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Theatrum Mundi : notes sur la théatralité du monde baroque

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Academic year: 2021

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(1)

EUROPEAN UNIVERSITY INSTITUTE, FLORENCE

DEPARTMENT O F HISTORY AND CIVILIZATION

K I N G P A P E R No. 87/318

TRUM MUNDI.

LA THEATRALITE

'E BAROQUE

^

by

‘^ 3 é a n Pierre CAVAILLE

BADIA FIESOLANA, SAN DOMENICO (F I)

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(C) Jean-Pierre Cavaille

Printed in Italy in November 1987

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Badia Fiesolana

1-50016 San Domenico (Fi)

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Introduct ion

A travers l'analyse de la métaphore du théâtre du monde nous désirons mettre tout d'abord en relief l'importance de la théâtralité pour la compréhension de cette crise générale qui, entre le XVIe et le XVIIe siècles, secoue l'Europe entière et par laquelle s'invente la

modernité. Le topos'1' du théâtre universel nous paraît en effet l'un de ces lieux privilégiés du discours où s'opère la déconstruction systématique du cosmos traditionnel et où s'élabore en même temps une nouvelle vision du monde. Nous verrons que cette "localisation" du monde comme théâtre dans le langage est à prendre au sens littéral; c'est-à-dire en deçà, ou plus exactement à la source de tous les enjeux dont la métaphore fait l'objet dans les textes, qu'ils soient d'ordre politique, éthique, esthétique ou théologique. C'est pourquoi, dans un premier temps, nous mettrons entre parenthèses les différenciations typologiques et les spécificités doctrinales des discours dans lesquels apparaissent le topos; non que nous les tenions pour rien, mais parce que nous soupçonnons qu'ils couvrent tous une entreprise plus fondamentale et le plus souvent inavouée, qui se réalise notamment à travers des métaphores telles que le théâtre, la fable ou le livre du monde, et qui vise l'érection du discours en monde et la réduction du monde au discours. Les sujets, les fins et les fonctions de tous ordres explicitement assignés aux métaphores du peu de réalité du monde et de l'universalité du paraître, nous semblent mal dissimuler cette

1 Nous entendons les synonymes 'topos' et 'lieu commun' non pas dans leur sens le plus rigoureux d'élément logique entrant dans le discours (tel que par ex. le rapport de cause à effet) mais au sens plus large, désormais admis par la critique littéraire, de motif, de thème littéraire récurrent.

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souveraine et à la fois vertigineuse gratuité du dire que révèle une lecture attentive des textes. En fait les affirmations, qu'il faut prendre à la lettre, de la pure théâtralité du monde comme, dans un registre voisin, de sa totale discursivité, sont en même temps que proférés, absolument intenables. Le théâtre du discours ne saurait en effet se suffire à lui-même; il ne peut mettre en scène que son essentielle insuffisance, son incapacité à faire monde. A "proprement parler", le discours ne peut être hypostasié en monde, car le monde s'impose au langage dans une évidence ontologique qui lui est irréductible. Par la remise en cause de cette évidence, le discours s'affranchit du réel, mais il se trouve dès lors confronté à son propre néant, et avec lui le locuteur, l'homme ainsi réduit à sa seule faculté discursive. Loin de se constituer réellement en monde, le langage n'est plus que l'enveloppe vide, la dépouille du vieux monde. A ce vide qui lui fait horreur, la solitude du dire est secrètement mise en présence. C'est pourquoi, plus que peut-être tout autre type de discours, la rhétorique conquérante, dans ses prétentions universalisantes, est confrontée à la mort. La mort, parce que le langage est consubstantiel à l'expérience humaine dans sa totalité et ne peut, malgré son désir d 'infinitisation, en esquiver la finitude. Or, si le monde entier est happé par la parole, si l'homme n'est plus qu'un discours sans être, cette existence langagière, dans la conscience qu'elle prend de sa précarité, est amenée à s'appréhender comme l'effet monstrueux du néant, la voix "immonde" du tombeau, l'écho de la mort. Privé de tout dispositif de sécurisation et de sublimation, ce discours vainqueur et négateur serait le discours même de la mort, aussi bien : irreprésentable pur, silence infini. Le sonnet et la comédie, le sermon et la satire morale donnent un nom à l'innommable, le coulent dans les figures du discours, l'atteignent sous la forme de la dénégation et lui opposent leurs projets, esthétiques, politiques, moraux ou théologiques. Pour illustrer notre propos nous nous limiterons pour l'instant à évoquer une "vanité", peinte par Pieter Boel : on y voit un masque richement coloré, aux grandes orbites vides, et à son côté, posé de biais, un miroir qui renvoie au spectateur l'image d'une tête de

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mort, dissimulée derrière un masque1 . Cette vanité pourrait servir d'emblème à la devise que nous avons choisie comme titre de notre étude et qui traverse toute la culture baroque, car elle exprime parfaitement ce rapport essentiel sans cesse établi, par tous les types de discours, entre la profusion chatoyante des apparences; le théâtre multiforme du monde, et la mort, symbolisée par le crâne. En outre cette image possède au plus haut point ce caractère raffiné et ludique de la représentation baroque car, en même temps qu'elle évoque la misère de l'homme et la vanité du monde, elle se veut plaisante, mondaine malgré tout, et se donne à lire comme un emblème ingénieux. Le déchiffrement de cette image emblématique conduit certes le spectateur-lecteur au voisinage de l'horreur, mais il l'en préserve aussi par la complaisance intellectuelle qu'il met en jeu, la syndérèse morale et religieuse qu'il provoque et le plaisir esthétique dont il s'accompagne. Belle image édifiante, l'allégorie morale, sous la forme du crâne masqué, exalte et stigmatise à la fois la vanité du monde, et ce faisant

2

conjure, mais de justesse, l'horreur panique du silence de la mort . Ce n'est qu'à partir de cet abîme ouvert sous lui par le discours que nous semblent devoir être comprises les finalités explicites de celui-ci ; elles sont la conjuration et la tentative de dépassement de cette crise ontologique du langage livré à lui-même dans la défaite du monde. Cet accomplissement, cet effort de dépassement et aussi bien cette reconduction de la crise, nous paraissent inaugurer la modernité, et ceci dans tous les domaines de la culture. C'est pourquoi la plupart des démarches intellectuelles, artistiques et religieuses parmi les plus caractéristiques du premier XVIIe, nous semblent refléter et combattre à la fois ce scepticisme radical, ce nihilisme

1 Cf. Alberto Veca, Vanitas. Il simbolismo del Tempo, Bergamo 1981, pp. 131-133 et pp. 313-314.

2 "Nel suo terrore del tempo, del silenzio, delle'entropia, il barocco sfida il vuoto popolandolo di oggetti, di parole, di senso", G. Conte, La Metafora barocca, 1972, Milan, p. 194. "La parole fa concorrenza alla crisi, la mima, la parla, sino al punto di far credere d'averla anche inventate", ibid. p. 195.

