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Politique et idéologie dans un discours lexicographique pour enfants : l'exemple du Robert Junior, éditions de 1999 et 2012

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Politique et idéologie dans un discours lexicographique pour enfants : L’exemple du Robert Junior, éditions de 1999 et 2012

Patricia Kottelat

Università degli Studi di Torino patricia.kottelat@unito.it

Résumé

Cette étude se propose d’analyser le rapport entre dictionnaire et politique dans un ouvrage lexicographique destiné à des enfants de la tranche d’âge 8-12 ans, Le Robert Junior 1999, ainsi que l’évolution diachronique du discours en une décennie à travers la comparaison de la macrostructure et de la microstructure entre les éditions de 1999 et de 2012 afin de dégager la nature idéologique de ce dictionnaire et son orientation vers le politiquement correct.

Abstract

This paper aims to study the relationship between politics and lexicography in a dictionary for children Le Robert Junior 1999, through the analysis of macrostructures and microstructures, micro-narrative sequences and examples, in order to identify the ideological nature of this lexicographic discourse, and specifically the French republican identity image. Furthermore, the analysis of the two versions of Robert Junior, 1999 and 2012, shows its diachronic evolution towards a politically correct direction.

Introduction

Cette étude, qui s’inscrit dans le courant méthodologique de l’Analyse du discours, se propose d’analyser le rapport entre dictionnaire et politique dans un ouvrage lexicographique destiné à des enfants de la tranche d’âge 8-12 ans, Le Robert Junior 1999. L’analyse de la macrostructure et de la microstructure, en l’occurrence des énoncés définitoires et des exemples, consent de dégager l’image de la politique dans le dictionnaire, à travers le repérage des ruptures de circularité définitionnelle et des ambiguïtés discursives. En outre, les micro-séquences narratives proposées dans les exemples permettent d’identifier la nature idéologique de ce discours lexicographique, à savoir un ancrage dans une image identitaire républicaine spécifiquement française. Enfin, l’analyse des deux versions du Robert Junior 1999 et 2012 (désormais RJ 99 et RJ 2012) atteste une évolution diachronique sensible vers le politiquement correct, à travers l’atténuation des positions idéologiques véhiculées dans l’exemplification.

1.Image de la politique

politique : « n.f. Manière de gouverner un pays et de mener les relations avec les autres pays. Pendant la campagne électorale, les candidats expliquent quelle sera leur politique. Faire de la politique, s’occuper des affaires publiques. adj. 1. Qui concerne la manière de gouverner un pays. Un parti politique. Elle n’a pas les mêmes opinions politiques que son mari. 2. Les hommes et les femmes politiques, les personnes qui participent au gouvernement ou qui pourraient y participer. → aussi politicien.1 ».

Dans l’énoncé définitoire, la politique est définie par rapport au gouvernement du pays, évoquant les politiques intérieure et extérieure, sans toutefois les désigner comme telles. Cette définition que l’on pourrait qualifier de canonique s’inscrit parfaitement dans la lignée

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d’autres dictionnaires consultés : les éléments saillants par rapport à la politique se situeront donc au niveau de l’exemplification. En effet, dans un dictionnaire pour enfants, les exemples présentent un intérêt tout à fait particulier : alors que les dictionnaires pour adultes utilisent principalement des syntagmes neutralisés comme exemple, donc des fragments de discours tronqués, les dictionnaires d’apprentissage en revanche ont recours à des énoncés discursifs entiers, parfois glosés, ayant la fonction d’illustrer le sémantisme de l’entrée dans un environnement syntaxique permettant son réemploi2. Or, ces exemples entiers sont non seulement des discours mais ils constituent le plus souvent des micro-séquences narratives où le culturel et l’idéologique possèdent un potentiel d’actualisation majeur par rapport à un simple syntagme neutralisé. Ainsi, l’ancrage énonciatif qui dérive de l’emploi de déictiques et de possessifs, en tant que marques de la personne3, renforce l’effet de tangibilité et de véridicité de l’énoncé, contrairement au caractère abstrait et désincarné du syntagme neutralisé, comme dans les deux exemples suivants où les énoncés entiers véhiculent une idéologie patriotique en opposition à la neutralité des formules contenues dans les syntagmes : Nos valeureux soldats ont remporté une belle victoire4 vs de valeureux soldats5 ; ou encore :

Les troupes ennemies ont envahi notre territoire6 vs le territoire national français7 .

Les exemples mentionnant la politique en donnent une image qui est loin d’être neutre, car ils suggèrent un univers conflictuel sans toutefois en préciser la nature : en effet, elle suscite des débats d’idées (Ils ont discuté de politique pendant toute la soirée8 ; Ils ont recommencé leurs

éternelles discussions politiques9), provoque des prises de position (Ce parti politique a rallié

tous les mécontents10) et des dissensions (La politique est un sujet de discorde entre eux11 ; Ils

n’ont pas les mêmes idées politiques12 ; Elle n’a pas les mêmes opinions politiques que son

mari13 ), jusqu’à devenir un sujet tabou (Chez eux, la politique est un sujet tabou14) ou un objet de dérision désacralisé (Certains imitateurs parodient des hommes politiques15 ; Cet

imitateur parodie les hommes politiques16), pouvant même véhiculer des valeurs négatives (Les nombreuses volte-face d’un homme politique17)18.

