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Le “nucléaire écologique” : l’oxymore du greenwashing dans le discours publicitaire des compagnies nucléaires

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Academic year: 2021

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Università degli Studi di Modena e Reggio Emilia D

IPARTIMENTO DI STUDI LINGUISTICI E CULTURALI

C ORSO DI L AUREA M AGISTRALE IN

L ANGUAGES FOR COMMUNICATION IN INTERNATIONAL ENTERPRISES AND ORGANIZATIONS

Le “nucléaire écologique” : l’oxymore du greenwashing dans le discours publicitaire des compagnies nucléaires

françaises

Prova finale di:

Alessia Massolo Relatore:

Chiara Preite

Correlatore Silvia Modena

Anno Accademico 2017-2018

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : L’analyse du discours publicitaire comme entité pragmatique et procédé argumentative ... 3

1.1. Le cadre théorique : l’analyse du discours ... 4

1.1.1. La théorie des actes de langage de Austin ... 6

1.2. L’argumentation ... 7

1.3. La relation entre l’argumentation et la rhétorique ... 10

1.3.1. Les genres rhétoriques ... 11

1.3.2. Les composantes de la rhétoriques ... 12

1.4. Le texte publicitaire : le slogan et le lexique ... 14

1.4.1. Les stratégies rhétoriques de l’élocution ... 17

CHAPITRE 2 : La communication publicitaire et le greenwashing dans le nucléaire ... 19

2.1. La théorie de la communication et le contexte du discours publicitaire ... 20

2.1.1. Le référent ... 21

2.1.2. Le destinataire ... 22

2.1.2.1. Le destinataire du secteur nucléaire ... 22

2.1.2.2. Le poids des contestateurs ... 24

2.2. Les stratégies marketing appliquées à la communication : la copy-stratégie ... 26

2.3. Le greenwashing : définition et histoire du greenwashing ou éco-blanchiment ... 28

2.3.1. Les conséquences du greenwashing ... 30

2.3.2. Les tendances communicatives du greenwashing ... 33

2.3.3. Les stratégies communicatives du greenwashing dans le secteur nucléaire ... 34

2.3.4. L’argument du recyclage ... 36

CHAPITRE 3 : L’analyse du discours publicitaire d’EDF et Orano ... 38

3.1. La démarche analytique et ses objets ... 39

3.2. EDF et Orano : le greenwashing sur les émissions de CO2 ... 39

3.2.1. Les instruments de la cohésion dans la promesse et la justification ... 44

3.2.2. L’argumentation et les choix lexicaux : le rapport entre la promesse et la justification . 51 3.2.3. L’emploi des pronoms personnels ... 53

3.2.4. Les dix signaux de greenwashing identifiés dans les affiches analysées ... 55

3.3. Urêka : l’apothéose du greenwashing... 58

3.3.1. La structure de l’argumentation et les dix caractéristiques du greenwashing ... 60

3.3.2. L’emploi des personnes ... 62

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3.4. Les titres des sections sur le nucléaire et l’environnement des sites internet d’EDF et de Orano ... 63

3.4.1. Les fonctions et les typologies de titres dans le discours ... 65 3.4.2. Les titres et l’argumentation : les dix caractéristiques du greenwashing ... 67 3.5. Les figures rhétoriques comme vecteurs de cohésion et de représentation des participants .. 72 3.5.1. L’euphémisme comme moyen de définition des participants ... 74 3.6. L’emploi des verbes ... 77 3.7. La violation des maximes de Grice : l’équilibre entre le dit et le non-dit dans le greenwashing d’EDF et Orano ... 78 3.8. La justification vs. l’affirmation résolue : les deux approches différentes d’EDF et Orano ... 81 CONCLUSION... 83 BIBLIOGRAPHIE ... 85

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1

INTRODUCTION

La recherche conduite dans cette étude se base sur l’analyse d’un corpus composé de textes faisant partie de la stratégie communicative adoptée par deux compagnies productrices d’énergie, pour la promotion de l’énergie nucléaire en France. Le choix des compagnies à observer (EDF et Oran ou Areva)1 est motivé par leur notoriété et leur intense activité de promotion à travers les médias, élément qui permet d’avoir une quantité suffisante de matériaux à analyser.

L’étude partira d’une perspective spécifique visant l’analyse de quatre campagnes publicitaires (trois de EDF et une de Orano), centrées sur certains aspects de l’énergie nucléaire, comme sa contribution au développement d’énergies alternatives. Ensuite la perspective d’analyse deviendra plus générale, en montrant les stratégies communicatives utilisées non seulement dans le cadre d’une campagne publicitaire spécifique, mais aussi dans le discours utilisé dans les sites internet des deux compagnies, pour promouvoir la production d’énergie nucléaire en elle-même. On soulignera les différents arguments choisis par EDF et par Orano pour créer les sections des sites consacrées au nucléaire, afin d’analyser les différences entre les approches communicatives du point de vue du contenu et de l’argumentation. En particulier on se concentrera sur les affiches des campagnes publicitaires traitant le thème de la réduction des émissions de CO2 à travers le nucléaire et sur les titres des sections consacrées au nucléaire et à son rapport avec l’environnement, afin de découvrir quels sont les arguments et les stratégies discursives utilisés pour décrire les participants (les entreprises nucléaires et le secteur nucléaire en soi) du domaine.

Le but de cette analyse est la nécessité de cerner certains choix communicatifs donnant des informations parfois mensongères sur la nature de l’énergie produite par les centrales nucléaires françaises. En particulier ces choix renvoient au phénomène du greenwashing selon lequel, à travers des stratégies marketing, un produit est publicisé en ne soulignant que les caractéristiques considérées conformes au respect de l’environnement, même si, en réalité, ce produit n’a aucun effet positif mais, au contraire, il pourrait avoir des effets négatifs sur l’environnement.

Dans le premier chapitre on introduira la discipline de l’analyse du discours, choisie comme cadre pour cette étude, et la méthodologie utilisée pour la conduire. On partira du texte publicitaire et ses composants du point de vue lexical, syntaxique et rhétorique. Ensuite, le deuxième chapitre se

1 Areva est devenue Orano en 2017, après la décision d’abandonner des filiales et de se spécialiser dans la production des combustibles nucléaires. https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/areva.

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concentrera plus spécifiquement sur les caractéristiques du discours publicitaire et du phénomène du greenwashing, pour mieux identifier les stratégies commerciales qui expliquent certains choix linguistiques à visée promotionnelle. Enfin, dans le troisième chapitre on passera à l’analyse des documents sélectionnés pour la formation d’un corpus d’étude, selon la méthodologie présentée dans le premier chapitre. Cette analyse sera divisée en deux sections : la première sera consacrée aux affiches et la deuxième aux titres des documents retenus. La méthode utilisée se concentrera sur les stratégies argumentatives et discursives visant à la description des participants. Les stratégies discursives seront considérées comme complémentaires à la construction de l’argumentation et comme des choix importants à tenir en considération pour l’identification des caractéristiques du phénomène du greenwashing. L’attention se concentrera sur les constituants des messages publicitaires et sur les caractéristiques des titres mises en relation avec des choix discursifs (les choix lexicaux, les figures rhétoriques, l’emploi des verbes, des pronoms personnels et des adjectifs) et des choix argumentatifs typiques du raisonnement à la base du greenwashing.

Les deux sections de l’analyse seront finalement rassemblées dans la dernière partie du chapitre, où les perspectives argumentative et discursive seront intégrées pour observer l’équilibre entre les dits et les non-dits dans le greenwashing du secteur nucléaire français et pour identifier les différences et les similitudes entre les approches communicatives d’EDF et Orano.

