• Non ci sono risultati.

Contre la sémiotique du prétexte

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Condividi "Contre la sémiotique du prétexte"

Copied!
16
0
0

Testo completo

(1)

AperTO - Archivio Istituzionale Open Access dell'Università di Torino

Contre la sémiotique du prétexte / Leone M.. - In: DIDACTIQUES. - ISSN 2253-0436. - STAMPA. - 2(2012), pp. 116-130.

Original Citation:

Contre la sémiotique du prétexte

Terms of use:

Open Access

(Article begins on next page)

Anyone can freely access the full text of works made available as "Open Access". Works made available under a Creative Commons license can be used according to the terms and conditions of said license. Use of all other works requires consent of the right holder (author or publisher) if not exempted from copyright protection by the applicable law.

Availability:

This is a pre print version of the following article:

(2)

Contre la sémiotique du prétexte.1

Massimo Leone, Département de Philosophie, Université de Turin.

Résumé en anglais.

Semioticians obsessively talk about texts and their analysis. Yet, in the history of semiotics, few texts have been analyzed. Indeed, semioticians, including the fathers of the discipline, have rather turned texts into pretexts: what mattered in their analysis was not to bring about a hermeneutic result (for instance, changing the way in which the meaning of a text is received by a community) but to demonstrate the validity of a methodology (for instance, reassuring a community, usually composed of other semioticians, about the epistemological soundness of a certain analytical procedure). The paper suggests that one of the chief reasons for which semiotics has been mainly developed as methodological discourse without precise object is that semioticians have rarely been encouraged to reflect on the rationale of their pre-textual choices. Furthermore, the paper contends that if semioticians want to escape from their methodological limbo, they should stop asking themselves (only) — as they maniacally do — “how am I going to analyze this text?” and should start asking themselves, instead, “why am I going to analyze this text?”. More importantly, they should start wondering: “for whom am I going to analyze this text?” Finally, the paper argues that, in order to fruitfully answer this last question, semiotics should not merely develop a further (meta)level of methodological discourse about semiotic analysis conceived as enunciation process but relinquish its solipsism and imagine itself as in dialogue with society. The passage from a semiotics of pretexts to a semiotics of pre-texts means that the work of semioticians should not simply satisfy the methodological worries of other semioticians, but the thirst for meaning of a larger community.

Résumé en français.

Les sémioticiens sont obsédés par les textes et leur analyse. Cependant, dans l’histoire de la sémiotique, peu de textes ont été analysés. En effet, les sémioticiens, y compris les pères de la discipline, ont plutôt transformé les textes dans des prétextes : ce qui importait dans l’analyse n’était pas de produire un résultat herméneutique (par exemple, changer la façon dont le sens d’un texte est reçu par une communauté) mais de démontrer la validité de la méthodologie (par exemple, rassurer une communauté, souvent composée d’autres sémioticiens, sur la solidité épistémologique d’une certaine procédure analytique). L’article suggère que l’une des raisons principales pour lesquelles la sémiotique a été développée principalement comme discours méthodologique sans objet précis est que les sémioticiens ont rarement été encouragés à réfléchir sur les motivations de leurs choix pré-textuels. En outre, l’article soutient que si les sémioticiens veulent s’échapper de leurs limbes méthodologiques, ils devraient arrêter de se demander (uniquement) — comme ils le font de façon maniaque — 

1 Une première version de cet article a été présentée lors du colloque « From Observation to Text, from Text to Culture : Two Paths of Semiotics? », Université de Tallinn, 6-8 mai 2010 ; la même version sera publiée dans un numéro monographique de Semiotica, à paraître en 2014 (éd. Sémir Badir, Stefano Montes, et Licia Taverna). Une deuxième version, en français, a été présentée lors du colloque « La Sémiotique, la Didactique et la Communication - À la croisée des signes », Université Docteur Yahia Farés de Médéa (Algérie), 27-28 novembre 2011. Je remercie tous ceux qui m’ont posé des questions et offert des suggestions après ces deux présentations, ainsi que les organisateurs de deux colloques.

(3)

« comment vais-je analyser ce texte ? », et commencer de se demander, au contraire, « pourquoi vais-je analyser ce texte ? ». Plus important encore, ils devraient commencer de se poser la question : « pour qui vais-je analyser ce texte ? ». Enfin, l’article propose que, afin de répondre à cette dernière question de façon fructueuse, la sémiotique ne devrait pas simplement développer un (méta)niveau ultérieur de discours méthodologique sur l’analyse sémiotique conçue en tant que procès d’énonciation mais abandonner son propre solipsisme et s’imaginer en dialogue avec la société. Le passage d’une sémiotique des prétextes à une des pré-textes signifie que le travail des sémioticiens ne devrait pas satisfaire simplement les soucis méthodologiques des autres sémioticiens, mais la soif de sens d’une communauté plus vaste.

1. Un texte comme les autres ?

Lorsque j’étais jeune post-doc en sémiotique visuelle auprès de l’Université de Sienne, l’une de mes fonctions était celle d’assister les étudiants de licence et maîtrise dans la préparation de leurs dissertations. Les étudiants venaient dans mon bureau avec une image de leur choix et je leur conseillais de la bibliographie et donnais des suggestions à propos de comment mieux aborder l’analyse sémiotique. La plupart des étudiants choisissaient des peintures similaires à celles déjà analysées par des sémioticiens visuels renommés, tels que Calabrese, Floch, ou Thürlemann. Un nombre plus restreint d’étudiants, au contraire, était plus aventureux et se penchait sur des peintures abstraites compliquées, des photographies, et d’autres images contemporaines.

Un jour, une jeune fille habillée entièrement de noir et avec la tête rasée vint dans mon bureau avec une feuille de papier dans ses mains, me disant qu’elle avait besoin de conseils méthodologiques à propos de l’analyse. Lorsque je répondis que j’étais ravi de l’aider, elle me montra l’image sur la feuille : il s’agissait d’une grande croix gammée noire sur un fond complètement blanc. On était le 27 janvier, la Journée de la Mémoire, commémorant l’entrée de l’Armée Rouge à Auschwitz le 27 janvier 1945. Pendant la classe du matin, j’avais analysé l’Autoportrait avec passeport juif de Felix Nussbaum,2 le peintre juif-allemand assassiné par les Nazis à Auschwitz. Maintenant, pendant la réception des étudiants de l’après-midi, une jeune néonazie essayait de me provoquer, ou plutôt de me blesser, en me mettant sous les yeux son grand swastika. Pendant quelques secondes je demeurai sidéré. Je ne savais pas si je devrais sortir en courant de mon bureau, déchirer l’image, ou répondre.

Ce qui importe pour les buts du présent article n’est pas ma réponse à l’étudiante néonazie, mais la chaîne de pensées que cet épisode déclencha dans mon esprit. Si j’avais été complètement fidèle à mon rôle, j’aurais dû aider l’étudiante exactement comme je le faisais avec n’importe quel autre de ses camarades. J’aurais dû lui suggérer de la littérature secondaire sur l’iconographie des totalitarismes au 20e siècle, lui recommander de se concentrer sur la structure plastique de la croix gammée, lui faire noter que ce signe a des connotations différentes dans la symbolique hindoue, etc.