Le lieu par excellence où se déroule la turbulence et les vicissitudes de la vie politique est incarné dans l’entité indistincte du parti, à travers des exemples en illustrant le

2 La lexicographie d’apprentissage est un domaine de recherche encore peu exploré, malgré les travaux fondateurs de la linguiste et lexicographe Josette Rey-Debove, auteure du dictionnaire extrêmement innovateur

Le Petit Robert des enfants en 1988, développant une réflexion très dense sur la spécificité des procédures

définitoires et de l’exemplification adressées aux enfants. Ces travaux sont repris par la metalexicographe A. Lehmann, et constituent des références incontournables en la matière. Cf. Rey-Debove (1988 ; 1989 ; 1993) ; Lehmann (1991 ; 1993 ; 2000 ; 2002), et également Rossi (2000 ; 2009).

3 « Les embrayeurs liés à la catégorie de la personne ne se limitent pas aux deux seuls couples je-tu et nous-vous ; il existe en effet une dépendance évidente entre ces personnes et certains adjectifs et pronoms possessifs, qui contiennent en réalité un de ces embrayeurs » (Maingueneau 1999 : 23).

4 RJ 99 : 1112. 5 RJ 2012 : 1141. 6 RJ 99 : 1062. 7 RJ 2012 : 1093. 8 RJ 99 : 313. 9 RJ 99 : 391. 10 RJ 99 : 895. 11 RJ 99 :312. 12 RJ 99 : 531. 13 RJ 99 : 833. 14 RJ 99 : 1044. 15 RJ 99 : 535. 16 RJ 99 : 773. 17 RJ 99 : 1142.

18 Dorénavant, nous adopterons la convention suivante pour le traitement des exemples, à savoir que le mot indiqué en caractère gras correspond à l’entrée.

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fonctionnement (Les partis politiques font de la propagande avant les élections19), ainsi que les heurs (Ce parti politique se flatte de son homogénéité20) et malheurs (Les dissidents ont

fondé un nouveau parti21 ; Un désaccord a provoqué la scission de leur parti22; Ce parti

politique se sclérose23 ; Le parti a perdu des sièges à l’Assemblée nationale24). Ces vicissitudes du parti s’inscrivent dans le processus démocratique des débats parlementaires à l’Assemblée nationale (Ce parti est majoritaire à l’Assemblée nationale25 ; L’Assemblée

nationale n’a pas voté la motion rédigée par un député de l’opposition26) où apparaît le premier clivage opposition/majorité27, sous-tendu à son tour par le clivage droite/gauche. 2. Les clivages

2.1 Le clivage droite/gauche

droite : « La droite, c’est l’ensemble des personnes qui ont des idées conservatrices en politique. contr. gauche. »28

gauche : « Ensemble de personnes qui ont des idées avancées et veulent le progrès en politique et dans la société. contr. droite. Un homme de gauche. »29.

Les traits sémiques reposent sur l’antagonisme idées conservatrices vs idées avancées ainsi que sur le terme de progrès pour la gauche. Outre la dissymétrie des deux définitions, il convient de noter que la définition de gauche possède deux traits distinctifs supplémentaires par rapport à la droite (« et veulent le progrès en politique et dans la société ») et un exemple sous forme de syntagme neutralisé dont la fonctionnalité est peu pertinente (on aurait tout aussi bien pu donner l’exemple un homme de droite). Si l’on consulte les définitions de avancé (« Il a des idées avancées, très modernes, d’avant-garde, contraires : archaïque, rétrograde »30) et de progrès (« Le progrès, l’évolution de la civilisation, qui doit rendre la vie plus facile, plus agréable »31), on constate un brouillage sémantique causé par le renvoi à ces notions qui se situent dans une axiologie positive mais qui sont privées de contenus politiques. Pour tenter de dissiper ce flou définitionnel, il est nécessaire de chercher dans les renvois synonymiques respectifs d’ultérieurs traits distinctifs.

Pour la droite, nous analyserons d’abord le trait distinctif conservateur : « Personne qui, en politique, veut garder les choses telles qu’elles sont. Les conservateurs sont contre le changement.– Adj. Il a des idées très conservatrices.→ aussi réactionnaire. Contraire progressiste »32. Alors que conservateur fait partie de l’aire sémantique de la droite, aucune mention dans cette définition ne fait état de l’appartenance idéologique des conservateurs : il y a donc une rupture de la circularité33. En examinant le renvoi synonymique réactionnaire

19 RJ 99 :868. 20 RJ 99 : 522. 21 RJ 99 : 315. 22 RJ 99 : 980. 23 RJ 99 : 980. 24 RJ 99 : 995. 25 RJ 99 : 638. 26 RJ 99 : 696.

27 Opposition : « L’opposition, l’ensemble des personnes qui ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement. » (RJ 99 : 743) Exemples : ce politicien appartient à l’opposition (RJ 99 : 833), les leaders de

l’opposition (RJ 99 :608), un député de l’opposition a écrit un pamphlet contre le gouvernement (RJ 99 : 761).