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CHAPITRE 1

L’analyse du discours publicitaire comme entité

pragmatique et procédé argumentative

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1.1. Le cadre théorique : l’analyse du discours

Le but de cette étude n’est pas la recherche d’une définition précise d’analyse du discours, vu que

« l’analyse du discours est au carrefour de disciplines aussi variées que la sociologie, la psychologie, l’anthropologie, la linguistique textuelle, la théorie de l’argumentation, la rhétorique…, soit, en fait, la totalité du champ des sciences humaines et sociales » (Maingueneau 2002 : 2). En effet la présente recherche se servira de l’analyse du discours pour mieux comprendre les techniques communicatives adoptées par les compagnies productrices d’énergie nucléaire en France dans la création de campagnes publicitaires et dans la configuration de leurs sites internet dans l’optique du

« greenwashing », comme utilisation mensongère du message écologique afin de justifier des comportements qui ne respectent pas l’environnement. Par conséquent le genre discursif qui nous intéressera est celui du discours publicitaire, ayant des prérogatives dont on parlera dans le deuxième chapitre.

Il parait nécessaire de commencer par une définition générale de « discours ». Tout d’abord on peut citer Anna Jaubert qui le définit comme un « langage en situation » (1990 : 22). Toutefois pendant les années plusieurs définitions différentes ont été proposées, parce qu’il est impossible de limiter le domaine du discours à une conception univoque, vu la multiplicité d’éléments qui le constituent (les locuteurs, le contexte, le canal, les destinataires, etc.).

De même, l’analyse du discours est un domaine assez vaste, qui peut changer de perspective selon le but de la recherche. En particulier Dominique Maingueneau, dans l’article Que cherchent les analystes du discours ? (2012) distingue trois typologies d’analystes qui adoptent trois perspectives différentes : la perspective paraphilosophique, la méthode qualitative et une dimension intermédiaire entre les deux. L’approche paraphilosophique se base sur la nécessité de créer un lien étroit entre discours et culture, en utilisant l’analyse linguistique d’une façon « philosophique » pour mieux comprendre les origines sociales, culturelles et politiques de certains choix discursifs.

La méthode qualitative se concentre plutôt sur l’analyse des contenus, en essayant d’inventer des techniques pour dériver d’un texte le lien avec des disciplines externes à l’analyse du discours en soi, sans trop tenir en compte les aspects strictement linguistiques. Dans cette approche « Le discours est considéré comme donnant des indices qui permettent au chercheur d’accéder à des ‘réalités’ hors du langage » (Maingueneau 2012 : 23). Toutefois la crédibilité des études menées de cette perspective pourrait être menacée, en faisant penser à un remaniement selon les intérêts de l’analyste, vu le manque d’un lien assez fort entre analyse linguistique et analyse de contenu.

Le troisième type d’approche se trouve en équilibre entre les deux premiers.

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« Il inclut les chercheurs du champ des études de discours qui s’efforcent de maintenir un équilibre entre la réflexion sur le fonctionnement du discours et la compréhension de phénomènes d’ordre socio-historique ou psychologique ».

(Maingueneau 2012 : 25)

De cette perspective les analystes essayent d’équilibrer l’analyse discursive et l’analyse des phénomènes sociaux, en utilisant les éléments discursifs comme moyen de compréhension des contenus. Cette approche s’adapte facilement à la présente étude, parce que dans l’analyse des contenus publicitaires des compagnies productrices d’énergie nucléaire en France, d’un côté, il faudra interpréter les choix linguistiques pour découvrir des contenus strictement liés aux stratégies de marketing dans le cadre du greenwashing et de ses implications au niveau environnemental et social ; et de l’autre côté, il faudra comprendre les choix linguistiques les plus récurrents, en définissant les démarches discursives typiques de ce domaine de communication (par exemple l’usage de certaines figures de rhétorique).

Si l’on veut la définir d’une perspective plus générale, l’approche choisie dans le domaine de cette analyse du discours est une approche pragmatique. En particulier la pragmatique textuelle est une branche spécifique de la linguistique qui dépasse les considérations théoriques pour considérer le discours comme un ensemble d’actions ayant une visée interactive et ayant une relation étroite avec le contexte d’énonciation. En effet, la pragmatique textuelle a comme but l’étude des actions accomplies par les locuteurs à travers les énoncés :

« L’unité minimale […] sera la proposition-énoncé. Nous disons ‘énoncé’ pour souligner le fait qu’il s’agit toujours du produit d’un acte d’énonciation : elle est énoncée par un énonciateur à destination d’un destinataire-interprétant ayant valeur de co-énonciateur ». (Adam 2005 : 65)

Dans ce cadre, les énoncés se différencient des phrases ou propositions :

« Nous la disons en même temps ‘proposition’ pour souligner le fait qu’il s’agit à la fois d’une micro-unité syntaxique […] ». (Adam 2005 : 65)

Les propositions sont donc des ensembles de signifiants correspondant à des signifiés linguistiques liés par des liens syntaxiques et de sens, alors que les énoncés sont des phrases situées dans un contexte précis, défini par l’énonciateur. Par conséquent le discours peut être considéré comme un ensemble d’énoncés, c’est-à-dire un ensemble d’actes linguistiques.

Dans la présente étude le discours publicitaire sera donc considéré premièrement, du point de vue pragmatique, comme une action de conviction du public effectuée par des énoncés, et deuxièmement, du point de vue strictement linguistique, comme un ensemble de stratégies argumentatives.

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1.1.1. La théorie des actes de langage de Austin

On a vu dans le paragraphe précédent que le discours est un ensemble d’énoncés comme « séquence verbale dans une situation particulière » (Maingueneau 2002 : 4).

Le but de ce paragraphe est de décrire la théorie des actes de langage dans le discours, formulée par John L. Austin, afin de mieux comprendre les conséquences concrètes directement liées à l’usage des énoncés dans le discours publicitaire et leur poids devant le public, qui va être fortement influencé par des choix linguistiques visant à justifier certaines pratiques, surtout dans le domaine du

« greenwashing »Dans le contexte de notre étude l’importance de l’acte linguistique est liée au but de convaincre le public de la légitimité de l’utilisation de sources énergétiques qui ne respectent pas l’environnement.

Le philosophe du langage John L. Austin, dans son ouvrage Quand dire c’est faire (1970), affirme la théorie selon laquelle chaque fois qu’on utilise la langue pour communiquer on accomplit un acte. En effet, Austin a créé une distinction entre trois types d’actes qu’on peut accomplir quand on utilise la langue : à savoir les actes locutoire, illocutoire et perlocutoire. Cette distinction nait de l’abandon d’une précédente vision bipolaire des actes linguistiques, dans laquelle Austin opposait les

« actes constatifs » et les « actes performatifs » : les premiers se limitaient à définir l’acte linguistique comme communication au sens strict : « une description vraie ou fausse des faits » (Austin 1970 : 19) et les deuxièmes allaient un peu plus loin, en définissant la communication comme un acte accompli à travers la parole. Cette définition a permis à Austin de voir le discours d’une nouvelle perspective, plus pragmatique, jusqu’à éliminer le pôle constatif, pour redéfinir le discours comme un acte toujours performatif, qui peut se décliner dans les trois typologies d’actes plus spécifiques que sont les actes locutoire, illocutoire et perlocutoire.

A travers l’acte locutoire on affirme quelque chose en utilisant des signifiants linguistiques. Chaque fois qu’on dit une phrase on accomplit un acte sur le plan linguistique. L’acte illocutoire définit la fonction d’une phrase (affirmative, négative ou interrogative) en la reliant au contexte et en lui donnant un sens concret. Enfin l’acte perlocutoire exprime le résultat d’une proposition et ses conséquences dans le monde réel. Pour mieux comprendre ces actes, on peut citer un exemple utilisé par Austin dans Quand dire c’est faire.

« Acte A. Locutoire Il m’a dit ‘Tire sur elle !’