En d’autres mots, si je m’étais limité à accomplir mes tâches didactiques, j’aurais dû lui offrir des conseils essentiellement méthodologiques ; des conseils sur comment utiliser les dispositifs théorétiques, conceptuels, et analytiques de la sémiotique afin de décrire le sens de l’image. L’enjeu dans la relation communicative entre l’étudiante et moi ne consisterait donc pas dans l’objet proposé pour l’analyse, une croix gammée, mais dans une procédure. J’avais appris cette procédure grâce à mes études précédentes et mon devoir en tant qu’enseignant serait de la transmettre à mes étudiants. L’image particulière qu’ils choisissaient d’analyser ne 

(4)

serait pas mon affaire : une peinture de Velasquez, une photographie de Cartier-Bresson, et une croix gammée ne seraient que des prétextes pour tester la familiarité des étudiants avec la méthodologie sémiotique. Si l’étudiante néonazie avait produit une analyse sémiotique efficace de la croix gammée, j’aurais dû me réjouir de mon habilité de lui enseigner la méthode sémiotique.

2. Une discipline à vocation méthodologique.

Bien évidemment, je ne me réjouissais pas. Je commençai de m’interroger sur les finalités de l’enseignement de la sémiotique, et je n’étais pas heureux à l’idée que la sémiotique pouvait être enseignée et apprise comme une méthode n’entraînant aucune réflexion sur ses pré-conditions ; par exemple, une réflexion sur l’opportunité de choisir tel ou tel objet pour l’analyse sémiotique.

D’une part, l’on pourrait soutenir que l’indifférence de la sémiotique à l’égard de ses pré-conditions, à l’inclusion de la motivation d’analyser un certain objet plutôt qu’un autre, n’est pas intrinsèque de cette discipline mais affleure lorsqu’elle est placée dans un cadre didactique. Puisque ce qui compte est que les étudiants apprennent les fondamentaux de la mentalité et de la méthode sémiotique, peu importe la nature des objets qu’ils choisissent d’analyser : ils ne sont pas analysés en tant que textes, mais en tant que prétextes de l’exercice sémiotique.

En outre, l’on pourrait maintenir que la même distorsion a lieu à chaque fois que l’on enseigne n’importe quelle discipline, à savoir, à chaque fois que l’étude est orientée plus vers l’acquisition d’une méthode que vers l’investigation d’un objet. Pour les jeunes étudiants de biologie, par exemple, l’objet particulier qu’ils choisissent d’analyser par le biais d’un microscope importe uniquement dans la mesure où cet objet leur permet d’apprendre à utiliser un microscope en vue d’analyses successives et avec des finalités plus ponctuelles.

D’autre part, cependant, l’on pourrait se demander si l’indifférence vis-à-vis des pré-conditions ne soit pas uniquement extrinsèque de la sémiotique, dépendant d’un environnement didactique, mais si elle ne lui soit en quelque sorte intrinsèque, liée à la façon dont la sémiotique a été développée en tant que discipline académique pendant le dernier siècle.

À cette fin, un regard rétrospectif pourrait être utile. Quoique les racines de la sémiotique moderne se ramifient à travers toute l’histoire de la pensée occidentale — comme des historiens éminents de la sémiotique tels que Giovanni Manetti, John Deely, et d’autres, l’ont indiqué —,3 l’émergence de la sémiotique en tant que nouvelle discipline indépendante 

3

Plusieurs spécialistes se sont efforcés de retracer la préhistoire ou la proto-histoire de la sémiotique. L’un des ouvrages les plus importants dans ce domaine, relativement à l’histoire ancienne, est G. Manetti, 1987 (cfr également K. Dutz et P. Schmitter, 1985 et 1986 ; P. Schmitter, 1987 ; et G. Manetti, 1996). Pour une histoire de la sémiotique depuis la philosophie présocratique jusqu’à Hegel, cfr O. Calabrese, 2001. Sur le Moyen-Âge, L. Brind’Amour et E. Vance, 1983 ; E. Vance, 1986 ; U. Eco et C. Marmo, 1989 ; C. Marmo, 1997 ; et M. Fuchs, 1999. Sur la première modernité, S. Meier-Oeser 1997 et M. Leone, 2010. Sur le siècle des Lumières, S. Auroux, 1979 ; L. Formigari, 1993 ; et S.A. Rosenfeld, 2001. Cfr aussi A. Eschbach et J. Trabant, 1983 et la monumentale histoire de la sémiotique rédigée par John Deely (J. Deely, 2001). G. Manetti et P. Bertetti, 2003 recueille une série d’articles sur les textes fondateurs de la sémiotique (cfr aussi D.S. Clarke, 1990). Cfr également, dans R. Posner, 1997-2003 : « The Historiography of Semiotics », vol. 1, section 5 : pp. 668-762 ; « History of Western Semiotics I : Celtic, Germanic and Slavic Antiquity », 1, 6 : pp. 763-830 ; « History of Western Semiotics II : Ancient Greece and Rome », 1, 7 : 831-983 ; « History of Semiotics III : The Middle Ages », 1, 8 : pp. 984-1198 ; « History of Western Semiotics IV : From the Renaissance to the Early 19th Century », 2, 9 : pp. 1199-1427 ; « History of Western Semiotics V : from the 19th Century to the Present », 2, 10 : pp. 1428-1784.

(5)

coïncide essentiellement avec l’émergence de la modernité, et en particulier avec le commencement de ce qu’on appelle la modernité tardive, ou postmodernité.

Il y a peu de doute que « l’invention » de la sémiotique ait à la fois incarné et produit un changement kuhnien de paradigme, entremêlé de façon inextricable avec le changement de paradigme représenté par la modernité elle-même. Cela est vrai dans une telle mesure que l’histoire de la modernité est impensable sans l’histoire de la sémiotique, et vice versa. À partir de l’élaboration de la sémiotique, les chercheurs aussi bien que les non-académiciens ont été pourvus de l’opportunité de regarder la réalité d’une façon entièrement nouvelle.

Toutefois, le changement kuhnien de paradigme représenté par la sémiotique est différent du changement également fondamental produit, par exemple, par la physique quantique. Celle-ci a été capable d’offrir une interprétation sans précédents de la réalité puisque elle était à même de la baser sur une connaissance plutôt détaillée de la physique subatomique, laquelle à son tour se produisit grâce à une amélioration dramatique de la technologie de la physique nucléaire expérimentale.

Au contraire, le changement de paradigme de la sémiotique n’a pas été fondé sur la découverte et l’investigation expérimentales d’un niveau de la réalité auparavant inexploré. Ce ne fut pas parce qu’ils avaient accès à des nouveaux objets d’investigation que Peirce, Saussure, et Lotman purent offrir des représentations révolutionnaires de la réalité. Dans une certaine mesure, les objets de leur enquête étaient assez similaires à ceux sur lesquels Aristote et d’autres éminents philosophes s’étaient penchés des siècles plus tôt. En revanche, les représentations de la réalité proposées par les sémioticiens de la modernité tardive et de la postmodernité étaient révolutionnaires parce qu’ils avaient accès à un point de vue différent, un qui n’était pas accessible aux penseurs précédents.

