Éthique T, Spinoza démontre que rour suit de Dieu dans la c.Jimension éternelle, alors que les scolasùques, en posanc la quesùon de l'éternité du monde, one cou jours confondu l'érernicé avec une durée sans fin. 1 ls one donc ronde penser que la puissance de Dieu ne peut être épuisée dans ses effecs, mais ils sonr encore plus dans l'erreur lorsqu'ils affirmenc que l'écemiré de l'action divine peur êrre mesurée par une durée sans

fin. Dans les Cogitaflt metaphysim, sans révéler sa thèse à propos de la nécessité de l'action divine et de l'infinité des dfers divins, Spinoza parvient coucefois

(dir.). Descartes en Kant. Paris, PUF, 2006. p. 349-360. Mals li raul souligner que. suivant Descartes, Dieu peut achever la division infinie de la matière, voir Prlncipia philosophiœ, 11. )4. et, dans l'Entœtien avec Burmon. Descartes accepte la possibilité d'une durée Infinie du monde et d'un nombre infini. Voir Entretien avec Burman, éd. J.·M. Beyssade, Paris. PUF, 1981, p. 53 : c non video curcœaturo non potuerit o Deo ab ietemo crearil.~J. Sed sic doretur numerus infinitus ? Rsp. Quld absurdi ? Annon datur i//e in quantitatis divisione etc. ? ».

Descartes, donc, admet ce qui n'est pas concevable pour la scolastique et qui ne te sera pas pour Spinoza.

à

savoir la possibilité d'une quantité actuellement infinie.

13 Eth., I, 17 sq.; et plus haut: c S'il avait créé, disent-ils, tout ce qui est en son entendement, il n'aurait donc rien pu créer de plus, ce qu'ils croient qui répugne

à

l'omnipotence divine ».

14 Eth., 1. 16.

37

:r. 0

= =

~

0

(10)

:i momrer qu'à l'incérieur des catégories de la scohmique, qui pense l'écernité comme u11e durée sans fin, cc l'extension com!Jle une qu.mriré composée de parties. il esc impossible de penser l'inÎlnicé. La scolasciquc n'est cohérence que si elle refuse l'infinité dans la durée comme dans l'extension. Il

~unit

donc de contraindre les scolastiqm·s à la cohérence. sans faire jouer des argumencs :ium:s que ceux élaborés par la scolastique. Aussi, dans 1'E1hiq11e, quand il s'agir de démoncrer que l'extension esr nécessairement infinie, lipinoz.1 précise que.

pour concevoir l'infinité de l'excension, il faur cesser de la penser comme une quantité divisible et composée de parties, ainsi que. selon Spinoza, la scolastique l'a. cou jours envisagée, parce qu'une celle concepàon de laquanrité n'équivaudra jamais à

l'infinité'~.

La reprise de l'argumenc scolastique prend place dans un jugcmenr global porté sur la scolastique, jugemem explicitement formulé dans les Cogitrtta, er qui concerne lïncapacicé scolasrique à concevoir l'infini, ou l'éternité. Un D ieu qui produirait ses effecs dans la durée ne pourrait en effer 38 produire un cffer infini.

2.

Le second rype de rapport inscauré avec la scolasciquc concerne la reprise des structures argumentarives que celle-ci avair uàlisées. Dans la pn:mière parrie de I' l:t'1ique, lescolie de la proposition

1

5 vise à démoncrer que l'extension peut appartenir à Dieu. Ce scolie réfute ceux qui souriennenc que Dieu ne peur pas être écendu parce que l'éccndue ne peur pas êrre infinie, ec que l'éccndue ne peur pas être infinie parce qu'elle esr divisible en pan:ies. C'est donc la simplicité et l'indivisibilité de D ieu qui sont ici en jeu. Ec c'esr aux dévcloppemcnrs que la scol:miqueconsacreà la simplicité de Dieu qu' il faut se rétèrer pour comprendre la teneur de cc scolie. Spinoza commence par écarter les conceptions de ceux qui soutiennenr que Dieu est composé de corps ec d'esprit:• li y en a qui forgent un Dieu composé comme un homme d'un corps er d'une âme[ ... ] Je laisse cc.-s

homm~

de coté." Ces

homme~

om déjà éré suffüammenc réfucc..Si p.ir cous

•ceux qui oor qudques peu pris en considérationlanacurc divine• cc qui• som d'acc.ord pour nier que Dieu soir corporel"·