Acte B. Illocutoire

Il me pressa (ou me conseilla ou m’ordonna) de tirer sur elle Acte C (a). Perlocutoire

Il me persuada de tirer sur elle Acte C (b)

Il parvint à me faire tirer sur elle ». (Austin 1991 : 114)

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A travers cet exemple on peut comprendre que le passage de l’acte locutoire à l’acte perlocutoire est le passage du fait de dire quelque chose au fait de faire quelque chose. On part d’une perspective qui tient compte que du signifiant linguistique (acte A), pour terminer dans une perspective plus profonde et pragmatique de l’acte perlocutoire, qui se concentre sur les effets de l’acte de communication dans le monde réel (acte C). Ici le verbe « tirer » peut assumer des connotations différentes selon la perspective adoptée : d’une pure description des faits (acte A) à une action concrète (acte C).

Dans le cadre de la présente étude, la considération du discours comme acte est fondamentale afin de comprendre les effets concrets de certaines campagnes publicitaires lancées par les compagnies productrices d’énergie nucléaire françaises.

Cette approche pragmatique de l’analyse du discours sera expliquée plus précisément dans les paragraphes suivants, afin d’établir un lien entre l’utilisation de la rhétorique dans le discours publicitaire et ses conséquences pratiques sur le plan perlocutoire de l’acte communicatif. Dans le cas du nucléaire le but n’est pas une action directe, comme l’achat d’un produit par le consommateur, mais l’acceptation d’une idée partagée (le fait que le nucléaire soit une énergie ayant peu d’impact sur l’environnement).

1.2. L’argumentation

Il est fondamental de comprendre les démarches discursives qui motivent les choix linguistiques à l’intérieur des textes publicitaires. En effet chaque choix cache une démarche argumentative, qui se base sur la nécessité de convaincre un public à faire ou à croire quelque chose. Selon Ruth Amossy (2000 : 3) l’argumentation a lieu

« Quand une prise de position, un point de vue, une façon de percevoir le monde s’exprime sur le fond de positions et de visions antagonistes ou tout simplement divergentes, en tentant de prévaloir ou de se faire admettre. Ainsi, il ne peut y avoir de dimension argumentative des discours en dehors d’une situation où deux options au moins sont envisageables ».

L’argumentation peut donc être définie comme synonyme de « prise de position » dans un texte.

Les textes argumentatifs peuvent être divisés en textes ayant une « visée argumentative » et une « dimension argumentative » (Amossy 2000 : 2). Les textes ayant une visée argumentative ont comme but la persuasion et, par conséquent, l’incitation du public à l’action. Les textes à dimension argumentative sont ceux qui veulent influencer le public de quelque façon, sans l’inciter à accomplir une action précise. La publicité rentre dans le genre de textes à visée argumentative, parce qu’elle incite à une action. Par conséquent il est important de connaître les démarches discursives ayant lieu dans ce genre de textes. C’est ce dont on écrira dans le prochain chapitre, consacré à la publicité et à

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ses démarches argumentatives. Afin d’introduire ces démarches, il est important de connaitre les constituants de l’argumentation, parce qu’ils aident à comprendre le fait que les démarches discursives de la publicité, surtout dans le secteur nucléaire, sont orientées vers l’interlocuteur et se présentent souvent comme une « contre-argumentation » prête à réagir aux critiques attaquant le secteur.

Selon Patrick Charaudeau pour construire une argumentation il faut suivre une « mécanique

» (Charaudeau 1998 : 3) caractérisée par quatre « activités cognitives » (idem) : problématiser, se positionner, élucider et prouver. Problématiser signifie faire comprendre à l’interlocuteur la perspective du thème traité, par exemple si on parle du réchauffement climatique on peut construire l’argumentation sur les solutions, les conséquences, les attentes futures etc. selon la perspective qu’on intéresse le plus. Se positionner veut dire prendre une position pour ce qui concerne les différents points de vue présentés. Si par exemple on parle des conséquences du réchauffement climatique, on peut se positionner selon l’argument affirmant que les conséquences environnementales sont peu significatives ou selon celui soulignant ses effets négatifs sur l’environnement. Le passage suivant est l’élucidation, pendant laquelle on doit expliquer comment on a atteint la conviction qu’on va défendre. La dernière activité cognitive est le fait de prouver la validité de notre point de vue sur le sujet traité, afin de convaincre l’interlocuteur. A la fin de cette démarche on atteint une définition d’argumentation plus complète et plus utile à comprendre les démarches argumentatives du discours publicitaire.

L’argumentation ainsi définie est une activité cognitive générale tournée vers l’interlocuteur, et qui met en œuvre une organisation discursive ayant pour but d’imposer à celui-ci un cadre de questionnement, une prise de position et des arguments de preuve, afin que celui-ci ne trouve aucune contre-argumentation et finisse par partager l’opinion du sujet argumentant.

1.2.1. Le « non-dit » comme stratégie argumentative

Au-delà des choix lexicaux à l’intérieur du discours, correspondant à ce qui est « dit » dans le texte, ce qui est « non-dit » acquiert une importance significative. En effet, selon Ducrot (Ducrot 1972 : 6) :

« Une […] origine possible au besoin d’implicite tient au fait que toute affirmation explicitée devient, par cela même, un thème de discussion possible. Tout ce qui est dit peut-être contredit. […] Il est donc nécessaire à toute croyance fondamentale, qu’il s’agisse d’une idéologie sociale ou d’un parti pris personnel, de trouver, si elle s’exprime, un moyen d’expression qui ne l’étale pas, qui n’en fasse pas un objet assignable et donc contestable ».

Ce que Ducrot veut dire est que souvent pendant un procès d’argumentation, qui vise donc à convaincre un destinataire de la validité d’un argument, il faut choisir de présenter ou de ne pas présenter certains éléments, afin d’éviter de créer des points faibles dans l’argumentation. Toutefois

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il faut avoir les moyens pour reconnaitre cette stratégie, qui n’est pas facilement reconnaissable comme pour les « dits » et qui pourrait amener à des interprétations trop libres effectuées par l’analyste. Pour cette raison il sera utile de créer une distinction entre les « présupposés » et les « sous- entendus », deux classes de « non-dits » qui peuvent être dérivés des affirmations explicites sans mener à des interprétations fantaisistes. Les présupposés sont « toutes les informations qui, sans être ouvertement posées, sont cependant automatiquement entraînées par la formulation de l’énoncé, dans lequel elles se trouvent intrinsèquement inscrites, quelle que soit la spécificité du cadre énonciatif » (Kerbrat-Orecchioni 1986 : 25). Par exemple l’énoncé « J’ai arrêté de trop manger » présuppose qu’avant le locuteur mangeait trop. Les sous-entendus sont « toutes les informations qui sont susceptibles d’être véhiculées par un énoncé donné, mais dont l’actualisation reste tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif » (Kerbrat-Orecchioni 1986 : 39). Dans ce cas, l’affirmation « J’ai arrêté de trop manger » pourrait véhiculer le sous-entendu selon lequel le locuteur conseille à son interlocuteur d’arrêter de trop manger lui aussi. Mais le sous-entendu devient une libre interprétation de l’interlocuteur, qui dérive de l’affirmation du locuteur un sens orienté selon sa perception personnelle, et n’ayant rien à voir avec les informations véhiculées par l’énoncé. Pour mieux comprendre l’origine de cette interprétation il faut citer les « maximes conversationnelles » théorisées par Paul Grice, selon qui le discours se base toujours sur une interaction entre les locuteurs, non seulement dans le cas d’une conversation, parce que même un discours de nature monologique, comme pourrait le sembler le discours publicitaire, établit une relation avec l’auditoire. Par conséquent, selon Grice, les co-énonciateurs suivent un « principe de coopération » basé sur la nécessité de se faire comprendre :

[Grice] pose ainsi la maxime de quantité qui règle la quantité d’information à fournir, la maxime de qualité qui demande de ne pas affirmer ce qu’on sait faux ou pour lequel on manque de preuves, la maxime de relation qui exige la pertinence du propos, la maxime de modalité qui impose la clarté. (Amossy 2000 : 146)

On peut faire un exemple pour mieux comprendre ces maximes en imaginant une conversation entre A et B :

A : A quelle heure le bus 1 passe-t-il ? B : Il est là !