Bref, le changement de paradigme de la physique quantique et d’autres sciences expérimentales fut possible à cause d’un changement d’objet d’investigation, tandis que le changement de paradigme de la sémiotique fut possible à cause d’un changement d’angle d’investigation. Dès le début, la sémiotique a été moins l’investigation de nouveaux objets par des vieilles méthodes que l’investigation de vieux objets par des nouvelles méthodes.

3. « Le syndrome méthodologique ».

Le statut épistémologique de la sémiotique, celui d’une discipline dont la nouveauté consistait dans une nouvelle méthode, et non pas dans un nouvel objet, fut immédiatement conçu comme un avantage et un désavantage à la fois. D’un côté, la sémiotique a été capable de défier les frontières académiques précédentes en prétendant que sa méthode pouvait être fructueusement appliquée à des objets traditionnellement investigués par d’autres disciplines. L’on maintenait, et dans une certaine mesure l’on maintient encore, que la sémiotique pouvait pourvoir une méthode totale, capable de découvrir l’interconnexion secrète de tous les phénomènes, et même combler le clivage entre sciences naturelles et humanités.

De l’autre côté, le fait que l’identité épistémologique de la sémiotique était basée sur l’élaboration d’une méthode, plus que sur l’investigation d’une classe d’objets, a emmené les sémioticiens à développer ce qu’on voudrait appeler « le syndrome méthodologique ».

L’un des symptômes les plus communs d’un tel syndrome est la difficulté de repérer une formule universellement acceptée pour définir la discipline même. Traditionnellement, les disciplines académiques ont été définies en relation à l’objet, ou à la classe d’objets, de leurs enquêtes. Cependant, il fut évident tout de suite que définir la sémiotique come la discipline qu’investigue les signes n’était pas le même que définir la géologie comme la discipline qu’investigue la matière physique constituant la terre.

(6)

Les signes ne sont pas un objet d’investigation au même titre que la matière physique. En introduisant la sémiotique au public italien dans les années ’70, Umberto Eco prit la précaution d’indiquer que son Traité de sémiotique générale ne portait pas simplement sur ce que normalement l’on identifie comme des « signes » (les signaux routiers, par exemple), mais sur la possibilité d’étudier n’importe quoi sub specie signi (U. Eco 1975, p. 18). En d’autres mots, les signes n’étaient pas le nouvel objet d’investigation sur lesquels la sémiotique se basait, mais une sorte de concrétion de la nouvelle méthode caractérisant la sémiotique.

Le second symptôme fréquent du « syndrome méthodologique » de la sémiotique a été la tendance à représenter sa quête de la méthode sémiotique la plus efficace comme une quête de l’objet sémiotique le plus approprié. Non seulement plusieurs sémioticiens du passé ont cru que la sémiotique était la discipline, ou même la science, des signes. Enchainant illusion après illusion, ils ont nourri cette farce épistémologique en débâtant sur ce qui pouvait être l’unité-objet correcte de l’enquête sémiotique.

Les manuels de sémiotique pour les étudiants de licence et maîtrise d’habitude racontent l’histoire de la sémiotique come une évolution hégélienne de la science des signes à la science du discours, et de celle-ci à la science des textes.4 À présent, plusieurs sémioticiens sont en train de se faire des nouvelles illusions en soutenant que les cultures, et non pas les textes, son l’objet approprié sur lequel la sémiotique devrait se concentrer.

Toutefois, cette anxiété liée à l’objet essaie de cacher ce qui est évident dès le début de la sémiotique comme discipline autonome : la sémiotique est une méthode sans objet spécifique. Les signes, les discours, les textes, et même les cultures ne sont pas les objets de la sémiotique mais des métaphores théorétiques, épistémologiques, méthodologiques, et analytiques par lesquelles les sémioticiens interprètent la réalité. Définir la sémiotique, comme certains sémioticiens l’ont fait dans le passé récent, en tant que la discipline qu’investigue les textes, est équivalent à définir la biologie comme la discipline qu’investigue les microscopes.

Le troisième symptôme du syndrome méthodologique de la sémiotique est une conséquence directe des premiers. Étant donnée l’impossibilité de définir la sémiotique en relation à son objet, et la propension de plusieurs sémioticiens à confondre les métaphores méthodologiques de la sémiotique avec ses objets, l’histoire de la sémiotique a été pleine de chercheurs présentant les textes, les discours, et les cultures comme l’objet de leur investigation tandis qu’ils n’étaient que des prétextes pour se concentrer sur le véritable objet de la sémiotique : sa méthode.

3.1. « Le syndrome méthodologique » chez Greimas.

Cette troisième tendance à l’auto-illusion a été particulièrement évidente dans la sémiotique post-saussurienne. L’on peut dire d’Algirdas J. Greimas, par exemple — lequel a donné une contribution fondamentale au développement de la méthode structurale en sémiotique — qu’il a rarement analysé des textes. Dans les mains de Greimas, les textes devenaient souvent des prétextes afin de prouver l’exactitude d’un certain tournant théorétique, épistémologique, et méthodologique de la discipline.5



4 Cfr W. Noth, 1985 ; G.P. Caprettini, 1997 ; F. Marsciani, 1999 ; M. Bonfantini, 2000 ; P. Fabbri et G. Marrone, 2000-2001 ; F. Marsciani et T. Lancioni, 2001 ; M.P. Pozzato, 2001 ; F. Rastier, 2001 ; D. Chandler, 2002 ; S.E. Larsen, 2002 ; J. Fontanille, 2003 ; T. Hawkes, 2003 ; U. Volli, 2003 ; S. Gensini, 2004 ; P. Magli, 2004; etc. 5 Parmi les ouvrages fondamentaux de cet auteur, véritable fondateur de la sémiotique générative et l’un des penseurs les plus influents du structuralisme contemporain, cfr 1966 ; 1970 ; 1975 ; 1976 ; 1979 ; 1983 ; 1984 ; 1987 ; 2000 ; 1979 ; et 1986 (avec Jacques Courtès) ; 1991 (avec Jacques Fontanille) ; 1984 (avec Eric Landowski). Pour une bibliographie plus détaillée, cfr F. Marsciani et A. Zinna, 1991 et A.J. Greimas, 1995 (éd. F. Marsciani).

(7)

Même l’analyse textuelle de Greimas la plus articulée, celle de « Deux amis », le compte de Maupassant (A.J. Greimas, 1975), n’est, à plusieurs égards, qu’un exercice méthodologique ; un exercice méthodologique merveilleux, bien évidemment, et l’accomplissement d’un génie systématique, mais tout de même un exercice. Après avoir lu le Maupassant de Greimas, l’on peut à peine penser que l’objectif principal de l’analyse était celui d’offrir une nouvelle interprétation de son objet. Au contraire, l’on peut plus facilement penser que le but primaire de l’analyse était celui d’offrir une application de sa méthode. Peut-être, n’est-il que dans les investigations de Greimas sur le folklore lithuanien (A.J. Greimas, 1979 ; 2008) que le désir de prouver l’exactitude de la méthode sémiotique se retire, et l’objet de l’analyse prend le premier plan.