28 RJ 99 : 326. 29 RJ 99 : 470. 30 RJ 99 : 73. 31 RJ 99 : 865. 32 RJ 99 : 211.

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(« Qui s’oppose au progrès »34), nous retrouvons la notion de « progrès » qui renvoie au trait distinctif de la définition de « gauche » : la circularité est donc rétablie par le renvoi au clivage droite/gauche mais toujours sans mention d’appartenance idéologique. Ce double phénomène de circularité (renvoi au clivage droite/gauche) et de rupture de circularité (conservateur/réactionnaire sans mention de droite) contribue à accroître le flou définitionnel autour des deux grandes entités idéologiques, dont le caractère dichotomique est clair mais dont les contenus restent opaques et relèvent du non-dit. Pour la gauche, la même démarche de consultation du trait distinctif progrès nous mène à l’entrée progressiste, définie ainsi : « Qui est favorable au progrès, aux réformes dans la société. Cet homme politique a des idées progressistes. Contraire rétrograde »35. La circularité est ici rétablie avec la définition de

gauche. Ainsi, la rupture de circularité concerne la droite, alors que la gauche est cohérente dans la circularité définitionnelle : ce phénomène constitue à notre sens une ambiguïté discursive36 qui, cumulée à la disparité de traitement entre les deux entrées, à la dissymétrie des énoncés et à la présence d’axiologie positive pour l’aire sémantique de la gauche, tendrait à suggérer une valorisation implicite de cette dernière.

Enfin, alors que la droite n’apparaît pas dans l’exemplification, deux exemples indiquant l’appartenance à la gauche, aux entrées électorat et parti (Il appartient à un parti de gauche37;

La majorité de l’électorat de gauche a voté non au référendum38), évoquent un parti de gauche non identifié restant donc une entité indistincte, ce qui nous amène au problème de l’identification des principaux courants idéologiques39.

2.2 Les courants idéologiques

Les courants idéologiques mentionnés dans le texte lexicographique sont représentés par les anarchistes, les écologistes, les royalistes, les autonomistes et les séparatistes40. Cependant ce sont principalement les définitions41 des trois grands blocs idéologiques suivants qui retiennent notre attention :

33 « Les renvois (…) tissent des liens d’une entrée à une autre dans le dictionnaire, formant ainsi des trajets de l’information. Dans les domaines marqués par l’idéologie, ces parcours présentent toutes sortes de rupture et de décrochements. Encore faut-il les découvrir car ce lieu se dérobe à l’observation immédiate. On peut y aboutir en procédant de deux façons : soit l’on retrace une chaîne informative par l’utilisation prolongée du dispositif des renvois afin de vérifier si l’élucidation de la définition choisie au départ est favorisée : tous les faits de discontinuité peuvent être la marque de l’idéologie. Soit on établit la forme générale des renvois à l’intérieur d’un ensemble de mots (reliés thématiquement) pour faire apparaître les phénomènes de disjonction, dont l’analyse peut révéler la nature idéologique ». Lehmann (89 : 110). Sur la portée idéologique des renvois et des ruptures de circularité, voir aussi Beaujot 89.

34 RJ 99 : 904. 35 RJ 99 : 866.

36 Nous adopterons la notion d’ambiguïté discursive telle qu’elle a été définie par P. Charaudeau:

«En analyse du discours, on peut parler d’ambiguïté discursive lorsqu’elle porte non pas sur le sens des mots du lexique ou de la construction phrastique, mais sur le sens implicite. En effet, un même énoncé peut avoir une signification différente selon l’inférence que l’on est conduit à produire pour l’interpréter.» (Charaudeau 2002 : 33).

37 RJ 99 : 775. 38 RJ 99 : 345.

39 On remarquera l’absence de mention de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche, ainsi que la présence de l’entrée extrémiste : « Personne qui a des opinions politiques extrêmes, sans modération. L’attentat a été

commis par des extrémistes. ».

40 Anarchiste : « Partisan d’un système politique où il n’y a plus de gouvernement et où les individus s’organisent eux-mêmes pour prendre les décisions » ; écologiste :« Personne qui est engagée dans la protection de la nature et de l’environnement. Les écologistes protègent les animaux en voie de disparition ; les écologistes

prêchent le respect de la nature »; royaliste : « Partisan de la monarchie. C’est une royaliste convaincue. Les royalistes veulent restaurer la monarchie »; autonomiste : « Personne qui réclame l’autonomie de sa région →

séparatiste »; séparatiste : « Personne qui réclame la séparation d’avec un pays, l’autonomie d’une région. → autonomiste, indépendantiste. Les séparatistes provoquent des troubles dans le pays »; indépendantiste : « Partisan de l’indépendance d’une région, d’un pays ».

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communisme : « Organisation d’un pays où les terres, les usines et toutes les richesses appartiennent à l’Etat. .→ aussi socialisme. contr. Capitalisme. »42

capitalisme : « Organisation d’un pays où la plupart des terres, des usines et des richesses appartiennent à des personnes et non à l’Etat. Les communistes sont contre le capitalisme. »43 socialisme : « Doctrine de ceux qui sont partisans d’améliorer le sort des gens les plus modestes et veulent rendre la société plus juste en faisant passer l’intérêt collectif avant les intérêts particuliers. → aussi communisme. »44.