Dans cet échange la maxime de quantité n’est pas respectée, parce que le locuteur B ne répond pas avec l’horaire du bus, au contraire il se limite à dire que le bus est arrivé. La maxime de qualité est respectée parce que le bus est vraiment en train de s’approcher. La maxime de relation est respectée

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parce que l’information est pertinente. La maxime de modalité est respectée parce que le locuteur B s’exprime de façon directe et brève.

On voit donc que dans certains cas une maxime non respectée ne rend pas le discours complétement incompréhensible, mais le choix de respecter certaines maximes au détriment d’autres peut varier selon le contexte. Dans l’exemple ci-dessus le caractère oral du discours admet l’utilisation d’une affirmation qui n’aurait aucun sens dans le discours écrit et qui, si considérée comme détachée de son contexte original, ne respecterait pas le principe de coopération. Cependant, si le locuteur B n’avait pas choisi cette réponse, le locuteur A aurait risqué de rater le bus. Cet exemple nous a aidé à comprendre les fonctions de chaque maxime et le fait que dans certains cas on peut se permettre de ne pas en respecter une sans causer des sous-entendus.

Toutefois il y a des contextes où le respect de toutes les maximes est assez important pour la transmission de certains contenus. En particulier dans le discours publicitaire, guidé par des stratégies argumentatives précises, le choix de ne pas respecter certaines maximes est motivé par des exigences de marché ou par des intérêts spécifiques. Imaginons une publicité d’un yaourt avec des morceaux de fruits. Au niveau industriel ce yaourt a subi une transformation avec l’addition de beaucoup de sucre.

Cependant la publicité doit convaincre les consommateurs à acheter le produit, donc elle devra choisir de souligner la présence des fruits comme aliments sains et riches de vitamines, au lieu de se concentrer sur le fait que ces fruits contiennent beaucoup de sucre et donc ne sont pas sains comme des fruits au naturel. Par conséquent la maxime de qualité ne sera pas respectée, afin de cacher la présence de beaucoup de sucre. Dans ce cas une maxime non respectée devient une stratégie de marketing visant à déplacer l’attention du consommateur sur les aspects les plus susceptibles de lui faire acheter le produit, mais cette stratégie peut s’appliquer également au secteur du nucléaire, afin de faire accepter ce type d’énergie comme « verte » sans citer ses effets négatifs sur l’environnement.

1.3. La relation entre l’argumentation et la rhétorique

Les mots « argumentation » et « rhétorique » peuvent être utilisés de façon interchangeable, parce qu’ils représentent deux facettes du discours qui peuvent être considérées comme l’ensemble de

« tous les moyens verbaux susceptibles de faire adhérer les esprits à une thèse » (Amossy 2000 : 5) Pour trouver une distinction entre les deux, on peut faire référence à la distinction établie par Aristote entre la dialectique et la rhétorique. La dialectique est vue comme la nécessité de convaincre un co-énonciateur de la validité d’une thèse en voyant l’autre comme un adversaire et en choisissant des argumentations précises. La rhétorique est l’art de transmettre une idée à un public qui, si l’orateur a assez de talent, l’acceptera comme vraie et partagée (par exemple le discours politique s’appuie souvent sur la rhétorique afin d’influencer le public). Quand on parlera de discours publicitaire en

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général, il faudra se référer aux techniques utilisées pour convaincre un public et lui faire partager des idées, mais quand on analysera les contenus du corpus, il faudra prendre en compte les argumentations choisies pour convaincre un certain type de co-énonciateur. C’est-à-dire qu’on part du présupposé que tout texte publicitaire se base sur des stratégies rhétoriques adressées au grand public, mais qu’ensuite chaque texte, créé dans un contexte différent, utilise des argumentations spécifiquement étudiées pour ce contexte. Par exemple une publicité faite pour la première page du site internet d’une entreprise nucléaire a des buts différents que ceux d’une publicité créée pour présenter la même entreprise comme participant à un événement pour la protection de l’environnement. En effet un contenu pensé pour la première page d’un site internet insiste sur des arguments plus génériques, comme par exemple l’efficacité de cette énergie comparée à d’autres ressources énergétiques. Quand on parle d’une publicité promouvant la protection de l’environnement, les choix linguistiques soulignent l’aspect « vert » de cette énergie et s’inscrivent dans des stratégies typiques du greenwashing, dont on parlera dans le troisième chapitre.

Pendant les dernières années, l’étude de l’argumentation a commencé à s’orienter vers une approche plus « logique », c’est-à-dire motivée par la nécessité de comprendre les raisons des choix des arguments utilisés pour convaincre le public, plutôt que de les analyser d’un point de vue uniquement linguistique.

1.3.1. Les genres rhétoriques

Les genres textuels principaux dans la rhétorique sont : - Le genre judiciaire ;

- Le genre délibératif ; - Le genre épidictique.

Le genre judiciaire est utilisé pour accuser ou défendre quelqu’un, notamment dans le domaine de la justice. Le genre délibératif se base surtout sur le conseil donné par l’orateur à une assemblée qui doit prendre des décisions. Le délibératif se rapproche du genre discursif publicitaire, parce que le but de ce genre de discours est celui de convaincre de quelque chose, mais on peut arriver un peu plus loin avec le troisième genre. Le genre épidictique en effet se base sur l’éloge de certains faits ou objets à travers des figures de rhétorique comme l’hyperbole, la métaphore etc., typiques notamment du discours littéraire. Toutefois ce troisième genre inclut le but du discours publicitaire aussi : « le but de l’épidictique est de consolider l’adhésion à des valeurs partagées » (Adam, Bonhomme 2012 : 124). C’est-à-dire que l’orateur transmet des valeurs qui seront considérées comme universelles et donc acceptées par les destinataires (ex. l’éloge funèbre d’un personnage connu et admiré). Cette universalité des concepts transmis peut être utilisée aussi dans le discours publicitaire pour

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transmettre des valeurs optimistes et des caractéristiques positives du produit à vendre. Cependant le conflit entre les intérêts du vendeur et ceux du consommateur reste réel, parce que ce n’est pas évident qu’un produit décrit comme optimal sera immédiatement acheté ou qu’une idée comme celle de la dimension écologique des centrales nucléaires sera acceptée. C’est pour cette raison que le genre discursif publicitaire peut être considéré comme un mélange entre le genre épidictique et délibératif.

En effet la dimension de la conviction joue un rôle important dans le discours publicitaire. Souvent cette conviction se base sur la création d’arguments inventés (genre délibératif) par les marketeurs qui deviennent des valeurs universelles (genre épidictique), par exemple l’idée qu’acheter un produit décrit comme écologique ou bio est un choix meilleur pour notre santé et pour l’environnement, même si en réalité ce produit n’a rien de vraiment écologique ou bio.

On doit tenir compte de ce mélange entre délibératif et épidictique afin de comprendre le rapport subtil entre l’argumentation et la rhétorique ainsi que leur collaboration pour atteindre le but de la séduction du public, non pas pour le pousser à l’achat d’un produit, mais pour lui faire « acheter » l’idée universelle de la légitimité de l’énergie nucléaire.

1.3.2. Les composantes de la rhétorique

Adam et Bonhomme dans leur ouvrage L'argumentation publicitaire. Rhétorique de l'éloge et de la persuasion (2012) expliquent que dans la Rhétorique d’Aristote, cette discipline est divisée en trois étapes principales qui guident le locuteur dans le procès de construction d’un discours convainquant.

En décrivant ces composantes on peut mieux comprendre la relation stricte entre argumentation et rhétorique dans la mise en place du discours.

