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L'occupation ennemie de la Roumanie et ses conséquences économiques et sociales

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H I S T O I R E ECONOMIQUE ET SOCIALE

DE LA GUERRE MONDIALE

(Serie Roumaine)

L'OCCUPATION ENNEMIE

DE LA ROUMANIE

E T S E S

CONSEQUENCES ECONOMIQUES

ET SOCIALES

PAK

Gr. ANTIPA

Memhrr de l'Acad^mie Roumniiie

PUBLICATIONS DE LA DOTATION CARNEGIE POUR LA PAIX INTERNATIONALE

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ex Hb r is

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P u b l i c a t i o n s de la

Dotation Carnegie pour la Paix Internationale

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HISTOIRE ECONOMIQUE & SOCIALE

DE LA GUERRE MONDIALE

DIRECTEUR

JAMES T. S H O T W E L L

Professeur d'Histoire ä l'Universit6 Columbia (U. S. A.)

Sirie Roumaine

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D E R !

SI4-H I S T O I R E E C O N O M I Q U E ET SOCIALE

DE LA GUERRE MONDIALE

(SSrie Roumaine)

L'OCCUPATION ENNEMIE

DE LA ROUMANIE

E T S E S

CONSEQUENCES ECONOMIQUES

ET SOCIALES

P A R

Gr. ANTIPA

Membre de l'Acad^mie^Roumaine

PUBLICATIONS DE LA DOTATION CARNEGIE POUR LA PAIX INTERNATIONALE

LES PRESSES UNIVERSITÄRES DE FRANCE, PARIS YALE UNIVERSITY PRESS. NEW HÄVEN, U.S.A.

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PR£FACE

A l'automne de 1914, quand l'etude scientifique des reper-cussions de la guerre sur la vie moderne passa t o u t ä coup du domaine de la theorie dans celui de l'histoire, la Division d'Economie et d'Histoire de la Dotation Carnegie se proposa d ' a d a p -ter son programme de recherches a u x problemes n o u v e a u x que la guerre allait susciter ou, si l'on prefere, a u x problemes anciens qu'elle allait transformer.

Le programme existant, tel qu'il avait ete redige dans la conference des economistes tenue ä Berne en 1911, et qui traitait des questions alors actuelles, avait dejä donne lieu ä des t r a v a u x de h a u t e valeur, mais pour bien des raison«, il ne pou-vait plus etre maintenu tel quel. Un nouveau plan f u t donc trace, ä la d e m a n d e du Directeur de la Division. II avait pour b u t de mesurer, par une vaste enquete historique, le coüt economique de la guerre et les p e r t u r b a t i o n s qu'elle causerait dans la marche de la civilisation. II y avait lieu de penser qu'en confiant une teile entreprise ä des hommes competents et d'esprit pondere, et en la m e n a n t selon la m e t h o d e vraiment scientifique, eile pourrait finalement fournir au public les ele-ments necessaires pour se former une opinion eclairee — et servir par lä les intentions d'une F o n d a t i o n consacree ä la cause de la P a i x internationale.

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V I L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E L A R O U M A N I E

Celles qui aboutissaient ä la creation de nouvelles energies pro-ductives. L'apparition de ces formes nouvelles d'activite eco-nomique qui, en t e m p s de paix, se seraient traduites par u n accroissement de richesse sociale et qui ont donne parfois l'illusion d'une prosperite grandissante — et, d ' a u t r e part, le spectacle de l'incroyable endurance dont firent preuve toutes les nations belligerantes pour supporter des pertes sans cesse accrues — ont rendu necessaire de soumettre ä u n examen plus approfondi t o u t le domaine de l'economie de

\ guerre.

Une double obligation s'imposa donc ä la Division d'Eco-nomic et d'Histoire. Elle d u t prendre pour regle de concentrer son travail sur les problemes ainsi poses et de les etudier dans leur ensemble ; en d ' a u t r e s termes, de leur appliquer les cri-teriums et les disciplines de la methode historique. E n raison meme de ce que la guerre, prise dans son ensemble, constituait un seul fait, quoique se repercutant par des voies indirectes j u s q u ' a u x regions les plus reculees du globe, l'etude de la guerre devait se developper sur un plan unique, embrassant tous ses aspects ä la fois et p o u r t a n t ne negligeant, aucune des donnees accessibles.

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P R E F A C E V I I

communication des documents, mais la collaboration des spe-cialistes, economistes, historiens, hommes d'affaires ; et oti leur Cooperation ä ce travail collectif ne pourrait plus donner lieu ä des malentendus, ni q u a n t ä ses buts, ni q u a n t ä. son contenu.

Des la guerre finie, la Dotation reprit son plan primitif. II se trouva qu'il s'adaptait assez bien, sauf quelques legeres modifications, ä la Situation nouvelle. Le travail commenga dans l'ete et l'automne de 1919. Une premiere conference des economistes composant le Conseil consultatif (Advisory

Board of Economists), f u t convoquee ä. Paris par la Division

d'Economie et d'Histoire. Elle se borna ä tracer u n programme de courtes etudes preliminaires a y a n t trait a u x principaux aspects de la guerre. Comme le caractere p u r e m e n t prelimi-naire de ces etudes f u t encore accentue par le fait qu'elles portaient plus specialement sur les problemes urgents de l'Europe ä ce moment, on decida de ne pas en faire des frag-ments de l'histoire generale, mais d ' y voir simplement des essais d'interet immediat pour la periode de l'apres-guerre. Visiblement la conference ne pouvait etablir ä priori aucun programme d'ensemble ; il fallait creer u n i n s t m m e n t plus specialise que celui qui existait si l'on voulait entreprendre l'histoire economique et sociale de la guerre. Pour cela il fallait une enquete menee d'abord par une Organisation nationale et ne faisant appel que subsidiairement ä une Cooperation interna-tionale. Aussi longtemps que les faits relatifs ä l'histoire de chaque nation ne seraient pas p a r f a i t e m e n t connus, il serait vain de proceder k des analyses comparatives et l'histoire de chaque pays constituerait elle-meme u n inextricable laby-rinthe. On decida donc de dissoudre l'ancien Comite europeen de recherches et de le remplacer par u n Comite de direction

(.Editorial Board) dans chacun des principaux pays (ou par u n

seul directeur dans les petits pays). La täche de ces Comites devait se concentrer, au moins pour l'instant, sur l'histoire eco-nomique et sociale de leur pays respectif.

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V I I I L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E L A R O U M A N I E

Si le plan de la Dotation avait besoin d'une justiücation, il suffirait de montrer les listes des noms de tous ceux qui, hommes de science ou hommes d ' E t a t , ont accepte la res-ponsabilite de ces publications. Cette resres-ponsabilite est assez lourde, car eile implique l ' a d a p t a t i o n du plan general a u x conditions speciales de chaque pays et k ses habitudes de travail. Le degre de reussite de l'entreprise dependra du zele avec lequel les collaborateurs de chaque nation accepteront d ' y cooperer.

\ Une fois constitues les Comites de direction, u n premier pas

s'imposait pour la mise en train de notre histoire. Pas d'his-toire sans documents. A v a n t t o u t il fallait rendre accessibles pour les recherches, dans la mesure compatible avec les inte-rets de l ' E t a t , tous les documents de quelque importance rela-tifs ä la guerre, locaux ou nationaux. Mais la Constitution des archives est une lourde täche qui appartient de droit a u x Gouvernements et autres detenteurs de ces documents histo-riques, non a u x historiens ou economistes qui se proposent de les utiliser. C'est u n e Obligation incombant a u x proprie-taires qui les detiennent pour le compte du public. Les colla-borateurs qui se sont charges de cette partie de 1'Histoire de la Guerre ne pouvaient que se borner ä u n role d'enqueteurs, et en acceptant la Situation teile qu'elle etait, resumer leurs decouvertes sous forme de guides ou de inanuels bibliogra-phiques ; et peut-etre aussi, en procedant ä une comparaison des methodes employees, contribuer ä faire adopter celles trouvees les plus pratiques. Tel a ete dans chaque pays le point de depart de nos t r a v a u x , quoiqu'on n'ait pas dans chaque cas redige sur ce point de monographie speciale.

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publica-P R E F A C E X X

tion ne puisse presenter bien souvent aucun inconvenient. T a n t que l'etat d'esprit ne de la guerre pesait ainsi sur nos recherches et risquait de les entraver p e n d a n t bien des annees encore, il fallait decouvrir quelque autre Solution.

