• Non ci sono risultati.

Les anges s’habillent en caillera : proposition de traduction d’un ouvrage véhiculant le français contemporain des cités

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Condividi "Les anges s’habillent en caillera : proposition de traduction d’un ouvrage véhiculant le français contemporain des cités"

Copied!
180
0
0

Testo completo

(1)

Les anges s’habillent en caillera : proposition de traduction d’un

ouvrage véhiculant le français contemporain des cités

(2)

Abstract

L’objectif de ce mémoire a été de proposer une traduction d’un texte littéraire du français à l’italien.

Le choix de l’ouvrage devait remplir au moins une condition linguistique essentielle : la présence de spécificités linguistiques proprement franco-françaises, sans équivalences en langue italienne. De ce fait, la sélection de l’œuvre littéraire a été dirigée vers un roman noir, Les anges s’habillent en caillera, de Rachid Santaki, narrant l’histoire d’un jeune qui habite dans l’une des cités les plus sensibles de la banlieue parisienne. La richesse des variations argotiques qui composent cet ouvrage a représenté un important défi traductif. Ce travail vise également à initier les lecteurs italiens à une réalité sociale très différente de celle que nous pouvons rencontrer en Italie : la crise identitaire que ces racailles montrent à travers leur langage.

El objetivo de este trabajo es lo de proponer una traducción de una obra literaria del francés al italiano.

La elección del texto tenía que cumplir al menos una condición lingüística esencial: la presencia de características lingüísticas específicas, típicamente francesas, sin equivalencias en el sistema lingüístico italiano. Por lo tanto, he elegido una novela negra que cuenta la historia de un joven que vive en uno de los barrios más peligrosos de la periferia de Paris, Les anges s’habillenten caillera, del autor RachidSantaki. La riqueza des vocablos en argot (jerga francesa) ha representado un gran desafío. Este trabajo de traducción, pretende también introducir los lectores italianos a una realidad social muy diferente de la que podemos encontrar en Italia : la crisis de identidad que estos jóvenes delincuentes muestran a través del lenguaje.

L’obiettivo del seguente studio è la presentazione di una proposta di traduzione di un testo letterario dal francese all’italiano. La scelta dell’opera da tradurre doveva rispettare almeno una condizione linguistica essenziale: la presenza di specificità linguistiche tipicamente francesi, senza equivalenze in italiano. Per questo motivo, l’opera scelta è un romanzo noir, Les anges s’habillent en caillera, dell’autore Rachid Santaki, che narra le vicende di un giovane che abita in una delle banlieues più pericolose della periferia parigina. L’opera, ricca di vocaboli in argot, è stata una vera sfida traduttiva, da un punto di vista linguistico e culturale. Infine, un’analisi dettagliata del linguaggio, ha permesso d’introdurre i lettori italiani ad una realtà sociale molto diversa da quella che possiamo constatare in Italia: la crisi d’identità di questi racailles (giovani delinquenti) attraverso il linguaggio che utilizzano.

(3)

Index

Introduction ... 1

1. Synopsis et introduction à l’ouvrage ... 4

2. Les critères du choix de l’ouvrage ... 6

I. Présence de variétés de langage ... 6

II. Absence d’une traduction italienne ... 6

III. Un texte littéraire ... 7

IV. Représentation de la société française contemporaine : ... 7

3. Introduction à l’auteur et à ses projets ... 8

4. Analyse de l’œuvre littéraire ... 10

4.1 Analyse des personnages ... 11

4.2 Analyse de la structure ... 16

I. Le point de vue du protagoniste... 18

II. Le point de vue de la presse ... 19

III. Le point de vue de l’auteur ... 20

5. Avant-propos aux spécificités linguistiques ... 20

5.1 Les variations diatopiques ... 21

5.2 Les variations diastratiques... 26

5.3 Les variations diaphasiques ... 30

6. Analyse de la langue ... 31

6.1. Verlan : rappels historiques et analyse du langage ... 33

I. Le domaine de la délinquance ... 38

II. Le domaine de la femme ... 41

III. Le domaine de la cité ... 41

IV. Le domaine des insultes/adjectifs ... 42

6.2 Argot : rappels historiques et analyse du langage ... 44

I. Le domaine de la délinquance ... 60

II. Le domaine de la femme ... 63

III. Le domaine de l’argent ... 64

IV. Termes de provenance étrangère ... 64

7. Rappels théoriques de l’argot ... 67

7.1 Modifications structurelles ... 67

7.3 Modifications de sens ... 74

7.4 Emprunts... 75

8. Rappels théoriques du verlan ... 76

9. Français familier ... 78

10. Méthodologie de traduction ... 87

(4)

10.1 L’altérité dans la culture ... 87

10.2 L’apprentissage de l’altérité culturelle dans le domaine de l’enseignement ... 90

10.3 Les difficultés de la traduction argotique ... 96

10.4 Questions traductives dans Les anges s’habillent en caillera ... 104

Conclusion ... 115

Bibliographie ... 118

Annexes ... 122

(5)

1

Introduction

L’argot est un sociolecte, parlé depuis des centaines d’années en France métropolitaine et en constante évolution. Pourtant, depuis son apparition, remontant approximativement au XVème siècle, seulement un très faible pourcentage de termes a fait son entrée dans les dictionnaires. Les représentants de l’Académie française ont, en effet, été plutôt hostiles à l’acceptation de nouveaux mots appartenant à ce registre, si l’on rappelle que leur mission primordiale a toujours été celle de protéger la langue française des « impuretés ». De ce fait, c’est seulement en 1992, lors de la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française, que nous pouvons constater une première entrée de certains termes argotiques très ancrés dans le système linguistique français.

Nonobstant l’attitude réticente des institutions officielles, plusieurs écrivains dont Queneau, Céline, Péret et tant d’autres, ont choisi la voie du langage argotique dans leurs productions littéraires.

L’argot, ou plutôt les argots, comme l’affirme la célèbre linguiste Denise François, renvoient à des réalités diatopiques et diastratiques proprement françaises, lesquelles, lorsqu’elles sont insérées dans un contexte littéraire, peuvent être assez opaques à un public italien. L’argot est un langage oral, qui a toujours évolué dans le temps, en changeant la morphologie de ses termes ou encore en puisant dans le lexique de plusieurs langues étrangères et qui a été représentatif de plusieurs groupes sociaux. Le langage argotique est donc une langue extrêmement vivante, sociale et culturelle.