Ces parties sont l’inventio(n), la dispositio(n) et l’élocutio(n). L’invention se base sur le choix des arguments à utiliser selon le type d’auditoire. La disposition est la mise en ordre des différentes parties du discours et normalement elle comprend : l’exorde, la narration, la digression et la péroraison ou conclusion. En particulier cette partie correspond à ce qu’on appelle « copystrategy » dans la construction du discours publicitaire, c’est-à-dire la stratégie composée par la promesse, la justification et le style2 du message publicitaire, mais on en parlera plus spécifiquement dans le chapitre suivant, en décrivant l’argumentation publicitaire. L’élocution offre un modèle de ton à tenir dans tout le discours. La partie de la disposition est particulièrement importante parce qu’elle définit l’ordre du discours et donne à chaque partie sa fonction dans l’argumentation. En effet, l’exorde a trois fonctions principales : d’obtenir la bienveillance des auditeurs, de stimuler leur attention et de les rendre prêts à être persuadés. La narration expose les contenus du discours et peut être organisée

2 http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Copy-strategy-238098.htm.

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selon des critères spécifiques qui peuvent donner plus d’importance à la description ou à la persuasion, etc. La digression expose les arguments qu’on peut dériver de la narration, et la conclusion résume tous les arguments.

Pour mieux comprendre cette structure on peut commencer à analyser l’un des textes de notre corpus. Ce texte fait partie de la section « Nucléaire » et, plus spécifiquement, « Emissions de CO2 » du site EDF3. On le décompose afin de décrire chaque partie de la rhétorique, sans pourtant aller trop loin dans l’analyse des stratégies utilisées et des choix lexicaux faits dans les titres, qui seront décrits dans le troisième chapitre, consacré à l’analyse du corpus.

LE NUCLÉAIRE, UNE ÉNERGIE FAIBLEMENT ÉMETTRICE DE CO2

Au cœur des enjeux liés au changement climatique, la réduction des émissions de CO2 fait du nucléaire, énergie produite sans CO2, l’une des composantes essentielles du mix énergétique de demain.

UN FAIBLE TAUX DE CO2, TOUT AU LONG DU CYCLE DE VIE

Pour calculer les émissions de CO2 par kWh produit, les scientifiques se basent sur l’Analyse du Cycle de Vie (ACV).

Cet outil de mesure tient compte de l’ensemble des étapes du cycle de vie de la filière énergétique observée : extraction et enrichissement de la matière première, fabrication, traitement, transport et distribution de l'électricité et enfin construction et déconstruction du site.

Dans le cas des énergies renouvelables, les émissions de CO2 sont principalement dues à la construction des installations.

Elles sont estimées de 14 à 80 g eq.CO2/kWh pour le photovoltaïque, principalement en raison des process de fabrication des cellules et de 8 à 20 g eqCO2 pour l'éolien. En comparaison, le bilan de la filière nucléaire EDF est de 4 g/kWh, dont les ¾ liées au cycle amont du combustible. Les énergies fossiles, en revanche sont fortement émettrices de CO2.

Le bilan de la filière nucléaire EDF est de 4 g eq.CO2/kWh, dont les ¾ liés au cycle amont du combustible. En elle-même, la production d’énergie nucléaire n’émet pas de CO2

En phase de production, le nucléaire ne produit pas de CO2. Le panache sortant alors des centrales est constitué de vapeur d'eau. Les tours, appelées « aéroréfrigérantes », créent par leur forme tubulaire un courant d'air naturel qui prélève la chaleur contenue dans l'eau des circuits de refroidissement des systèmes de production d'électricité. Elles restituent cette chaleur dans l’atmosphère sous forme de nuages de vapeur (qui ne sont en aucune façon radioactifs).

UN RÔLE CLÉ DANS LE MIX ÉNERGÉTIQUE FRANÇAIS ET EUROPÉEN

Sur la base des Analyses de Cycle de Vie, le nucléaire est ainsi l’énergie la plus propre du mix, comparable à l'hydraulique, dont le bilan est de 6 g de Gaz à Effet de Serre émis par kWh produit.

L’énergie nucléaire émet près de 150 fois moins de gaz à effet de serre que le thermique charbon.

Grâce à l'apport du nucléaire et de l'hydraulique, EDF fournit à ses clients une électricité produite à 95 % sans CO2. Ces deux énergies jouent un rôle clé dans le mix énergétique français. Elles favorisent l'atteinte par la France de l'objectif environnemental fixé par l'Union Européenne : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

La production électrique française émet 6 fois moins de gaz à effet de serre par habitant que la moyenne des pays d’Europe.

L’exorde de ce texte est constitué par le premier paragraphe, qui comprend le titre « LE NUCLÉAIRE, UNE ÉNERGIE FAIBLEMENT ÉMETTRICE DE CO2 » et le sous-titre « Au cœur des enjeux liés au changement climatique, la réduction des émissions de CO2 fait du nucléaire,

3 https://www.edf.fr/groupe-edf/producteur-industriel/nucleaire/atouts/emissions-de-co-sub-2-sub.

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énergie produite sans CO2, l’une des composantes essentielles du mix énergétique de demain ». Dans cette première partie on voit clairement l’intention d’attirer la bienveillance des lecteurs en insistant sur le fait que le nucléaire émet peu de CO2 et donc est acceptable comme énergie « verte ».

L’attention des lecteurs est obtenue à travers le titre, qui utilise un ton descriptif en identifiant le nucléaire comme faible émetteur de CO2. Les lecteurs sont préparés à la persuasion à travers le sous- titre qui insiste sur l’argument principal et en explique l’importance pour le futur.

La narration se base sur un corps du texte divisé en paragraphes, précédés par des titres qui définissent les arguments principaux. Donc l’approche choisie est plutôt descriptive (le locuteur présente les arguments à travers des chiffres explicatifs). La conclusion dans le dernier paragraphe résume tous les arguments du texte, en définissant l’énergie nucléaire « la plus propre du mix » énergétique et en envisageant les projets futurs de la compagnie.

Cet exemple montre que l’organisation de la structure textuelle peut influencer le résultat du procès argumentatif. C’est une démonstration de l’importance de la relation étroite entre rhétorique et argumentation. Toutefois il sera intéressant dans le troisième chapitre d’aller plus loin dans l’analyse de la structure argumentative des titres de notre corpus, tenant compte des choix lexicaux et des stratégies persuasives mises en place par les marketeurs.

1.4 Le texte publicitaire : le slogan et le lexique

Mathieu Guidère dans Publicité et traduction (2003) donne la définition de texte publicitaire suivante :

« C’est une suite de propositions logiques visant à amener le récepteur vers une conclusion susceptible de le faire agir ».

(Guidère 2003 : 143)

C’est-à-dire que le but du texte publicitaire est un but pragmatique, qui veut transformer la parole en action. Afin de mieux comprendre la relation entre le discours publicitaire et ce but pragmatique, il est important de connaître sa structure et ses composants, parce que les choix discursifs du message publicitaire se reflètent sur le comportement du consommateur.

Le noyau de la publicité est caractérisé par le slogan ou « Formule concise et frappante, utilisée par la publicité, la propagande politique etc. » (Le Petit Robert 2013). Le slogan est donc un énoncé ayant le but d’attirer l’attention, de convaincre et de donner des informations en même temps.

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Il existe deux typologies de slogan : l’accroche et la phrase d’assise. L’accroche est un énoncé bref qui suit immédiatement le nom du produit, conçu pour attirer l’attention du consommateur, comme dans l’exemple :

Kanterbräu est si bonne

Qu’on ne peut s’en passer. (Adam, Bonhomme 2012 : 85)

La phrase d’assise suit le nom du produit et se trouve normalement à la fin de l’annonce. Elle contient la « promesse » du message publicitaire, c’est-à-dire la présentation des bénéfices du produit proposé, comme dans l’exemple suivant, où

« Même pour les yeux c’est un régal ».

est l’accroche et

« Nouveaux pots Danone.

Aussi beaux que bons ». (Publicité Danone 2013)4

est la phrase d’assise.

On parlera plus spécifiquement des contenus de ces parties du message publicitaire dans le paragraphe 2.2, en illustrant la « copy-stratégie ».