La plupart des sémioticiens structuraux post-greimasiens ont hérité la même tendance à transformer les textes de leurs analyses dans des prétextes d’auto-assurance méthodologique. L’on peine à penser à n’importe quel livre de Jacques Fontanille,6 par exemple, où les textes soient sémiotiquement analysés de sorte à proposer une hypothèse à propos de leur sens. Plus fréquemment, les textes deviennent comme des exempla dans les vies médiévales des saints : leur intérêt n’est pas dans le contenu biographique, mais dans la façon dont ils laissent resplendir, par leur biais, la lumière d’une certaine conception théorétique, épistémologique, et méthodologique du sens.

Si la préoccupation méthodologique de Greimas est compréhensible compte tenu de son rôle de fondateur d’une nouvelle méthodologie, la frénésie méthodologique de ses disciples est moins intelligible : c’est comme si la plupart des sémioticiens post-greimasiens étaient intéressés davantage à perfectionner les intuitions méthodologiques de Greimas qu’à les appliquer à une classe spécifique d’objets. Comme si leur rôle de sémioticiens consistait à créer des dispositifs méthodologiques plutôt qu’à les utiliser. Comme si le moment dans lequel la méthode est enfin confrontée avec l’objet d’investigation pouvait être reportée indéfiniment. Comme si le choix d’un tel objet n’avait aucune importance réelle, pourvu qu’il se prouve efficace à soutenir les nouvelles intuitions méthodologiques des sémioticiens.

Comme il sera indiqué plus tard, c’est mon avis personnel que l’attachement à ces préliminaires méthodologiques n’est pas entièrement innocent, mais trahit une déconnexion entre les sémioticiens et la réalité sociale dans laquelle ils vivent.

3.2. Le syndrome méthodologique chez Peirce.

Les analyses sémiotiques plus ou moins basées sur la philosophie de Peirce n’ont pas été moins enthousiastes dans la transformation des textes en prétextes méthodologiques. On sait bien que Peirce n’était pas premièrement intéressé à l’élaboration d’une méthode pour l’analyse sémiotique,7 bien que quelques-unes de ses intuitions dans le domaine de la philosophie des signes aient été utilisés pour constituer une méthode sémiotique, pas toujours avec des résultats appréciables.

Cependant, la sémiotique qu’on appelle « interprétative », qu’Umberto Eco et ses disciples ont introduite et développée sur la base du concept peirceen d’abduction, manifeste plusieurs des symptômes caractérisant le syndrome méthodologique de Greimas et de son



6

Jacques Fontanille, l’un des plus importants sémioticiens vivants, est l’auteur d’un nombre très élevé d’ouvrages. Nous ne mentionnons que les plus connus : 1989 ; 1995 ; 1999 ; 1999a ; 2003 ; 2004. Avec Greimas (1991).

7 La bibliographie sur ce philosophe, l’un des plus importants de l’histoire des EEUU, fondateur du pragmatisme, est immense. Pour une autobiographie, cfr C.S.S. Peirce, 1998 ; pour une bibliographie mise à jour jusqu’à 1986, K.L. Kettner, 1986. Les écrits de Peirce se trouvent dans C.S.S. Peirce, 1931-5 et 1982-2000. Pour une introduction générale à sa philosophie, cfr C. Misak, 2004.

(8)

école. Eco a écrit nombre d’essais éclairants sur l’interprétation des textes mais, avec peu d’exception, il n’a jamais interprété un texte dans l’intérêt de l’interprétation.8

Au contraire, comme chez Greimas, ainsi chez Eco les textes deviennent essentiellement des exemples, des prétextes pour falsifier des théories interprétatives alternatives et valider la méthode sémiotique. L’analyse sémiotique la plus articulée qu’Umberto Eco n’ait jamais menée est peut-être celle de Sylvie de Gérard de Narval (U. Eco, 1994). Cependant, à la fois Eco et ses disciples se réfèrent à ladite analyse non pas comme à une exploration révolutionnaire du sens de ce texte littéraire, ou comme à une page radicalement nouvelle dans la philologie de la littérature française, mais comme à l’épreuve la plus évidente que la méthode sémiotique d’interprétation d’Umberto Eco est efficace. Derechef, le succès de la méthode analytique paraît plus important que celui de l’analyse elle-même.

3.3. « Le syndrome méthodologique » chez Lotman.

La troisième branche majeure dans l’histoire de la sémiotique contemporaine, celle initiée et développée essentiellement par Jurij M. Lotman,9 mérite une considération spéciale. Dans plusieurs de ses écrits, Lotman semble adopter la même approche du syndrome méthodologique décrit plus haut. On ne s’y réfère pas à la littérature, à l’histoire, au folklore, etc. comme à des champs spécifiques de l’analyse sémiotique, mais comme à des réservoirs d’exemples pouvant être mentionnées afin d’augmenter l’efficacité rhétorique du discours théorétique. Une conséquence problématique de cette transformation des objets culturels dans des prétextes est que leur analyse peut être falsifiée uniquement si l’on falsifie la construction entière de la théorie sémiotique de la culture de Lotman.

La plupart des chercheurs contemporains en sémiotique se rappellent de façon très vive les microanalyses de Lotman sur certains aspects de la littérature, de l’histoire, et du folklore russes. Néanmoins, ils s’en souviennent non pas en tant qu’éclaircissements à propos de la civilisation russe, mais en tant que fragments de telle civilisation étayant le magnifique bâtiment de la théorie sémiotique de la culture de Lotman.

Toutefois, soutenir que Lotman était sujet au syndrome méthodologique autant que les autres géants de la sémiotique contemporaine serait injuste. Lotman ne produisit pas seulement des essais où les textes sont transformés en prétextes de la rhétorique méthodologique. Il produisit également des essais analytiques dans lesquels la méthode sémiotique est considérée comme acquise, se retire dans les coulisses, et laisse le premier plan aux textes.

Dans les analyses exemplaires de Lotman à propos des chefs-d’œuvre de la littérature russe, par exemple, les lecteurs peuvent immédiatement percevoir que ce qui est en jeu n’est plus le besoin de démontrer l’efficacité de la méthode sémiotique, mais le désir d’appliquer cette méthode afin de pourvoir des interprétations fraiches et sans précédents d’une page fondamentale de l’histoire humaine. Dans ces essais, l’on rencontre le même équilibre entre soin pour la méthode analytique et passion pour l’objet d’analyse que l’on trouve également dans les analyses sémiotiques de Greimas sur le folklore lithuanien.

Lotman fut capable de trouver ce juste milieu entre la méthode et l’objet parce qu’il n’était pas seulement un sémioticien. Il était également un philologue et un historien. Dans 

8

L’œuvre d’Umberto Eco est immense ; cfr surtout U. Eco, 1962 et 1979. Encore plus vaste est la bibliographie des études qui lui ont été consacrées. Pour une introduction, cfr P. Magli, G. Manetti, et P. Violi, 1992 ; J. Petitot, P. Fabbri et A.M. Lorusso, 2001 ; Lorusso 2008 ; etc.

9 La pensée de Lotman (conjointement avec celle de Boris Andreevich Ouspenski) est l’une de plus originales et fécondes de la sémiotique contemporaine, surtout en ce qui concerne l’analyse de la culture ou des macroséries de textes. Malheureusement, Lotman est encore peu traduit dans les langues de l’Europe occidentale. En français, cfr J.M. Lotman 1973 ; 1977 ; 1990 ; 1999 ; et 2004 ; J.M. Lotman et B.A. Ouspenski 1976.