Étant donné la spécificité culturelle de ce langage, comment pouvons-nous initier les lecteurs italiens à une littérature riche de ces éléments linguistiques ? Mais surtout, comment pouvons-nous déplacer ces éléments diatopiques et diastratiques dans une autre langue, afin d’avoir le même rendu littéraire ? Mon intérêt pour ces spécificités linguistiques est né durant mes premières années d’études de cette langue. Aucun étudiant débutant ne peut imaginer une si grande différence de registres entre une langue et une autre, spécialement lorsque les deux langues en question ont la même origine latine.

Néanmoins, durant mes premières conversations avec des locuteurs natifs, je me suis rendue compte d’une fréquente utilisation de termes que je n’arrivais pas à déchiffrer, car inexistants dans les dictionnaires. L’initiation à quelques termes d’argot et de verlan m’a ouvert les portes à une langue sous-jacente, non-officielle et non-codifiée, mais aussi importante que le français national. J’ai donc tenté d’introduire les lecteurs italiens à un langage dont ils n’ont pas d’équivalent dans leur langue.

Je me suis ainsi tournée vers ce que le linguiste Jean-Pierre Goudailler appelle le français contemporain des cités, un mélange très vivant de termes argotiques provenant de différentes époques, de mots en verlan, de termes étrangers et d’un nombre incalculable de changements

(6)

2

morphologiques et phonétiques. Il était essentiel, pour moi, de travailler sur un texte littéraire saturé de ces spécificités linguistiques, pour ainsi proposer ma propre vision traductive de celui-ci. Ainsi, l’ouvrage choisi pour atteindre cet objectif a été Les anges s’habillent en caillera, un roman noir écrit par un auteur inconnu du public italien, Rachid Santaki.

Ma proposition de traduction n’aurait pas pu être complète sans une profonde analyse de l’œuvre littéraire. Ainsi, dans un premier temps, j’ai analysé l’ouvrage dans sa totalité, en me penchant sur la structure de la narration, les personnages les plus importants et les points de vue narratifs renvoyant à différents registres de la langue.

Ensuite, mon attention s’est tournée vers les variations diatopiques, diastratiques et diaphasiques auxquelles les spécificités linguistiques faisaient référence. Cette portion de mon étude a permis de présenter, de manière détaillée, la réalité de vie des protagonistes de ce roman noir. Les anges s’habillent en caillera est une parfaite représentation de la vie dans les cités de certaines zones périphériques de l’Hexagone. Il est donc clair qu’une explication sociale, historique et géographique s’impose, car, bien que nous puissions remarquer des similitudes avec certains sobborghi de notre pays, ce roman nous introduit à une composition sociale et géographique toute particulière, qui finalement a peu de points communs avec la société italienne.

Ce chapitre essentiel nous a permis d’effectuer, ensuite, une analyse des spécificités linguistiques présentes dans le texte. Tout d’abord, j’ai divisé ce chapitre sur la base des grands groupes linguistiques que je voulais analyser, et qui auraient représenté le principal défi de traduction : l’argot et le verlan. Dans un premier temps, il m’a semblé indispensable d’ajouter un rappel historique, qui aurait servi pour positionner ces spécificités linguistiques sur un niveau temporel et spatial. Ensuite, j’ai pu regrouper les termes du roman en plusieurs domaines (délinquance, femme, insultes, argent, etc.), pour ainsi montrer leur structure et leur sphère d’utilisation.

Une fois l’analyse du langage achevée, j’ai pu me concentrer sur les rappels théoriques de l’argot et du verlan, ce qui m’a amené à faire une très importante digression sur le registre du français familier, dont la frontière avec les argots est parfois très fine et incertaine.

La dernière partie de cette étude est centrée sur la perception de ce langage de la part d’un public italien, sur le concept très important de culture et enfin sur la méthodologie traductive, ainsi que sur les questions traductives que j’ai rencontrées durant ce processus.

Le but de mon étude a été de montrer aux lecteurs italiens l’immense quantité de différences culturelles, sociales, géographiques et historiques que nous pouvons remarquer entre deux pays pourtant frontaliers. Les anges s’habillent en caillera nous invite à découvrir la vie des jeunes

(7)

3

habitants des quartiers sensibles, qui utilisent ce français contemporain des cités comme une arme contre le reste de la société, dont ils ne se sentent pas partie. La manière dont ils parlent est beaucoup plus qu’un simple jargon : c’est leur pièce d’identité, ou plutôt, de non-identité.

Ces jeunes, pour la plupart descendants d’immigrés africains, ont forgé leur manière de parler, en puisant dans l’histoire de France, mais également dans le passé de leurs vieux pays, dont ils ne connaissent rien ou très peu. Ils se retrouvent dans des sortes de limbes existentiels, n’étant pas totalement Français, ou totalement étrangers. Ainsi, pour détourner le problème, ils continuent à utiliser un code linguistique connu désormais par le grand public, mais parlé régulièrement que par une poignée d’élus.

Mon objectif final a été donc de montrer, à travers une proposition de traduction, une facette sociale et linguistique propre de la France métropolitaine, et surtout de faire comprendre que la traduction n’a pas de limites, et que l’on peut faire glisser même une réalité si spécifique, vers une autre langue.

(8)

4

1. Synopsis et introduction à l’ouvrage

Les anges s’habillent en caillera est un roman noir publié en 2011 par la maison d’édition Moisson Rouge. Il s’inscrit dans la production littéraire de Rachid Santaki, romancier connu pour ses histoires de jeunes qui habitent les cités de la banlieue parisienne. Il s’agit du deuxième roman de l’auteur, créateur d’une véritable saga urbaine, avec d’autres titres comme La petite Cité dans la prairie (Éditions Le bord de l’eau, 2008), Des chiffres et des litres (Éditions Moisson Rouge, 2012) et Flic ou caillera (Éditions Le livre de poche, 2014). La production littéraire de Rachid Santaki est une véritable mosaïque de personnages, qui s’entremêlent à l’intérieur de chaque roman, et qui ont beaucoup d’éléments en commun. Ils sont jeunes, ils habitent des quartiers défavorisés, ils vivent en contact permanent avec trafics, tensions sociales et aléas économiques. La mission de l’auteur est celle de créer une photographie détaillée de la vie dans une cité, afin de montrer la complexité de ce monde.