Du point de vue lexical, chaque choix sémantique présent dans le texte publicitaire est strictement lié au contexte et donc au but final du message publicitaire. Cet aspect se relie à la théorie des actes de Austin et en particulier aux actes perlocutoires (paragraphe 1.1.1) du discours publicitaire. En effet ce dernier est orienté sur les résultats à obtenir (convaincre, expliquer, informer, etc.) et le lexique joue un rôle très important dans l’accomplissement de ces résultats. Par exemple, une publicité qui veut insister sur le respect de l’environnement choisira un contenu lexical appartenant à ce domaine sémantique, en adaptant le lexique à la fonction pragmatique du discours.

Les choix lexicaux sont en même temps accompagnés par des choix visuels cohérents (ex. herbe verte, fleurs, nature incontaminée, etc.). On peut se servir de l’exemple d’une affiche publicitaire créée en 2009 par Le Chat pour promouvoir une lessive écologique, qui a finalement été reconnue par l’Observatoire Indépendant de la Publicité comme faussement écologique et accompagnée par des faux labels. C’est un exemple de greenwashing, dont on parlera plus spécifiquement dans le deuxième chapitre, mais qui est utile à faire comprendre l’importance des choix lexicaux.

4 http://www.communication-agroalimentaire.com/article-chez-danone-on-fait-pots-neufs-2-117522777.html.

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Cette campagne publicitaire utilise des mots forts dans son slogan : « L’écologie c’est le moment d’en parler moins et d’en faire plus ». La première, la troisième et la quatrième ligne sont en caractère gras, afin de concentrer l’attention du consommateur principalement sur l’écologie et sur l’engagement de l’entreprise dans ce domaine. Le mot « écologie », même s’il reste générique, parce qu’on n’a pas d’information plus détaillée sur le type d’engagement écologique du produit, fait penser à la responsabilité que l’entreprise se prend envers l’environnement. Le choix de l’opposition entre les deux verbes « parler » et « faire » est central, parce qu’il montre la volonté de Le Chat de s’engager concrètement dans le respect de l’environnement, au lieu d’en parler seulement. Le lexique de ce slogan veut faire croire que Le Chat agit concrètement pour l’environnement en réalisant des produits responsables. Cependant, l’Observatoire Indépendant de la Publicité, après quelques vérifications, s’est rendu compte que ce produit n’était pas vraiment « vert », comme déclaré par les mots du slogan,

par la couleur verte et par les faux labels, parce que les démarches de production et les composants de la lessive n’avaient rien à voir avec le respect pour l’environnement.

Par conséquent, dans chaque texte publicitaire, les mots et leur insertion dans un contexte créé spécifiquement pour un but ont le pouvoir de nous faire croire à des affirmations infondées et de nous faire agir de conséquence. En particulier on fera attention au choix des mots dans la construction de l’argumentation en faveur du nucléaire, à travers le greenwashing. L’analyse lexicale nous servira afin d’identifier, dans la différence de choix lexicaux, une différence de stratégie communicative adoptée par les compagnies nucléaires prises en considération. En effet notre analyse partira de l’identification des arguments principaux sur lesquels les compagnies insistent le plus dans leurs

Figure 1. Publicité Le Chat 2009, http://observatoiredelapublicite.fr/20 09/02/01/lechat/.

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campagnes publicitaires et dans leurs sites internet. Par exemple dans l’une des publicités qu’on analysera dans le troisième chapitre on voit des choix lexicaux orientés vers un comportement précis à faire atteindre au consommateur. Le slogan EDF, publié en 2015, dit « Découvrez le nouveau visage de l’énergie bas carbone »5. Le verbe à l’impératif incite les consommateurs à faire l’action de découvrir les modalités de production de l’énergie chez EDF, qui sont toutes identifiées sous le syntagme adjectival « bas carbone », même si (comme on le verra dans le troisième chapitre en citant les plaintes du Jury de Déontologie Publicitaire) souvent la contribution d’EDF à la diminution de la production de CO2 est minimale. Par conséquent cette publicité pousse les consommateurs vers une action basée sur une affirmation infondée : EDF ne donne pas de contribution significative à la réduction du CO2 dans l’atmosphère, mais elle choisit cet argument pour convaincre les consommateurs de la propreté de son énergie.

1.4.1. Le texte publicitaire : les stratégies rhétoriques de l’élocution

A l’intérieur du domaine de la rhétorique dont on a parlé dans le paragraphe précédent, concentré sur l’organisation textuelle globale (dimension macro-textuelle), il faut poser l’attention sur des stratégies agissant dans plusieurs niveaux inférieurs (lexical, syntaxique, grammatical et stylistique) dans la dimension micro-textuelle. On parle des stratégies qui font partie de « l’élocution », le constituant rhétorique qu’on a cité dans le paragraphe 1.3.2. L’élocution détermine le ton du discours en se servant de plusieurs types de figures et de constructions rhétoriques.

Le grammairien français Pierre Fontanier, dans son ouvrage Manuel classique pour l’étude des Tropes ou Éléments de la science des mots (1821), donne une définition exhaustive de figure rhétorique :

« Les figures du discours sont les traits, les formes ou les tours plus ou moins remarquables et d’un effet plus ou moins heureux, par lesquels le discours, dans l’expression des idées, des pensées ou des sentiments, s’éloigne plus ou moins de ce qui en eût été l’expression simple et commune » (Gardes Tamine 2011 : 74)

En effet, pour introduire notre analyse textuelle, il faut tenir compte non seulement de la dimension macro-textuelle dont on a parlé jusqu’à présent, en expliquant les genres de textes publicitaires et leurs constituants, mais aussi de la dimension micro-textuelle, caractérisée par les mots et leur rapport de cohérence et cohésion à l’intérieur du texte. Quand on s’occupe de l’élocution d’un texte publicitaire, on peut utiliser des figures rhétoriques qui posent l’attention sur le signe linguistique, soit sur le signifiant, par exemple en créant des jeux de sons (« Si t’as pas d’amis prend

5 http://expositions-sp.edf.com/ajax/catalogue/affiche_description.php?prod_id=3231.

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un Curly »6), soit sur le signifié, en utilisant des figures de sens (« Lorsque les dents sont sensibles, le froid est douloureux comme des clous »7) ou des figures grammaticales, où l’on change la fonction grammaticale du mot sans en changer la forme, comme dans l’un des slogans qu’on analysera dans le troisième chapitre, qui crée un jeu de mots avec le mot « centrale », interprétable comme adjectif ou substantif.

« L’électricité bas carbone est centrale ». (Publicité EDF 2016)8

Les figures les plus utilisées dans le discours publicitaire agissent dans le domaine syntaxique (figures grammaticales et de construction) et dans le domaine stylistique (figures de style) qui « donnent de la couleur à l’expression » (Gardes Tamine 2011 : 75). Dans l’analyse du corpus, nous allons identifier en particulier des phénomènes rhétoriques qui ont un impact plus significatif que d’autres sur les stratégies communicatives des textes publicitaires analysés.

6 https://www.google.it/url?sa=i&rct=j&q=&esrc=s&source=images&cd=&ved=2ahUKEwiGuv6- labdAhURvxoKHcuNAeoQjhx6BAgBEAM&url=http%3A%2F%2Fwww.strategies.fr%2Fetudes- tendances%2Ftendances%2F1031298W%2Fles-slogans-ces-figures-de-style.html&psig=AOvVaw23PRsJ- SRMNHXaHtVYELld&ust=1536315871740623.

7 http://jetudielacom.com/metaphore-publicitaire/.

8 http://www.influencia.net/fr/actualites/in,conversation,greenwashing-cascade-pour-edf,6438.html.

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CHAPITRE DEUX

La communication publicitaire et le greenwashing dans

le nucléaire

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2.1. La théorie de la communication et le contexte du discours publicitaire

Le premier chapitre était une introduction des contenus et de la méthode utilisée dans cette étude.