Le fort clivage communisme/capitalisme est patent, de par la symétrie des énoncés définitoires et du système antonymique. Mais c’est surtout la dissymétrie entre socialisme et communisme qui est frappante ici : alors qu’ils font l’objet d’un renvoi synonymique réciproque, nous constatons d’une part une disparité de nature sémantique entre communisme, défini comme organisation selon des critères économiques, et socialisme, défini comme doctrine selon des critères idéologiques qui introduisent la notion de justice sociale, se situant ainsi dans une axiologie positive et suggérant de nouveau une valorisation de façon implicite. Il convient enfin de remarquer que leur appartenance idéologique à la gauche n’est pas mentionnée, indice d’un ultérieur flou définitionnel.

3. De la représentation explicite de la politique à la représentation implicite d’une idéologie

3.1 La stigmatisation du totalitarisme

Contrairement aux phénomènes d’ambiguïté constatés au niveau des clivages précédents, tout ce qui concerne les courants idéologiques de type totalitaire est clairement marqué par une stigmatisation patente. Celle-ci ne s’opère pas tant au niveau des énoncés définitoires que dans l’exemplification. En effet, toute une série de micro-séquences narratives met en scène le scénario récurrent du peuple opprimé se soulevant contre la figure du dictateur et du tyran. Ces exemples constituent dans quelques cas de véritables séquences narratives qui se déroulent sur deux entrées successives : par exemple, conjurer et conjuration : Les conjurés ont préparé un attentat contre le dictateur ; La conjuration a été découverte45; ou encore se

soulever et soulèvement : Le peuple se souleva contre le dictateur ; Le soulèvement du peuple fut sévèrement réprimé46.

Cette stigmatisation est également repérable dans la modalisation opérée sur certains exemples47, comme l’emploi de l’adverbe modalisateur trop (par exemple, oppresseur : « Personne qui exerce une autorité trop grande 48» ou opprimer : « Ecraser sous le poids d’une autorité trop grande et injuste 49»), ainsi que par l’utilisation de sémantismes marqués par une axiologie négative (par exemple cruel, absolu dans l’exemple suivant : tyrannie :

41 Ces courants idéologiques figurent également dans les exemples suivants : Les communistes réclament le

partage des richesses ; les gros capitalistes possèdent beaucoup d’argent ; les socialistes ont remporté les élections ; un partisan du socialisme. Le président socialiste F. Mitterand apparaît à l’entrée septennat mais sans

mention d’appartenance politique : Le président de la République française F. Mitterand a effectué deux

septennats. 42 RJ 99 : 196. 43 RJ 99 : 142. 44 RJ 99 : 1004. 45 RJ 99 : 209. 46 RJ 99 : 1014.

47 « Certains genres de discours excluent la présence d’appréciations (rapport de police, dictionnaire, articles scientifiques), ce qui donne un statut particulier à celles qui y figurent ». (Maingueneau2002 : 53).

48 RJ 99 : 743. 49 RJ 99 : 744.

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« gouvernement absolu et cruel 50»). L’on pourrait objecter que tous ces exemples réitérés de lutte contre la tyrannie sont, somme toute, des exemples attendus (ou phrase attendue pour reprendre la formule de Josette Rey-Debove)51 puisqu’ils sont logiquement associés à l’aire sémantique de l’entrée ; cependant, c’est justement leur élaboration discursive en exemple syntaxiquement complet, et non en syntagme neutralisé, qui constitue leur intérêt, ainsi que leur récurrence tout au long du texte lexicographique52.

3.2 La valorisation des valeurs républicaines

Cette stigmatisation des régimes totalitaires et la représentation récurrente du soulèvement du peuple induisent implicitement une valorisation de la stabilité politique dont la démocratie est garante, démocratie incarnée dans le discours lexicographique par les valeurs républicaines. C’est l’image d’une France démocratique qui ressort de l’exemplification, terre d’asile des réfugiés politiques privés de la liberté d’opinion dans leur pays, ainsi que l’illustre la séquence narrative suivante où l’emploi du possessif notre constitue un ancrage identitaire national :

Il a été contraint à l’exil pour échapper à la police de son pays 53; Les militaires qui ont pris le pouvoir ont exilé les opposants ; Ces révolutionnaires ont dû s’exiler ;

Des exilés politiques ont demandé asile à notre pays ; Ces opposants politiques ont dû fuir leur patrie54; Des réfugiés politiques ont demandé asile à la France55.

Une image de la France terre des droits de l’homme apparaît en outre dans les exemples suivants :

50 RJ 99 : 1102.

51 « Les exemples ne viennent pas directement d’un corpus, mais de la réflexion d’un rédacteur pour produire une phrase attendue avec le mot en question. Une phrase attendue est une phrase qui vient naturellement à l’esprit dans une situation courante. » (Rey-Debove 1988 : XI).