Ce roman raconte les péripéties d’Ilyès, un jeune Français d’origine marocaine qui habite dans la cité Gaston-Dourdin, au nord-ouest de Saint-Denis. Les habitants de la zone le surnomment le Marseillais, à cause de ses techniques de voleur, apparemment plus efficaces et astucieuses que celles des délinquants du Sud. Il vit dans l’une des immenses tours qui composent l’architecture typique des cités, avec sa mère, son père et ses frères et sœurs.

Il débute dans le monde de la délinquance à ses treize ans, à peu près, vers la fin des années 1990.

Ses premiers butins étaient des sacs à main. Il agissait comme certains de ses congénères : il cassait les vitres des voitures à l’arrêt, il arrachait les sacs, et il partait en courant chez lui. Quelques années plus tard, il décide de changer de domaine et il s’intéresse aux téléphones portables, qui venaient d’être commercialisés au grand public.

Mais le Marseillais est quelqu’un qui se réinvente en continu, et peu de temps après, il s’aperçoit de sa vocation pour les cartes bancaires. Il était capable de repérer le code d’une carte de crédit en quelques secondes et à distance. Il agissait à l’aide de quelques acolytes ou même tout seul, et sa règle d’or était de ne jamais utiliser la violence. Il jouait des personnages face à ses victimes : le trisomique perdu, ou le drogué en manque de sa dose. Une fois la victime distraite, il lui volait la carte sans être vu. Il avait un don, et il avait l’intention de l’utiliser le plus possible.

(9)

5

À ses vingt ans, il a beaucoup d’argent, il sort avec ses amis dans la capitale, il montre sa richesse à travers les vêtements qu’il porte, et pendant les soirées bien arrosées en boîte de nuit. De plus, l’argent qu’il gagne permet à toute sa famille de rentrer au Maroc pendant les vacances d’été. C’est là qu’il rencontre Khadija, une fille française d’origine marocaine, comme lui. Les deux se marient quelques mois plus tard chez lui, dans la cité.

Mais le mariage avec Khadija ne l’empêchera pas de poursuivre son mode de vie déréglé. Il gagne de plus en plus d’argent, et il en cache une partie dans un appartement en dehors de la cité. Il est satisfait de sa vie et de ses trafics, il se sent puissant, et il s’entoure de gens de confiance, comme Hervé, rencontré par le biais d’un ami.

En quelque temps il devient l’un des personnages les plus respectés de Saint-Denis, mais aussi l’un des plus dangereux. Rapidement Stéphane et Michael, deux policiers corrompus de la zone, vont s’apercevoir de ses commerces. À l’aide de quelques petits délinquants de cité, ils vont tout faire pour le piéger et lui prendre tout son argent.

Ce sera finalement Hervé qui le dénoncera aux deux agents, qui n’hésiteront pas à profiter de leur position pour contrôler les trafics. Le Marseillais fini en prison pendant dix-huit mois, période durant laquelle il se purifie et il se rapproche de Dieu, tout en réfléchissant à sa vengeance.

À sa sortie, il a l’intention de rétablir sa suprématie. C’est à ce moment-là que tout bascule dans sa vie. Ilyès, petite « racaille » de quartier de ses débuts, a cessé d’être un simple voleur habile. Il est devenu désormais un assassin.

Le dix décembre 2011 Les anges s’habillent en caillera reçoit le prix Le Parisien dans la catégorie Réussite et accompagnement éducatif, pour avoir « […] donné le goût de la lecture aux jeunes et réconcilié les jeunes des cités avec la lecture et l’écriture ».1

Cette envie de réveiller l’intérêt des jeunes de cité est visible également dans le processus précédant la publication de l’ouvrage. Afin d’annoncer la sortie de son roman et éveiller ainsi la curiosité de son futur public, Rachid Santaki, la veille de la sortie de son polar, avait « […] couvert d’affiches les murs du quartier de la gare de Saint-Denis. Ses affiches clamaient fièrement “désormais le 93 a son premier roman noir” ».2

Il avait donc annoncé la sortie de son livre comme s’il s’agissait d’un album ou d’un évènement musical. De plus, quelques semaines avant la publication de son œuvre, il avait publié sur les réseaux

1 Renvoi au site http://www.leparisien.fr/societe/il-fait-lire-les-cites-11-12-2011-1762866.php

2 Renvoi au site http://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/saint-denis-93200/rachid-santaki-affiche-son-polar- urbain-21-01-2011-1236635.php

(10)

6

sociaux et sur son site officiel rachidsantaki.com, cinq courts-métrages reprenant quelques épisodes de la vie du protagoniste et d’autres personnages du livre.

L’œuvre a été présentée et accueillie comme un évènement social à part entière, comme l’affirme l’auteur lors d’une interview radiophonique pour France Info : « […] les gens de Saint-Denis se sont accaparé ce livre, car ils reconnaissaient les lieux et il y a beaucoup de moments fédérateurs dans l’histoire »3.

2. Les critères du choix de l’ouvrage

Avant d’entamer l’analyse du roman Les anges s’habillent en caillera, il est impératif de justifier le choix de cet ouvrage. On essayera donc de répondre à la question « Pourquoi avoir choisi cette œuvre, et non pas une autre ? ». L’élection de ce roman noir a été finalement faite sur la base de plusieurs critères.

I. Présence de variétés de langage : le point de départ de mon étude est la volonté de travailler sur un ouvrage riche en variétés du langage (formes d’argot, de verlan, d’expressions familières, français contemporain des cités). Sachant que le domaine artistique français et francophone ne manque pas de grands exemples de ce genre, il fallait faire un choix méticuleux.

II. Absence d’une traduction italienne : il était impératif pour moi que l’ouvrage choisi respecte ce critère. Il n’est cependant pas rare de présenter une proposition de traduction d’un ouvrage déjà traduit dans le passé. Néanmoins, il me semblait trop prétentieux de travailler sur une traduction déjà faite, en changeant et donc en critiquant, en quelque sorte, le travail d’un professionnel. Tout d’abord, parce que je suis consciente de ne pas être à la hauteur des grands traducteurs, ensuite, parce qu’avec le temps les techniques de traduction et la manière de percevoir un ouvrage ont changé, comme l’affirme Siri Nergaard dans La teoria della traduzione nella storia : « […] una loro (concetti di traduzione) storicizzazione ci porta a vedere quanto siano relativi, quanto il modo di affrontarli sia cambiato a seconda del contesto

3 Renvoi au site https://www.dailymotion.com/video/xh2pqg

(11)

7

storico, letterario, culturale […] »4. Traduire une œuvre déjà traduite me semblait donc un travail trop simpliste, sachant que j’allais pouvoir profiter de nouvelles techniques de traductions, peaufinées avec le temps par traducteurs et théoriciens de ce domaine.

