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Guarda Le Turak, théâtre visuel et musical ou de l’objet à la poésie musicale

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Itinera, N. 13, 2017. Pagina 414

Le Turak, théâtre visuel et musical ou de l’objet à la poésie

musicale

di Virginie Lupo [email protected]

The Turak Théâtre d’objets is a company which was created by Michel Laubu thirty years ago. Their objective is to turn each spectator into a child again. In order to reach that goal, why not use poetry and imagination? Their work consists in transforming the objects you use everyday: they may be turned into characters, pieces of furniture or musical instruments: for instance you might find drums made of barrels, or the invention of an instrument, the « arsenoïtal », or the creation of a clarinet, etc...

We can highlight the link between the objects and the music in the shows by the Turak company so as to show how the relation between seeing, touching and hearing leads to musical poetry.

Cette séparation entre le théâtre d'analyse et le monde plastique nous apparaît comme une stupidité. On ne sépare pas le corps de l'esprit […]. Donc, d’une part, la masse et l’étendue d’un spectacle qui s’adresse à l’organisme entier ; de l’autre, une mobilisation intensive d’objets, de gestes, de signes, utilisés dans un esprit nouveau.

(Antonin Artaud)1

Le public vient au théâtre pour voir et non pour entendre. Qu’est-ce que cela prouve, sinon que le public d’aujourd'hui est demeuré le même que jadis. Fait d’autant plus curieux, que les pièces et les auteurs dramatiques ont, eux, varié.

(Edward Gordon Craig)2

1 A. Artaud, Le théâtre et la cruauté (1933), in Le Théâtre et son double, Gallimard, « Folio

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Donner la primauté au travail du corps signifie-t-il que le théâtre d’objets ou le théâtre de marionnettes ne serait pas du théâtre ? Car le théâtre d’objets est un théâtre au centre duquel se trouve l’objet et non plus l’acteur : c’est l’objet qui devient personnage et qui va acquérir une dimension poétique. Cet objet crée une complicité avec le public. Il est une forme inanimée, une forme triviale qui crée une distance entre le comédien et le spectateur. Le théâtre d’objet est-il encore du théâtre d’acteur ? L’acteur disparaît-est-il derrière la marionnette – tant au sens propre qu’au sens figuré ? Quelle est la place du corps dans le théâtre d’objets ? Et plus généralement, quelle place accorder aux sens dans cette forme théâtrale qui se développe dans les années 1970 ?

Pour essayer de répondre à ces différentes questions, nous allons nous intéresser particulièrement à une compagnie théâtrale extrêmement originale et passionnante, créée et basée à Lyon : Le Turak. C’est Michel Laubu qui, en 1985, crée cette compagnie, une compagnie dite de théâtre d’objets et de marionnettes contemporaines. C’est Michel Laubu qui lui donne ce nom, un nom sans aucune signification, mais qui « sonne d’un ailleurs, qui sonne étranger »3. Le metteur en scène explique : « Pour moi, le théâtre doit proposer

un point de vue, un observatoire, proposer un autre angle de vue différent sur le monde qui nous entoure. Nos spectacles doivent proposer des ailleurs d'où regarder nos vies ». « Comment regarder » est en effet la question initiale. Car il y a trente ans, Michel Laubu s’est donné pour mission de rendre à chaque spectateur son regard d’enfant. Et pour cela, rien de tel que la poésie et l’imagination. Alors, comme les enfants justement, il a inventé un Nouveau Monde : la « Turakie », un pays avec son gouvernement, ses lois, ses codes, ses tribus, ses transports, son orchestre national – qui s’est d’ailleurs mis en

2 E. Gordon Craig, De l’Art du Théâtre (1911), Traduction de M. Borie et G. Banu, Circé, «

Pen-ser le théâtre », Paris 2004, p. 131.

3 Les citations de Michel Laubu qui ne sont pas accompagnées de notes de bas de pages sont

ex-traites d’entretiens que nous avons menés avec le metteur en scène. Un grand merci à Michel Laubu pour ses réponses patientes et passionnantes, qui m’ont permis de comprendre le travail du Turak et d’aller au cœur de cet univers magique.