Heureusement cette Solution a p u se t r o u v e r gräce a u x souvenirs et a u x impressions personnels, appuyes d'ailleurs sur des documents dignes de foi, de ceux qui, au cours de la guerre, ont participe ä la direction des affaires ou qui, simples observateurs, mais favorablement places, ont pu recueillir de premiere ou de seconde main une connaissance precise de certaines phases de la guerre et de leurs consequences sociales. C'est ainsi qu'a pu etre etabli le plan d'une serie de mono-graphies historiques ou descriptives oü les faits seront exposes, non ä titre officiel, mais neanmoins de source autorisee, mono-graphies qui se classent ä mi-chemin entre le t y p e des memoires personnels et celui des rapports officiels. Ces monographies constituent le principal de notre ceuvre. Elles ne sont pas limitees a u x faits de guerre ni meme ä ses suites immediates, car l'histoire de la guerre se prolongera longtemps apres que celle-ci aura pris fin. Elles doivent embrasser aussi la periode de « deflation » au moins assez pour permettre de -se faire, sur les perturbations economiques dues ä la guerre, u n jugement plus sur que ne le p e r m e t t r a i t le seul examen des faits imme-diatement contemporains.

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X L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E L A R O U M A N I E

rentrent pas strictement dans les limites de l'histoire. II ne fallait meme pas vouloir obtenir p a r t o u t une stricte objecti-vite. On ne pouvait empecher une certaine partialite, nee des necessites de la controverse et de la defense. Mais cette partialite meme est dans bien des cas une partie integrante de l'histoire, les appreciations des faits par les contemporains etant aussi instructives que les faits memes sur lesquels elles portent. D'ailleurs le plan, dans son ensemble, est etabli de fagon que les monographies d ' u n meme pays se controlent mutuellement ; lä oti ce ne serait pas le cas, nul doute quo d'autres ouvrages paralleles, publies dans les autres pays, ne puissent servir de correctif.

Outre ces monographies destinees ä utiliser les sources, d'autres etudes sont en preparation a y a n t u n caractere tech-nique et limite, et p o r t a n t sur des points precis d'histoire ou de statistique. Ces monographies ont, elles aussi, le caractere de t r a v a u x de premiere main, car elles enregistrent des faits recueillis assez pres de leur source pour permettre des veri-fications qui deviendraient impossibles plus tard. Mais d'autre part elles constituent aussi des applications de la methode constructive par laquelle l'historien passe de l'analyse a la synthese. Mais il s'agit d'une täche difficile et longue et qui commence ä peine.

On pourrait dire, pour caracteriser les premieres phases d'une histoire comme celle-ci, que l'on n'en est encore, suivant l'expression americaine, qu'ä la « cueillette du coton ». Les fils emmeles des evenements restent ä tisser pour fabriquer l'etolfe de l'histoire. Dans u n travail constructif et createur comme celui-ci on peut etre oblige de changer de plan et d'organisation.

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P R E F A C E X I

c'est surtout l'affaire des Comites de direction et d'edition dans chaque pays qui ont aussi ä lire les manuscrits prepares sous leur direction. Neanmoins l'acceptation d'une monographie n'implique nullement l'approbation des opinions et conclu-sions qui s'y trouvent formulees. La Direction borne son role ä s'assurer de la valeur scientifique des t r a v a u x , et ä verifier s'ils rentrent bien dans le cadre du plan adopte, mais les auteurs auront naturellement toute liberte de traiter les sujets ä leur gre. De meme aussi la Dotation, par le fait qu'elle autorise la publication de monographies, ne doit pas etre consideree comme d o n n a n t son approbation aux conclusions qui s'y trouveront formulees.

C'est devant l'histoire seulement que la Dotation sera res-ponsable : d'oti resulte pour eile l'obligation de reunir et de presenter tous les faits et tous les points de vue aussi comple-t e m e n comple-t ecomple-t aussi exaccomple-temencomple-t que possible, sans chercher ä en eliminer aucun des qu'ils sont essentiels ä l'intelligence generale de la guerre.

II etait t o u t ä fait necessaire que notre plan general comprenne une description de l'Occupation de la Roumanie et des consequences qu'elle a entrainees au double point de vue economique et social; car les caracteres particuliers de cette occupation constituent u n des principaux chapitres de I'His-toire de la Guerre mondiale.

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X I I L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E L A R O U M A N I E

La conclusion qui se degage n e t t e m e n t de cette etude, c'est que dans u n e guerre moderne, oü I'on doit faire appel encore plus a u x ressources economiques que militaires, il ne semble pas possible d'epargner ä la population civile les consequences du conflit.

Quand un pays subit l'occupation, inevitablement severe, d ' u n ennemi en danger, ces consequences sont en effet, aux points de vue psychologique et physiologique, plus inarquees et plus durables peut-etre parmi la population civile : femmes, vieillards et enfants, que parmi les c o m b a t t a n t s .

Pour eviter la repetition de tels faits, il f a u t les decrire avec tous leurs effets, a u t a n t que possible sine ira et studio, mais en t o u t e franchise. C'est le b u t meme qui a inspire la preparation et la publication de cette monographie.

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I N T R O D U C T I O N

L'aimable proposition qui me f u t faite par la dotation Carnegie d'ecrire cette monographie sur l'histoire de l'occu-pation ennemie de la Roumanie, et ses consequences econo-miques et sociales, m'a bien embarrasse. Ce n'est qu'apres de longues hesitations que j'ai pu me decider ä l'accepter. J e disposais sans doute d ' u n tres riche materiel : en qualite de representant officiel de la population civile du territoire occupe, j'ai eu, p e n d a n t deux t r o p longues annees, de nom-breuses occasions de connaitre ä fond les b u t s et les methodes de l'occupant et —• malheureusement — de constater les effets desastreux de l'application qu'il en fit avec t a n t de zele dans la chair vive de ma propre nation.

Ce n'etait donc pas le m a n q u e de d o c u m e n t a t i o n qui me faisait hesiter ä publier u n travail dont la redaction me sem-ble constituer une obligation morale. C'etait plutot le peu d ' o p p o r t u n i t e de cette publication, et surtout la peur qu'elle n'aboutisse ä des resultats contraires a u x b u t s pacifiques que nous poursuivons. J e craignais que le m o m e n t de decrire et de juger, avec impartialite et sans passion, de pareilles questions, ne f ü t pas encore arrive.

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L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E L A R O U M A N I E

1° II est eertain que la portion de la Roumanie (soit les deux tiers) qui subit l'oceupation militaire de Pennemi, n'a pas ete administree eonformement a u x prineipes du droit international. Les Allemands ont ecrit, eux-memes, qu'ils avaient invente et applique iei, sur une grande echelle, « u n nouveau systeme d'ad-ministration et d'exploitation des pays occupes »; celui preci-sement qui a eu pour effet la ruine complete du pays et de ses habitants, la destruetion de l'avoir public et prive, des ins-titutions de culture. De plus, la population civile des territoires

i occupes, composee en grande m a j o r i t e de femmes, de

vieil-lards, d'enfants et d'invalides, a du souffrir, eile aussi, les miseres de la guerre — m a n q u e de nourriture, de vetements, etc. — et meme travailler p e n d a n t t o u t ce temps, pour approvision-ner les armees des occupants et leurs pays.

II est donc d'une importance capitale que ce « systeme d'administration et d'exploitation des pays occupes », ainsi que les consequences qu'il entraina, soit connu dans tous ses details et apprecie ä sa juste valeur. Car c'est en le con-naissant ä fond et en e x a m i n a n t de pres ses effets, que les hommes d ' E t a t de tous les pays (sans oublier ceux de l'Allemagne) reflechiront pour trouver les moyens d'empecher que les guerres prennent ä l'avenir de pareilles formes et pour mieux proteger contre de telles exploitations les popu-lations civiles et les institutions de culture des pays occupes ;

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les E t a t s — qui dorenavant seront seules ä decider de la guerre ou de la paix — connaissent t o u t e la verite sur les questions qui les regardent ainsi que sur les fautes qui furent commises autrefois par leurs anciens gouvernants. II f a u t aussi qu'elles connaissent et comprennent les interets de leurs anciens ennemis, et qu'elles acquierent la conviction qu'une paix reelle n'est plus possible que sur la base du respect reciproque des interets justifies des nations en presence. II f a u t qu'elles s'efforcent, a v a n t tout, de mettre leurs propres interets en concordance avec ceux des autres.

La grande majorite du peuple allemand ne savait jusqu'ici, sur les causes de l'entree de la Roumanie dans la guerre, rien de plus que ce que lui avaient dit au m o m e n t voulu ses hommes d ' E t a t . Elle pensait :« La Roumanie a trahi la Triple-Alliance, et l'Allemagne est partie pour la punir. » On lui avait donc laisse ignorer que la Roumanie n'est entree dans cette guerre que forcee par une suite rapide d'evenements, a h n de pouvoir par ce moyen presenter et faire valoir les interets v i t a u x de la nation roumaine dans la liquidation definitive de l'ancienne Monarchie des Habsbourg. Elle a du] entrer dans la guerre pour ne pas se suicider, pour etre presente ä l'-accomplis-sement d'une fatalite historique : l'evolution des formations politiques de notre continent, evolution qui devait aboutir cette fois-ci, necessairement, ä Turnte nationale du peuple roumain t o u t entier. C'est la chaine logique de cette meme evolution qui avait conduit a u p a r a v a n t ä Turnte nationale les peuples italien et allemand, et que l'Allemagne croyait, na'ivement, pouvoir empecher m a i n t e n a n t dans sa progression fatale, ce qui a ete la cause principale de son malheur. Sur cette question on ne lui avait rien dit. On ne lui avait rien dit non plus sur ce que son « W i r t s c h a f t s t a b » a' fait en Roumanie p e n d a n t les deux annees de Toccupation, laissant ce pays completement devaste, avec une population en proie ä la famine et ä la misere (1).