III. Un texte littéraire : pendant mes recherches, j’ai pu constater que la majeure partie des ouvrages enrichis de variétés de langage appartenaient au domaine musical du rap (exception faite pour la production musicale pop et rock de Renaud), comme les fameux titres de MC Solaar, Suprême NTM, IAM, Lunatic, Oxmo Puccino et d’autres plus récents comme Booba, Kaaris et Vald. Bien que leurs textes aient beaucoup de spécificités de langage et présentent des questions sociales très intéressantes, mon but était de travailler sur un texte plus long. De ce fait, un texte littéraire m’aurait permis d’effectuer une analyse plus riche et minutieuse du texte à traduire. Pour cette raison, j’ai décidé de me pencher sur une œuvre littéraire.

IV. Représentation de la société française contemporaine : en m’éloignant donc du monde musical, j’ai entamé des recherches dans le domaine littéraire, afin de trouver une œuvre non seulement enrichie de variétés de langage, mais aussi qui puisse représenter une partie de la société française contemporaine, dont les éventuels lecteurs italiens ne connaissent pas les codes. Or, si l’on rentre en contact avec certains textes littéraires du siècle dernier à aujourd’hui, on constatera que les auteurs qui utilisent ce genre de spécificités linguistiques privilégient certains thèmes, comme l’explique parfaitement Denise François dans son article La littérature en argot et l’argot dans la littérature :

« Mais il demeure certain que l’argot […] a sa thématique privilégiée, largement lié à des tabous, comme le montrent bien les rubriques des argotologues (Dauzat, Sandry et Carrère, Simonin, Esnault, Giraud…) : le vin, les femmes, le corps et, en particulier, les organes sexuels, le jeu, le vol, le crime, les bagnes et les prisons, les gavroches, les militaires, le Paris du milieu… Ce qui n’est pas sans l’entourer, au reste, du halo de domaines de mauvais aloi […] »5.

Il suffit d’effectuer une simple recherche des derniers romans sortis, pour constater qu’il s’agit d’une affirmation encore d’actualité. Bien que les thèmes restent donc les mêmes, les textes littéraires d’aujourd’hui montrent un changement sur le plan diatopique, diastratique et

4 S. Nergaard, La teoria della traduzione nella storia: testi di Cicerone, San Gerolamo, Bruni, Lutero, Goethe, Von Humboldt, Schleiermacher, Ortega y Gasset, Croce, Benjamin/ a cura di Siri Nergaard (1993), Gruppo Editoriale Fabbri, Bompiani, Sonzogno, Etas S.p.A., Milano (per ragioni di formato, il numero di pagine è stato omesso)

5 D. François, (1975) « La littérature en argot et l’argot dans la littérature », Communication et langage, n°27, pp.5-27

(12)

8

diaphasique, qu’on analysera plus tard dans cette étude. Avec le temps, la langue argotique a changé : si dans les années soixante les jeunes étaient linguistiquement divisés en deux groupes (ceux qui parlaient un français courant et ceux qui utilisaient des arabismes), trente ans plus tard, le verlan et les arabismes se sont répandus chez tous les jeunes, à cause d’une société de plus en plus pluriethnique.6 Tous ces éléments linguistiques, qui ont évolué, se retrouvent surtout dans des lieux spécifiques : les banlieues et les cités.

J’ai donc choisi un roman qui se déroule dans une cité, non seulement pour le défi de la langue, mais également pour introduire les lecteurs italiens à une situation géographique et sociale très différente de ce qu’on peut retrouver dans notre pays. En faisant mes recherches, j’ai découvert Les anges s’habillent en caillera, de Rachid Santaki.

3. Introduction à l’auteur et à ses projets

L’auteur de ce polar est Rachid Santaki, né à Saint-Ouen, dans le département de la Seine-Saint- Denis, en 1973. Il est fils de deux ethnies et deux cultures, car son père est marocain et sa mère française. Il passe les premières années de sa vie au Maroc, ensuite, il rentre en région parisienne pour poursuivre sa scolarité, sans succès. Au collège, il côtoie des congénères de banlieue, des « petites racailles » qui commençaient à commettre leurs premiers délits. Il a une mentalité de cité et il vit en première ligne la crise des banlieues des années 1990, période pendant laquelle il s’instaure une vraie guérilla entre les forces de l’ordre et les habitants de ces zones.

Le premier projet fondamental dans sa carrière est la création du magazine gratuit 5 styles, en 2003.

Le style choisi pour ce projet, et véritable fil rouge de toute sa création artistique, est le hip-hop. Son choix n’a pas été anodin, premièrement, parce qu’il s’agit de la musique avec laquelle il a grandi, deuxièmement, car ce genre musical est l’un des symboles des jeunes des banlieues. Comme la majeure partie des jeunes de sa génération, il avait regardé les premiers clips sur MTV ou sur la chaîne TF1, qu’en 1984 crée l’émission musicale H.I.P.H.O.P, un premier grand pas vers la popularisation de ce genre musical.

Pendant les années 1980 et 1990, la scène hip-hop en France est très prometteuse, avec la naissance de groupes historiques comme NTM, Lunatic, IAM, Mc Solaar et bien d’autres. Ce genre musical

6 D. Delas (2003), « Les parlers jeunes dans deux romans littéraires : d’Azouz Begag à Thierry Jonquet », Le français d’aujourd’hui, n°143, pp.89-96

(13)

9

venu tout droit des USA et illustration d’une portion de la culture noire américaine, devient l’étendard de toute une génération de jeunes qui habitent les quartiers sensibles et qui utilisent les textes des chansons pour forger et enrichir leur langage. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un moyen pour être créatifs avec la langue, mais c’est également une manière de dénoncer le dur quotidien de ces jeunes de cité, comme l’affirme Le Monde dans un article de 2005 :

« Mais, contrairement au rap américain, le rap français a souvent continué de chroniquer la situation sociale des banlieues de ce pays. Deux tendances vont se dégager : d'un côté, des porte-voix — – Disiz la Peste, Kery James, Abd El Malik, Rohff ou les très originaux Saïan Supa Crew — – désireux de dénoncer les injustices autant que de responsabiliser une jeunesse en proie à de violentes dérives ; de l'autre, les tenants d'un rap de rue, surtout soucieux de retranscrire la réalité hardcore de leur quotidien. »7

C’est pour toutes ces raisons que Rachid Santaki a décidé d’utiliser la puissance du hip-hop comme moyen de communication de sa revue. En utilisant donc un code connu et avec lequel les jeunes se sentaient à l’aise, il a pu traiter non seulement de musique, mais aussi d’autres sujets de la société comme la politique, par exemple. Avec ce projet, il a voulu ouvrir une fenêtre sur le monde, pour que les jeunes de cité puissent découvrir ce qui se passe en dehors de chez eux à travers leurs codes.