(9)

d’autres mots, il ne succomba pas entièrement au syndrome méthodologique car la question existentielle qui animait ses efforts de chercheur n’était pas simplement : comment puis-je améliorer le potentiel théorétique, épistémologique, et analytique de la sémiotique ? Sa question existentielle était également : étant donné que ce potentiel existe, comment puis-je l’utiliser afin de récrire l’histoire de la civilisation russe ?

4. Nains sur les épaules de géants.

Plusieurs leçons peuvent être apprises de l’histoire récente de la sémiotique. Les contributions de Greimas, Eco, et Lotman au développement de la théorie sémiotique ont été extraordinaires. Nous sommes, et nous serons toujours, des nains sur les épaules de ces géants. Cependant, la révérence envers ces maîtres ne doit pas impliquer que des parcours alternatifs ne doivent pas être explorés. Se concentrer sur l’élaboration de la méthode sémiotique était important au début de la sémiotique comme discipline indépendante. Les sémioticiens devaient en forger l’identité en compétition avec les autres humanités et, de façon assez compréhensible, décidèrent de renforcer leur position théorétique et méthodologique.

Toutefois, il est temps que, comme dans les essais les plus convaincants de Greimas, Eco, et Lotman, les sémioticiens arrêtent de concevoir la sémiotique comme une méthode universelle en quête de son objet et commencent à chercher des objets particuliers en quête d’une méthode sémiotique convenable. Ce n’est qu’en tournant le regard de la méthode aux objets que les sémioticiens finalement produiront de l’analyse de textes, plutôt que des prétextes pour l’analyse.

4.1. Deux illusions de la sémiotique contemporaine.

Plusieurs sémioticiens contemporains, principalement de tendance post-greimasienne, invoquent à présent une attention majeure envers le cadre énonciatif caractérisant l’entreprise analytique. Dans des mots plus simples, les sémioticiens ne devraient pas simplement observer, décrire, et analyser les traits sémiotiques principaux d’une structure textuelle, mais réfléchir aussi sur les pré-conditions théorétiques, méthodologiques, et épistémologiques qui permettent à cette structure de devenir saillante. La question ne devrait être plus, ou du moins ne devrait être plus uniquement, « comment puis-je analyser ce texte ? », mais aussi « comment ai-je cerné ce texte en première instance ? » ; « comment l’ai-je détaché de son contexte et transformé dans un objet d’analyse ? ».10

La réponse que plusieurs sémioticiens contemporains sont en train de donner à ces questions est que la sémiotique des textes devrait être élargie dans une sémiotique des cultures afin de comprendre comment les textes sont forgés par les dynamiques culturelles caractérisant une certaine sémiosphère, pour utiliser le lexique de Lotman.11

Mais ce tournant de la sémiotique envers une conscience de soi énonciative et culturelle n’est pas nouveau et, d’un certain point de vue, n’est pas extraordinairement utile non plus. L’urgence de réfléchir sur l’énonciation métalinguistique produisant les textes en tant qu’unités analytiques n’est que une réélaboration — utilisant le vocabulaire, à présent trendy, de la sémio-linguistique de l’énonciation de Benveniste12 — de la réflexion d’Umberto Eco 

10 Cfr G. Marrone 2011. 11 Cfr M. Leone 2012.

12 La bibliographie sur la linguistique et la sémiotique de l’énonciation est vaste. Sur la genèse de ce concept, cfr É. Benveniste, 1966 et 1971; pour une vue d’ensemble sur la théorie de l’énonciation de Benveniste, cfr ?. Ono, 2007; pour une synthèse efficace de cette tradition d’étude, cfr G. Manetti, 1998 et 2008; pour une intéressante approche phénoménologique à la sémiotique de l’énonciation, cfr Coquet 2007.

(10)

sur les limites de l’interprétation textuelle (U. Eco, 1990). En outre, toute la littérature sur le concept de paratexte, du moins depuis Genette, tourne autour de la nécessité de développer une conscience plus aigue des raisons pour lesquelles les textes commencent et finissent d’une certaine façon (G. Genette, 1987).

En ce qui concerne l’appel pour une investigation approfondie des alentours culturels des textes, cela vient d’être répété tellement, avec la floraison correspondante de cours et manuels de sémiotique culturelle à la fois en Italie et ailleurs, qu’il s’est transformé dans un mantra vide.13

La réflexion sur les pré-conditions énonciatives et culturelles de la méthode sémiotique ne soignera pas le syndrome méthodologique de la sémiotique parce qu’il se limitera à élargir le domaine de ce que l’on voudrait appeler ici « la pensée procédurale ». Les sémioticiens contemporains sont en train de devenir de plus en plus conscients que si la sémiotique veut survivre comme une discipline autonome, elle doit dépasser le stade des préliminaires méthodologiques et commencer à avoir une relation étroite avec la réalité.

4.2. Misère de la sémiotique procédurale.

Toutefois, la stratégie que les sémioticiens contemporains sont en train d’envisager afin de passer d’une sémiotique des prétextes à — enfin — une des textes est encore une procédure méthodologique. Analysons la façon dont nous cernons nos textes — les sémioticiens disent maintenant — selon quelles dynamiques culturelles et énonciatives, et finalement nous serons capables de fonder la légitimité épistémologique de la sémiotique vis-à-vis des objets.

Cette fantaisie procédurale est une nouvelle version d’une tendance perverse qui s’est souvent manifestée dans l’histoire récente de la sémiotique tout comme dans celle des autres humanités. Souhaitant atteindre le même statut et par conséquent la même dotation financière des sciences dures, les sémioticiens ont rêvé d’une situation analytique dans laquelle la méthode rencontre l’objet sans aucune intervention de l’analyste. Dans cette fantaisie, l’analyste devient une machine computationnelle dont les choix sont rationnellement guidés par une procédure.

Tandis que la pensée procédurale du 20e siècle — Greimas, Eco, et d’autres — fantasmaient d’une méthode qu’on pouvait appliquer à n’importe quel objet — une fantaisie que la psychanalyse pourrait facilement expliquer comme un désir de contrôle disproportionné —, dans la nouvelle pensée procédurale de la sémiotique du 21e siècle, cette fantaisie est en train d’être étendue du domaine méthodologique à celui analytique : si nous travaillerons durement, cette fantaisie dit-elle — nous pourrons élaborer non seulement une procédure pour analyser des textes de façon mécanique ; nous pourrons également élaborer une procédure afin de déterminer, de façon mécanique, comment nous repérons les textes que nous analysons.

Cette nouvelle version d’une veille pensée procédurale ne changera pas le statut de la sémiotique comme discipline sans objet parce qu’elle répondra simplement à une question syntaxique, la question sur laquelle portent toutes les méthodologies, la question « comment ? ». « Comment est-ce que j’analyse ce texte ? » : la sémiotique traditionnelle a une réponse prête. « Comment est-ce que je repère le texte que j’analyse ? » : la nouvelle sémiotique aussi a une réponse prête.