Ceux qui souciennent que Dieu est composé d'un corps et d'esprit sont des

philosophes sans identité précise. Par cene formule, Spino1..a désigne la catégorie

des penseurs qu i ont éré critiqués par les scolastiques au sujet de la quesrion

de l,1 simplicité d ivine, à parrir de Thomas d'Aquin, c'est-à-dire de "ceux qui

onr quelque peu pris en considérarion la narure divine•, selon l\:xprt:ssion de

Spino1.a. Leonard Lessius. par exemple. avait abordé la question de la simpliciré

de Dieu en ces termes:« li

~r

die simple. premièremenr parce qu'il oc dépourvu

dt n'imporce qud composirion [. , .] en dfer iJ n'esc p.u composé de corps er

15 Voir éch., 1. 15, scolie.

(11)

d'csprir ,.•

6•

Pour manifui-rer

~on

accord sur le fair que Dieu n'eM pas un corps.

il suffir de renvoyer aux arguments

scolasriq~

concernant la simplicité divine pour ensui ce poursuivre en criciquant cerce fois les scolastiques qui, à rra vers les objecrions qu'Us onr adressés aux philosophes les plus n:iïf, qui amibuent un corps à Dieu, onr monrré d'identifier l'étendue avec le corps, cr, par conséquent, one nié que l'étendue, comme le corps, puisse apparrenir à Dieu. La critique adressée à la scolastique commence là où la criciquc des scolasriques s'arrête.

3. Les exemples précédencs moncreot combien la philosophie spinozienne est redevable à la scolasnque. Spino1.a esc capable de s'exprimer "à la manière de", il raisonne en usa ne de schémas que la tradition scolaire a rendu familiers, même lorsqu'il s'agit pour lui de réfuter cette mêm..: rradicion. Cependant, cerce fonction d'horizon, de réservoir d'arguments, deformn mmtis, pourrions- nous dire, el surrom d'adversaire accordée à la scolastique n'épuise pas coure la denc de Spinoza à son égard. La scolastique a aussi transmis à Spinoza des thèses de fond qu'il recueille fidèlement. Nous renterons de préciser ce rôle de médiation accompli par la scolastique à rravers la quesrion précise des genres de connaissance.

La question de l'origine de la dércrmination des genres de connaissance chez Spinoza est un sujet classique de la recherche spinozisce, au moins depuis les hyporhèses avancées par l larry Wolfson•7. Dans la division spinozienne des genres de connaissance, on rerrouve les carncrérisriques fondamentales du schéma proposé par Platon dans le livre VI de la République, et qui se présence sous la forme d'une ligne divisée en quatre segments. La description de la connaissance adéquate par Spinoza fair écho à la

dittnoia

et au

nous,

à savoir aux deux segmenrs qui composent la seconde parue de la ligne platonicienne, œlk dans laquelle prend place la connaissance incellectuelle. Mais la division de la connaissance intellectuelle en connaissance discursive cr en connaissance intuitive avait reçu la caution d'Arisrore, ec bénénci;iic donc d'un consensus plucôc large parmi les philosophes, ce qui explique, et justifie en parric, la multiplicité des sources proposées par Wolfson, ec par d'autres après lui. Quant i1 la connaissance