Tous les numéros de ce magazine présentent un large éventail de sujets. En première ligne, ils traitent la scène musicale rap et hip-hop en France, avec des interviews, des revues de concerts et d’articles à propos de futurs projets musicaux. Mais ils invitent également les lecteurs à s’intéresser au théâtre, à la littérature, à la technologie, aux évènements sociaux et enfin à la vie politique.

Le fondateur de cette revue urbaine laisse toujours sa trace dans l’édito de chaque numéro. Dans 5 Styles # 69, par exemple, on peut constater les intentions de Rachid Santaki vis-à-vis de son projet :

« Un ton actuel, qui signifierai être contemporain, effectif, présent. Actuel, c’est aussi un mensuel papier qui a marqué la presse dans les années 70, un magazine fondé par Jean-François Bizot. Un magazine de société qui s’est penché sur les contre-cultures, qui a intégré de la bande dessinée. Un truc subversif, alternatif, comme l’a été la culture hip-hop dans les années 80. Ouais, c’est bien cette idée : mettre une ambiance, avec une écriture sous forme de récit. (…) on a décidé de prendre un ton Actuel et de vous présenter l’actualité, la société et ce que l’on vit comme une série ». 8

Dans ces quelques lignes, on peut comprendre parfaitement ses intentions. Son projet s’inspire d’un pionnier de la contre-culture et de tout ce qui est alternatif : Jean-François Bizot, fondateur d’Actuel.

Avec ses couleurs vives, ses dessins et photos insolentes, Actuel traitait premièrement de musique

7 Renvoi au site https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2005/11/10/rap-de-france-chronique-de- banlieue_708869_3208.html

8 Renvoi au site https://issuu.com/brut2scan/docs/5styles69

(14)

10

(rock psychédélique, hip-hop, rap et techno), mais aussi de thèmes qui faisaient débat dans la société française de la fin des années 1960, comme le droit à l’avortement, l’homosexualité, l’écologie, la libération de la femme et le racisme.

Rachid Santaki s’est donc inspiré pleinement de la structure de cette revue historique, née en 1967, pour donner vie à son premier projet. Cela nous fait comprendre que certains éléments de la société actuelle peuvent être traités de la même manière, en utilisant les mêmes méthodes. 5 Styles utilise donc une culture musicale et un langage très précis, pour cibler un public circonscrit et espérer faire la différence dans le domaine de l’information. Le projet s’achève en 2010 pour un désir d’entamer la voie de la littérature.

4. Analyse de l’œuvre littéraire

Ce magazine musical est un avant-goût de ce qui va se passer ensuite dans sa production littéraire. La création artistique de Rachid Santaki consiste à utiliser les styles littéraires de manière inédite. Les anges s’habillent en caillera est un exemple parfait d’une incompatibilité apparente entre le contenu et la manière de le raconter. Et c’est d’ailleurs ce qui a intrigué le public. Ce roman n’est pas une simple présentation de la vie de cité et de ses habitants. C’est bien plus que ça. Il s’agit d’un polar, d’un roman noir, qui donne un goût nouveau à ce genre d’histoires. En choisissant de raconter les banlieues chaudes à la manière d’un roman noir, l’auteur a voulu changer l’identité de ces zones. Il s’est ainsi détaché de l’image des cités toujours racontées par les yeux froids et plutôt objectifs de la presse. Le roman noir représente la réalité de la société de manière violente, à travers les yeux de la criminalité et avec une attention toute particulière au paysage urbain dans lequel se déroulent les actions. Tous ces éléments typiques de ce genre littéraire sont parfaitement transportés dans cet ouvrage, ce qui a fait de ce roman, une vraie nouveauté.

Il y a, cependant, une chose à élucider : dans son roman, Rachid Santaki ne veut pas donner une image positive de la cité ou de la population qui y habite. Plus tard, on analysera en effet le langage utilisé, et on constatera que son but a été celui de créer une fresque de la vie dans une cité, avec toutes les histoires, les trafics, les tensions entre habitants et les problèmes avec les forces de l’ordre. Il n’a donc pas du tout voulu améliorer la situation et faire croire aux lecteurs qu’en réalité « tout va bien », mais il a voulu traiter toutes les nuances qui font de la vie de cité, quelque chose que l’on ne peut pas comparer à un autre style de vie.

(15)

11

Rachid Santaki n’est pas seulement l’auteur de ce roman, mais il est aussi le collant, le connecteur qui unit l’histoire à la réalité. Comme nous l’avons déjà rappelé, il a grandi à Saint-Denis dans un quartier défavorisé. En côtoyant des jeunes de son âge qui vivaient dans la même zone, il rentre dans la mentalité de cité. Le fait d’avoir vécu dans un quartier sensible a bien évidemment permis à l’auteur de représenter la vie de tous les jours de manière vraie, crue et de parler avec beaucoup de confiance de toutes ces règles non-écrites qui forgent la vie de ces quartiers.

Le but de l’auteur, comme il le rappelle dans son interview pour France Info (2011) est de donner envie aux jeunes de lire, d’enfin rentrer dans le monde de la littérature. Le meilleur moyen pour y parvenir est de créer quelque chose qui puisse leur parler, quelque chose qu’ils puissent reconnaître.

C’est pour cette raison que Rachid Santaki a choisi de raconter l’histoire d’un personnage mythique de Saint-Denis. Avec la lecture de son roman, il espère également que les jeunes aillent plus loin, et qu’un jour, ils puissent découvrir les grands classiques.