Cependant, la pensée procédurale ne sera pas capable de répondre à une question sémantique, la question à laquelle les méthodologies de toute sorte ne sont pas capables de répondre, la question « pourquoi ? » : « Pourquoi est-ce que j’analyse un texte plutôt qu’un autre ? » ; « pourquoi Maupassant, pourquoi Gérard de Nerval, pourquoi le folklore russe ? » Jusqu’à présent, la plupart des sémioticiens ont implicitement répondu : « j’analyse ces textes 

(11)

et pas d’autres parce que la méthode sémiotique s’applique à ces textes mieux qu’à des autres ». Cependant, il est évident que cette réponse pousse les sémioticiens dans un cercle vicieux, dans le cercle vicieux du syndrome méthodologique.

Si je n’analyse des textes par le biais de la sémiotique que parce qu’ils peuvent être analysés par le biais de la sémiotique, alors je construis des prétextes et non pas des textes. Mon travail sémiotique, indépendamment de combien impeccable puisse-t-il être du point de vue procédural, est aveugle. J’utilise la méthode sémiotique en me dégradant dans une machine computationnelle.

5. Des nouvelles questions.

Afin de s’enfuir du cercle vicieux du syndrome méthodologique, les sémioticiens devraient arrêter de se poser obsessionnellement la question syntaxique « comment ? » et commencer de se poser la question sémantique « pourquoi ? » Cependant, l’on peut répondre à cette question non pas de façon procédurale mais existentielle ; en portant tout le poids que le libre arbitre et ses choix impliquent.

« Pourquoi est-ce qu’un certain texte importe pour moi ? » ; « pourquoi est-ce que j’ai décidé d’investir du temps et de l’énergie en appliquant la méthode sémiotique à ce texte ? » ; « pourquoi est-ce que je ne décide pas d’analyser un autre texte ? ». Si les sémioticiens professionnels ne commencent pas d’aborder ces questions, ils vont tous donner l’impression que la sémiotique est une méthode aveugle, pouvant être appliquée de façon indiscriminée à un poème, à une publicité, ou à une croix gammée.

Répondre à ces questions importe parce que ce qui est en jeu n’est pas simplement l’introspection psychologique, existentielle, et autobiographique que chaque sémioticien peut exercer à propos de son travail. Ce qui est en jeu est beaucoup plus important : c’est le statut de la sémiotique dans la société.

Dans les années Soixante-dix, lorsque Umberto Eco élaborait sa théorie sémiotique, la société italienne était radicalement différente de ce qui elle est à présent. Dans plusieurs de ses essais, Eco soulignait que la sémiotique devait être utilisée comme un dispositif analytique capable de jeter de la lumière sur la façon dont des relations de pouvoir sont incarnées par les communications caractérisant une certaine société.14 Eco créa même le terme de « guérilla sémiotique » afin d’indiquer le statut théorétique combatif que la sémiotique devrait maintenir dans les sociétés contemporaines (U. Eco, 1986).

À présent, non seulement très peu de monde se souvient encore du concept de « guérilla sémiotique », mais si l’on interroge les étudiants italiens de sémiotique à propos de ce qu’ils pensent être le but de cette discipline mystérieuse, la plupart d’entre eux répondront qu’ils essaient d’apprendre la sémiotique parce qu’elle est un dispositif utile dans la communication commerciale, et particulièrement dans la création de publicité.

En effet, la méthodologie sémiotique est assez utile dans l’analyse et dans l’élaboration du discours de la publicité. Plusieurs sémioticiens importants ont donné une contribution fondamentale à cet égard. Toutefois, cela n’est pas la question. Cela est la question si la sémiotique est conçue de façon procédurale, comme une méthode sans objet disponible pour l’analyse de n’importe quel texte. Comme on l’a souligné plus haut, les pères de la discipline sont involontairement responsables pour avoir attribué à la sémiotique une telle aura méthodologique universelle.

« Comment puis-je analyser une campagne publicitaire ? » ; « comment puis-je en élaborer une ? » ; la sémiotique a une réponse. Mais les sémioticiens professionnels et surtout 

(12)

les enseignants de sémiotique ne devraient-ils pas encourager les étudiants à complémenter ces questions procédurales par des interrogatifs existentiels ? Ne devraient-ils pas pousser les étudiants à se demander non seulement comment, mais aussi pourquoi ils analysent certains textes ?

6. Conclusion : vers une sémiotique des pré-textes.

Afin d’abandonner la sémiotique des prétextes et embrasser une sémiotique des textes, une sémiotique qui ne soit pas aveugle vis-à-vis des objets, les sémioticiens ne devraient pas simplement développer une nouvelle procédure métalinguistique ou fantasmer que les cultures puissent remplacer les signes et les textes dans la quête des objets sémiotiques parfaits. Les sémioticiens devraient développer une sémiotique des pré-textes : quelles conditions sociales nous poussent-elles à attribuer de l’importance à l’analyse de certains textes ? Pourquoi mes étudiants préfèrent-ils analyser de la publicité plutôt que des peintures ?

La finalité de cette investigation n’est pas celle d’encourager les sémioticiens et leurs étudiants envers une sémiotique en dehors du marché, ou même contre le marché. Les sémioticiens, aussi bien que leurs étudiants, ont tous les droits de choisir d’analyser n’importe quels objets ils souhaitent par la méthodologie sémiotique. Au contraire, la finalité de cette auto-investigation est d’encourager à la fois les sémioticiens et leurs étudiants à reconnaître que la sémiotique n’est pas une méthode universelle sans un objet particulier, et que le choix de l’objet conditionne en profondeur les conditions du statut social de la sémiotique.

Dans des mots plus simples, la sémiotique ne devrait plus simplement demander, de façon procédurale, « comment est-ce que j’analyse ce texte ? » mais aussi, existentiellement, « pourquoi est-ce que j’analyse ce texte ? ». Cependant, il est impossible de répondre à cette question existentielle dans une façon non-dialogique. La question « comment est-ce que j’analyse ce texte ? » implique implicitement la question « pour qui est-ce que j’analyse ce texte ? ». Pour qui, par exemple, choisis-je d’appliquer la méthode sémiotique à une publicité : pour ceux qui montent des campagnes publicitaires, dans l’espoir de devenir l’un d’eux, ou bien pour ceux qui reçoivent cette publicité dans la vie de tous les jours, afin de les aider à décoder le langage de la persuasion commerciale ?

La fantaisie d’une méthode sémiotique neutre, indifférente au choix de ses objets, immune de tout enchevêtrement idéologique, est une farce de ce que la civilisation humaine a dénommé « les humanités ». Si la sémiotique fait partie des humanités, et je suis de cet avis, elle ne peut pas ignorer que le choix des objets de ses analyses sophistiquées fait partie intégrale non seulement des analyses elles-mêmes mais aussi du même statut de la sémiotique en tant que discipline.

Pour qui les sémioticiens débâtent-ils à propos des signes, des discours, des textes, et des cultures ? Jusqu’à présent, et spécialement depuis la disparition de l’idée de « guérilla sémiotique », il semble que les sémioticiens aient plutôt développé leurs analyses en ayant comme interlocuteurs des autres sémioticiens, ou des étudiants en sémiotique. En d’autres mots, le discours sémiotique s’est transformé dans un discours académique, et a perdu tout contact avec le public commun. Le jargon abstrus que plusieurs sémioticiens ont élaboré a à la fois incarné et emphatisé ce phénomène.