16 l. Lessius, Quinquaginta nomina Del, op. cit .• p. 27: «Simplex dicitur, 1. quia est expers omnis compasitionis, tam occidentariœ, quom essentialis : non enim est concretus ex corpore et anima. • Voir aussi F. Suarez, Disputationes Metaphysiœ. XXX. sect. 4, n. 15 : • Deus non est corpus, et wnsequenter neque habet compositionem ex partibus integrontibus : ha!c enim non est. nisi in corporibus et rebus quantis •·

17 H. A. Wolfson, La Philosophie de Spinoza, p. 502 sq. [~Il, p. 131 sq.~ Wolfson rassemblait une quantité énorme de sources possibles : philosophes juifs. Aristote, Averroès. Platon ainsi que de nombreux auteurs du Moyen Âge.

39

(12)

inadéquarc, si la ligne placonicienne était effecrivemenc à l'origine des genres de connaissance de Spinoza, die devrair corresponclrc aux deux premiers segments de la ligne, dans lesquels Platon avait rangé la connaissance des images des objets sensibles et la connaissance sensible. Pour sa part Spinoza, à partir du Traité de la Réforme de l'entendement, divise La connaissance inadéquaœ entre une connaissance par« ouï-dire" ou par« quelque signe» et une connaissance

«

par expérience vague >>'

8.

On peur rapporter ces deux cacégories aux images des objers- les signes-et à l'expérience sensible des objets donc il est question dans les premiers segments de la ligne platonicienne, parce que, comme l'hthique le précisera ultérieurement, le langage in ci ce l'esprit à former« des idées semblables à celles par lesquelles nous imaginons les choses»

19.

Mais à panir du Traité de la Réfonne de l'entendement, les genres de connaissance sont défmis aussi au moyen de l'exemple de la recherche du quatrième nombre proportionnel. Or. dans la connaissance inadéquace, le quatrième nombre esr crouvé soi c par généralisacion, 40 à partir du succès d'une opération - ou l'on retrouve l'expérience - soir par l'enseignement des maîtres. Même si l'ouï-dire peurêcre vu comme une reprise de la connaissance par images placonicienne - ec, comme nous l'avons vu, Le rexre del' Éthitjlll insiste sur le 1 ien en rre le langage ec les images des choses-, il reste à rendre compte du rapport entre l'enseignement des maîtres et les genres de connaissances visées par Plaron dans les deux premiers segments de la 1 igne.

La médiation scolastique explique le privilège accordé à l'enseignement d'un maître comme exemple d'un genre de connaissance qui relève de la sensibiüté par opposition à la connaissance incellccruclle. Lorsqu'il s'agissait, en effet, de déterminer Les différems genres de connaissance de Dieu, Henri de Gand avaic divisé cette connaissance en crois catégories :

Dico quod drca divi11tt differrmt credere, intel/igere etvidere. Credereenim est ttssentire verirati crrdibilis per intellectUm ex

h11bit11

fidei cum volunt11tis imperio, secundum modum quo r1portet credere doctori ornnem q1ti disât; qumutdmodum ille qui credü

sokm

eclipsari nunc, non h11bendo ad.hoc demonstmtio11em

q1111m

habetmagistermus, nrque vùlet oculis inrerpositioriem lunt.t inter nos et soient, sed sic esse tenet ex solo dicta magistri sui. lntelligere autem est cog11osccre 11/iq11id ex alio per discursrlm rtttionis, vel definil ivum lit!! syll11gistir11m, qtut!itt!f'

docwr

11.strowgus ime!/igit per

demomtrationem

mmc solem ecliptari, quod orulit non videt. Videre aurem inte!/ect1111Liter est oculo menti.s Deum ex nuda eius prœsmtia conspicere, quemadrnodum quis vider eclipsim oculis carnalibus 11idnuio luru1tn

positmn

inter nos et solem 20.

18 Spinoza, Traité de la Réforme de /'entendement,§ 19.

19 Spinoza, Eth., li, 40, scolie 2.

20 Henri de Gand, Quodlibet XII. éd.

J.

Decorte. qu<Estio 2, Leuven, Leuven University Press.