4.1 Analyse des personnages

L’avant-propos du roman va être le point de départ de l’analyse des personnages. Dans cette section précédente l’histoire, l’auteur introduit le protagoniste, Ilyès, dit le Marseillais, et les lieux où se déroulent les actions : Saint-Denis. Ce que l’on apprend est que le Marseillais n’est pas un personnage fictif, mais c’est l’un des voleurs les plus célèbres de toute la ville. L’auteur raconte sa rencontre avec lui, ce qui le positionne en même temps à l’extérieur et à l’intérieur du roman. Il se trouve à l’extérieur de l’histoire, car il raconte certains épisodes à la troisième personne du singulier (notamment les évènements qui touchent les personnages secondaires), mais il est également à l’intérieur des évènements, car il s’y insère, notamment au début de l’histoire, à l’occasion de la rencontre avec le protagoniste.

Rachid Santaki dit avoir rencontré pour la première fois le Marseillais dans un salon de coiffure. Le protagoniste du roman venait de sortir de prison et la première chose qu’il fait, avant même de rentrer chez lui, c’est d’aller se faire couper les cheveux dans un salon très connu de la banlieue. Il rentre et il attend son tour à côté d’autres clients, parmi lesquels, l’auteur du futur polar. C’est là que le Marseillais propose à Rachid de lui raconter son histoire, qui mériterait, selon lui, d’être transcrite.

Ce petit épisode est raconté donc en utilisant deux points de vue différents : le point de vue de l’auteur dans l’Avant-propos, et le point de vue du protagoniste dans l’Intro.

(16)

12

« Je préparais la sortie de mon premier livre, La petite Cité dans la prairie, quand mon meilleur ami m’a présenté Ilyès. Je l’ai croisé chez le coiffeur, le matin de sa sortie de prison ». (Avant-propos du roman, avec le point de vue de l’auteur).9

« Mon premier réflexe, avant même de rentrer à la maison, est de me rendre chez le coiffeur. […] Y a déjà deux gars qui attendent pour une coupe à huit balles. Ces crevards viennent tôt car, la journée, les cinq sièges en face des grands miroirs sont occupés ». (Intro du roman, avec le point de vue du protagoniste).10

Il est très important de comprendre que Rachid Santaki n’a pas seulement rempli le rôle d’écrivain dans ce projet. Son travail a été plutôt celui d’un chercheur. Comme il l’explique toujours dans l’Avant-propos, il a rencontré Ilyès à plusieurs reprises afin de retranscrire ses histoires et anecdotes.

De plus, il se renseignait toujours sur la véracité de ses histoires, et il ajoutait des éléments fictifs à ces transcriptions. On peut donc affirmer que, pendant les premiers mois de ce projet, il a fait un travail d’ethnologue, qui étudie un peuple (ou un individu dans ce cas) en recueillant des informations sur le terrain, à l’aide d’un informateur.

En tant que lecteurs, on suit de près les évolutions de ce personnage dans le temps. On est introduit à son histoire depuis qu’il a 13 ans, moment où plutôt par paresse que pour autre chose, il commence à commettre ses premiers crimes. Ses narrations sont toujours transcrites à la première personne, ce qui donne la sensation d’avoir le Marseillais devant soi, en train de raconter son passé. C’est d’ailleurs sûrement l’effet que l’auteur voulait donner à ces passages. Ilyès ne parle pas seulement à la première personne pour raconter son histoire. Afin de donner encore plus la sensation de participation directe du lecteur aux faits, l’écrivain indique également en première personne les dialogues entre le protagoniste et les autres habitants de la cité.

Il utilise un mélange de verlan, argot, d’arabismes et de français contemporain des cités (à analyser dans la deuxième partie de cette étude). Toutes ces variétés de langage ont été transcrites par l’auteur pour montrer l’authenticité du récit. De cette façon, on a l’impression d’entendre parler quelqu’un qui est né et grandi dans une cité.

Il est important d’ajouter également un autre élément essentiel de la narration du protagoniste : le rythme. Ilyès effectue beaucoup de changements dans le rythme de sa narration, ce qui, encore une fois, rend le récit très naturel. La majorité de ses phrases sont courtes, alors que les plus longues sont cadencées par beaucoup de virgules. Voici un exemple de la narration du protagoniste dans l’Intro.

9 R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris, p.11

10 R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris pp. 20-21

(17)

13

Dans ces quelques lignes le Marseillais raconte le moment où il cesse d’être un voleur de téléphones portables, et il se lance dans le domaine des cartes de crédit :

« Le groupe traquait devant la tirette. Les codes vus et retenus, on arrachait les sacs à main. Le risque était le même que pour le téléphone, alors pourquoi hésiter ? Les bandes de voleurs s’attroupaient, la crème de Saint-Denis se réunissait sur cette place. L’équipe qu’on formait n’allait jamais à la violence gratuite. Le mot d’ordre : courir vite, très vite, toujours plus vite que sa victime et que les flics. Seule la fuite paye ! »11

Comme on peut le constater, la narration est scandée par beaucoup de pauses, ce qui donne non seulement une sensation d’authenticité, mais également de tension de l’action. De plus, pendant ses récits, il utilise des temps verbaux simples : le présent, l’imparfait et le passé composé. Voici un autre exemple où apparaissent les temps verbaux utilisés par le protagoniste. Dans cet extrait, le Marseillais est sur le point de voler une carte bancaire. Il utilise le présent et un rythme très rapide pour montrer les moments de tension qui précèdent l’action :

« Sans conviction, je la regarde sortir sa CB. Vu sa dégaine, elle doit avoir une Cléo et encore…Je souris…Mais j’hallucine ! Je suis choqué ! Elle tient dans sa main une Black Card ! Je rêve ! Cette clocharde a une Black ? Elle compose son code que je retiens. Qu’est-ce qu’une personne aussi rincée fait avec ça ? Je vais la fumer, c’est mort pour elle ! Je range mes courses. Elle sort du supermarché et entre dans une pharmacie.

Je ma cache derrière un arrêt de bus. J’ai la fièvre. Après quelques minuties qui me semblent une éternité, elle quitte enfin la pharmacie. Je réfléchis à la façon dont je vais lui prendre la carte. Je vais lui arracher, tant pis ! Non, je ne peux pas, je dois mettre en place une diversion, la pression m’étouffe, j’ai envie de lui crocheter son sac ».12

Le Marseillais raconte tous les évènements de sa vie tumultueuse : il parle de ses vols, des rencontres avec ses amis et partenaires, des commerces dans la cité, des problèmes avec la police. Ce rythme si frénétique, la vulgarité et la violence de ses mots, donnent l’impression aux lecteurs d’accompagner ce délinquant jour pour jour.