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C'est precisement. pour combler ces lacunes, qu'il est abso-lument necessaire de faire, et le plus t o t possible, une descrip-tion detaillee de l'occupadescrip-tion de la Roumanie et de ses conse-quences.

Cette oeuvre a t t e i n d r a son utilite la plus grande, si eile contribue ä donner une base serieuse a u x relations sinceres qui doivent se developper entre ces deux peuples, vivant dans le bassin du meine grand fleuve, et destines ä vivre a l'avenir dans les meilleurs termes.

* II est certain que les Roumains, pour etre justes, devront,

prendre en consideration q u ' u n des effets du blocus mari-time f u t d'astreindre les Allemands —• jusqu'ä un certain point — ä chercher leur subsistance lä oü ils pouvaient la trouver. Malheureusement cette excuse ne justifie ni les perquisitions domiciliaires, qui furent faites pour prendre j u s q u ' a u dernier grain de mai's (c'est-ä-dire la seule nourriture du paysan) ; ni l'enlevement de t o u t l'outillage du pays : chemins de fer, fabriques, institutions de culture, etc.

*

* *

Ce sont ces raisons qui m ' o n t decide ä ecrire des ä present ce que je voulais remettre ä un m o m e n t oü les passions seraient moins violentes. J e l'ai fait en disant toute la verite, teile que je l'ai vecue, et teile qu'elle ressort des actes et documents secrets que les occupants ont du abandonner, en route ou en p a r t a n t . J'ai ecrit sans aucun ressentiment, mais aussi sans aucun menagement, meme lorsqu'il s'agissait d ' u n interet de mon propre pays. Si dans cette description j'ai ete parfois

dans l'article suivarit, intitule « Reminiscences, et Espoirs », qui p a r u t dans le numero que la Deutsche Allgemeine Zeitung dedia ä la Roumanie, en novembre 1928:

" Pendant la periode d'occupation 1917-1918 la politiquc Allemande fit tout ce qui etait possible pour menager la Roumanie. II y avait des raisons evidentes pour une

teile a t t i t u d e : nous voulions faeiliter la reprise des relations amicales aprfes la guerre. Malheureusement, les difficultes 6conomiques de l'Autriche, et los con-sequences du blocus economique des Pouvoirs Centraux s'aggravferent d'une maniere tellement desastreuse, que l'Allemagne se trouva dans l'impossibilite de

persister dans son intention ; l'economie nationale Roumaine eut donc ä payer un tribut force envers la guerre, dans laquelle la Roumanie s'etait jet.6c volontairemcnt

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severe, je me suis du moins efforce de n'etre jamais injuste, et je n'ai pas poursuivi d ' a u t r e b u t que celui de faire ressortir t o u t e la verite. Car c'est eile seule qui p e u t devenir u n remede efficace contre ces t e n d a n c e s ä rendre plus rude encore l a ' v i e des E t a t s , t e n d a n c e s si dangereuses pour l'avenir de l ' h u m a n i t e . P o u r moi, qui suis u n ancien eleve de l'Universite de J e n a , et qui garde encore —• apres t o u t ce que j'ai vecu — u n e pro-fonde reconnaissance ä cet i m p o r t a n t centre de culture oü j'ai passe ma jeunesse, le devoir —- si penible qu'il soit — de faire ce travail, s'impose d o u b l e m e n t . T a n t comme h o m m e t r a v a i l l a n t p o u r la science universelle que comme p a t r i o t e rou-main, je considere qu'il existe une obligation morale de ne pas laisser t o m b e r d a n s l'oubli les faits d ' u n e epoque e x t r e m e m e n t douloureuse, mais t o u t e pleine d ' e n s e i g n e m e n t s . Ma qualite d ' a n c i e n eleve d ' u n e Universite a l l e m a n d e m ' i m p o s e le devoir de faire connaitre a u x masses populaires de ce peuple les actes de ses anciens g o u v e r n a n t s ; afin qu'il puisse voir, sans inexacti-t u d e s ni fausses i n inexacti-t e r p r e inexacti-t a inexacti-t i o n s , les erreurs du passe einexacti-t les devoirs de l'avenir, et puisse se r a p p r o c h e r , de cette maniere, d ' u n e sincere e n t e n t e , si desirable entre ces d e u x peuples, obli-ges par leur Situation geographique ä une collaboration etroite.

D a n s l'intention speciale de faciliter a u t a n t que possible la lecture de ce livre d a n s les p a y s des puissances centrales, je l'avais redige — depuis trois ans d e j ä —• en allemand ; et ce n'est que b e a u c o u p plus t a r d que la f o n d a t i o n Carnegie a pris la decision de le faire t r a d u i r e et p a r a i t r e en frangais. U n e t r a d u c t i o n n'est p o u r t a n t j a m a i s la m e m e chose q u ' u n t e x t e original ; c'est p o u r q u o i je dois faire appel ä l'indulgence du lecteur, pour qu'il excuse certaines phrases et expressions qui a u r a i e n t assurement ete plus claires, si la r e d a c t i o n a v a i t ete faite d i r e c t e m e n t en frangais.

Bucarest, le 30 octobre 1928.

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exacte de ses consequences economiques et sociales, offrent d e l'importance, non seulement pour les historiens mais aussi pour les hommes d ' E t a t : pour tous ceux qui se preoccupent du pro-gres de l'humanite. Les conclusions et l'enseignement que l'on pourra en tirer touchent profondement ä la vie de tous les peuples et peuvent indiquer de nouvelles voies par lesquelles on arriverait ä menager, en temps de guerre, plus que l'on ne le fait actuellement, la vie des populations civiles, ainsi que les insti-tutions r e p r e s e n t a n t la culture et la vie civilisee des peuples.

v L'occupation militaire de la Roumanie, en effet, a ete l'une

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competentes puissent effectuer dans l'avenir, sur cette base, une etude plus complete et raisonnee de la question.

II est certainement difficile, pour un Roumain, d'ecrire des ä present une histoire complete de l'organisation et du fonc-tionnement de l'administration militaire de la Roumanie sous l'occupation ennemie. E n effet, les Roumains devinrent, p e n d a n t t o u t ce temps, l'objet, c'est-ä-dire les victimes de ce systeme d'exploitation intensive. Meme ceux d'entre nous qui etaient ofBciellement charges de representer les interets de leur pays ne pouvaient connaitre alors les intentions secretes et les methodes du gouvernement militaire. Nous ne pouvions que les deviner, les juger par leurs effets. Nous n'avions meme pas le droit d'ecrire ou de recevoir des lettres, ou d'user d ' u n appareil photographique. Nous ne connaissions que les regle-ments destines ä la population civile, qui nous faisaient savoir, sous la menace de peines severes, comment nous devions nous conduire, ce que nous devions fournir — presque chaque jour —• aux autorites militaires, ce qui etait ä sequestrer ou ä requisition-ner, etc. Mais nous ignorions la teneur des reglements et des instructions secretes qui donnaient a u x autorites militaires leurs directives : ce que l'on devait prendre ä chacun,-ce que l'on devait lui laisser de nourriture, de vetements, etc., pour son usage personnel ; ce qu'il adviendrait de sa propriete, et si demain — ä. la suite d'une perquisition domiciliaire — on lui laisserait encore, oui ou non, une couverture ä son lit.

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meme de tächer de concilier les differents interets de notre pays avec un interet quelconque de l'armee allemande, afin d'obtenir q u ' a u moins sur ce point les besoins de notre popu-lation puissent etre pris en consideration. Du reste, ces faits se r a p p o r t e n t surtout ä l'histoire des souffrances de la popula-tion de ce pays, plutöt q u ' a u x consequences economiques et sociales de cette occupation si penible.

Heureusement, plus t a r d , nous avons reussi peu ä peu ä penetrer les secrets du W i r t s c h a f t s t a b et ä voir ses intentions; nous avons decouvert des rapports secrets, des Instructions, des ordonnances, des statistiques, etc. Nous nous sommes ainsi procures ä la longue une tres riche documentation. Nous fümes plus particulierement heureux quand les occupants durent quitter notre pays avec precipitation; ils furcnt alors tellement presses de partir qu'ils a b a n d o n n e r e n t des caisses entieres, contenant tous les actes de l'occupation militaire, surtout ceux de l'etat-major economique. C'est de cette fagon que nous avons pris possession de leurs papiers secrets, et que nous avons pu voir, au moins retrospectivement, leurs mobiles et leur activite reelle.