Pour qui les sémioticiens devraient-ils, au contraire, appliquer la méthodologie efficace de la sémiotique ? Chaque sémioticien sera libre de répondre à cette question de façon différente, selon sa propre idéologie.15 Toutefois, ne même pas se poser cette question, ne



(13)

même pas se prendre la responsabilité de la réponse qu’on y donne, ne devrait être plus accepté sans réflexion.

Bibliographie.

Auroux, Sylvain (1979) La Sémiotique des encyclopédistes : essai d'épistémologie historique des sciences du langage, Paris : Payot.

Benveniste, Émile (1966) Problèmes de linguistique générale, I, Paris: Gallimard. Benveniste, Émile (1971) Problèmes de linguistique générale II, Paris: Gallimard.

Bonfantini, Massimo (2000) Breve corso di semiotica, Naples : Edizioni scientifiche italiane. Brind’Amour, Lucie et Vance, Eugene (1983) Archeologie du signe, Toronto : Institut

Pontifical d’Études Médiévales.

Calabrese, Omar (2001) Breve storia della semiotica. Dai presocratici a Hegel, Milan : Feltrinelli.

Caprettini, Gian Paolo (1997) Segni, testi, comunicazione. Gli strumenti semiotici, Turin : UTET.

Chandler, Daniel (2002) Semiotics : the Basics, London and New York : Routledge.

Clarke, David S. (1990) Sources of Semiotic [sic] : Readings with Commentary from Antiquity to the Present, Carbondale, IL : Southern Illinois University Press.

Coquet, Jean-Claude (2007) Phusis et logos: Une phénoménologie du langage, Saint Denis: Presses Universitaires de Vincennes.

Deely, John (2001) Four Ages of Understanding – The First Postmodern Survey of Philosophy from Ancient Times to the Turn of the Twenty-first Century, Toronto ; Buffalo ; Londres : University of Toronto Press.

Dutz, Klaus et Schmitter, Peter (éd.) (1985) Historiographia semioticæ : Studien zur Rekonstruktion der Theorie und Geschichte der Semiotik, Munster : MAKS Publikationen.

Dutz, Klaus et Schmitter, Peter (éd.) (1986) Geschichte und Geschichtsschreibung der Semiotik : Fallstudien : Akten der 8. Arbeitstagung des Munsteraner Arbeitskreises fur Semiotik, Munster 2.-3.10.1985, Munster : MAKS.

Eco, Umberto (1962) Opera aperta : forma e indeterminazione nelle poetiche contemporanee, Milan : Bompiani.

Eco, Umberto (1975) Trattato di semiotica generale, Milan : Bompiani.

Eco, Umberto (1979) Lector in fabula : la cooperazione interpretativa nei testi narrativi, Milan : Bompiani.

Eco, Umberto (1986) « Towards a semiological guerrilla warfare », dans Id., Travels in Hyperreality, trad. angl. William Weaver, New York: Harcourt Brace Jovanonich, pp. 135–145.

Eco, Umberto (1990) I limiti dell’interpretazione, Milan : Bompiani.

Eco, Umberto (1994) Sei passeggiate nei boschi narrativi : Harvard university, Norton Lectures, 1992-1993, Milan : Bompiani

Eco, Umberto et Fabbri, Paolo (1965) Prima proposta per un modello di ricerca interdisciplinare sul rapporto televisione/pubblico, Perouse : Mimeo.

Eco, Umberto et Marmo, Costantino (éd.) (1989) On the Medieval Theory of Signs, Amsterdam ; Philadelphia : J. Benjamins.

Eschbach, Achim et Trabant, Jurgen (éd.) (1983) History of Semiotics, Amsterdam; Philadelphia : John Benjamins.

Fabbri, Paolo et Marrone, Gianfranco (éd.) (2000-2001) Semiotica in nuce, 2 vols, Rome : Meltemi.

(14)

Fontanille, Jacques (1989) Les Espaces subjectifs : introduction à la sémiotique de l’observateur (discours-peinture-cinéma), Paris : Hachette.

Fontanille, Jacques (1995) Sémiotique du visible : des mondes de lumière, Paris : PUF. Fontanille, Jacques (1996) « Stile e prassi enunciativa », dans Carte semiotiche, 3 : 11-33. Fontanille, Jacques (1999) Modes du sensible et syntaxe figurative, Limoges : Pulim. Fontanille, Jacques (1999a) Sémiotique et littérature : essais de méthode, Paris : PUF. Fontanille, Jacques (2003) Sémiotique du discours, Limoges : Pulim.

Fontanille, Jacques (2004) Figure del corpo. Per una semiotica dell’impronta, Rome : Meltemi.

Formigari, Lia (1993) Signs, Science, and Politics : Philosophies of Language in Europe, 1700-1830, Amsterdam ; Philadelphia : J. Benjamins Pub. Co.

Fuchs, Michael (1999) Zeichen und Wissen : das Verhältnis der Zeichentheorie zur Theorie des Wissens und der Wissenschaften im dreizehnten Jahrhundert, Münster :

Aschendorff.

Genette, Gérard (1987) Seuils, Paris : Editions du seuil.

Gensini, Stefano (2004) Manuale di semiotica, Rome : Carocci.

Greimas, Algirdas Julien (1966) Sémantique structurale, Paris : Larousse (nouvelle éd. Paris : PUF, 1986).

Greimas, Algirdas Julien (1970) Du sens, Paris : Seuil.

Greimas, Algirdas Julien (1975) Maupassant : la sémiotique du texte, exercices pratiques, Paris : Seuil.

Greimas, Algirdas Julien (1976) Sémiotique et sciences sociales, Paris : Seuil.

Greimas, Algirdas Julien (1979) Apie dievus ic mones. Lietuviu Mitologijos Studijos, Chicago : A.M., tr. fr. (1985) Des dieux et des hommes, Paris : PUF.

Greimas, Algirdas Julien (1983) Du sens II. Essais sémiotiques, Paris : Seuil.

Greimas, Algirdas Julien (1984) Sémiotique figurative et sémiotique plastique, Paris : Groupe de recherches sémio-linguistiques.

Greimas, Algirdas Julien (1987) L’imperfection, Périgueux: P. Fanlac. Greimas, Algirdas Julien (1995) Miti e figure, Bologne : Progetto Leonardo. Greimas, Algirdas Julien (2000) La mode en 1830 [et autres essais], Paris : PUF. Greimas, Algirdas Julien (2008) « Le songe de Gediminas: essai d’analyse du mythe

lithuanien de la fondation de la cité », dans Leone, Massimo (éd.) (2009) La città come testo: scritture e riscritture urbane – The City as Text: Urban Writing and Re-Writing ; numéro monographique de Lexia, 1-2 (Rome : Aracne), pp. 411-442.

Greimas, Algirdas Julien et Courtès, Jacques (1979) Sémiotique – Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris : Hachette.

Greimas, Algirdas Julien et Courtès, Jacques (éd.) (1986) Sémiotique : dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Tome 2, Compléments, débats, propositions, Paris : Hachette. Greimas, Algirdas Julien et Landowski, Eric (1984) Pragmatique et sémiotique, Paris :

Groupe de recherches sémio-linguistiques.

Greimas, Algirdas Julien et Fontanille, Jacques (1991) Sémiotique des passions. Des états de choses aux états d’âme, Paris : Seuil.