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rhétorique qui accomplit la dissolution du cosmos et porte le langage à se pencher sur lui-même, sur son propre "manque à être" : discours narcissique, évanescent et trompeur, monde du reflet et de l'écho. Flemming, s'adressant au cadavre, résume admirablement et porte son regard jusqu'à l'insoutenable : "Homme voué à la fuite, / Rien est tout

et toi son reflet"1 .

Le topos du théâtre du monde, que nous trouvons à l'oeuvre chez des auteurs aussi différents que Montaigne, Descartes, Balzac, Marino, Shakespeare, Calderon, Gracian, Corneille ou Rotrou, nous apparaît comme l'une des figures majeures par lesquelles s'affirme cette ontologie négative et s'accomplit cette transmutation langagière du monde, mais aussi l'une de ces métaphores à travers lesquelles des alternatives sont proposées, de nouvelles approches cognitives impliquant un autre sens du monde et une autre définition du langage. Mais c'est d'abord ce point aveugle de partance que nous chercherons à cerner par l'analyse du topos et de ses implications conceptuelles, afin d'esquisser ensuite quelques unes des réponses données à cette aporie d'un monde qui n'a de monde que le nom et d'un langage qui n'est langage que du rien. Il nous intéresserait d'étudier surtout, à travers quelques exemples choisis, comment, par le procédé du théâtre sur le théâtre, se pose le problème de la théâtralisation du monde et s'élaborent des stratégies de riposte à ce défi du discours.

Nous nous arrêterons plus particulièrement sur le traitement que l'apologétique chrétienne fait du topos et de cette technique qui consiste à redoubler le théâtre sur lui-même. En effet de nombreux auteurs et artistes du temps se sont posés le problème de la

1 On sait de toutes ces choses Qu'elles passent et sont nulles; Mais quelque rien qu'elles soient, Ton existence est plus qu'elles, Homme, vouée à la fuite. Rien est tout, toi son reflet.

P. Flemming, Poètes Baroques Allemands, présentation et traduction M. Petit, Paris, 1977, p. 33.

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transformation du théâtre, c'est-à-dire tout aussi bien du monde avec lequel il vient à se confondre, en un lieu où le divin puisse se manifester. Comment est-il possible de faire du théâtre du monde un théâtre de la révélation ? C'est la question à laquelle la Contre- Réforme s'efforce de répondre, et d'abord en transformant le lieu du culte, l'église, en une sorte de théâtre et en rapprochant le cérémonial chrétien de l'art dramatique. Le mystère de la transsubstantiation eucharistique est ainsi véritablement mis en scène, d'abord par l'extrême sophistication du sermon, ce dispositif

rhétorique qui en prépare la célébration1- 2, ensuite par la réquisition de tous les beaux arts, et l'adjonction parfois de machines

2

theatrales . Bien que refusant de recourir le plus souvent a l'arsenal des moyens de persuasion visuelle, les réformés se trouvent eux aussi confrontés au problème de la théâtralité et de son dépassement, essentiellement dans les champs du discours et de la musique. C'est ainsi d'ailleurs que la métaphore du théâtre du monde conserve fondamentalement le même sens, par delà les divergeances confessionnelles. John Donne et Calderon, lorsqu'ils recourrent au

1 En contrepartie le théâtre chrétien se définit comme une forme de sermon. Suivant Calderon, les autos sacramentales sont :

Sermones

puestos en verso, en idea representables cuestiones de la Sacra Teologia...

Cité par D. Ynduràin : préface de son éd. du Gran Teatro del Mundo.

2 Entre autres exemples de théâtralisation de l'eucharistie à l'église, nous citerons la cérémonie romaine des Quarantore (cf.M. S. Weil, The Devotion of the Forthy Hours and Roman Baroque Illusions, Journal of Warburg and Courtau Institute, n° 37, 1974) et pour la France, ie dispositif conçu par les théatins à l'église Sainte Anne la Royale, vers 1622 : "représentations... en forme de théâtre avec perspective au bout de laquelle est exposé le Saint sacrement à l'un des costés" (cité par B. Quillet, Théâtralité des théatins, in Culture et Idéologie après le concile de Trente, Abbeville, 1985.

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topos, expriment globalement une même vision du monde . Dans une même perspective, nous interprétons la poésie de dévotion, qu'elle soit d'inspiration catholique ou protestante, comme une exténuation religieuse de la rhétorique conquérante. Assimilé au discours, le monde est dénoncé, mais aussi bien célébré par le poème comme un "bien de théâtre", sacrifié à Dieu, avec toutes ses pompes et ses vanités. Le poème d'édification, bien que de part en part rhétorique, est d'abord une démarche ascétique où les infinies richesses du monde, identifiées aux effets de langage, sont offertes et dilapidées, à l'occasion de ce que l'on peut appeler un exercice de mortification oratoire. Le poème devient le lieu d'une conversion pour laquelle toutes les ressources de la rhétorique sont mises en oeuvre. Il en va de même sur le théâtre chrétien, où la fiction théâtrale se retourne par excès en vérité de la foi, comme on le verra avec le Saint Genest de Rotrou : le comédien romain qui joue le rôle d'un martyr chrétien, se prend au jeu et se convertit, touché sur scène par le rayon de la grâce. A l'église enfin, c'est sur un théâtre simulé que le Bernin place sa Sainte Thérèse extatique. Et dans cette mise en scène de la vision mystique de la sainte, comme dans toutes les oeuvres chrétiennes du Bernin et des autres artistes baroques, l'art n'accède à la religiosité que par un traitement hyperbolique de la théâtralité.

Bien sûr, ce théâtre de la foi ne peut faire l'économie d'une ambiguïté radicale car, si le théâtre parvient à surmonter sa négativité par la captation du divin, la transcendance en revanche, ainsi prise au piège du théâtre, se trouve perpétuellement menacée de tomber dans l'immanence des simulacres. Lorsque le monde entier devient un spectacle trompeur, une apparence mensongère, alors naît le soupçon que son divin créateur et metteur en scène n'est peut-être lui-même que l'un des personnages de la comédie : Deus ex machina. Dans cette 1

1 "Hath God made this World his Theatre, ut exhibeatur ludus deorum, that man may represent God in his conversation; and wilt thou play no part ? But think that thou only wast made to pass thy time merrily, and to be the only spectator upon this Theatre ?" : ce fragment d 'un sermon de J. Donne (1616-17) pourrait très bien servir d'introduction à l'auto de Calderon que nous analysons plus loin : El Gran Teatro del Mondo.