Notre Office de statistique a dejä publie en deux brochures les t r a v a u x et les chiffres statistiques du W i r t s c h a f t s t a b et de la police. On a aussi des ouvrages secrets precieux, imprimes ä l'etranger, et n o t a m m e n t les deux volumes intitules :

Sammlung der Kriegswirtschaftlichen V er einbar un gen mit dem Verbündeten Ausland, Vienne, 1918, que la chance nous a mis

entre les mains et oü nous avons pu constater nettement que ce qui est arrive ne f u t pas improvise sous la pression des circonstances, mais prepare longtemps d'avance.

Notre travail envisage tous ces actes ofliciels, statistiques, rapports secrets, e t c ; et toutes nos conclusions, quand elles ne sont pas basees sur des experiences personnelles, sont le fruit de l'etude de ces sources respectives.

ir * *

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preference ä ce que j'ai vu moi-meme, sans repeter les statis-tiques et les r a p p o r t s allemands qui f u r e n t dejä. reproduits d a n s les ouvrages de l'Office statistique r o u m a i n . J e ne c o m p t e pas non plus reproduire ou resumer les i n n o m b r a b l e s ordonnances, informations, ordres du jour, Instructions, etc., qui f u r e n t pro-mulgues par les differents b u r e a u x , soit d i r e c t e m e n t pour la population, soit p o u r l'usage des differents organes de l'adminis-t r a l'adminis-t i o n milil'adminis-taire. J u s q u ' ä la mi-juin 1918, les o r d o n n a n c e s seules du W i r t s c h a f t s t a b sont p a r v e n u e s au n° 19.797 ! J e les ai etudiees aussi, elles c o n t i e n n e n t une d o c u m e n t a t i o n precieuse pour celui qui se decidera ä faire des recherches sur l'histoire de l'occupation militaire de la R o u m a n i e d a n s ses details. Tous ces d o c u m e n t s sont contenus d a n s le Verordnungsblatt der Militärverwaltung in Rumänien ou bien d a n s le Verordnungs-blatt des Oberkommandos des Besatzungsheeres in Rumänien, ainsi que d a n s la serie de publications officielles, r a p p o r t s secrets, etc., que nous avons rassembles avec le plus g r a n d soin dans la Bibliotheque de l'Academie r o u m a i n e . Mais d a n s la presente m o n o g r a p h i e , il ne p e u t etre question que d ' u n apergu general et de la c o n s t a t a t i o n des b u t s , des m e t h o d e s et des resultats g e n e r a u x de cette occupation, et s u r t o u t de ses conse-quences economiques et sociales.

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C H A P I T R E P R E M I E R

Entree de la Roumanie dans la guerre tnondiale

Le developpement de la guerre mondiale sur les differents fronts en 1916 forgait la Roumanie ä abandonner de plus en plus sa neutralite pour prendre une part active ä la guerre. La pression, dans ce sens, venait en meme temps de l'interieur et de l'exterieur. C'est ainsi que le Conseil de la Couronne decida le 27 aout 1916 l'entree de la Roumanie dans la Guerre mon-diale, du cöte de 1'Entente, malgre l'insuffisante preparation de son armee au point de vue de l'armement, des munitions et de l'equipement.

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L A R O U M A N I E D A N S L A G U E R R E M O N D I A L E 1 1

leur g r a n d e b r a v o u r e personnelle, leur abnegation et leur endu-rance, t o u t e s les vertus ne leur sulfiraient pas pour etre vic-t o r i e u x d a n s u n e guerre oü les armes evic-t les machines les plus m o d e r n e s — qui leur m a n q u a i e n t c o m p l e t e m e n t — empor-t a i e n empor-t la decision. C'esempor-t ainsi que, peu apres le c o m m e n c e m e n empor-t de la guerre, la place forte de T u r t u c a i a et ensuite t o u t e la D o b r u d j a f u r e n t perdues, malgre l'heroi'sme du soldat r o u m a i n et son mepris de la m o r t .

D ' a u t r e p a r t , les affaires prirent u n e m a u v a i s e t o u r n u r e aussi sur le f r o n t Occidental, en Transylvanie, oü l'armee rou-maine avait dejä avance, avec le plus grand elan, tres loin d a n s le territoire ennemi. L'Allemagne, c o n t r a i n t e ä occuper rapide-m e n t la R o u rapide-m a n i e , p o u r des raisons decisives d'ordre econo-mique, p r e p a r a une grande armee qui m a r c h a sur la R o u m a n i e en m e m e t e m p s du cote Sud par la Bulgarie, et du cote Nord p a r la Transylvanie. Elle organisait egalement une expedition repressive et son m o t d ' o r d r e resonna d a n s t o u t le p a y s : « Que Dieu punisse l'Angletcrre, l'Italie se p u n i r a elle-meme, mais c'est nous qui punirons la R o u m a n i e . » Les Alle-m a n d s arriverent avec u n e arAlle-mee experiAlle-mentee, p o u r v u e de t o u t l'outillage m o d e r n e et d ' u n e enorme q u a n t i t e de machines de guerre. Contre u n e teile force, ecrasante p a r le n o m b r e , le soldat r o u m a i n , b r a v e mais i n s u f f i s a m m e n t outille, ne pou-vait plus rien faire. Ses grandes qualites personnelles, t o u t e s les v e r t u s qui caracterisent ce guerrier sorti d ' u n e classe de p a y s a n s sains, integres et intelligents, n ' a v a i e n t plus d a n s ce cas q u ' u n e i m p o r t a n c e secondaire, car le f r o n t r o u m a i n n ' a v a i t pas derriere lui la grosse industrie qui a u r a i t d o n n e une supe-riorite incontestable m e m e ä u n materiel h u m a i n de moindre qualite.

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L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E LA R O U M A N I E

f u t livree. P e n d a n t trois jours les h a b i t a n t s de la ville enten-dirent avec la plus grande emotion la formidable canonnade qui devait decider de leur sort. Les nouvelles parvenues du front disaient que le combat n'etait pas encore decisif et que l'on a t t e n d a i t avec impatience l'aide promise par les Russes pour arreter la marche des Allemands. On assurait aussi que les Allemands avaient dejä poste des canons de gros calibre et menagaient de b o m b a r d e r la ville, en declarant que Bucarest etait une forteresse. Tout ceci, et les a t t a q u e s aeriennes, se

\ r e p e t a n t depuis des mois plusieurs fois par jour et faisant

beau-coup de victimes dans la population civile, tenaient les habi-t a n habi-t s dans un ehabi-tahabi-t de grande nervosihabi-te.

Cependant, dans la nuit du 5 au 6 decembre, on entendit dans toutes les rues de Bucarest u n grand bruit et des pietine-ments de chevaux qui durerent j u s q u ' a midi. C'etait la retraite precipitee de l'armee roumaine, avec l'artillerie et la cavalerie, qui prenaient le chemin de la Moldavie. Comme ma residence olficielle ä Bucarest (Museum d'Histoire naturelle), se t r o u v a i t situee ä l'embranchement de trois grandes chaussees par les-quelles s'effectuait la retraite, j'eus la douleur de contempler p e n d a n t des heures ce tableau de desolation. A la levee du soleil, je suivis la rue et me mis ä causer avec des soldats : ils etaient terribles ä entendre. Le dernier auquel je m'adressai etait u n sous-officier dont l'uniforme etait en loques et qui con-duisait u n cheval. II etait comme fou et sanglotait plus qu'il ne parlait. J e lui offris toutes les cigarettes que j'avais sur moi et je lui en allumai une en m a r c h a n t ä cote de lui. Quand il se f u t ressaisi, il me dit en phrases courtes et saccadees : « Dieu ! ce qui s'est passe est indescriptible... Ce que vous voyez ici, ce cheval et moi, c'est, je pense, t o u t ce qui reste de mon regiment (artillerie lourde)... Mon regiment est perdu... notre armee est perdue... notre pays est perdu. » J e lui serrai la main en silence et il suivit son chemin.

Tel f u t l'adieu de notre armee, et ces paroles dechirantes f u r e n t la derniere impression sous laquelle je vecus pendant deux ans.

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LA R O U M A N I E D A N S LA G U E R R E M O N D I A L E 1 3 de l'armee roumaine, que la population de la capitale resta apres que le dernier soldat roumain l'eüt quittee.

Mais ces malheurs furent aggraves par d'autres, qui deprimerent encore plus les h a b i t a n t s de la capitale. Les gens qui revenaient de toutes parts aupres de leurs familles dans la capitale, racontaient des choses lamentables sur la devastation du pays. Les reservoirs de petrole en feu, les sondes, les raffi-neries, etc., qui furent irxcendiees sur la d e m a n d e de nos Allies, et brülaient ä Ploesti et dans toute la vallee de Prahova, formaient le tableau infernal qui apparaissait le soir a u x habi-t a n habi-t s de Bucareshabi-t comme u n coucher de soleil d ' u n rouge effrayant, parmi d'enormes nuages de fumees.