Après avoir introduit les constituants du message publicitaire du point de vue stratégique, afin d’expliquer l’origine de chaque choix discursif qu’on analysera dans le troisième chapitre, il faut identifier les facteurs qui les influencent, en particulier dans le secteur du nucléaire. Les buts de ce chapitre sont l’identification des facteurs les plus influents dans la création d’un message publicitaire et la présentation du phénomène du greenwashing. On partira de la description de la théorie de la communication, qui se trouve à la base de chaque échange d’informations, ensuite on procédera avec l’identification des participants de l’échange communicatif et de ceux qui nous intéressent le plus pour l’analyse du discours publicitaire. Dans la deuxième partie du chapitre on se concentrera sur la description du phénomène du greenwashing et sur ses implications, notamment dans le secteur du nucléaire.

Comme on l’a vu dans le premier chapitre en expliquant la relation entre les choix lexicaux et leur contexte, la relation entre le discours et le contexte est fondamentale dans le domaine publicitaire, c’est-à-dire qu’une publicité ne peut pas être formulée sans tenir compte de certains facteurs externes ayant un fort impact sur son efficacité. Pour identifier ces facteurs on doit partir de la théorie de la communication, élaborée par Roman Jackobson, selon laquelle la communication peut être résumée par le schéma suivant (Figure 2), qui tient compte de tous les participants de l’énonciation et du contexte auquel elle est strictement liée. Afin de créer un échange d’informations efficace il faut un émetteur (énonciateur), un récepteur (co-énonciateur), un canal et un référent. En particulier, dans le domaine des textes publicitaires qu’on va analyser, les facteurs déterminants sont le référent et le récepteur ou destinataire.

Figure 2. Schéma canonique de la communication (Jackobson 1980, cité par Ladwein 2003 : 159)

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Le référent est le sujet de la communication (un produit, un service, une idée, une façon d’agir etc.) et le destinataire est la cible, ou public, à laquelle on s’adresse.

2.1.1 Le référent

L’influence du référent est l’influence que le produit même a sur le message publicitaire. Cet aspect parait évident, vu que la publicité nait pour décrire un produit, mais il faut bien connaître la typologie de produit publicisé afin de choisir le type d’argumentation à construire. Par exemple dans le marché immobilier une annonce d’une résidence principale est plus directe et précise que l’annonce d’une résidence secondaire, parce que la première doit insister sur les caractéristiques concrètes de l’habitation, qui doit être surtout fonctionnelle. Au contraire, la deuxième se concentre plutôt sur le contexte (le lieu de vacance, l’environnement, les services proches, etc.) que sur les caractéristiques de l’immeuble, parce que la valeur d’une maison des vacances n’est pas jugée selon sa praticité, vu qu’elle devra être utilisée seulement pour des périodes courtes et elle aura un but différent9.

En partant de cette différenciation des produits selon leurs caractéristiques, on peut en identifier deux grands groupes, comportant des choix argumentatifs différents: « les produits peu divisibles en prédicats internes pertinents » (Adam, Bonhomme 2012 : 47-48) comme par exemple les parfums et les stylos, qui ne peuvent pas être décrits de façon détaillée, vu qu’ils n’ont qu’un seul constituant et qu’ils doivent donc être décrits à travers une mise en contexte qui peut les rendre plus attractifs ; « les produits découpables en parties internes pertinentes » (idem) (automobiles, ordinateurs, etc.), qui

« permettent une description détaillante et analytique » (idem). Cette catégorie inclut les centrales nucléaires.

Pour ce qui concerne le référent de la publicité du secteur nucléaire, il faut savoir que les marketeurs ne veulent pas vendre concrètement un produit, mais plutôt un service ou une idée. En effet la France est le deuxième producteur mondial d’énergie nucléaire et 77% de l’énergie électrique totale du pays est produit à travers le nucléaire10. Par conséquent le but commercial du secteur n’est pas la vente matérielle du produit nucléaire, mais le fait de faire acheter le service offert (l’énergie produite) au consommateur et, en même temps, de faire accepter une conception positive du secteur, qui puisse permettre le développement des centrales et la fin des polémiques autour de leurs effets sur l’environnement. Partant de cette perspective, on verra dans le paragraphe suivant que la stratégie communicative du secteur nucléaire est structurée comme une contre-argumentation, qui doit toujours répondre à des contestations provenant de plusieurs acteurs.

9 Adam, Bonhomme 2012 : 46-47

10 http://www.sfen.org/energie-nucleaire/panorama-nucleaire/nucleaire-france.

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2.1.2 Le destinataire

Le destinataire auquel un produit s’adresse est fondamental de deux points de vue : il détermine les choix des marketeurs dans le procès de conception du produit, jusqu’à arriver au message publicitaire, et il influence le contenu et le style du discours de la publicité et ses développements au cours du temps. Chaque campagne commence par le ciblage du public, en attribuant à chaque consommateur une catégorie spécifique, selon des caractéristiques liées à sa provenance sociale, à son éducation, à son comportement d’achat, etc. Cette catégorisation sera utile afin d’identifier les éléments sur lesquels s’appuyer pour créer la stratégie argumentative de la publicité. Le Centre de communication avancée (CCA) d’Eurocom a identifié en 1988 une série de « sociostyles », c’est-à- dire des groupes de consommateurs ayant tous le même comportement d’achat, qui peuvent aider les publicitaires à mieux cibler leur public et à s’adapter aux changements sociétaires pour construire une argumentation efficace :

- Les activistes (13% de la population) sont caractérisés par leur dynamisme et sensibles surtout aux argumentations pratiques, élitistes et inédites ;

- Les matérialistes (24%), marqués par des préoccupations sécuritaires et le sens de l’utile, sont réceptifs aux argumentations vulgarisatrices et simplificatrices insistant sur la fonctionnalité et la crédibilité des produits ; - Les rigoristes (20%), conservateurs, recherchent de préférence une argumentation autoritaire, moraliste et bien

structurée ;

- Les décalés (environ 20%) se recrutent principalement parmi les moins de quarante ans peu affectés par la conjoncture économique ; ils sont individualistes, anticonformistes et hédonistes, ouverts aux arguments humoristiques et esthétiques ;

- Les égocentrés (environ 23%), comprenant surtout des jeunes issus de milieux populaires et touchés par la crise, sont réceptifs aux arguments provocants, spectaculaires, en même temps que sentimentaux. (Adam, Bonhomme 2012 : 49)

2.1.2.1. Le destinataire de la publicité du secteur nucléaire

Le public auquel la publicité nucléaire s’adresse est varié, mais un public particulièrement difficile à convaincre est celui qui constitue la catégorie des activistes, parmi ceux qu’on a mentionnés dans le paragraphe précédent, parce qu’ils sont les plus sensibles à des thématiques demandant une participation active du consommateur, comme le respect de l’environnement Ils croient dans leur pouvoir de changer la société à travers leurs achats et leurs idées, donc ils choisissent des produits qui leur permettent de se sentir utiles dans la société et par rapport à l’environnement. Par conséquent, ils deviennent les cibles les plus difficiles à convaincre à accepter la légitimité du nucléaire, perçu comme un danger pour la Planète. En même temps, le fait qu’ils aient une perception si forte de leur

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liberté de choix et de leur pouvoir de changer le contexte peut devenir un avantage pour le marketeur, parce qu’il peut faire appel à la « théorie de l’engagement » (Ladwein 2003 : 259), selon laquelle la sensation de puissance ressentie par l’activiste peut être stimulée à travers une communication engageante, pour le convaincre que le choix d’accepter l’exploitation du nucléaire soit fait librement et qu’il ait des effets positifs. Afin de mieux comprendre, il faut aller plus loin, partant du moment où le vendeur établit la relation avec le client. Par exemple, dans le cas où le vendeur offre un cadeau au client avant de son premier achat. Après lui avoir proposé ce premier « acte peu impliquant » (Ladwein 2003 : 258), le vendeur va lui demander de choisir si faire un premier « acte impliquant » (idem), c’est-à-dire un achat, ou pas. Dans ce cas le consommateur, en acceptant le cadeau, devient automatiquement engagé dans une relation commerciale avec le vendeur, qui lui donne la sensation d’avoir le pouvoir de choisir sa prochaine action, mais qui en réalité le rend de plus en plus contrôlé ou ciblé. La raison est simple : le consommateur, grâce au cadeau, est devenu moins méfiant et il a dépassé une première phase d’incertitude liée à une série de risques, dont on parlera dans le paragraphe 2.3.1, qui l’influencent avant de procéder à l’achat, et le vendeur a plus de possibilités de le convaincre à acheter.