52 Nous reproduisons ici des exemples tirés du RJ 99 qui constituent une série de micro-séquences narratives illustrant l’instabilité politique sous toutes ses formes, guerre civile, terrorisme, révolution et coup d’état militaire : Le chef de l’État a échappé à un attentat ; Les terroristes avaient caché une bombe à retardement

dans une valise ; Le complot contre le Président a échoué ; Des révolutionnaires complotèrent pour renverser le roi ; Les conjurés ont préparé un attentat contre le dictateur ; La conjuration a été découverte ; Les révolutionnaires conspiraient pour renverser le roi ; Les conspirateurs tenaient une réunion secrète ; La conspiration a échoué ; Des révolutionnaires ont déposé le Président ; L’assassinat du Président a jeté le pays dans le désarroi ; Ce pays a lutté pour obtenir son émancipation ; Le dictateur s’est emparé du pouvoir ; Le gouvernement a été renversé par un coup d’état ; Un fanatique a tenté d’assassiner le Président ; Des rebelles ont fomenté des troubles dans le pays ; Le terroriste a lancé une grenade sur la voiture du Président ; L’armée

a impitoyablement réprimé la révolte ; L’armée a durement réprimé l’insurrection ; Le tyran règne en maître

absolu ; L’armée a maté les rebelles ; Les terroristes ont piégé une voiture ; Le colis piégé a explosé ; Des terroristes ont plastiqué la villa du ministre ; Ce pays est une véritable poudrière, il risque de s’y passer des choses très violentes ; Il y a eu un coup d’état et les militaires ont pris le pouvoir ; Le dictateur a pris le pouvoir ; Ils ont organisé une expédition punitive contre les rebelles ; Le gouvernement a été renversé par un putsch militaire ; Des troupes rebelles entourent le palais présidentiel ; Le gouvernement a mis fin à la rébellion ; La reddition du chef des rebelles a mis fin à la guerre ; Les militaires ont renversé le gouvernement ; L’armée a durement réprimé la révolte ; Le peuple se révolta contre le tyran ; L’armée a durement réprimé la sédition ; Ces peuples sont maintenus dans la servitude ; L’armée a soumis les rebelles ; Des dictateurs tout-puissants se sont succédé à la tête du pays ; Le gouvernement refuse de traiter avec les rebelles ; Les conspirateurs ont tramé un attentat ; Les terroristes refusent de transiger ; Les terroristes ont adressé un ultimatum au gouvernement.

53 RJ 99 : 403. 54 RJ 99 : 782. 55 RJ 99 : 916.

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L’esclavage a été aboli en France en 1848 56;

L’abolition de la peine de mort en France date de 1981; La France a aboli l’esclavage dans ses colonies en 184857 ; La peine de mort a été abolie en France en 198158.

Par ailleurs, la présence récurrente de la Révolution française dans les exemples renvoie à une tradition fortement ancrée dans la mémoire collective française où le passé se perpétue dans la configuration actuelle des institutions et des valeurs républicaines. En effet, le dictionnaire révèle un fort ancrage dans cette culture identitaire, en présentant le fonctionnement des institutions ainsi que les figures institutionnelles, notamment celles du maire et du Président de la République, dans de nombreux exemples, la plupart de nature inattendue59. En outre, l’exemplification présente tous les symboles de l’image identitaire républicaine figurant dans l’article 2 de la Constitution60.

La Marseillaise occupe les 4 entrées couplet, chant, patriotique, national mais n’apparait plus à l’entrée hymne dans l’édition 201261.

Les trois couleurs sont mentionnées dans les entrées drapeau, tricolore et écharpe, et également dans l’iconographie : en effet, l’entrée pavoisé reproduit le célèbre tableau de Monet, La Rue Montorgueil, (rue entièrement ornée de drapeaux français) qui constitue une

hyperbole du tricolore que l’on retrouve également dans l’iconographie de l’entrée phrygien ; quant à la devise de la République, elle figure aux entrées devise et égalité62.

Deux autres aspects rentrent dans la mythologie républicaine : la commémoration et la décoration. C’est le 14 juillet qui représente la commémoration de la République par antonomase, présent dans 18 exemples63. On trouvera également deux références à l’armistice du 11 novembre aux entrées célébrer et novembre64. Enfin, la décoration par excellence est la Légion d’honneur, présentée dans les entrées décoration, décorer, flatter, honorer, légion, rosette65.

Les valeurs reposant sur les principes de 89 ainsi que l’instauration du régime républicain sont réitérés dans les exemples suivants :

56 RJ 99 : 3. 57 RJ 99 : 384. 58 RJ 99 : 787.

59 Le texte lexicographique présente une multitude d’exemples inattendus, donc indices d’un choix idéologique de la part du lexicographe, tels que : Le maire a souhaité beaucoup de bonheur aux jeunes marié ; le maire a eu

un mot gentil pour tous ses adjoints ; Le Président a conclu son discours en disant : Vive la France ! » ; Il se voit déjà président de la République, il est complètement mégalomane. Pour une étude détaillée sur l’ancrage

identitaire du dictionnaire, cf. Kottelat 2010.