Mais il y eut pire encore! Quelques personnes arriverent, accrochees ä une locomotive, qui entra au dernier m o m e n t dans Bucarest pour repartir i m m e d i a t e m e n t : elles apportaient les lettres de quelques officiers roumains de la Moldavie. L ' u n d ' e u x ecrivait que le front se t r o u v a i t sur le Sereth et que la moitie de la Moldavie etait dejä occupee par les troupes russes. Heureusement, le bruit d'apres lequel les grands depots de farine et de ble dans les moulins, et les autres depots d'appro-visionnement, auraient ete aussi detruits afin de ne rien laisser ä l'ennemi, se trouva dementi. La population aurait ete reduite a la famine. Ce bruit terrifiant s'etait repandu parce que les Allies, quand ils exigerent la destruction de l'industrie du petrole, avaient propose egalement de detruire les magasins d'approvisionnement ; mais le gouvernement roumain avait dejä refuse l'execution d'une pareille mesure.

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C H A P I T R E II

Premiere periode de l'occupation de la Roumanie; ses consequences sociales et Sconomiques

L'occupation de la Roumanie doit etre divisee en deux periodes qu'il faut traiter separement. Ces deux periodes sont reellement bien distinctes. Comme criterium de cette dis-tinction, nous prendrons les methodes d'administration et d'exploitation, au point de vue des consequences qu'elles eurent pour l'etat du pays et de la population.

La premiere periode, depuis la conquete des diverses parties du pays par les troupes ennemies jusqu'ä l'introduction d'un systeme regulier d'administration militaire, peut etre carae-terisee, par ses consequences, comme une periode de devasta-tion et d'enlevements.

En effet, quand les troupes combattantes occupaient suc-cessivement le pays, elles ne laissaient de petits detachements que dans certaines villes et localites, pour maintenir l'ordre et prendre l'autorite en mains. Le reste du pays, c'est-ä-dire sa plus grande partie, restait sans aucune autorite, car les fonc-tionnaires roumains demeures sur les lieux etaient impuissants vis-ä-vis des troupes qui passaient et de leurs chefs. C'est ainsi que le pays f u t livre pendant assez longtemps aux destructions des militaires, surtout des Bulgares au Midi et des Hongrois au Nord.

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P R E M I E R E P E R I O D E D E L ' O C C U P A T I O N

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et il se passa encore b e a u c o u p de t e m p s a v a n t que l'applica-tion effective de cette ordonnance ne prenne vigueur d a n s le pays. Meme ensuite, les autorites civiles n ' e u r e n t a u c u n pou-voir vis-ä-vis des militaires, et les t e n t a t i v e s qu'elles p u r e n t faire en ce sens les exposerent encore plus a u x m a u v a i s pro-cedes de ceux-ci. Du reste, u n r a p p o r t secret du G o u v e r n e u r militaire, de janvier 1917, constate que « le retablissement complet de l'ordre et la surveillance süre des frontieres n ' o n t pas ete possibles jusqu'ici avec les faibles t r o u p e s d ' e t a p e ». E t l'ordre, en effet, se fit a t t e n d r e bien l o n g t e m p s encore.

J e ne pourrais m i e u x caracteriser l ' e t a t du p a y s p e n d a n t cette periode q u ' e n c i t a n t entierement, d a n s le r a p p o r t secret du Gouverneur militaire, le General Tüllf v o n T s c h e p p e et W e i d e n b a c h , de janvier 1917, le chapitre intitule « Ordre et securite d a n s le p a y s ». II est tres caracteristique que sous ce r a p p o r t secret, on t r o u v e la note que voici :

Ne communiquer aux plenipotentiaires de l'Autriche-Hongrie, de la Turquie et de la Bulgarie auprfes du gouvernement militaire, qu'un extrait de la partie de ce rapport qui traite de l'activite du Wirts-chaftstab.

Le contenu du t e x t e m o n t r e p o u r q u o i cette p a r t i e d u rap-p o r t devait rester secrete, m e m e rap-p o u r les Allies de l'Allemagne. C'est parce q u ' o n les accusait de pillage et de b r i g a n d a g e d a n s le pays.

Yoici le t e x t e du chapitre in, i n t i t u l e : l'ordre et la securite d a n s le p a y s :

Pendant la retraite de l'armee roumaine, un grand nombre de hauts fonctionnaires et de maires, la majorite des grands proprietaires et beaucoup de petits proprietaires prirent la fuite. Les tres faibles troupes d'etape, reduites pour la plupart ä marcher ä pied, par de mauvais chemins, ne purent arriver ä destination que des semaines apres. En attendant, en raison de l'absence de toute autorite, les habitants restes chez eux et les fuyards Roumains profiterent de l'occasion pour piller et detruire les proprietes des gens aises absents. Les maraudeurs autrichiens, turcs et bulgares en ont fait autant.

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L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E LA R O U M A N I E

et ä des Bulgares de transporter au delä de la frontiere du betail, des provisions, des marchandises, et meme des ustensiles de menage de toute sorte. Ce pillage de la Roumanie a ete tellement intense et si bien organise, en particulier sur la frontiere du Danube, que nous devons supposer non pas seulement la tolerance silencieuse des autorites sup6-rieures bulgares, mais leur ordre.

Dans la petite Valachie, oü l'administration militaire avait corn-mence son activite, on chargea la IIe brigade de caValerie ä Orsova, dfes le 5 decembre, de faire renaitre la securite et l'ordre dans le pays plat, de ramasser le butin de guerre, de garder le betail errant et les biens laisses par les habitants ayant pris la fuite. Avec ce but en vue, les

\ regiments de la brigade, tout en avangant de l'Ouest ä l'Est, etaient mis ä la disposition des differents commandants des etapes pour un certain nombre de jours. Leur activite se fit rapidement sentir par le fait que la confiance de la population renaissait ä vue d'oeil. En meme temps, les autorites villageoises furent invitees ä collaborer avec l'auto-rite centrale. Le prefet du departement de Mehedintzi, interne ä Turnu-Severin comme otage, fut replace ä son poste, car il se mit volontaire-ment ä notre disposition et semblait pret ä collaborer avec nous honnö-tement. Les bourgmestres des villes et villages et la police locale furent aussi remis en activite. Peu ä peu il fut possible de retablir l'ordre dans los autres parties du pays et d'arr&ter les empietements les plus graves par des mesures militaires et le retablissement de l'activite des autorites roumaines.

Des grandes quantites de provisions, du betail, etc., purent 6tre preserves du pillage ou repris ä temps sur la frontiere. Le retablisse-ment complet de l'ordre et une surveillance satisfaisantes des frontieres furent neanmoins impossibles tant que l'on ne disposa que de faibles troupes d'etape.

La population est docile partout, et revient facilement ä l'ordre lorsque l'apparition des forces militaires, m t o e faibles, inclique clai-rement le retablissement de l'autorite. L'empressement des fonetion-naires roumains pour travailler avec nous est base, semble-t-il, sur leur conviction que notre desir de retablir la tranquillite et l'ordre civil repond ä leurs interöts. Leur partieipation promet donc d'amener de bons resultats.

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P R E M I E R E P E R I O D E D E L ' O C C U P A T I O N

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Ä) La vie de la capitale

pendant les premiers temps de l'occupation

1 . — P R I S E D E LA C A P I T A L E

S'il etait permis de parier de chance, dans des circonstances aussi douloureuses, on pourrait dire que ce fut un bonheur que les fortifications de Bucarest, puissantes mais dejä anciennes, aient ete demontees et desarmees et que la ville se fut rendue volontairement ä l'ennemi, sans lutte, mais apres de longs pour-parlers conduits dans la nuit du 5 au 6 decembre entre les mands et les representants de l'autorite roumaine. Les Alle-mands, en effet, avaient dejä place des canons de gros calibre, et s'ils avaient bombarde la ville, tous les tresors accumules par la culture de notre peuple auraient ete perdus pour tou-jours (1).

(1) On p e u t juger p a r des artieles p a r u s d a n s la presse etrangere, et p a r de n o m -breuses lettres que j'ai re?ues moi-meme de diff6rentes sommitäs scientifiques, j u s q u ' ä quel point le b o m b a r d e m e n t de Bucarest e t le risque de voir detruire p a r ce fait tous les m o n u m e n t s de la civilisation de ce jeune pays, f u t le s u j e t de craintes u n a n i m e s et l'objet de soucis dans les milieux cultiv^s du m o n d e entier, m e m e en pays ennemi. J e crois utile, sous beaucoup de r a p p o r t s , de publier ici la lettre tres caracteristique que j'ai recue alors d ' u n s a v a n t universellement connu, m o n tres

venere maitre, E r n s t Haeckel, alors äg6 de 83 ans.

J e n a 4 mai 1917. Lieber F r e u n d Antipa.