1987, p. 23-24.

(13)

Cc passage de Henri de Gand présence des

similitude~

frappances avec le rexce de Spinoza. Comme Henri de Gand, Sp!!toza ne distingue pas les genres de connaissance sdon l'objer que vise la connaissance mais selon la modalité de cerce connaissance. Le premier genre de connaissance, chei. Henri, est une connaissance à laquelle one recours ceux qui som démunis de démonstrations et qui n'ont comme seule source que la parole du maître (!!X solo dicto 1t/f/gism); chez Spinoi.a, dans le premier genre de connaissance" des marchands n'hésiterons pas à multiplier le second nombre par le troisième er à diviser le produir par le premier, parce qu'iJs n'onc pas encore laissé comber dans l'oubli cc qu'ils one appris de kurs maîtres sans nulk dhnorumuion •

21

Dans le seconde genre de connaissance, che-L Henri, l'asrronome s'appuie sur la démonsrration; chez Spinoza le second genre de connaissance a pour fondemem

«

la force de la démonsrracion •

22

Chez Henri, le rroisième genre de connaissance est une vision, de même chez Spi1101..a: «la relaàon même, que nous voyons d'un regard ,,

21.

Cédipse du soleil mentionnée dans le cexre de Henri a pour pendant, chez Spinoza, la recherche du quatrième nombre proporcionnel, mais Je schéma reste le même. Si Platon est présent dans le premier genre de connaissance d'Henri de Gand, ce n'est pas en raiwn d'une reprise exacte de l'idenrificarion avec la con naissance sensible mais en raison de la force d'un cerme employé par Platon pour

f;1

designer. celui de piJtis, la croyance. qui devient la foi en la parole d'un aurre.

l .a con naissance de second genre de Henri recevra de Duns Scot la qualification de connaissance• abscmcrive

~.et

lu connaissance du troisième genre, le« vidert"

dont Henri de Gand avair parlé, recevra, pour sa parc, le nom de« connaissance inruirive '" rerme recenu ulréricurcmenr par Spinoza

2•.

Malgré ce changement

21 Spinoza, Eth., Il, 40, scolie 2 (nous soulignons).

22 Ibid.

2) Ibid.

24 la connaissance que Duns Scot appelle« abstractive '" n'a rien à voir avec la connaissance que Spinoza appelle« abstraite•. la connaissance abstractive de Duns Scot fait abstraction de l'existence des choses. et. pour cette raison, elle n'est pas une connaissance sensible, mais une connaissance rationnelle et scientifique. C'est le genre de connaissance des sciences exactes. La connaissance abstraite de Spinoza, au contraire, Fait abstraction de ta rhtité éternelle et infinie

à

laquelle les choses appartiennent et elle est. par excellence.

connaissance inadéquate, sensible et Imaginative ; elle appartient donc au premier genre de connaissance. Voir Eth .. 1. 15. scolie: " la quantité est conçue par nous en deux manières: savoir abstraitement, c:'est·à-dire superficiellement, telle qu'on se la représente par l'imagination, ou comme une substance. ce qui n'est possible qu'à l'entendement • et Eth., Il. 45, scolie. Le genre de connaissance que Duns Scot appelle « abstractive • se retrouve, chez Spinoza, dans le second genre de connaissance et elle est. comme chez Scot. connaissance discursive. universelle et scientifique. Sur l'ensemble de ta question du rapporl entre ta théorie de la connaissance de Spinoza et celle élaborée par Duns Scot.

nous nous permettons de renvoyer à notre étude Angeli e beari. Mode/li di conoscenza da Tommaso a Spinoza, Roma/Bari. Laterza, 2oo6.