60 « La langue de la République est le français, l’emblème national est le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge, l’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. »

61 La Marseillaise a sept couplets ; la Marseillaise est un chant patriotique ; la fanfare joue l’hymne national ;

la Marseillaise est un chant patriotique. Alors qu’en 1999 la Marseillaise figurait aussi à l’entrée hymne, en

2012 elle est remplacée par la Brabançonne : La Brabançonne est l’hymne national belge.

62 “Liberté, égalité, fraternité” est la devise de la France ; “Liberté, égalité, fraternité” est la devise de la

République française.

63 Entrées apothéose, bal, commémorer, défilé, embraser, émerveiller, feu d’artifice, flonflons, festivités,

insurger, motorisé, parade, pavoisé, prise (avec iconographie), retraite aux flambeaux, revue, terminer, traditionnel.

64 Le 11 novembre, on célèbre l’armistice de 1918.

65 Les exemples de ces entrées sont les suivants : La Légion d’honneur et la médaille du Travail sont des

décorations ; il a été décoré de la Légion d’honneur ; il a été flatté de recevoir la Légion d’honneur ; le président a honoré ce savant en lui remettant la Légion d’honneur ; la Légion d’honneur, c’est une décoration que l’on reçoit en France en récompense des services que l’on a rendu au pays ; il a la rosette de la Légion d’honneur.

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La France est devenue une République en 1792. Le président de la République française est élu au suffrage universel (iconographie Le Triomphe de la République)66;

Les institutions françaises sont républicaines; La République française fut instaurée en 179267;

En France, la Ve République fut instituée en 1958 par le général de Gaulle68; En France, le président de la République est élu au suffrage universel69; Jusqu’en 1789, la France a vécu sous un régime monarchique70;

Dans une démocratie le peuple est souverain71;

Dans une démocratie le peuple exerce sa souveraineté .

En outre, l’illustration des institutions républicaines s’appuie également sur l’école obligatoire :

L’école obligatoire jusqu’à 16 ans est une institution française72; En France, l’instruction est gratuite et obligatoire73;

L’école est gratuite et obligatoire pour tous les enfants74; En France, la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans75.

Ces exemples possèdent un double ancrage, d’une part dans l’univers référentiel des enfants et d’autre part dans ce qui fut le cheval de bataille de la IIIe République avec Jules Ferry et la loi sur l’enseignement laïc en 1881. A cet égard, notons la disparition de la laïcité, ce qui constitue le seul élément de rupture du dictionnaire avec la tradition républicaine.

4. Evolution diachronique du texte lexicographique 1999-2012

Les modifications opérées sur le texte lexicographique en une décennie sont repérables à deux niveaux. Dans la macrostructure, elles concernent l’adjonction des deux entrées idéologie et phrygien76, ainsi que l’élimination de l’entrée franc-maçon77. De plus, l’iconographie représentant une redondance visuelle du tricolore dans les entrées dévoiler, inauguration, mairie, monument aux morts et révolte78 est éliminée. Quant à la microstructure, les modifications portent aussi bien sur les énoncés définitoires que sur les exemples.

4.1 Les énoncés définitoires

66 RJ 99 : 936. 67 RJ 99 : 565. 68 RJ 99 : 565. 69 RJ 99 : 1031. 70 RJ 99 : 917. 71 RJ 99 : 1019. 72 RJ 99 : 566. 73 RJ 99 : 566. 74 RJ 99 : 730. 75 RJ 99 : 980.

76 Idéologie : « Ensemble des idées et des croyances qui inspirent les actes d’un groupe de personnes. L’idéologie d’un parti politique »; Phrygien : « Le bonnet phrygien, c’est le bonnet rouge qui était porté par les révolutionnaires de 1789. Le bonnet phrygien est l’emblème de la République française ».

77 RJ 1999 : Franc-maçon : « Personne qui fait partie d’une association, en partie secrète, d’entraide et de solidarité, la franc-maçonnerie »

78 Dans la version de 1999, l’iconographie est principalement constituée de dessins, contextualisés ou décontextualisés, remplacés en 2012 par des photographies, sans doute par souci de modernité eu égard au caractère suranné des précédentes illustrations. Les entrées dévoiler et inauguration représentent le maire muni de son écharpe tricolore dans l’exercice de ses fonctions, les entrées mairie et monument aux morts sont iconographiées par des dessins comportant le drapeau français, alors que l’entrée révolte présente La liberté

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Ces modifications sont d’ordre formel puisqu’elles se situent au niveau des symétries et/ou dissymétries des énoncés définitoires79, de l’emploi d’exemples glosés, des changements de cadre énonciatif et les déictiques, ou encore de la forme syntaxique de l’énoncé définitoire ; ces transformations de type formel ont cependant une incidence sur le sémantisme des entrées qu’elles illustrent et dont voici quelques exemples emblématiques.