H e u t e h a t t e ich die F r e u d e durch H e r r n Professor Dr Grober, der j e t z t auf Urlaub hier ist, ausführlichen Bericht ü b e r I h r Schicksal in diesem entsetzlichen, n u n schon bald 3 J a h r e d a u e r n d e n Weltkriege zu erhalten. Zufällig w a r zu gleicher Zeit I h r alter F r e u n d R e c t o r Schleichert bei mir, der sich ebenfalls sehr freute, gute N a c h r i c h t über Ihr Befinden zu erhalten. Ich h a b e in diesen 3 J a h r e n s e h r o f t a n Sie u n d a n Ihren Stiefbruder N. Leon m i t herzlichster T e i l n a h m e gcdacht, besonders natürlich, seitdem a u c h Ihr V a t e r l a n d R u m ä n i e n in den Weltkrieg verwickelt u n d von den Z e n t r a l m ä c h t e n bestzt wurde. Ich f r e u t e m i c h d a n n zu hören, dass Ihr schönes B u k a -rest freiwillig g e r ä u m t u n d d a m i t zugleich Ihr herrliches Museum vor der Z e r s t ö r u n g

b e w a r h t wurde.

Auch hier in unserem stillen kleinen J e n a h a b e n wir von den zerstörenden Fol-gen des wahnsinniFol-gen Völkermordens sehr viel zu leiden g e h a b t . Viele Schüler u n d Kollegen sind als Opfer gefallen, S t u d e n t e n über 300. Von 12 Neffen u n d Grossneffen sind 8 gefallen. Die schlechte E r n ä h r u n g , infolge Mangels a m nötigsten Material, auch Kohlen, m a c h t ihren Einfluss besonders bei alten L e u t e n vielfach geltend.

A m 16.2. ds. J s . habe ich meinen 83. G e b u r t s t a g gefeiert, u n d a m 7.3. mein 60

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L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E LA R O U M A N I E

De cette fagon, la reddition de la ville f u t ä peine remarquee par la population. Seuls quelques fonctionnaires roumains, restes dans ce territoire — n o t a m m e n t le gerant du Ministere de 1'Interieur, le Maire et le Prefet de Police de Bucarest — eurent ä accomplir les formalites necessaires pour la remise de la ville, tandis que la population ne put s'apercevoir que dans l'apres-midi du 6 decembre que la ville etait dejä occupee, lors-jähriges D o k t o r - J u b i l ä u m . Mit diesen beiden letzten G e d e n k t a g e n h a b e ich a u c h meine w i s s e n s c h a f t l i c h e A r b e i t geschlossen. Die K r ä f t e reichen n i c h t m e h r aus. Ich sehe m i t V e r g n ü g e n der letzten Reise entgegen, in die « N i r w a n a ». Seit 6 J a h r e n bin ich ja g e l ä h m t u n d n i c h t m e h r reisefähig. Seit 2 J a h r e n ist a u c h meine liebe F r a u gestorben.

Meinem Sohne W a l t e r in München, I h r e m alten t r e u e n F r e u n d e (jetzt a u c h 48 J a h r e ) geht es gut. E r h a t vor 3 J a h r e n (am 14.3. 1914) noch einen k r ä f t i g e n Sohn b e k o m m e n ( H o r s t m a r ) — meinen ersten E n k e l .

Meine T o c h t e r L i e s b e t h ( F r a u Prof. Meyer in Leipzig) h a t zu W e i h n a c h t e n bereits Ihre silberne Hochzeit gefeiert.

Gleichzeitig h e i r a t e t e ihre älteste T o c h t e r , Else (die 1 1 / 2 J a h r e bei mir war) 22 J a h r e alt, einen A r c h i t e k t e n , der als F l i e g e r l e u t n a n t dient.

Mein g u t e r alter Diener, der t r e u e Pohle, ist vor einem J a h r e gestorben. 80 J a h r e alt.

Mein alter Assistent, Dr. Heinrich S c h m i d t ist j e t z t als A r c h i v a r im neuen P h y l e t i s c h . Archiv angestellt, in 2 R ä u m e n der U n i v e r s i t ä t s Bibliotek, wo alle Doku-m e n t e zur Geschichte der E n t w i c k l u n g s l e h r e g e s a Doku-m Doku-m e l t werden. I Doku-m Phyletischen M u s e u m sind Ihre schönen Geschenke w ü r d i g aufgestellt.

Mit besten W ü n s c h e n s e n d e t I h n e n herzlichste Griisse, treulichst I h r alter Lehrer.

E r n s t HAECKEL.

Cher Ami A n t i p a ,

A u j o u r d ' h u i , j'ai eu la joie, gräce a u Professeur Dr Grober, qui est m a i n t e n a n t

ici en permission, de recevoir des nouvelles plus d6taillees s u r votro destinöe p e n d a n t ces trois terribles ann^es de guerre. P a r h a s a r d , votre vieil ami le R e c t e u r Schleichen, se t r o u v a i t chez moi au m e m e m o m e n t , et il f u t 6galement tres h e u r e u x de recevoir de bonnes nouvelles de votre e t a t .

P e n d a n t ces trois ann6es, j'ai tres s o u v e n t pense ä vous e t ä votre demi-frero N. L6on a v e c la plus cordiale S y m p a t h i e , e t n a t u r e l l e m e n t plus encore p e n d a n t le t e m p s oü votre P a t r i e , la R o u m a n i e , a engag^e d a n s la guerre m o n d i a l e et est l-estee en possession des puissances centrales. J e me r^jouis m a i n t e n a n t d ' a p p r e n d r e que v o t r e b e a u B u c a r e s t est 6vacu6 e t en m e m e t e m p s que v o t r e merveilleux Museum a ete s a u v e de la d e s t r u e t i o n .

Ici aussi, dans n o t r e silencieux p e t i t Iena, nous a v o n s eu b e a u c o u p ä soullrir des consequences des m e u r t r e s insensfe des peuples. B e a u c o u p d'eleves et de colle-gues en s o n t d e v e n u s les victimes : 300 e t u d i a n t s , 1 de mes n e v e u x et 8 petits-n e v e u x s o petits-n t m o r t s . La m a u v a i s e petits-n o u r r i t u r e , le m a petits-n q u e d u m a t e r i e l le plus petits-n£ces saire et aussi d u c h a r b o n , o n t s u r t o u t a m e n e de tristes consequences p o u r les gens äges.

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P R E M I E R E P E R I O D E D E L ' O C C U P A T I O N

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que enfin eile vit de nombreuses troupes de combat de l'ennemi traverser la ville.

* * *

Immediatement apres les troupes de combat, qui ne pas-serent dans la ville que pour poursuivre les troupes roumaines en retraite, on vit arriver les troupes d'occupation qui s'eta-blirent avec une rapidite etonnante. Des la soiree du meme jour, ces troupes etaient dejä casernees dans differents edifices publics. Le quartier general« Oberkommando » etait etabli dans un des plus grands hötels de la ville, sous les ordres du General v. Kosch et du Colonel von Stolzenberg. L ' E t a p p e n k o m m a n -d a t u r lixa ses bureaux -dans les locaux -du Ministere -des Domaines, sous la direction du Colonel Cleve. L'« Oberkommando Macken-sen » ne demenagea d'Alexandrie ä Bucarest que le 11 et le jour suivant. On avait etabli dejä le 8 decembre, dans le Palais du Ministere des T r a v a u x publics, le « Kaiserliche Gouvernament der Festung Bukarest » comprenant deux branches : la « Kaiser-liche K o m m a n d a t u r » et la « Militärpolizei ». Quant au Gouver-neur militaire et ä son etat-major, il n'ont atteint Bucarest que le 13 decembre 1916, dans la soiree.

E n t r e tous les bätiments, oü s'etaient logees les differentes administrations, on fit fonctionner, des la soiree du premier jour, des communications telephoniques ; et j'ai eu l'occasion de voir

forces m ' a b a n d o n n e n t . J e vois avec joie le dernier voyage approcher, dans le Nirwana.

Depuis six ans je suis perclus et incapable de me deplacer. Depuis deux ans, ma chere femme est morte.

Mon Iiis Walter, de Munich, votre vieil et fidele ami (maintenant äg£ de 48 ans), va bien. II y a trois ans (le 14-3 1914), il a encore eu u n fort gargon, mon premier petit-fds,

Ma fille Lisbeth a fete ä Noel ses noces d'argent.

En meme ternps eile mariait sa fille ainee, Else (qui est restee un an et demi pres de moi), ägee de 22 ans, ä un architecte qui est lieutenant dans l'aviation.

Mon bon vieux serviteur, le fidele Pohle, est mort depuis un an, ä l'äge de 80 ans.

Mon vieil assistant, le Dr Heinrich Schmidt, est m a i n t e n a n t archiviste du nouveau

mus6e phyletique, oü 1 'on collectionne les documents relatifs ä la science de Revolution. Dans le Mussum ont ete placis vos beaux souvenirs.

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2 0 L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E LA R O U M A N I E

avec e t o n n e m e n t la fagon d o n t u n c o m m a n d a n t de l'etat-m a j o r , e n t r a n t d a n s u n e c h a l'etat-m b r e du Ministere des Dol'etat-maines, decrocha le telephone qui s'y t r o u v a i t et commenga ä distri-buer i n s t a n t a n e m e n t ses ordres de tous les cötes. II « organisait » dejä, et son personnel d a n s u n court espace de t e m p s faisait t a c h e d'huile et remplissait b i e n t ö t t o u t e la maison. J e voyais lä, decidement, u n e Organisation cxtraordinaire, u n e machine f o n c t i o n n a n t avec u n e precision e t o n n a n t e .