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grève ! – son langage et surtout un mode de vie entre poésie et fantasmagorie, entre folie et utopie.

Voici comment l’inventeur de la Turakie présente son pays : il s’agit d’un « pays qui n’est inscrit sur aucune des grandes listes des pays du monde [mais qui] peut pourtant prendre forme dans l’imaginaire de chacun ». La Turakie, ajoute-t-il, est « une contrée qui n’a de reconnaissance que la petite place que chacun voudra bien lui faire dans son imaginaire ». Elle se situe donc nulle part et partout, en chacun de nous, ou du moins, en tout être capable d’y croire.

Les créations du Turak proposent des spectacles extrêmement visuels car construits à partir d’objets du quotidien qui sont alors détournés, retournés, travaillés, façonnés – on touche là à l’essence même du théâtre et de la mise en scène – de mythologies, d’histoires anciennes ou inventées de toute pièce et d’un langage tout personnel aux intonations slaves, le turakien. Tous les spectacles proposés par le Turak mêlent donc à la fois l’objet mais également la danse, le geste et un étonnant travail d’arts plastiques.

On ne peut ainsi précisément dire où commence l’idée d’un spectacle. J’avancerais toutefois une première affirmation : au commencement était l’Objet, l’objet usé, dont on s’est détourné. La compagnie s’en empare et de cet objet fatigué mais empreint de mémoire, de souvenirs, sorte de vestige d’une civilisation, va naître une nouvelle civilisation, une civilisation inventée, imaginaire.

L’installation imaginée il y a quelques années à Lyon, illustre bien leur démarche. En 2011 en effet, le Turak a la possibilité d’exposer au musée Gadagne de Lyon, qui est le musée d’histoire de la ville mais aussi le musée des marionnettes du monde. Dans la vidéo de présentation de l’exposition, on peut voir combien l’objet est important dans le processus de réflexion du Turak. Cette exposition « Appartement témoin » est une installation qui recompose un habitat où les objets du quotidien mettent en mouvements, en images et en

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sons un nouvel univers4. Chaque objet trouve ici une nouvelle « vie » : ce sont

des fourchettes, des couteaux, des pneus mais aussi des girafes Sophie de la marque Vulli, née en 1961 – l’année de naissance de Michel Laubu – jouet emblématique et très présent dans la mémoire collective. Car la Compagnie effectue un travail important sur la mémoire tant personnelle que collective.

Michel Laubu a coutume de dire que lui et son équipe font de « l’archéologie imaginaire ». Ils ramassent, ils récupèrent, ils sont des « ramasseurs de débris, d’objets de la vie quotidienne, des archéologues du quotidien, des archéologues de la semaine dernière ». Le metteur en scène qualifie ainsi joliment son travail de « bricolage poétique ». Un bricolage que l’on retrouve dans les jeux de mots récurrents des artistes. Ainsi, ont-ils imaginé de nombreux proverbes Turak dont voici trois exemples : « Un ornithorynque est un pingouin avec des moufles », « La moufle c’est un gant auquel il manque quatre doigts », « Le pingouin est le singe de la banquise ».

La Compagnie a su créer un univers de décalage qui entre en résonance avec le surréalisme mais qui nous permet cependant de porter un regard étonné et tendre sur notre propre univers. La Turakie se place résolument entre l’ailleurs et l’ici.

Si Michel Laubu est arrivé au théâtre par l’objet – il a notamment réalisé son premier spectacle alors qu’il était encore au lycée, à partir d’objets déjà bricolés –, il est ensuite allé dans un institut de théâtre où il a pratiqué du théâtre gestuel inspiré des théâtres traditionnels asiatiques tel que le No japonais, le Topeng balinais – qui se joue avec des masques – et le Kathakali du sud de l’Inde, combinaison théâtrale entre la danse, la musique et le rituel, des formes de théâtre qui lui ont permis d’acquérir un sens très sûr du geste. Mais également des formes de théâtre qui mêlent toujours la danse et la musique, qui leur donne même la primauté sur le langage. Comme le constate Antonin Artaud dans son texte Sur le théâtre balinais, ce théâtre réalise « avec la plus extrême rigueur, l’idée du théâtre pur, où tout, conception comme

4 Une vidéo de l’installation Appartement témoin est disponible en ligne à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=TAXWytlf5HE, (consultée le 17 mars 2016).