Ainsi, en ce qui concerne le clivage droite/gauche, nous constatons une modification de la définition de doctrine, terme qui, rappelons-le, qualifiait le socialisme :

doctrine : 1999 : « La doctrine politique d’un parti, c’est l’ensemble des grandes idées qu’il défend »80; 2012 : « Ensemble des idées que l’on pense être vraies et que l’on défend »81. Outre le passage d’un exemple glosé à un énoncé définitoire traditionnel, la substitution du syntagme grandes idées par la proposition que l’on pense être vraies et que l’on défend équivaut ici à l’élimination de l’axiologie positive présente en 1999 et totalement remaniée et nuancée en 2012. De la même façon, l’entrée progressiste, faisant partie de l’aire sémantique de la gauche, est en 1999 un exemple glosé comportant le trait sémique pour que la société soit plus juste, reprenant la notion de justice sociale associée à l’aire sémantique de socialisme ; en 2012, la transformation formelle se situe dans le passage d’un exemple glosé à une définition classique, où la disparition du syntagme pour que la société soit plus juste affecte le sémantisme de l’entrée par élimination de la connotation positive :

progressiste : 1999 : « Cet homme politique a des idées progressistes, il est favorable au progrès et veut faire des réformes pour que la société soit plus juste »82;

2012 : « Qui est favorable au progrès, aux réformes dans la société. Cet homme politique a des idées progressistes. Contraire : rétrograde »83.

Il semble donc que l’axiologie positive dans laquelle se situe l’aire sémantique de la gauche soit beaucoup plus marquée en 1999 qu’en 2012, ce qui tendrait à corroborer l’hypothèse d’un recul de la valorisation de la gauche en une décennie.

Par ailleurs, en ce qui concerne la stigmatisation des totalitarismes, nous relevons une modification sensible des définitions de nazisme, nazi et fasciste :

nazisme : 1999 : « Doctrine du dictateur allemand Hitler. Le nazisme est fondé sur le racisme, dirigé surtout contre les Juifs, et il encourage la violence et la guerre »84 ;

2012 : « Doctrine du dictateur allemand Hitler. Le nazisme était fondé sur le racisme, tout spécialement l’antisémitisme »85 ;

nazi : 1999 : « Membre du parti du dictateur allemand Hitler. Les nazis ont commis des crimes atroces pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous le régime nazi, six millions de juifs ont été exterminés» ;

2012 : « Membre du parti du dictateur allemand Hitler. Les nazis voulaient exterminer tous les juifs» ;

79 Par exemple, dans le RJ 1999 les définitions de droite et gauche présentent une plus grande symétrie formelle par rapport à 2012 et d’où ressort davantage la dichotomie : droite : « La droite, c’est l’ensemble des personnes qui ont des idées conservatrices en politique et dans la société » ; gauche : « La gauche, c’est l’ensemble des personnes qui ont des idées avancées et veulent le progrès en politique et dans la société. »

80 RJ 99 : 318. 81 RJ 2012 : 326. 82 RJ 99 : 866. 83 RJ 2012 : 885. 84 RJ 99 : 712. 85 RJ 2012 : 729.

(10)

fasciste : 1999 : « Partisan du fascisme. La lutte contre les fascistes. – Adj. Il a des idées fascistes, il est autoritaire et partisan de la violence »86 ;

2012 : « Il a des idées fascistes, qui appartiennent au fascisme »87.

Il convient de remarquer le passage du présent à l’imparfait pour le nazisme qui suggère l’idée d’une idéologie désormais révolue, malheureusement contredite par l’actualité, ainsi qu’une axiologie négative nettement plus marquée en 1999, et par conséquent une relative euphémisation de la stigmatisation des totalitarismes en 2012.

4.2 L’exemplification

Des phénomènes d’euphémisation sont également observables dans les exemples au niveau de trois réseaux thématiques du texte lexicographique.

Nous constatons tout d’abord une certaine modération de l’ancrage républicain en ce qui concerne les principes de 89, en particulier de la liberté de presse et d’opinion, dont voici un échantillon emblématique:

1999 : « Ce régime est favorable à la suppression de la liberté de la presse »88; 2012 : « Les syndicats s’opposent à la suppression d’emplois »89;

1999 : « Il a renié ses opinions par peur d’être emprisonné »90; 2012 : « Il a renié son passé »91.

Ensuite, nous trouvons une diminution des micro-séquences narratives de lutte et de révolte, comme dans les exemples suivants :

1999 : « Les rebelles se sont rendus car ils n’avaient plus de munition »92 ; 2012 : « Les cartouches, les obus sont des munitions »93;

1999 : « Les opposants fomentent un complot »94; 2012 : « Les opposants à la réforme manifestent »95;

1999 : « Le ministre a parlementé avec le chef des rebelles »96; 2012 : « Le joueur parlemente avec l’arbitre »97.

Enfin, le phénomène le plus remarquable réside en une nette réduction des exemples de nature patriotique quant à l’illustration de la défense de la patrie qui sous-tend l’imaginaire républicain, caractérisés en 1999 par l’emploi réitéré du possessif notre :

1999 : « Il a été brave pendant la guerre »98 ; 2012 : « Des soldats braves »99 (syntagme neutralisé) ;

1999 : « Il a été d’une grande bravoure pendant la guerre » ; 2012 : « Les pompiers ont été félicités pour leur bravoure »;

86 RJ 99 : 416. 87 RJ 2012 : 429. 88 RJ 99 : 1035. 89 RJ 2012 : 1065. 90 RJ 99 : 928. 91 RJ 2012 : 948. 92 RJ 99 : 703. 93 RJ 2012 : 717. 94 RJ 99 : 743. 95 RJ 2012 : 760. 96 RJ 99 : 773. 97 RJ 2012 :788. 98 RJ 99 : 119. 99 RJ 2012 : 123.