P a r m i ces officiers nouvellement arrives, je pus reconnaitre u n g r a n d n o m b r e de figures connues. La p l u p a r t d ' e n t r e e u x e t a i e n t des officiers de reserve allemands, qui a v a i e n t vecu en R o u m a n i e et parlaient p a r f a i t e m e n t le r o u m a i n , d'anciens d i p l o m a t e s et a t t a c h e s militaires, des c o m m e r g a n t s , des pro-fesseurs, des b a n q u i e r s , etc. L'aide de c a m p du General Kosch, p a r exemple, etait u n zoologuc, ancien assistant de Haeckel ä Iena, et ensuite professeur du lycee allemand ä Bucarest. II a v a i t t r a v a i l l e quelque t e m p s , a v a n t la guerre, d a n s m o n laboratoire, au Museum d ' H i s t o i r e naturelle. Apres avoir passe t o u t e la n u i t ä faire l'interprete p e n d a n t la reddition de la ville, il vint de suite au M u s e u m p o u r voir si nous n ' a v i o n s pas ete molestes, et p o u r proteger notre I n s t i t u t contre le logement des t r o u p e s , les requisitions et a u t r e s inconvenients de m e m e espece. J ' a i r e n c o n t r e ä c h a q u e pas, d a n s la suite, des con-naissances semblables ; il p a r a i t que les Allemands e n v o y e r e n t specialement ici t o u s les officiers de reserve qui a v a i e n t a u t r e -fois vecu en R o u m a n i e , afin de .pouvoir, p a r leur entremise, plier le p a y s plus r a p i d e m e n t ä leurs clesseins. Vis-ä-vis de la p o p u l a t i o n , ces officiers p a r l a n t r o u m a i n , restaient severes et reserves, mais poiis p o u r la p l u p a r t , et ils t ä c h e r e n t de cal-mer les esprits et de defendre la ville contre les e m p i e t e m e n t s des t r o u p e s qui la t r a v e r s a i e n t .

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com-P R E M I E R E com-P E R I O D E D E L ' O C C U com-P A T I O N

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mis p a r les t r o u p e s qui passaient, et s u r t o u t par les m a u v a i s elements, deserteurs, etc., qui grouillaient derriere le f r o n t . Pas u n e v o i t u r e ne p o u v a i t passer en sürete dans les rues des faubourgs, car les soldats qui les v o y a i e n t rossaient le proprie-taire, prenaient la voiture et le cheval et continuaient ensuite leur chemin. Les vaches f u r e n t enlevees p a r les t r o u p e s de passage d a n s presque t o u t e s les cours des h a b i t a n t s des fau-bourgs. Dans les meilleurs cas, on clelivrait u n simulacre de recepisse de requisition, sur lequel etait inscrit generale-m e n t u n juron, des expressions cogenerale-mgenerale-me : « Dieu vous le rende », ou bien t o u t e a u t r e grosse plaisanterie de m e m e espece. J ' a i eu Toccasion de voir plus t a r d des milliers de pareils « recepisses de requisition ».

Les t r a i n a r d s qui suivaient le f r o n t etaient encore bien plus redoutables. Iis c o m m e t t a i e n t m e m e des crimes. J e dois reconnaitre, pour etre juste, que le g e r a n t du Ministere de P Interieur etait present lorsque u n pareil cas f u t p o r t e ä la connaissance du Colonel Stoltzenberg, et il c o n s t a t a q u ' u n e a u t o militaire f u t envoyee aussitöt avec l'ordre severe « d ' a t t r a p e r le criminel et de le passer de suite p a r les a r m e s ». Mais ces exemples f u r e n t isoles, p e n d a n t que des "milliers de delits restaient inconnus, car le n o m b r e des patrouilles militaires etait tres faible p e n d a n t les premiers t e m p s de l'occupation.

Cette conduite des t r o u p e s et des colonnes de passage, et s u r t o u t des Bulgares et des t r a i n a r d s , prit des allures si inquie-t a n inquie-t e s q u ' u n ordre du j o u r f u inquie-t publie plus inquie-t a r d ä ce s u j e inquie-t p a r le General F e l d m a r e c h a l v. Mackensen (N° 5.292 d u 17 de-cembre 1916). J ' e n cite quelques phrases qui m o n t r e r o n t tres clairement combien la Situation etait m a u v a i s e :

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viande devient rare, malgre la richesse anterieure du pays en b6tail... Les nombreux trainards qui rödent derriere le front provoquent un desordre qui devient le fleau du pays Cet ordre du jour doit 6tre expressement communique aussi aux troupes des pays allies.

Ce dernier passage vise particulierement les Bulgares ä la f r o n t i e r e du Sud et les Hongrois ä la frontiere Nord qui pil-laient p a r t o u t ä m a i n armee.

Mais les actes les plus nuisibles f u r e n t commis p a r les troupes bulgares, concentrees en g r a n d n o m b r e a u t o u r de la ville.

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qu'ils se heurteraient ä la resistance de la population et ils voulaient gagner ainsi, par des belles promesses, les paysans ä leur cause. Du reste il est de fait que les Allemands n'ont fait aucun usage de cette proclamation revolutionnaire. Est-ce uniquement parce qu'ils ne trouverent parmi les paysans que des vieillards, des enfants et des femmes, ou bien parce qu'ils virent que la population etait beaucoup plus sage qu'ils ne s'y attendaient ? Les collegues allemands qui ecriront sur ce sujet dans cette serie, nous en donneront probablement une explication plus precise. E n t o u t cas, ces proclamations se trouvent dans les archives de guerre de l'Academie roumaine.

2 . — L E N O U V E A U R E G I M E , S E S B U T S , S E S M E T H O D E S E T S E S E F F E T S

Comrne je l'ai indique plus h a u t , ä peine deux jours apres la chute de Bucarest, on forma une police militaire dont l'objet etait « la surveillance de la securite generale, de la tranquillite et de l'ordre dans la forteresse (1) ». On nomma prefet de police militaire (Militär-polizeimeister) le lieutenant de reserve Arne-lung, commissaire de police criminelle ä Breslau en t e m p s de paix. On mit ä sa disposition, au commencement, une com-pagnie de police militaire, forte de 250 hommes seulement.

II ne p u t que diviser la ville en six arrondissements de police militaire, chacun avec une garde de 2 sous-officiers, et seule-ment de 24 hommes, pour faire des patrouilles dans les rues de la ville. Mais surtout il transforma i m m e d i a t e m e n t les caves du local du Gouvernement (le Palais du Ministere des Tra-v a u x publics) en une spacieuse « Prison de police militaire », p o u v a n t contenir plus de 100 personnes, et dont il fit u n usage tres frequent.

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L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E L A R O U M A N I E

Mr. A m e l u n g resta ä cette place plus d' u n an et il a decrit lui-meme son activite d a n s une b r o c h u r e secrete, tres elegam-m e n t i elegam-m p r i elegam-m e e , sous le t i t r e : Une annee coelegam-melegam-me « Militär-Polizeimeister » de la forteresse de Bucarest. E n dehors des n o m b r e u s e s louanges qu'il se decerne ä lui-meme, on trouve aussi d a n s ce livre des a v e u x repetes, p r o u v a n t q u ' o u t r e Je retablissement de l'ordre, qui f u t reel, on exerga contre des citoyens paisibles b e a u c o u p de chicanes, de p u n i t i o n s injustes, d'incarcerations, etc.

Des le 1e r j a n v i e r 1917, p a r u t u n e o r d o n n a n c e du Feld-m a r e c h a l v. Mackensen qui defera au p r e f e t de police Feld- mili-taire les pouvoirs s u i v a n t s :

Publier des ordonnances et des dispositions de police concernant les interfets de la ville occupee et de ses habitants ; menacer de priva-tion de liberte, jusqu'ä six mois, ou bien d'amende jusqu'ä 3.000 marks, ou meme des deux peines reunies ; ainsi que fixer la punition pour les infractions.

Le Militär-Polizeimeister ecrit lui-meme ä ce s u j e t : Le decret susmentionne formait la base de toutes les ordonnances et des nombreuses peines qui furent infligees dans le cours des temps. Ces punitions ont eu une influence educatrice de premier ordre sur la population. Ce fut l'unique moyen d'habituer les habitants ä suivre les ordonnances.

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popula-P R E M I E R E popula-P E R I O D E D E L ' O C C U popula-P A T I O N

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tion )>. Certains a v e u x d u livre lui-meme m o n t r e n t , sans doute possible, de quoi il s'agissait. P a r exemple, page 9 :

II ne faut pas omettre de citer un travail qui, pendant les premiers mois, offrit de grandes difficultes : les requisitions. Les multiples exi-gences des troupes combattantes en vetements et en couvertures (il faut se souvenir qu'il regnait un hiver d'une rigueur rare), quis'eleverent quelquefois ä des centaines de mille, et la necessite d'habiller des pri-sonniers de guerre conformement aux usages, forcerent l'intendance ä recourir largement ä l'aide de la police militaire.