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réalisation, ne vaut, n’a d’existence que par son degré d’objectivation « sur la scène ». [Il] démontre victorieusement la prépondérance absolue du metteur en scène dont le pouvoir de création élimine les mots »5.

On sait pourtant que toute parole ne peut pas disparaître totalement du théâtre d’objets qui ne peut véritablement exister sans le langage. Car pour détourner l’objet en effet, il est besoin du Verbe.

C’est bien grâce à la parole que l’objet peut être détourné, rendu à une vie théâtrale et imaginaire. Que le mot « cachalot » soit prononcé et une agrafeuse deviendra un monstre marin. Le théâtre d’objets repose bien sur le pouvoir de la parole, toute métamorphose n’étant permise que grâce à sa puissance d’évocation. Le théâtre d’objets repose donc sur un procédé d’illusion très fort comme le dit Didier Plassard :

Dans le théâtre d’objets, le pouvoir ludique de la parole, cette capacité de réappropriation et de métamorphose de notre environnement par le langage, que nous perdons peu à peu en sortant de l’enfance, conserve toute sa force : c’est la parole qui est porteuse de ce pouvoir ludique de transformation de notre regard sur le monde. Ajoutons une certaine position de l’objet dans l’espace et (mais ce n’est même pas nécessaire) un petit jeu d’éclairage, et nous nous trouvons devant les principes fondateurs du théâtre d’objets. Donc, celui-ci repose bien sur une forme de manipulation, mais davantage mentale que physique6.

Parole nécessaire donc, mais nullement fondatrice dans le travail du Turak dont l’élément essentiel reste résolument la musique. Celle-ci constitue un élément primordial dans la construction et dans l’élaboration des spectacles de la Compagnie. Elle n’est jamais une commande pour illustrer, pour accompagner une scène existante ou préméditée, elle est au contraire, comme le dit Michel Laubu, « un élément présent très tôt qui pourra nous aider à trouver le chemin ». Au même titre que les objets, les croquis, les idées, ces archéologues-poètes récoltent aussi des morceaux de musique. Et c’est à partir

5 A. Artaud, Sur le théâtre balinais (1931), in Le Théâtre et son double, cit., p. 82.

6 D. Plassard, « Entre l’homme et la chose », entretien (réalisé par É. Charlet et A. Coulon), in

É. Charlet, A. Coulon et A.S. Noel (sous la direction de), L’objet, Agôn [revue électronique], Dossier n° 4, http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1668.

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de leurs différentes trouvailles qu’ils tentent de reconstituer leur imaginaire si particulier.

Ainsi, leur création intitulée A notre insu est construite autour d’une intrigue policière et imaginée comme une reconstitution des faits dont les spectateurs deviennent les témoins, voire même les suspects. Le travail s’effectue avec Rodophe Burger, musicien de rock et grand complice du Turak. Pour ces spectacles, la création et l’enregistrement de la musique se sont faits bien avant le début de la création. Il s’agit d’une intrigue policière dans laquelle auront lieu quatre reconstitutions. Le compositeur a donc préparé et enregistré quatre morceaux différents avec quatre événements sonores particuliers placés aux mêmes endroits dans chacun des morceaux soit un coucou qui sonne à 18 heures, le son d’une lame que l’on aiguise, des chocs et des grincements assez violents et le son d’une roue de bicyclette qui tourne. Les répétitions commencent avec ces quatre morceaux enregistrés, immuables, sur lesquels deux musiciens joueront en direct7.

Dans ces différentes approches on voit très bien l’importance du travail du corps. Car s’il s’agit en effet de théâtre d’objets et de marionnettes, la présence de l’acteur reste néanmoins très forte et même nécessaire. Le personnage se trouve véritablement entre les deux, entre l’acteur et la « marionnette », un terme que Michel Laubu n’aime pas tellement d’ailleurs et auquel il préfère l’expression de « forme marionnetique ». Car « on est toujours à vue, explique-t-il, toujours présent. Il existe un jeu entre ces formes marionnetiques et les acteurs présents ».