41

(14)

lexical, le schéma proposé par Henri de Gand connaî[ra un succès durable, la connaissance du premier genre conservant, CO[Jlme ce sera d'ailleurs encore le cas chez Spinoza, son caracrère de croyance en la parole d'un maître, celle du second genre celui de connaissance discursive e[ scientifique, er celle du troisième, enfin, cdui de vision par conracr direct avec son obje[. Oescarres y fera référence pour distinguer la connaissance de Dieu accessible, aux esprirs fmis et la connaissance inruitive de Dieu des bienl1eureux, qui appartient à la même carégorie que le

cogito :

«Cette connaissance n'est point un ouvrage de votre raisonnement, ni une instruction que vos mahres vous aient donnée;

vorre esprir la voir, la sent cr la manie ,.•s. Ce sont, là encore, les trois genres de connaissance que Henri de Gand avait dérerminés: la foi dans la parole des maîtres, le raisonnement, la vision.

Lorsqu'il propose la théorie dc;s genres de connaissance- quaue dans le Traité de Io Réforme de l'entendement, comme chez Platon, réduits à crois, comme chez 42 Henri de Gand, dans le Court Traité et dans l' Éthique- Spinoza revient à Pla con mais avec les transformations que les segments de sa fameuse ligne om subi à la suire des réflexions scolastiques sur la connaissance de Dieu. La connaissance qui n'est ni démonstrative ni vision directe est une coru1aissance que Platon n'avait pas envisagée mais que la scolasriquc avaic un intérêt profond à valoriser : la connaissance acquise par l'autorité d'un maître, celui qui, précisément, possède les démonsrracions ou la vision de la chose même.

25 Descartes à Silhon [?]. 1648 [?], A.1. V. 138. la description de la connaissance intuitive chez Descartes reprend les termes utilisés par Lessius. Voir L. Lessius. De summo bono et a?lerno beatitudine homlnîs /ibri quatuor, Antverpiœ, ex officina palatina 1616, p. 106:

«

Beotitudo [ ... ] est extrema et summo mentis perfectio, qua mens perfectissime Deo unitur, ipsumque perfectissime sentit et gustat, eiusque dulcedine perfruitur, oc proinde cognitionem per(ectlssimom postulat. Per(ectissima outem cognitio est clara visio, qua res ipso in se clore et distincte absque media cernitur tamquam prcesens. /taque beatitudo consistit in clora Dei visione »

et

p. 113 : « visib Dei

est

opprehensio et possessio summi boni. Nam vis/one veluti maous complexu apprehendimtJs, fimliter tenemus, et possidemus lpsum Deum tomquom bonum nostrum nabis od (ruendum dotum [ ... ]. Sicuti si summum bonum esset pecunio, possidere pecuniom, eamque videre et contrectore eo modo, ut inde summo voluptate officiotur. esset hominis beaûtudo »(nous soulignons).

Riferimenti

Documenti correlati

limitata per ˻montanella˼, ˻montagola˼ e infine, per contro, l’ampia diffusione, priva di soluzione di continuità, per ˻marmotta˼, aprono la strada ad un’ipotesi di

L’anaphore présente une affinité particulière avec la saillance pour plusieurs raisons : premièrement, au niveau verbal, il s’agit d’une figure par «

Si, pour Péguy, Bernard Lazare est un «athée ruisselant de la parole de Dieu», Jeanne est une mystique déruisselée de la Présence de Dieu (Ecoutons ça: «Sa gorge sèche et

Although the main marker in patients with chronic critical ill- ness is respiratory failure requiring prolonged mechanical ventilation, other clinical features are always present

Cette façon prudente de procéder peut sembler franchement peu astucieuse, mais elle doit être utilisée justement pour éviter de tomber dans des erreurs

In this study, we combined both aspects by analyzing the breakdown process and macroinvertebrate colonization of leaf bags containing leaves of different plant types in two nearby

En déduire la pulsation propre en fonction de g et a Déterminez une solution particulière de l’équation.. Tracer l’allure de la courbe de réponse en fonction de la

L’intérêt de l’exercice réside dans le calcul des termes de la série de Fourrier, qui permet de montrer que la convergence est très rapide si l’excitation est simple..