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mobilisation de tous les moyens techniques ad Dei majorerai gloriam, dans cette pieuse exténuation du paraître, il est croyons-nous possible de déceler la gravité du malaise qui travaille la religiosité baroque, voire de pressentir la mort du Dieu d'Abraham. Ainsi la magnifiscence paroxistique de l'art de la Contre-Réforme, par bien des aspects, ressemble à une agonie, à une défaite plutôt qu'à un triomphe de l'église romaine. Certainement le divin se manifeste encore dans les grandes gloires baroques, ces cascades de lumière qui dorent les théories de nuages et d'anges de stuc, ainsi que dans le tourbillon des apothéoses et des extases ou dans les nébuleuses des plafonds en trompe-1'oeil. Mais cette pompe a quelque chose de funèbre, comme si la mort, célébrée par le baroque religieux sous la défroque du martyre ou la jouissance de l'extase, menaçait la divinité même, comme si le sacré s'apprêtait à déserter ces palais de l'apparence, à ne laisser derrière lui que l'absurde purulence esthétique des boursoufflures du plâtre.

Cependant cette désacralisation du monde, qui prend en ultime ressort la forme inquiétante d'une déchéance du divin au rang des simulacres, est toute au profit du maître des artefacts, du constructeur de la machine par laquelle Dieu vient à figurer sur la scène. En même temps que Dieu se laisse prendre au piège du théâtre, et se retire par là infiniment du monde, s'en absente, l'homme se délivre de son rôle d'histrion et se découvre démiurge de la technique, constructeur de machines, créateur de fictions; nouveau "maître et possesseur" d'une nature désormais vidée de toute présence, non plus lieu d'une révélation mystique mais champ clos de l'expérimentation scientifique. C'est ainsi que la mise en scène de Dieu prépare l'avènement du sujet moderne.

I Totus Mundus Exerceat Histrionem Humanisme et métaphore théâtrale

Le topos du théâtre du monde connaît aux XVIe et XVIIe siècles une grande fortune, et ceci dans toute l'Europe, : très rares

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sont les auteurs qui, une fois ou l'autre, n'y recourrent pas; à tel point que Cervantes, dans son Don Quichotte, le présente comme un mot à

la mode, un cliché qui mérite l'ironie de Sancho1 . La métaphore est

» * , 2

très ancienne; elle remonte au moins a Democrite . On la trouve chez » 3

Platon, chez les stoïciens, puis chez Plotin et Boece . Comme l'a montré J. Jacquot, il revient à Jean Chrysostome d'avoir opéré, dans les nombreuses références qu'il fait au topos dans ses Homélies, "la conciliation de l'apport platonicien et stoïcien avec la tradition

, 4

chrétienne" . La plupart des humanistes semblent tenir le lieu commun de Jean de Salisbury, qui lui consacre deux chapitres de son Policraticus, et se réfère lui-même à Pétrone ("quod fere totus

mundus... exerceat histrionem"5. Jean file longuement la métaphore et développe ses connotations éthiques, cosmologiques et théologiques, en montrant comment la pièce de la vie (scena vitae), s'inscrit dans le vaste théâtre du monde (theatrum mundi) et se déroule sous le regard de Dieu et des bienheureux. Il trace ainsi le cadre général dans lequel viendront s'inscrire les nombreux traitements que la Renaissance fera de cette image synthétique et extrêmement maléable qui permet l'expression d'une weltanschaaung complète et nuancée. Nous voulons essayer de montrer qu'au tournant du XVIe, la formule change radicalement de sens et excède son statut analogique pour devenir ce que l'on pourrait appeler un agent d'identification. De l'analogie du

1 Don Quichotte II, 12.

2 "0 kosmos skènè, o bios parodos, èlthes, eides apèlthes" (Cité par J. Jacquot ; "Le Théâtre du Monde" de Shakespeare à Calderón, Revue de Littérature Comparée, 1957, p. 348).

3 Cf. E.R. Curtius (Europàische Literatur und Lateinisches Mittelalter, Bern, 1948. pp. 146-152), J. Jacquot, op. cit., F. J. Warnke, Versions of Baroque, New Haven, 1972, p. 66 et sq. et P.N. Skrine, The Baroque, 45 London, 1978, p. 3 et sq.).

4 O p . cit., p. 359.

5 Policraticus III, 8 : De Mundana Comoedia vel Tragedia.

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monde comme théâtre, on passe à l'affirmation suivant laquelle le monde est un théâtre; affirmation qui outrepasse les limites de la tropologie pour revendiquer une identification ontologique du monde au théâtre.

Mais si nous voulons cerner convenablement cette échappée du figuré vers le propre, qui signe à la fois l'apogée et la mort de la métaphore, si nous voulons saisir ce passage du théâtre comme image du cosmos au théâtre comme (ir)réalité du monde, il nous faut nous arrêter d'abord sur le sens que cette métaphore revêt pendant la Renaissance.

1- Le Théâtre de l'Ethique

Les humanistes conservent au topos un sens strictement

symbolique^. Il leur sert à fonder et à inscrire une critique morale de 1'histrionisme humain dans une cosmologie et à montrer la dépendance de l'homme à l'égard de la nature, tout en donnant un sens positif à la liberté. La spécificité du traitement humaniste de la métaphore nous paraît d'abord tenir dans sa dimension éthique, en tant que la notion de théâtralité, prise dans un sens à la fois cosmologique et politique, permet de penser une morale dominée par l'idée de nature, mais qui n'est cependant pas entièrement déterminée par elle. Le théâtre, comme symbole de la condition humaine, sert ainsi à articuler ensemble nature et liberté. Tout un ensemble de concepts directement empruntés à l'art dramatique, tel que ceux de jeu, de rôle ou de simulation, est ainsi requis pour l'élaboration d'une doctrine positive de l'action. Tout d'abord, les fonctions sociales et politiques, entendues comme rôles, ne déterminent plus stricto-sensu l'individu, mais, sans rien enlever à leur dignité morale, lui deviennent des habits d'emprunt. Dans une telle perspective, le jeu et la simulation ne sauraient s'imposer comme le sens ultime de l'action : ils n'en sont que l'indispensable vêture.

1 cf. Warnke, ibid.