Mais le Marseillais ne pense pas uniquement à s’enrichir. De temps à autre, ce rythme très rapide s’arrête, ou du moins décélère un peu. C’est ce qui se passe quand le protagoniste réfléchi à sa vie et à ses actions. Dans la partie introductive par exemple, Ilyès sort de prison et après avoir rencontré ses amis et son cousin, il rentre enfin chez lui pour rester un peu avec sa famille. À ce moment-là le, rythme rapide des premières pages s’arrête. Dès qu’il rentre à la maison, sa mère le prend dans ses bras, et le rythme de la narration prend une pause. C’est comme si au moment de revoir sa mère, de rentrer enfin chez lui, il s’était coupé de ses problèmes et des tensions de la cité. Géographiquement

11R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris p.41

12 R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris pp.78-79

(18)

14

il est encore dans la cité parce qu’il y vit, mais quand il rentre dans son appartement, dans l’une des tours de la cité, c’est comme s’il y avait une coupure avec le monde extérieur, comme si d’un coup il rentrait dans une bulle, ou comme s’il retournait presque dans le ventre de sa mère.

La description du câlin de sa mère, de la rencontre avec ses frères et sœurs, le bon repas avec tout le monde autour de la table et son moment de relax, assis sur le canapé du salon : toutes ces actions sont racontées calmement, presque comme si le protagoniste retournait à être un enfant, sans problèmes.

Voici un extrait de ce passage, afin de pouvoir comprendre la différence par rapport aux extraits précédents :

« La porte s’ouvre, ma mère porte une djellaba et un foulard. Elle me prend et me serre dans ses bras.

Les larmes coulent sur mes joues. Le silence et le poids de sa peine sont bien plus lourds que les haltères que j’ai soulevés au pénitencier. Elle qui m’a donné la vie, qui s’est battue pour m’éduquer e qui m’a toujours protégé. Mes sœurs et mon frère cadet, témoins de ce poignant moment, viennent m’embrasser ».13

Ce rythme si calme est présent également dans une autre scène importante : le mariage entre Ilyès et Khadija. Il s’agit d’un passage du premier chapitre. Le protagoniste est chez lui, avec ses proches et quelques amis, en train de célébrer l’union avec sa future femme. La scène est racontée à la première personne par le protagoniste, et dans ce cas également, c’est comme si le rythme devenait moins rapide, comme si le protagoniste vivait un moment de tranquillité presque spirituelle. Il raconte tranquillement et avec beaucoup de méticulosité tout ce qui se passe chez lui pendant le mariage. La table pleine de bonne nourriture, la famille autour de lui, les chants avec l’Imam, les prières, les conversations tranquilles entre invités.

Pour terminer l’analyse du personnage principal, l’on se doit de commenter un élément très intéressant : la présence d’une sorte de déontologie du voleur. À plusieurs reprises, on constate que le Marseillais, bien qu’un voleur très doué, avait décidé depuis le début de sa « carrière » de respecter une règle : ne jamais utiliser la violence. Cet élément n’est pas inventé, il s’agit d’une information véridique. Dans un passage de la Première Partie, Ilyès raconte de sa rencontre avec un autre voleur : Manuel, alias Many. Ce personnage (que l’on ne peut pas vérifier son existence) était célèbre pour utiliser toute sorte de violence durant ses vols :

« À Saint-Denis on volait avec ruse, lui volait avec violence : tous les coups étaient permis. Si sa victime ne lâchait pas son sac, il cognait avec les poings. Si elle résistait aux patates, il la piétinait avec la semelle de sa

13 R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris p.24

(19)

15

chaussure. Si elle ne comprenait toujours pas, il balançait des coups de coude. Many me formait, mais il faisait des sales trucs ».14

Cependant, pour l’auteur a été parfois compliqué de ne pas faire passer son projet comme une sorte de « manuel du parfait voleur », comme il l’avoue dans une interview pour France Info (2011).

L’auteur raconte avec une certaine préoccupation que quelques jeunes de Saint-Denis pensaient qu’il s’agissait d’un mode d’emploi du voleur, d’un petit livre pour apprendre les meilleures techniques pour être le parfait délinquant. En réalité, son but n’était pas de faire l’apologie du voleur ou de créer un modèle à suivre pour tous les jeunes qui lisent. Rachid Santaki avait tout simplement entamé son projet en partant d’un personnage célèbre et mythique de Saint-Denis, pour ensuite montrer la ville avec la perspective, même si un peu déformée, de ceux qui y habitent.

Un autre personnage central est la ville de Saint-Denis. En effet, il ne s’agit pas d’un simple décor à l’intérieur duquel se déroule l’histoire du Marseillais. Tout au long du roman, la ville se dévoile petit à petit aux yeux du lecteur. L’auteur et le protagoniste nous présentent les places, le marché aux fruits et légumes, la ligne du métro, le centre commercial, les différentes cités avec leur architecture, les grands immeubles, les aires de jeux pour les enfants. L’illustration de ces lieux n’est absolument pas anodine, car, comme l’affirme Rachid Santaki dans son interview pour France Info (2011), les jeunes lecteurs de Saint-Denis reconnaissaient tous les lieux, et cela les a poussés à poursuivre la lecture.

Saint-Denis est même plus qu’un personnage : c’est la raison même pour laquelle les jeunes des cités se sont tant intéressés à ce polar.

Le reste des personnages forment un ensemble assez chaotique, qui parfois le lecteur a du mal à cerner. En effet, depuis les premières pages du roman, le lecteur comprend et encadre tout de suite le personnage principal et son mode de vie, et il suit son parcours sans trop de problèmes de compréhension. Cependant, ce n’est pas le cas pour les autres personnages qui entourent le Marseillais. En effet, depuis le début, l’auteur et le protagoniste nous introduisent à certains personnages : certains vivent dans le même quartier qu’Ilyès, ce sont des amis ou des gens de confiance, d’autres, comme les policiers corrompus, n’habitent pas dans la même zone, mais ils vivent la réalité de la cité tous les jours.

Le lecteur met un peu de temps avant de s’habituer et d’identifier tous les personnages qui orbitent autour du Marseillais. Et cela est fait bien évidemment exprès. L’auteur a choisi d’introduire les autres personnages de manière pas très claire, en donnant ainsi l’impression au lecteur de ne pas vraiment

14 R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris p.49

(20)

16

comprendre ou suivre toutes les affaires entre le protagoniste et les gens autour de lui. Et cela crée une sensation de confusion, qui est parfaite pour représenter la vie déréglée du protagoniste.