Dans leur travail en effet, la base est vraiment l’acteur auquel on ajoute cette forme marionnetique qui elle, est un objet. Cette forme devient ainsi un véritable prolongement de l’acteur. Il s’agit parfois d’un duo à part entière, d’un échange, puisqu’il arrive que le personnage semble regarder l’acteur tandis que ce dernier lui parle. Le regard du spectateur peut ainsi aller de l’un à l’autre, se promener entre le visage du personnage et celui de l’acteur. Il y a un vrai corps

7 Une vidéo du spectacle A notre insu est disponible en ligne : https://vimeo.com/5539617

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à corps très physique. Soit l’acteur se fond dans le personnage, soit il l’accompagne.

Il est intéressant de visionner un extrait d’une création qui relate la grève de musiciens en Turakie8 qui synthétise tous les éléments que nous venons

d’aborder au sujet de la présence de la musique et du travail du geste, entre le comédien et les formes marionnetiques.

Nous aimerions terminer cette présentation du travail du Turak avec l’évocation de leur dernière création, en tournée depuis la fin 2015, intitulée Une Carmen en Turakie, une création totalement emblématique de leur imaginaire. Fidèles à leur façon de procéder, c’est en chinant chez Emmaüs que les membres de la Compagnie sont tombés sur de nombreux vinyles de l’Opéra de Bizet. Puis, alors qu’ils se trouvaient en tournée au large de l’Ile de Sein, ils découvrent un phare marin nommé « Ar-Men ». Pour eux, cela ne fait aucun doute, ce phare a forcément un lien avec l’histoire de Carmen : ils sont certains que l’amoureux de la jeune femme a voulu écrire son nom en haut du phare mais, comme il ne lui restait plus de peinture, il a attendu que la lune remplace le C manquant… Il ne leur en faut pas plus pour transposer l’opéra, le réécrire quelque peu et surtout, le déplacer en milieu marin. Ils décident donc qu’il n’y aura pas de fosse d’orchestre mais une fosse marine, que les musiciens seront des coquillages, des poissons et des crustacés qui seront présentés en petits films d’animation. Les musiciens sont donc fabriqués avec de réelles carapaces de crabes et d’autres fruits de mer. Et l’adaptation est imaginée à partir de cet orchestre reconstitué9. La plupart des personnages « turakiens » ont été créés à

partir d’objets. La création-fabrication du personnage de Carmen relève lui aussi réellement de la réflexion, du travail archéologique évoqué précédemment et d’une sorte de jeu de mots récurrent dans l’univers de la compagnie : la robe de la jeune femme a par exemple été créée dans une toile

8 Extrait disponible en ligne https://www.youtube.com/watch?v=03IhLlmQbqE (consulté le 17

mars 2016).

9 Une vidéo du spectacle est disponible en ligne https://www.youtube.com/watch?v=BwvH4MqC1Ao (consultée le 17 mars 2016).

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de tente rouge parce que l’héroïne est une voyageuse dans l’attente – créée dans « la tente ».

Dans ses Lettres à un jeune poète, Rainer-Maria Rilke écrivait :

Fuyez les grands sujets pour ceux que votre quotidien vous offre. Dites vos tristesses et vos désirs, les pensées qui vous viennent, votre foi en une beauté. Dites tout cela avec une sincérité intime, tranquille et humble. Utilisez pour vous exprimer les choses qui vous entourent, les images de vos songes, les objets de vos souvenirs. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses. Pour le créateur rien n’est pauvre, il n’est pas de lieux pauvres, indifférents10.

Le poète est bien celui qui sait regarder son quotidien pour en faire émerger une autre réalité, pour en faire surgir la Beauté, l’Amour ou une simple histoire d’Amour, éternelle et universelle comme celle de Carmen. Et c’est justement ce que le Turak parvient à faire depuis des années : le travail de la compagnie nous ouvre les yeux sur un monde magique et merveilleux dont on revient plus à même d’apprécier le nôtre, de découvrir la Beauté au sein de notre quotidien. Il nous offre en somme un accès direct vers la Poésie.

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