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C'est ce qu'affirme encore Montaigne, cependant si proche de la mentalité baroque par son acharnement à dénoncer le caractère illusoire de toute réalité prétendue, à découvrir les masques sous les masques. Ainsi, après avoir noté que la "pluspart de nos vacations sont farcesques" et cité l'aphorisme de Salisbury ("Mundus universus exercet histrionam. Il faut jouer dûment notre rôle, mais comme rôle d'un personnage emprunté"(Essais III 10)), Montaigne prend bien soin de distinguer 1'"essence réelle" du "masque" et de 1'"apparence", 1'"étranger" du "propre", "la peau de la chemise". Il s'agira donc de ne jamais confondre Montaigne et le maire (Ibid). Mais la conscience de jouer un rôle en ce monde, très forte chez Montaigne, ne vide pas pour autant la fonction de tout sens; elle lui confère au contraire une véritable dignité morale, en tant qu'elle est ce masque, cette forme vide où, par l'authenticité du jeu, les valeurs éthiques doivent s'incarner. En référant et subordonnant ainsi leur vision métaphorique du monde social, comme jeu de masque et de travesti, à la nature, texte écrit par Dieu (sinon texte divin), mais qu'il faut déchiffrer et interpréter, les humanistes cherchent à mettre en évidence tout à la fois la contingence du monde dans lequel les hommes doivent agir et le caractère nécessaire des lois morales, référées au droit naturel, auxquelles il leur faut cependant soumettre leurs actes. La satire virulente à laquelle donne lieu l'analyse de la vie sociale en terme de comédie, de farce et de simulation, si elle occupe bien le "devant de la scène" dans les écrits humanistes tels que l'Eloge de la Folie, reste cependant secondaire et dérivée. Cette satire se fonde et trouve

sa légitimité dans une conception positive du théâtre1 , en tant qu'il est placé sous l'égide de la nature. Le mauvais acteur, aussi bien le mauvais politique et plus généralement l'homme moralement répréhensible, est celui qui échappe à la tutelle de la nature; celui

1 Le théâtre humaniste, en ceci fidèle au modèle aristotélicien, assume d'abord une fonction éthique de purification et de correction des moeurs. L'époque baroque supprime ce primat de l'éthique : dans son théâtre profane, l'enseignement moral, lorsqu'il ne disparaît pas tout à fait, vient se subordonner au "divertissement" (cf. Morpurgo Tagliabue, Aristotelismo e Barocco, in Retorica e Barocco, Roma, 1955).

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qui oublie ou contrevient à ses justes préceptes. Pour Erasme, le théâtre, avec ses déguisements et ses changements de rôle, offre une image particulièrement heureuse de la duplicité et de l'ambivalence fondamentales de l'expérience humaine : "toutes choses humaines ont, comme le Silène d'Alcibiade, deux faces fort dissemblables"; de même au théâtre la femme sera joué par un homme, le jouvenceau par un vieillard (ch 29). De plus le chorège "confie au même acteur des rôles fort divers et tel qui revêtait la pourpre du roi, reparaît sous les loques de l'esclave" (ibid). Le leurre dont nous sommes victime au théâtre est ainsi de même nature que cette illusion inhérente à l'expérience humaine et qu'Erasme nomme, mais avec "éloge", la folie. Celui qui, au nom de la sagesse et de cette vérité univoque qu'elle exige, monte sur scène pour arracher les masques, "détruit" toute la pièce ; or la

pièce, c'est la vie \ Le sage prétendu (le stoïcien intégral) qui, comme Sénèque, refuse sur le chemin de la vertu toute aide des passions pour ne s'en remettre qu'à sa seule raison, celui-ci "supprime l'homme" (ch 30); en voulant nier la folie constitutive de l'expérience humaine, il en redouble l'emprise et la rend véritablement dangereuse pour l'Homme (ch 35). La sagesse n'est pas viable : jeter bas les masques, c'est mourir. L'ambivalence de l'expérience est irréductible et l'Homme a besoin d'illusion pour vivre. Mais un tel constat ne conduit pas à considérer la vie comme un délire, une folie pure, comparable à celle que les "Furies déchaînent des Enfers", et qui est tragiquement incapable de toute espèce de jeu ou de simulation (ch 38). L'illusion théâtrale est en effet une illusion consciente et maîtrisée; à la folie destructrice, Erasme oppose celle dont il fait le "personnage" de son texte ï une folie distanciée et contrôlée, maintenue dans les limites de la raison par la "conscience critique" qu'elle prend d'elle-même. Cette douce illusion (qui "libère l'âme de ses pénibles soucis et la rend aux diverses formes de la volupté" (ibid) ), dont nous jouissons lorsque nous nous abandonnons à notre nature, c'est-à-dire à la Nature 1

1 "Il en va ainsi de la vie. Qu'est-ce autre chose qu'une pièce de théâtre, où chacun, sous le masque, fait son personnage jusqu'à ce que le chorège le renvoie de la scène ?", chap. 29.

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qui nous a fait ainsi, cette douce folie s'accompagne d'une exigence morale : la royauté peut être le simple masque de l'esclavage aux passions; mais sous l'emprise de cette vraie raison qui fait sa part à la folie du monde, elle peut aussi se transformer en un rôle plein de dignité et de grandeur (ch 32). A travers la métaphore du théâtre, les humanistes montrent que la vie, au sens le plus large, ne va p,As sans compromis, sans concessions, sans mensonges même; mais ils affirment que ce jeu de masques n'est pas seulement le signe de l'imperfection de l'Homme : elle est aussi la possibilité toujours offerte de transformer et d'améliorer dans le sens de l'éthique la vie sociale et politique. Ainsi dans le dialogue du 1er livre de son Utopie, More, se plaçant du point de vue de l'acteur politique, paraphrase son ami Erasme et, s'opposant à l'idéalisme politique de Raphaël (le voyageur, porte parole de l'utopie), affirme "qu'un bon acteur met tout son talent dans

ses rôles quels qu'ils soient"1, entendu qu'il s'agit par là de "dire

, , x 2 , ^

la vérité avec adresse et a propos" . Par l'image du theatre, et a la suite d'Erasme, More admet la nécessité du recours à la rhétorique en politique, afin d'y faire accepter la vérité et de conserver ainsi sa finalité morale au maniement des affaires civiles. La rhétorique, sans son usage politique, demeure ici subordonnée à la morale; au XVIIe on la verra tendre à s'émanciper et à fonder une politique fondamentalement amorale, en ceci que les valeurs ne seront pas considérées comme les véritables fins du discours et se réduiront à n'être plus que des arguments dans le procès de persuasion ; le théâtre de l'éthique deviendra celui du discours souverain, identifié au discours du Souverain. Dans le texte de More, la métaphore du comédien exprime au contraire ce qui interdit de considérer l'exercice de la politique avec le cynisme du sophiste, mais qui tout aussi bien fait résistance à l'idéalisme, c'est-à-dire à l'utopie. Et cette métaphore 1

1 Trad. française de V. Stouvenel, rev. et cor., Paris, 1976, p. 104.

2 Ibid.

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renvoie par là, dans le texte inaugural du genre, cette utopie au non- lieu politique de la théorie pure. L'image du théâtre préserve ainsi le discours politique à la fois des excès de la rhétorique et de ceux du dogmatisme auquel More, en développant sa fiction politique, va cependant céder.