Hawkes, Terence (2003) Structuralism and Semiotics, London and New York : Routledge. Kettner, Kenneth Laine (éd.) (1986) A Comprehensive Bibliography of the Published Works

of Charles Sanders Peirce with a Bibliography of Secondary Studies, Bowling Green, OH : Philosophy Documentation Center, Bowling Green State University.

Larsen, Svend Eric (2002) Signs in Use : an Introduction to Semiotics, London and New York : Routledge.

Leone, Massimo (2009) « The Semiotic Therapy of Religious Law », International Journal for the Semiotics of Law, 24, 3, pp. 293-306.

(15)

Leone, Massimo (2010) “Ancient tradition and modern audacity: On the (proto-) semiotic ideas of Juan Caramuel y Lobkowitz”, Semiotica, 182, 1-4, October 2010, pp. 247-68. Leone, Massimo (2012) « From Theory to Analysis: Forethoughts on Cultural Semiotics »,

dans Pisanty, Valentina et Traini, Stefano (éd.) Dalle analisi alla teoria: ripensamenti sulla semiotica della cultura, numéro monographique de Versus, 116-7, à paraître. Lorusso, Anna Maria (2008) Umberto Eco : temi, problemi e percorsi semiotici, Rome :

Carocci.

Lotman, Iouri Mikhailovitch (1973) La Structure du texte artistique, Paris : Gallimard.

Lotman, Iouri Mikhailovitch (1977) Sémiotique et esthétique du cinéma, Paris : Éditions sociales.

Lotman, Iouri Mikhailovitch (1990) Sémiotique de la culture russe : études sur l’histoire, Lausanne : l’Âge d’homme.

Lotman, Iouri Mikhailovitch (1999) La Sémiosphère, Limoges : Pulim.

Lotman, Iouri Mikhailovitch (2004) La Culture et l’explosion, Limoges : Pulim.

Lotman, Iouri Mikhailovitch et Ouspenski, Boris Andreevitch (1976) Travaux sur les systèmes de signes, Bruxelles : Éditions Complexe.

Magli, Patrizia (2004) Semiotica. Teoria, metodo, analisi, Venise : Marsilio.

Magli, Patrizia; Manetti, Giovanni et Violi, Patrizia (1992) Semiotica : storia teoria interpretazione : saggi intorno a Umberto Eco, Milan : Bompiani.

Manetti, Giovanni (1987) Le teorie del segno nell’antichità classica, Milan : Bompiani.

Manetti, Giovanni (éd.) (1996) Knowledge through Signs : Ancient Semiotic Theories and Practices, Turnhout : Brepols.

Manetti, Giovanni (1998) La teoria dell’enunciazione: L’origine del concetto e alcuni più recenti sviluppi, Siena: Protagon.

Manetti, Giovanni (2008) L’enunciazione: Dalla svolta comunicativa ai nuovi media, Milan: Mondadori Università.

Manetti, Giovanni et Bertetti, Paolo (éd.) (2003) Semiotica : Testi esemplari. Storia, teoria, pratica, proposte, Turin : Testo & Immagine.

Marmo, Costantino (1997) Vestigia, Imagines, Verba : Semiotics and Logic in Medieval Theological Texts (XIIIth-XIVth Century), Tournhout : Brepols.

Marrone, Gianfranco (2011) Introduzione alla semiotica del testo, Rome-Bari: Laterza.

Marsciani, Francesco (1999) Esercizi di semiotica generativa : dalle parole alle cose, Bologne : Esculapio.

Marsciani, Francesco et Lancioni, Tarcisio (2001) Introduzione all’analisi semiotica del testo, Milan : Angeli.

Marsciani, Francesco et Zinna, Alessandro (1991) Elementi di semiotica generativa, Bologne : Leonardo.

Meier-Oeser, Stephan (1997) Die Spur des Zeichens : das Zeichen und seine Funktion in der Philosophie des Mittelalters und der frühen Neuzeit, Berlin et New York: Walter de Gruyter.

Misak, Cheryl (éd.) (2004) The Cambridge Companion to Peirce, Cambridge : Cambridge University Press.

Noth, Wienfried (1985) Handbuch der Semiotik, Stuttgart : Metzler.

Ono, Aya (2007) La Notion d’énonciation chez Émile Benveniste, Limoges: Lambert-Lucas. Peirce, Charles Sanders Sebastian (1931-5) Collected Papers, 8 vols, Cambridge, Mass.:

Harvard University Press.

Peirce, Charles Sanders Sebastian (1982-2000) Writings of Charles S. Peirce : a Chronological Edition, 6 vols, Bloomington : Indiana University Press.

Peirce, Charles Sanders Sebastian (1998) His Glassy Essence : an Autobiography of Charles Sanders Peirce, Nashville : Vanderbilt University Press.

(16)

Petitot, Jean ; Fabbri, Paolo et Lorusso, Anna Maria (2001) Nel nome del senso. Intorno all’opera di Umberto Eco, Florence : Sansoni.

Posner, Roland ; Robering, Klaus et Sebeok, Thomas A. (1997-2003) Semiotik : ein Handbuch zu den zeichentheoretischen Grundlagen von Natur und Kultur, 3 vols, Berlin; New York : Walter de Gruyter.

Pozzato, Maria Pia (2001) Semiotica del testo, Rome : Carocci. Rastier, François (2001) Arts et sciences du texte, Paris : PUF.

Rosenfeld, Sophia A. (2001) A Revolution in Language : the Problem of Signs in Late Eighteenth-Century France, Stanford : Stanford University Press.

Schmitter, Peter (1987) Das sprachliche Zeichen : Studien zur Zeichen- und Bedeutungstheorie in der griechischen Antike sowie im 19. und 20. Jahrhundert, Munster : Institut fur Allgemeine Sprachwissenschaft der Westfalischen Wilhelms-Universität.

Vance, Eugene (1986) Mervelous Signals : Poetics and Sign Theory in the Middle Ages, Lincoln : University of Nebraska Press.

Riferimenti

Documenti correlati

Sebbene il fantastico non sia un elemento ricorrente nella letteratura sarda moderna e contemporanea, non mancano le apparizioni di spiriti, diavoli e fate nelle leggende di

Moreover, in order to make our quantification more rigorous, we performed our analyses by counting only the signal isolated at the level of the outer nuclear layer, without

Il progetto di architettura e di paesaggio riferito agli spazi aperti, intesi come sistema complesso di relazioni, per propria intrinseca condizio- ne interscalare, pone in essere

La dinamica riguardante le sinergie con il Porto di Livorno viene studiata in questa prospettiva nell’ottica di pubblico interesse, ossia si presuppone che un aumento

Le Château lui-même permettra de reconstruire la vie de Marguerite et d’Henri II de Navarre, mais aussi des autres personnalités qui ont pris leur place dans ce lieu, comme leur

Leur productivité peut aussi augmenter si le mot ou le syntagme étranger est facilement intégrable : si le mot se caractérise par une forme base très simple dans la langue modèle

They were presented with visual stimuli in their “blind” visual field and re- quested to provide first a 2AFC response on the stimulus feature (i.e. contrast) and then to rate

In Experiment 2 partic- ipants listened to the same intervals intermixed with white noise (intervals were presented in 50% of trials) and had to respond as fast as possible by