Ensuite, page 30 :

La majorite des punitions etait provoquee par les infractions aux dispositions emanant des differentes autorites sur les questions econo-miques.

Dans cet ordre d'idees, le decret du Gouvernement imperial du 4 janvier 1917 sur la Sequestration (la « Beschlagnahme-Verordnung »), eut une influence decisive. Les ordres contenus dans ce decret (ordre de presenter une liste complete des marchandises, defense de disposer librement affectant les trois quarts de toute marchandise, obligation d'exposer la liste des prix) furent dans un grand nombre de cas depasses sans scrupule aucun.

Notre departement reussit ä saisir de nombreux depots caches con-tenant de nombreuses marchandises, surtout du sucre, des spiritueux, du cuir, du linge et des etoffes. Ces marchandises furent pour la plupart apportees au Wirtschaftstab, ä Bucarest, pour Stre utilisees.

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Les t r o p n o m b r e u s e s a r r e s t a t i o n s de personnes n'etaient pas n o n plus faites, d a n s tous les cas, seulement au profit de l'ordre. Car il arriva c o n s t a m m e n t que des personnes de la bonne societe soient incarcerees sous t o u t e s sortes de pretextes, en realite ä cause de leurs idees politiques. Ces a r r e s t a t i o n s — la p l u p a r t du t e m p s basees sur des delations a n o n y m e s — degenererent peu ä peu j u s q u ' ä creer u n e c o r r u p t i o n qui m o n t a i t h a u t . Mais je parlerai plus l o n g u e m e n t sur cette question, ä propos des i n t e r n e m e n t s . B e a u c o u p de personnes f u r e n t aussi empri-sonnees p o u r cessation de travail, c'est-ä-dire parce que, ne v o u l a n t plus travailler d a n s les a d m i n i s t r a t i o n s et les exploi-t a exploi-t i o n s f o n c exploi-t i o n n a n exploi-t p o u r des i n exploi-t e r e exploi-t s allemands, elles a v a i e n exploi-t q u i t t e leurs places. Le p r e f e t de police en dit d a n s son livre : D'accord avec la Wirtschaftstab (section XVII, pour questions de travail), ces cas furent liquides de la fagon suivante : les personnes en question etaient arrStees avec l'aide de la police roumaine, punies par des amendes infligees par le prefet de police militaire ; et apres avoir purge leur peine, elles etaient ramenees ä la place oü elles avaient tra-vaille.

E n definitive, si la police militaire a pu se v a n t e r d'avoir p o u r p r e o c c u p a t i o n principale les i n t e r e t s de la population, cela ne correspondit pas a u x faits : eile f u t a v a n t tout u n ins-t r u m e n ins-t d ' a c c o m p l i s s e m e n ins-t des b u ins-t s de guerre poliins-tiques eins-t economiques de l ' o c c u p a n t .

* * *

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pour faire des aehats, ne se genaient pas pour effectuer des requisitions dans les maisons particulieres, les magasins, etc. Iis exigerent m e m e de la ville de Bucarest, sous les menaces les plus graves, qu'elle fournisse i m m e d i a t e m e n t t o u t e s sortes d'effets, des pieces de mobilier, des f o u r n i t u r e s de b u r e a u , des vaches, etc. C'est de cette fagon q u ' o n enleva ä la ferme de l'Ecole superieure d'Agriculture, d a n s les premieres semaines de l'occupation, 60 vaches laitieres p u r sang avec leurs v e a u x , t o u t le fourrage et t o u t e s les provisions et les depots d ' a l i m e n t s destines a u x eleves, a u x professeurs et a u x serviteurs. D a n s les marches et sur les chemins de c a m p a g n e , ce genre de requisi-tion devint u n e veritable calamite.

II n ' y a v a i t personne ä. qui l'on puisse se plaindre avec succes : l ' e t a t - m a j o r du colonel Cleve, qui avait ä exercer les requisitions « reglementaires » p o u r les troupes, etait plus occupe de cette t ä c h e que de la defense des proprietes de la p o p u l a t i o n . Temoin ce qui arriva au Directeur general du mono-pole des t a b a c s , q u a n d il alla voir le colonel p o u r se plaindre contre les procedes « non-reglementaires » appliques d a n s la f a b r i q u e du t a b a c et exiger la delivrance de « certificats de protection » (Schutzscheine) : il f u t pris au collet p a r l'aide de c a m p et mis ä la porte. T o u t cela prit de telles proportions que le prefet de police militaire lui-meme, considerant ces faits au point de vue des interets militaires, leses par le gaspillage des objets de ravitaillement, d ü t enfin intervenir. II m e n t i o n n e cette Intervention, d a n s son livre secret, de la maniere sui-v a n t e :

Le nombre des arrestations des tres nombreuses personnes (mili-taires) qui requisitionnaient injustement dans la ville et se logeaient arbitrairement, diminua vers la fin de janvier d'une maniere consi-derable.

3 . L ' E T A T D E L A P O P U L A T I O N

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L ' O C C U P A T I O N E N N E M I E D E LA R O U M A N I E

de v u e s u i v a n t : y a-t-il u n i n t e r e t de l'armee qui d e m a n d e aussi la Solution de cette question, ou peut-etre y a-t-il quel-que i n t e r e t a l l e m a n d , ou au moins u n i n t e r e t des p a y s allies ? S'il s'agissait seulement de l'interet de la p o p u l a t i o n , la ques-tion, quelle q u ' e n f u t l ' i m p o r t a n c e , etait prise en consideration seulement « d a n s les limites du possible ». E n realite, la preoc-c u p a t i o n prinpreoc-cipale etait preoc-celle-preoc-ci : depreoc-couvrir et preoc-confisquer t o u t ce qu'il y a v a i t d a n s le pays, j u s q u ' a u x p r o d u i t s les plus insi-gnifiants ; en dresser l'inventaire, et ensuite t r o u v e r le m o y e n de les « saisir sans en rien laisser » (restlos erfassen). Tels etaient le m o t d ' o r d r e et le b u t principal d o n t t o u t le m o n d e s'etait inspire, depuis le general en chef j u s q u ' a u dernier soldat.

II est v r a i que, sous b e a u c o u p de r a p p o r t s , l'ordre f u t reta-bli d a n s la ville, n o t a m m e n t au p o i n t de vue de la circulation, de la designation des rues, de l ' e p u r a t i o n des rues (prosti-t u (prosti-t i o n e(prosti-t v a g a b o n d a g e ) , de l'heure de f e r m e (prosti-t u r e des magasins, de la suppression des t r i p o t s et des cabarets, etc. Q u a n t au reste, le seul b u t de t o u t e cette a d m i n i s t r a t i o n militaire etait « d'acca-p a r e r a u t a n t que d'acca-possible d'acca-p o u r t r a n s d'acca-p o r t e r vite chez soi, vers la Mere-Patrie » (der H e i m a t Z u z u f ü h r e n ) .

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part, et specialement lorsqu'on se f u t apergu que les maisons particulieres ne contenaient pas t a n t qu'on se le figurait, les autorites abandonnerent ces dernieres exigences et deman-derent seulement que le sucre leur soit livre. Elles nous le vendirent ensuite pour de l'or, de fagon ä « mettre la main » (« Zu erfassen ») aussi sur l'or qui se t r o u v a i t dans ce

pays-A la suite de ces mesures, qui se succedaient rapidement les unes apres les autres, la Situation de la population devint de plus en plus difTicile. Celui qui avait des reserves pouvait encore tenir quelque temps, mais la grande majorite se composait de gens t o u t ä fait pauvres : des fonctionnaires, des pensionnes, des veuves avec enfants, des femmes dont les maris etaient sur le front, etc... Ceux-lä ne pouvaient tenir qu'ä peine. Le Gou-vernement roumain avait bien paye trois mois d'appointements d'avance ä u n grand nombre de fonctionnaires restes sur place et a u x pensionnes ; mais, par suite du rencherissement de la vie qui survint, cela ne suffit que pour le premier mois. On avait laisse au Ministere des Finances de Pargent pour le p a y e m e n t ulterieur des appointements et des pensions, mais cet argent avait ete i m m e d i a t e m e n t saisi p e n d a n t les premiejs jours de l'occupation.

Maintenant on ne pouvait plus rien acheter dans les bou-t i q u e s ; car aussibou-töbou-t apres la saisie des 75 pour 100 de mar-chandises, le restant f u t achete en quelques jours par les soldats et officiers qui passaient et expedie « in die H e i m a t » ä leurs familles, par la poste de campagne. E n decembre 1916, je reussis encore ä acheter les deux derniers kilos de macaroni et la derniere boite de biscuits du plus grand magasin de pro-duits alimentaires de Bucarest.

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