C'est dans cette voie de l'utopie, tracée par More sur le modèle platonicien que Campanella recourt au topos du théâtre. En faisant plus étroitement dépendre le théâtre politique de l'ordre cosmologique et en s'efforçant de mettre fin à l'équivocité de l'expérience par l'imposition drastique d'une univocité politique conforme à une vision moniste de l'univers, Campanella cherche à montrer l'incompatibilité de la rhétorique avec une politique digne de ce nom. Cependant, malgré cette différence capitale, la fonction du topos reste fondamentalement la même; à savoir le maintien du rapport de subordination de l'ordre humain à l'ordre naturel, la justification d'une satire morale de la vie sociale et la projection d'une réforme qui, chez lui plus encore que chez More, prend la forme radicale de 1'utopie.

2- Le Théâtre Cosmo-Politique de Campanella

Nous nous arrêterons un peu sur le traitement que l'auteur de la Cité du Soleil fait de la métaphore théâtrale dans ses poèmes philosophiques, écrits dans les premières années du XVIIe et qui nous paraissent se présenter comme la dernière et peut-être la plus systématique des tentatives humanistes pour penser la théâtralité comme

symbole de la condition humaine'1’. Il utilise encore le théâtre comme une métaphore permettant de saisir les rapports qui unissent et opposent le monde des hommes à celui de la nature, mais ce faisant il

1 F.J. Warnke, op. cit., p. 68.

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prend bien soin de préserver le monde naturel de toute identification théâtrale au sens strict, alors même qu'il utilise l'expression "comédie de l'univers". Il s'agit pour lui de distinguer le théâtre cosmologique du théâtre des hommes; distinction de modèle à simulacre qui assume une valeur ontologique. La comédie est une image, empruntée au domaine le plus vil de l'humanité, et qui permet d'élever notre réflexion jusqu'au divin. Campanella, dans la glose dont il accompagne ses poèmes, distingue un sens "métaphysique" et un sens "politique" du

théâtre1 . La comédie politique, celle des rôles sociaux qu'endossent les hommes, n'est qu'une imitation de la nature, cet ouvrage de Dieu

2

("divina Arte" ). Le theatre des hommes (la politique, comme a fortiori le divertissement du même nom qui en est le mime, dans cette dialectique poétique ascendante où le référent de la métaphore devient le dernier degré du simulacre) n'a donc aucune véritable autonomie par rapport au théâtre de l'univers; il n'en est que le reflet brouillé, l'image effacée. De même que Dieu a octroyé de toute éternité sa place à "chaque étoile" comme à chaque "animal", de même il a attribué son

rôle à chaque être humain1 . Et si, malgré cela, les hommes "canonisent les impies", "mettent à mort les saints" et choisissent comme prince les pires d'entre eux, c'est qu'ils sont de mauvais comédiens et

1 "La comedia dell'universo sta pur nella Metafisica. La Politica nostra è di quella imitazione" (commentaire du Sonnet 15, éd. 1621 : Scelta d'Alcune Poesie Filosofiche di Settimontano Squilla cavate da' suo'libri detti La Cantica, con l'esposizione, Fac Simile, Naples, *23 1980).

2 Sonnet 14 ; Gli Huomini son giuoco di Dio e degli Angeli.

3 Natura da Signor guidata fece, Nel spazio la comedia universale,

Dove ogni stella, ogni huomo, ogni animale Ogni composto ottien la propria vece. (Sonnet 15)

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récitent mal leur partie1 2345. Tous les maux politiques viennent de ce que 2

l'"art humain" ne produit qu'une imitation "fallacieuse" de l'"art divin" : la nature. Le masque politique qu'arborent les hommes de nos sociétés corrompues ne fait que se surajouter au masque naturel : le

corps qui couvre l'âme1. Loin de concevoir l'univers sur le modèle du théâtre, Campanella cherche donc au contraire à montrer que le théâtre humain, par excellence le théâtre politique, ne peut prétendre qu'à l'imitation du grand théâtre du monde, lui-même non pas ainsi d'abord théâtre mais cosmos, monde hiérarchisé et ordonné où Dieu a assigné de

, , » ^ 4

toute eternite sa place a chaque etre . La lumière qui éclairé et anime ce théâtre de l'univers n'est donc pas feinte, mais elle est la

"lumière vive de Dieu" (Dio luce viva ), vers laquelle il nous appartient de nous retourner et dans laquelle, au jugement dernier, toute vérité se fera sur notre prestation terrestre (nous verrons alors

"chi meglio fece il debito suo"6 ). De ce point de vue, l'art théâtral, qui deviendra la pierre de touche de la théâtralité universelle, n'est donc qu'un simulacre de troisième ordre, en tant qu'il imite la comédie

1 Fa Regi, Sacerdoti, Schiavi, Eroi, Di volgar opinione ammascherati Con poco senno, come veggiam poi Che gli empii spesso fur canonizati : Gli santi uccisi, e gli peggior tra noi

Principi finti, contra i veri armati. (Sonnet 15)

2 "imita falsamente" (com. du Sonnet 15).

3 Nel Teatro del Mondo ammascherate L'alme da'corpi, e da gli effetti loro Spettacolo al supremo consistore Da Natura... (Sonnet 14)

4 : Il mondo è un Animai grande e perfetto,

statua di Dio, che Dio lauda e simiglia. (Sonnet 4)

5 Comment. sonnet 14. 6 Ibid.

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politique, cette imitation du cosmos, le plus souvent extrêmement fallacieuse.

Ainsi la métaphore théâtrale bénéficie-t-elle d'un sens positif lorsqu'elle qualifie la perfection et l'harmonie du monde, alors qu'elle prend une valeur négative quand elle se réduit à une politique des apparences : de son acception cosmo-théologique à son acception morale s'opère un changement de valeur qui interdit toute assimilation du lumineux théâtre de l'univers au théâtre d'ombre des intrigues politiques. Cette dialectique métaphorique descendante du poème (sonnets 14 et 15), en suppose une autre, ascendante, par laquelle, de la triviale comédie des rois et des saints imposteurs, la réflexion s'élève à la contemplation du merveilleux théâtre de la nature créé par le divin dramaturge. Le monde est ce théâtre conçu par Dieu, où nous apparaît, par opposition, tout ce que peut avoir d'illusoire, de dérisoire et de fallacieux celui de l'humaine société, lorsqu'il se détourne du modèle cosmique.