(11)

1999 : « Un monument a été élevé à la gloire des soldats morts pour leur patrie, a été élevé en leur honneur »100; 2012 : « L’Arc de Triomphe a été élevé à la gloire de la Grande Armée »101 ;

1999 : « Ces soldats ont eu une mort glorieuse » ; 2012 : « La glorieuse carrière d’un champion » ;

1999 : « Notre pays a gagné la guerre grâce au courage de nos soldats »102; 2012 : « Les pompiers ont eu beaucoup de courage »103;

1999 : « L’ennemi a occupé notre pays, il l’a envahi et en a pris possession »104 ; 2012 : « L’armée allemande a occupé la France pendant la Seconde Guerre Mondiale »105;

1999 : « Les troupes ennemies ont envahi notre territoire »106; 2012 : « Le territoire français »107 (syntagme neutralisé) ;

1999 : « Notre armée a vaincu l’ennemi »108 ; 2012 : « Notre équipe a vaincu les champions »109;

1999 : « Nos valeureux soldats ont remporté une belle victoire »110; 2012 : « De valeureux soldats »111 (syntagme neutralisé) .

La substitution de la figure du soldat par celles du sportif et du pompier (effet post 11 septembre ?) est emblématique du glissement conceptuel du texte lexicographique en une décennie vers le politiquement correct qui s’exprime par un phénomène global d’atténuation et d’euphémisation de positions idéologiques auparavant très marquées aussi bien pour la valorisation implicite de l’aire sémantique de la gauche que pour l’ancrage républicain et la condamnation des totalitarismes. Ajoutons une dernière précision sur l’évolution diachronique du dictionnaire. Dans la version 1999 les exemples bellicistes et patriotiques côtoyaient une multitude d’exemples clairement ethnocentristes, éliminés ou euphémisés en 2012 :

1999 : « Heureusement, les idées racistes sont minoritaires en France »112 ; 2012 : « Un groupe politique minoritaire »113;

1999 : « La France est un pays évolué, civilisé »114; 2012 : « Les pays évolués »115;

1999 : « La France entretient des relations pacifiques avec ses voisins, des relations qui se passent dans la paix »116; 2012 : « Ce pays entretient des relations pacifiques avec ses voisins »117;

1999 : « Cet écrivain a beaucoup fait pour le rayonnement de la langue française dans le monde »118 ; 2012 : « Le rayonnement de la langue française dans le monde »119;

100 RJ 99 : 483. 101 RJ 2012 : 494. 102 RJ 99 : 236. 103 RJ 2012: 241. 104 RJ 99 : 733. 105 RJ 2012 : 749. 106 RJ 99 : 1062. 107 RJ 2012 : 1093. 108 RJ 99 : 1110. 109 RJ 2012 : 1141. 110 RJ 99 : 1112. 111 RJ 2012 : 1141. 112 RJ 99 : 681. 113 RJ 2012 : 695. 114 RJ 99 : 397. 115 RJ 2012 : 409. 116 RJ 99 : 757. 117 RJ 2012 : 773. 118 RJ 99 : 904. 119 RJ 2012 : 922.

(12)

1999 : « La cuisine française est renommée dans le monde entier »120; 2012 : « La cuisine française est renommée »121.

Conclusion

Malgré les ambiguïtés et les non-dits qui entourent la politique et les idéologies, l’orientation du dictionnaire s’inscrit dans le politiquement correct, puisqu’il condamne clairement les totalitarismes et qu’il valorise la démocratie, véhiculant ainsi une idéologie, celle des valeurs républicaines, bien qu’euphémisées en une décennie. En outre, cette orientation vers le politiquement correct est attestée par l’évolution diachronique du texte lexicographique à travers l’atténuation de positions ethnocentristes et patriotiques représentées dans les exemples, ainsi que dans ceux qui suggèrent une tendance belliciste. De la même façon, elle se remarque dans le phénomène d’atténuation de la position sympathisante envers la gauche, puisqu’on note un recul de sa valorisation à travers la disparition de l’axiologie positive qui lui était auparavant associée : tous ces éléments discursifs induisent donc une plus grande neutralité du discours lexicographique, se déplaçant ainsi vers le politiquement correct. Cependant, il nous semble légitime de nous interroger sur la pertinence de ces représentations de la politique adressées à des enfants qui, semblant s’apparenter au premier abord à une sorte d’éducation civique, opèrent en réalité un brouillage sémantique dû au flou définitionnel, dont la portée est potentialisée par le fait que les mini-consultants ne bénéficient pas encore, contrairement aux adultes, de filtres cognitifs leur permettant de repérer ces ambiguïtés et que les énoncés sont reçus sans médiation, dans leur sens plein.

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120 RJ 99 : 929. 121 RJ 2012 : 949.

(13)

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Riferimenti

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