« Lorsqu’une personne accepte de renoncer à quelque chose d’important ou qu’elle consent à réaliser des comportements coûteux en temps, en argent ou en énergie, elle sera d’autant plus engagée dans la relation commerciale ». (idem)

La théorie de l’engagement se relie à cet exemple parce qu’elle suit ce mécanisme de conquête de la confiance du client. Un consommateur activiste auquel on offre un cadeau va se sentir plus engagé dans son acte d’achat, parce qu’il peut choisir de faire un acte impliquant après un acte peu impliquant. Cette stratégie joue avec l’orgueil du consommateur (spécialement celui d’un activiste), qui va se sentir plus puissant si on lui propose un choix, mais qui en réalité reste impliqué dans un cycle commercial créé par le vendeur.

Dans le secteur nucléaire le « cadeau » fait au consommateur n’est pas un produit concret, mais c’est une idée fabriquée pour nourrir son égo. En effet, si le nucléaire propose un slogan centré sur la nature écologique de l’énergie produite par le secteur, comme par exemple « Areva, l’énergie au sens propre » (Publicité Areva 2008, http://sircome.fr/areva-lepopee-de-lenergie/), le consommateur activiste se sent pris en cause, parce qu’il se sent obligé, par son caractère et par son comportement d’achat habituel, de faire les bons choix pour l’environnement et pour la société. Par conséquent, en écoutant l’appel écologique du nucléaire, présenté comme énergie « au sens propre », il accepte ce cadeau imaginaire (l’opportunité d’être un exemple au niveau social et environnemental) et devient plus facilement contrôlable par les marketeurs du secteur, qui feront toujours confiance au greenwashing pour convaincre ce type de consommateur.

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Cette théorie peut être expliquée aussi d’une perspective linguistique, si l’on considère le vendeur et le consommateur comme des participants du discours ou de l’acte communicatif décrit dans le premier paragraphe. En effet le discours est construit par des interlocuteurs (l’énonciateur et le co-énonciateur) qui sont dans un rapport d’échange d’informations (comme selon les maximes conversationnelles dont on a parlé dans le paragraphe 1.2.1). Toutefois la publicité donne seulement l’impression de s’appuyer sur un dialogue constant avec le consommateur, en gardant en réalité une nature fortement monologique. En effet, même dans le cas où les slogans proposent un choix, ou une question, ou une invitation, c’est toujours seulement l’énonciateur qui crée le message et impose un comportement au consommateur, sans lui donner aucune possibilité de réponse, mais le seul choix d’écouter et d’être influencé par son contenu et son style.

Cependant il faut admettre qu’il y a des cas où les stratégies de manipulation ne sont pas assez efficaces et le consommateur va être plus difficile à convaincre, jusqu’à devenir extrêmement méfiant.

On parlera de cette possibilité dans le paragraphe suivant et dans le paragraphe 2.5.1.

2.1.2.2. Le poids des contestateurs

Un autre aspect à considérer pour classifier les cibles des publicités nucléaires est le fait que les compagnies nucléaires doivent souvent faire face à une opinion publique contraire à l’utilisation de cette énergie et luttant pour son élimination. Par conséquent la répartition du public en catégories qu’on a vu dans le paragraphe précédent, devient inutile, parce qu’elles se mélangent et produisent une idéologie anti-nucléaire fragmentée et difficilement classifiable, selon les changements socio- historiques, surtout liés au développement d’une société « post-moderne », c’est-à-dire de rupture idéologique et de manque d’une idéologie de référence suivie par tous les individus, où « les normes sont fixées par les individus » (Hetzel 2002 : 16-17).

On verra dans le paragraphe 2.3 que le greenwashing du secteur nucléaire est lié à des phénomènes historico-sociaux, qui ont changé l’opinion publique. A la suite des guerres et des accidents du XX siècle, cette opinion a commencé à devenir centrée sur la peur du nucléaire (qu’il s’agisse d’une exploitation militaire ou civile). Par conséquent, les marketeurs ont dû sélectionner des arguments spécifiques sur lesquels pouvoir insister afin de changer cette opinion, au lieu de s’adresser à une section spécifique du public. Ils n’ont pas dû construire une stratégie seulement basée sur des cibles, comme dans les stratégies publicitaires traditionnelles, mais ils ont dû créer une sorte de grande contre-argumentation, qui devait et qui doit constamment répondre aux contestations. Par exemple, pendant les années 1990, EDF a élaboré une campagne publicitaire visant à rassurer le public à travers ces deux slogans.

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« Aujourd’hui, 100% des utilisateurs sont en droit d’en savoir plus. »

« C’est le nucléaire qui nous offre cette abondance, cette propreté, cette indépendance, cette sécurité dont on ne saurait plus se passer. » (Adam, Bonhomme, 2012 : 51)

Le premier rassure sur le besoin d’informations du public. Le deuxième essaie de se justifier à travers la motivation de la sécurité économique offerte par le développement du nucléaire. Ce sont des exemples d’un comportement « défensif » des compagnies nucléaires, qui doivent toujours faire face à des contestateurs.

Les trois principaux contestateurs ou obstacles de la communication pro-nucléaire sont l’opinion publique, les accords internationaux et les mouvements anti-nucléaires (Rivat 2010 : 1-2).

L’opinion publique est guidée par les changements socio-historiques qui peuvent déterminer la diffusion de certaines convictions anti-nucléaires, comme l’importance du respect de l’environnement, la peur d’une guerre nucléaire et la peur d’accidents dans les installations. Le gouvernement français ne s’est jamais déclaré contraire au nucléaire, parce qu’il suit les intérêts économiques liés à son exploitation, mais il doit s’adapter aux accords internationaux pour le respect de l’environnement, comme le Protocole de Kyoto et la conférence mondiale sur le climat de Genève de 1987 (insistants sur les conséquences environnementales des actions de l’homme), qui ont généré des arguments largement partagés par l’opinion publique et difficiles à rendre inefficaces.

Les mouvements anti-nucléaires sont nés déjà pendant les années 1950, quand, après la deuxième guerre mondiale, les études sur l’utilisation des armes nucléaires se sont multipliées. Ils ont continué leur action contestatrice pendant les années 1970, une période de construction massive de réacteurs nucléaires en France, mais ils se sont répandus plus facilement à partir des années 1980, à cause des accidents de Three Miles Island11 en 1979 et de Tchernobyl en 1986, et de la conséquente prise de conscience dont on va parler dans les paragraphes consacrés au greenwashing. En particulier, la collaboration du mouvement politique anti-nucléaire (soutenu par les verts et les socialistes) et de l’ACRO (l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) et la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) conduit à la naissance du Réseau

« Sortir du nucléaire » en 1997. Ce réseau est né pendant la lutte contre la construction d’un réacteur à Isère et il s’est transformé en mouvement international de contestation dans le pays les plus nucléarisés au monde, en particulier à partir des années 2000, quand le débat s’est concentré sur l’irréversibilité des déchets nucléaires.12 Ces mouvements luttent non seulement contre les effets nocifs du nucléaire sur l’environnement, mais aussi contre les intérêts politiques cachés derrière la

11 http://www.world-nuclear.org/information-library/safety-and-security/safety-of-plants/three-mile-island- accident.aspx.

12 http://www.sortirdunucleaire.org/.

Riferimenti

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