II- Le Grand Théâtre des Apparences

1- La Métaphore théâtrale au Théâtre

Les sonnets de Campanella, publiés en 1621, peuvent être considérés comme le chant du cygne du naturalisme humaniste : depuis la fin du siècle le théâtre analogique du monde est rabattu par la plupart des auteurs sur le théâtre des errances de l'homme. Il revient alors à l'art dramatique d'accueillir la formule et d'en montrer la pertinence. En effet, vers la fin du XVIe siècle, on trouve la métaphore de plus en plus fréquemment dans les textes dramatiques, et l'universalité du

théâtre devient le sujet de nombreuses pièces^. Car en passant du livre 1

1 Cf. Curtius, op. cit.

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à la scène, le topos cesse de valoir comme symbole pour se présenter comme une définition adéquate du monde. En s'emparant de cette métaphore traditionnelle qui le compare au monde, le théâtre annule toute la distance réthorique qui, dans les livres, en empêchait une interprétation littérale et la maintenait ainsi séparée du réel. Les dramaturges vont alors s'attacher à appliquer la formule à la lettre et à faire du théâtre le lieu par excellence où s'expérimente la théâtralité du monde. La lente interprétation qu'exige un symbole aussi complexe est court-circuité par sa transposition théâtrale. Car l'art dramatique "réalise" le topos non comme symbole mais comme image; une image à laquelle il confère profondeur et mouvement, une image qu'il montre en acte, qu'il donne à voir et non pas à lire ou à décrypter. Le monde du théâtre sert à Campanella de canevas poétique et rhétorique pour clarifier et exposer sa vision d'un monde substantiellement différent du théâtre, parce q u 'ontologiquement supérieur. Chez les humanistes, nous l'avons vu, le symbole théâtral entretient avec le cosmos qu'il désigne un rapport interne de participation, mais ce rapport analogique empêche aussi toute confusion, toute identification entre le modèle naturel et le symbole. Mais du moment où, sur une scène véritable et construite à cet effet, un acteur déclare que l'univers entier est un théâtre, le symbole se trouve nié comme tel, parce qu'identifié à son référent : l'artifice du théâtre gomme toute distance entre le dire et l'être. Cela revient-il à affirmer que l'acte d'énonciation fait accéder l'énoncé au concret, que le mot devient chose, que par la magie du verbe un monde réel vient à paraître ? La figure au contraire oppose son démenti au réel auquel elle est tranférée : le monde ainsi généré par la complicité du discours et de la mise en scène est un monde d'illusion et de trompe-1'oeil. Greffée par l'art sur le réel, la métaphore théâtrale dénie à ce monde une quelconque évidence ontologique. Dans les mains du dramaturge baroque, le topos devient agent d'inquiétude, d'indécision et de dépossession ; tous les lieux intra-mondains, les lieux 'communs' des préoccupations immédiates, mais aussi médiatisés et interrogés par la science, orientés, hiérarchisés et structurés en un ensemble harmonieux (cosmos), se trouvent privés sur scène de leur évidence première, sinon

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brouillés et confondus par la 'métabasis' théâtrale de ce lieu commun littéraire.

C ’est ainsi que le théâtre, en s'appropriant le topos, va s'employer à montrer, non ce à quoi ressemble le monde, mais ce qu'il est véritablement, c'est-à-dire un simple semblant, un songe, une illusion. "All the world's a stage" : le monde entier est une scène de théâtre. C'est ce que déclare Jaques, le personnage d'As you Like it. La comédie de Schakespeare fut créée en 1600 au Globe Theatre de Londre qui avait ouvert ses portes l'année précédente, et dans lequel on pouvait lire la devise de Jean de Salisbury : "Totus mondus agit

histrionem", le monde entier joue la comédie^. En se donnant cette devise, le théâtre donne d'abord au monde la sienne. Le Globe Theatre, comme son nom l'indique, se présente à la fois comme une fenêtre

, , , A 2

ouverte sur le monde et comme un abrégé, un condense du monde meme Car le théâtre est ce lieu paradoxal, à l'écart du monde et en son centre, ce lieu magique où, par le miracle de la simulation dramatique, 12

1 Sur la devise, cf. Curtius, Jacquot et Warnke, op. cit..

2 F. Yates montre que le Globe Theatre, plus exactement sa scène, a pu servir de modèle au "théâtre de la mémoire" de Fludd et elle remarque à cette occasion que le Globe était sans-doute lui-même, par son plan hérité de Vitruve (un cercle inscrit dans un hexagone), une représentation de l'univers, The Art of Memory, trad. française de D. Arasse, Paris 1975, p. 367 et sq. Cette signification symbolique du théâtre ("reflet des proportions du monde" ibid.) nous semble secondaire dans le cas du Globe, en ceci que la valeur symbolique du théâtre est recouverte et subvertie par la nouvelle fonction qui lui est dévolue à cette époque, et qui est d'abord, comme nous essayons de le montrer, de refléter, et dans une certaine mesure d'accomplir, le démantèlement du cosmos de la tradition. C'est ce dont nous paraît témoigner d'abord la devise, qui se réfère non à l'ordre du monde mais à l'universalité de l'activité histrionique, mais surtout le théâtre élisabéthàin, et en particulier l'oeuvre de Schakespeare, abondamment joué au Globe. Avant de servir de modèle à l'art de Fludd, le théâtre du Globe était sans doute lui-même une mémoire du monde, mais d'un monde révolu, en tant que la nostalgie et le deuil de ce vieux monde ordonné participaient à la genèse chaotique du nouveau, qui s'accomplissait... sur scène précisément.

Sur les théâtres de mémoire, outre Yates, cf. Rossi, Clavis Universalis, 1960.

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l'essence du monde est portée à la présence. Il est cet espace privilégié où le monde se donne pour ce qu'il est. Le théâtre baroque, par l'usage qu'il fait du topos du théâtre du monde, et c'est là sa spécificité, s'attache à révéler l'essence théâtrale du monde. Aussi est-il juste d'interpréter la tirade de Jaques comme une explicitation de la devise, même si l'on ne peut affirmer avec certitude que telle

était l'intention de Schakespeare'1', car la multiplication des formes théâtrales et l'extraordinaire apogée que connaît alors le drame européen nous paraissent prendre leur sens de cette double tâche dévolue au théâtre : refléter et accomplir la théâtralisation de l'univers et l'universalisation du théâtre.

2- Le théâtre dans le théâtre

De cette tâche les auteurs dramatiques s'acquittent en premier lieu par l'utilisation d'une technique de mise en scène qui nous semble permettre le traitement le plus radical du topos : il s'agit du théâtre sur le théâtre, qui permet le déroulement d'une pièce

2

dans la piece . L'espace scenique est divise en une fausse salle de spectacle et une seconde scène, habituellement surélevée. L'espace réservé au public, a priori non théâtral, se trouve par là même redoublé sur scène. Il n'est dès lors possible au public d'assister au spectacle qu'en passant par la médiation de ce deuxième public, paradoxal, puisqu'il est un public d'acteur. Ce public en trompe-1'oeil est un miroir tendu par le théâtre à son public. Les spectateurs sont

1 Cf. Warnke, op. cit., p. 66.

2 Cf. Jean Rousset : La Littérature de l'Age Baroque en France, Paris, 1954, p. 66 sq.; Georges Forestier : Le Théâtre dans le Théâtre; Aspects du théâtre dans le théâtre au XVIIe, recueil de pièces. Introduction par Georges Forestier. Toulouse, 1986.

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amenés à se reconnaître dans ces acteurs dont le rôle est d'être pour un temps, spectateurs d'une pièce. Ce dispositif de persuasion visuelle est d'autant plus efficace que la participation effective du public

n'est pas requise1 23. C'est en ma qualité de spectateur que, dans ce miroir théâtral, je me découvre acteur. Je me surprends à jouer la comédie dans mon fauteuil. Le théâtre sur le théâtre produit cette illusion, extrêmement puissante, que la salle, lieu présumé du réel,

^ , 2

n'est elle-meme qu'une scene . En se dédoublant, l'espace scenique ne se réduit donc pas, mais s'étend au contraire, se rabat sur la salle, englobe le public, et avec lui la cour, la cité, le pays, le monde entier. C'est pourquoi la sortie du théâtre ne saurait être que le passage du spectacle du monde au monde du spectacle; à la fois une confirmation et un redoublement de l'illusion théâtrale. Ceci le Bernin, pour ne citer que lui, l'a magistralement montré dans sa Comedia dei due Teatri, représentée en 1637 lors des festivités du carnaval romain. La pièce est constituée en effet de deux représentations jouées simultanément par deux personnages identiques,

empruntant leur type à la Commedia del'Arte, celui du Coviello^. L'originalité de la mise en scène vient de ce que l'une de ces représentations double l'autre et est donnée au delà de la scène devant un second public constitué d'acteurs qui contrefont les personnes de

1 On trouvera dans l'ouvrage de J. Rousset, l'Intérieur et l'Extérieur (p. 166 et sq), une excellente analyse des différences fondamentales qui séparent de l'esprit de la dramaturgie baroque et classique, les diverses conceptions dramaturgiques contemporaines, dont celle du théâtre dit de "participation".

2 En France, la situation est compliquée par le fait que des spectateurs de qualité sont installés sur les bas-côtés de la scène. Cette présence est en elle-même une ébauche de théâtralisation du public, une forme déjà de théâtre dans le théâtre (il peut arriver d'ailleurs, comme le note d'Aubignac, que de vrais spectateurs soient pris pour des acteurs. Dans ces conditions, lorsqu'à cet auditoire est ajouté un faux public, il peut devenir extrêmement difficile de distinguer le spectateur feint du véritable).

3 Coviello, originaire de Naples, est l'un des valets (zani) de la commedia del'arte.

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qualité présentes au spectacle1 2. A la fin du spectacle, l'un des deux Covielli, après avoir joué sa partie devant les faux spectateurs, déclare, comme en coulisse, mais devant donc les vrais spectateurs, que le spectacle le plus intéressant n'est pas tant le théâtre en soi que la sortie des spectateurs. C'est alors qu'un rideau s'ouvre et que l'on peut effectivement voir pendant un bon quart d'heure (en temps "réel" donc !) se dérouler la scène évoquée, prétexte à de magnifiques effets de flambeaux et de clair de lune voilé. Ainsi au parfait dédoublement spatial s'ajoute un inquiétant décalage temporel : l'anticipation de la sortie du théâtre. Le spectateur, de son fauteuil, se voit déjà, sur le théâtre, dans la rue : comment par la suite, rendu à la rue, ne se verrait-il pas encore au théâtre ? Le monde s'avère plus théâtral que le théâtre lui-même et, cavalier ou cardinal, en tout cas mondain au spectacle, comme le dit le texte de la pièce, le spectateur joue la comédie plus encore que les comédiens de profession : sa sortie du théâtre ne saurait donc être qu'une fausse sortie. Il devient ainsi impossible d'échapper au piège rhétorique de l'illusion comique, à son jeu de miroir spatio-temporel. La représentation ne connaît plus d'ailleurs, ni d'après. En ouvrant ses portes sur la cité, Le théâtre se referme définitivement sur son public. La mort est la seule issue possible de ce spectacle qui se confond avec la vie même, et cela le Bernin le donne à voir aussi, en faisant mettre fin à la pièce par la faucheuse qui fait irruption dans la foule et accomplit son oeuvre funeste sur l'un des deux Covielli. Car c'est elle, comme le dit le survivant, qui "coupe le fil de toutes les comédies et tronque, par un

A 2

fatal décret, tous les goûts et passe-temps mondains" .

1 "contrafatti... con maschere fatte tanto al vivo ch'era uno stupore" (Baldinucci, Vita del Bernini).

2 Relation de Massimiliano Montecuccoli au duc de Modène, reporté par Fraschetti, Il Bernino, chap. XXV. Le topos apparaît en outre traité d'une façon toute à fait originale dans le seul texte de comédie qui nous soit parvenu (1 Fontana1, éd. par d ’Onofrio); une comédie de la

(suite de la note page suivante)

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Le sens du double théâtre du Bernin, de ce point de vue, est extrêmement clair : la comédie qui s'y joue est celle de la condition humaine. Par là même, le théâtre des histrions de professions, qui dans la hiérarchie platonicienne n'était qu'un simulacre du simulacre politique, devient modèle universel ou, plus encore, détruit la hiérarchie de la mimésis et supprime la pertinence ontologique de la distinction entre modèle et copie, pour s'imposer comme monde. Et si Campanella doit rétorquer aux "poètes modernes" (en l'occurence les marinistes) que les oeuvres de la nature sont plus belles que leurs

(fin de la note de la page précédente)

pièces déclare

lè la

Grat ian ? / G. : Qui c'est ? C'est lui la fable de cette comédie, c'est lui ! / G. : Bien sûr; si le monde, c'est une comédie, Gratiano, c'est la fable du monde.)

De ce raisonnement sophistique, il ressort que le personnage de la comédie est toujours aussi, à plus forte raison, personnage de la comédie du monde (autrement dit que le personnage n'est ni plus ni moins théâtral et fictif que la personne). L'équivoque comique réside dans la conclusion du syllogisme : Gratiano est la "favola del mond", c'est-à-dire aussi la risée publique. Mais le public rit à ses dépens, puisque Gratian, alias Le Bernin, est le metteur en scène de sa propre mise en scène. C'est lui donc qui crée et maîtrise la situation comique. Au contraire, une fois acceptée l'assimilation Monde/comédie, le metteur en scène de la comédie, Gratian-Le Bernin, devient aussi régisseur du monde entier, se substituant ainsi subrepticement à la divinité. Ce fragment de comédie peut nous servir de clé d'interprétation pour la devise qui apparaît sur le portrait de Descartes peint par J.B. Weenix : Mundus est Fabula. La devise est inscrite sur un livre ouvert que tient le philosophe, auteur d'un traité de physique intitulé Le Monde et présenté comme une fable. Sur ce portrait, Descartes, comme Le Bernin, apparaît bien comme l'auteur de la fable du monde : hubris du sujet de la science et de la représentation moderne...

comédie dont le personnage principal est un metteur en scène de à machines. Celui-ci, se prenant lui-même comme interlocuteur,

Gratiano : chi el quel Gratian... ?

Gratiano : chi el ? lié la favola de sta comedia, lié !

Gratiano : Sigur; sel mondo non lè alt'ch'una comedia, Gratiano favola del mond.

('Dialogue' que l'on pourrait rendre ainsi : G. : Qui c'est ce

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fictions \ c'est que partout en Europe l'artifice et la théâtralité tendent à s'imposer, non seulement comme parangons d'une nouvelle esthétique, mais aussi comme détermination, négative, de la réalité. L'artifice théâtral est hypostasié en monde : le simulacre ne renvoie plus désormais qu'à lui-même. Au schéma vertical d'une dialectique symboliste se substitue l'horizontalité indéfinie d'une rhétorique auto-référentielle; au dire poétique et philosophique s'échinant vers l'être à travers le foisonnement ordonné des similitudes et des analogies, succède le discours indéfiniment reconduit des apparences.

3- Le théâtre de la grâce

Pour le théâtre, mais aussi pour tous les beaux arts de l'âge baroque, qui nous semblent fondamentalement tournés vers la théâtralité, le problème à résoudre est peut-être d'abord celui de la transformation du nouveau monde, univers de la simulation et du trompe- l'oeil, en un lieu où advient une présence et surtout, lorsque la finalité artistique est l'apologétique, en un lieu où se manifeste le divin.

Il est ainsi possible de considérer l'oeuvre religieuse du 2 Bernin comme une entreprise scénographique de captage du Divin . Le

1 Son più stupende di Natura l'opre che'1 finger vostro.

(2e sonnet de l'éd. de 1622)

2 Yves Bonnefoy dit très justement du Baldaquin de Saint Pierre qu'il est "une sorte de pôle" où débouche le divin, une oeuvre "épiphanique" (Rome 1630, Paris 1970, p. 18). "L'art du Bernin... c'est le mouvement recommencé de la foi... cette foi qui focalise l'espace par la présence et déploie la durée humaine, mais en même temps la recourbe, comme en spirale, dans l'unité du divin", ibid.

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Baldaquin de Saint Pierre ou la Sainte Thérèse de la chapelle Cornaro1 2, de ce point de vue, apparaissent comme de parfaits exemples de cette

, , A 2

métamorphosé spirituelle du theatre . La tache de l'artiste chrétien est ainsi de faire advenir le divin sur la scène des apparences tout en préservant la divinité de toute contamination théâtrale. Entreprise périlleuse en vérité, car si jamais peut-être la transcendance du divin ne fut déclarée avec plus de véhémence, jamais Dieu ne fut plus proche aussi de tomber au rang des simulacres et de se perdre dans l'immanence des phénomènes illusoires de ce monde.

Le théâtre chrétien, dont le drame espagnol est peut-être la forme la plus riche et la plus élevée, s'efforce de donner, contre cette menace de 'dégradation' spectaculaire du sacré, un enjeu théologique à l'universalité du théâtre. C'est ainsi que Calderon fait du topos le titre et le sujet de l'un de ses autos sacramentales : El

Gran Teatro del Mundo3 . Dans la 'loa' qui précède la pièce, l'allégorie de 1'"apostasie" protestante accuse le théâtre de profaner le sacrifice du christ (les autos étaient en effet donnés le jour de la Fête-Dieu). Il lui est répondu que les autos sacramentales commémorent le mystère de l'eucharistie et sont par là l'occasion d'une véritable fête

1 La chapelle Cornaro est un parfait exemple plastique de théâtre sur la théâtre : sur les paroies latérales de la chapelle sont figurés en bas-relief divers membres de la famille commenditaire qui assitent à l'extase de Sainte Thérèse. Comme dans le modèle dramatique, ces spectateurs mis en scène semblent s'entretenir du spectacle, le commenter. Ainsi théâtralisée, l'extase n'en est pas pour autant réduite à un simulacre profane, c'est au contraire sa dimension indubitablement mystique que Le Bernin fait apparaître, par la représentation de cet abandon absolu de la sainte à l'amour de Dieu, dans la lumière de la grâce.

2 Pour étudier comment s'opère chez le Bernin le passage du théâtre profane au théâtre sacré, il serait intéressant de mener une étude comparative de ses comédies carnavalesques et de ses 'apparati' construits pour les 'Quaranta Hore', cérémonie religieuse consistant principalement en l'adoration de l'eucharistie, et qui faisait concurrence aux festivités du carnaval.

3 La première représentation du Grand Théâtre du Monde a eu lieu à Madrid, sans doute en 1636.

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mystique. Ainsi le théâtre sacré est le témoignage sensible de la joie ineffable dont est source dans l'âme du fidèle la célébration de l'eucharistie. On ne saurait donc parler de profanation, mais plutôt d'action de grâce.

Cette 'loa', à laquelle la pièce qui suit est tout à fait fidèle, présente une véritable théologie de la théâtralité dont le drame apologétique apparaît comme le couronnement. Dieu a en effet créé l'univers comme un théâtre, un grandiose "Colisée” destiné à servir de

scène à la comédie humaine1- : l'histoire de l'humanité est le théâtre de la providence divine. Enfin, dans cette logique totalisante du théâtre, les paraboles du christ ainsi que toutes les images contenues

, , 2

dans les écritures, sont perçues comme des représentations divines , modèles des représentations sacrées données par les hommes pour célébrer les saints mystères. Au cours de la 'loa' prennent ainsi successivement la parole (outre les allégories de l'Espagne, de l'Ancien et du Nouveau Testament ainsi qu'Isaac et Samson !) la Loi de Nature, qui domine le théâtre de la nature, la Loi Ecrite, qui régit le théâtre biblique, et enfin la Loi de Grâce. C'est cette dernière qui préside aux tribulations des hommes depuis la mort et la résurrection du christ : elle est la loi du théâtre de l'Amour et du rachat que célèbrent les représentations sacrées.

1 El circular Coliseo desta mâquina terrestre, a quien cubre la techumbre de ese artesôn transparente, para una Comedia suya dispuao Dios... (v. 165-170)

2 Las Parabôlas de Cristo, que son, alusivamente,

ciertas representaciones. (v 305-307)

...con que no hay en la Escritura sombra o viso que no fuese viva representaciôn

del concepto de su mente, (v 321-324)

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