Parfois, on a l’impression d’être un peu ballotté quand un groupe de personnages secondaires rentrent en scène, parce qu’on n’arrive pas à les identifier tout de suite, ou parfois pas du tout. Parfois, le protagoniste mentionne « les gars », « la famille » « les mecs », donc souvent, on ne comprend même pas de qu’il s’agit.

Ainsi, c’est comme si on était des observateurs, qui ne restent pas à l’écart. Au contraire, on se sent catapultés du jour au lendemain dans un environnement qu’on ne connaît pas, et à cause de cela, on a la sensation d’être perdu.

Cette analyse nous porte à constater que le roman instaure un dialogue dynamique et triangulaire entre 3 personnages : L’auteur-ethnologue, Ilyès-l’informateur, et le lecteur-observateur. Pour reprendre la réflexion faite auparavant, il s’agit d’un rapport presque ethnologique, c’est comme si on était en train de découvrir et analyser une communauté jusqu’à ce moment-là peu connue, avec son organisation sociale, économique, son langage, sa vision du monde, sa culture, ses coutumes. La lecture de ce roman est presque une expérience anthropologique, car il s’agit d’une vraie découverte.

4.2 Analyse de la structure

Premièrement, l’on se doit de mentionner l’importance de la Préface du roman, écrite par le rappeur très célèbre Oxmo Puccino. C’est l’un des piliers du rap français, il est non seulement chanteur, mais également compositeur de tous ses textes. Sa manière d’écrire, pleine de métaphores et de clins d’œil à la chanson française lui a valu le surnom de Black Jacques Brel, et depuis les années 1990, son amour pour les mots lui permet de montrer la culture du 19ème arrondissement de Paris à la France entière. Pour coroner ces succès musicaux et son talent, le lundi 2 mars 2020, il a été décoré Officier de l'Ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture, un titre très prestigieux qui montre la reconnaissance de son apport artistique à la France.15

Dans cette section, il raconte de sa rencontre avec l’auteur du roman. Les deux avaient établi un premier contact lors du lancement du projet du magazine 5Styles, par Rachid Santaki. Ils s’étaient

15 Renvoi au site http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/le-rappeur-oxmo-puccino-decore-officier-de-l-ordre-des-arts- et-des-lettres-03-03-2020-8271366.php

(21)

17

donc rapprochés grâce à leur passion pour la culture hip-hop. Ensuite, ils avaient pu constater d’avoir une autre occupation en commun : la boxe. Ils s’étaient croisés lors des combats de boxe organisés dans la banlieue parisienne. Et ce sport est justement le point de départ de la réflexion d’Oxmo Puccino. La boxe est historiquement inclusive, ce qui signifie qu’on peut rencontrer n’importe quelle personne pendant un combat. Dans sa vie, il raconte avoir rencontré toutes les couches sociales autour d’un ring, ce qui lui a permis de rentrer en contact avec des jeunes délinquants, et de les observer.

« J’en ai rencontrés des Marseillais, ces soldats sans armée, ces mercenaires de la reconnaissance totale, enveloppés d’une ténacité dont les sources s’enracinent depuis quelques générations. Très jeunes, ils se sont juré d’abolir de leur existence les affres de la pauvreté et ce, par tous les moyens nécessaires. La raison première de l’engagement dans des activités illégales est l’acquisition rapide de capitaux conséquents. C’est aussi une question d’urgence puis d’honneur. Tous ceux qui ont connu le gout du danger ont bien retenu qu’au fond ce n’est pas rentable, mais comme dans tout métier il est très difficile de changer de branche ! »16

Oxmo décide ainsi de donner un avant-goût de ce que le lecteur lira dans le roman. Dans ces quelques lignes, il montre la complexité des existences de tous ces jeunes qui ont choisi la voie de la délinquance. Il nous fait comprendre que ces choix de vie ne dépendent pas uniquement de leur libre arbitre. Ainsi, il introduit ces jeunes au lecteur, en lui faisant prendre du recul, et il invite gentiment le public à ne pas juger trop vite ces personnages.

En quelque sorte, cette préface agit un peu comme une clé de lecture pour le public initié à ce monde.

Si on veut inscrire ces pages dans une optique anthropologique, comme on l’a déjà fait auparavant, Oxmo nous avertit de ne pas juger une communauté inconnue de manière ethnocentrique. Il ne faut pas utiliser nos schémas culturels et notre propre vision du monde pour comprendre les autres. Ce que l’on doit faire en tant que lecteurs-observateurs est d’abandonner nos idées préconçues et de se mettre dans le bain.

Outre cette analyse de la Préface, le roman est composé de cinq parties, une introduction et quatre chapitres, que j’ai décidé de grouper sur la base des différents points de vue narratifs qu’on retrouve dans le roman :

16 R. Santaki (2011), Les anges s’habillent en caillera, Editions Moisson Rouge, Paris p.8

(22)

18 I. Le point de vue du protagoniste

L’introduction commence in medias res, c’est-à-dire au milieu de l’action. Le lecteur est placé au milieu des évènements sans avoir été introduit aux personnages ou aux lieux. Dans cette section, le protagoniste nous raconte les moments qui suivent sa sortie de prison. L’entièreté de cette partie est racontée en première personne et au présent. C’est comme si l’auteur accompagnait le lecteur dans un voyage à la découverte d’un monde avec lequel il n’avait jamais eu de contact. Dans cette introduction, il est important de noter le premier de trois points de vue narratifs. Cette perspective narrative est présente également dans le premier chapitre et de façon alternée dans les deuxième et troisième. Il s’agit d’une narration personnelle, riche en variétés de langage, qui représentent pleinement la vie et l’organisation de la cité. Cette première narration est crue et sans filtres.

Ce point de vue narratif nous montre que l’auteur a transcrit l’histoire racontée par le Marseillais.

Ainsi, comme on l’a déjà indiqué auparavant, on pourrait faire une comparaison entre l’auteur et un ethnologue qui fait des recherches sur le terrain. Mais pourquoi cette analogie ?

Pendant son processus, le chercheur doit noter ses expériences vécues dans la communauté, mais également les histoires des gens. En anthropologie, l’un des buts principaux de la recherche sur le terrain est celui d’écouter la voix des peuples ou des communautés étudiées. Il s’agit en effet d’un élément très important d’un point de vue de la reconstruction de l’histoire. L’ethnologue essaye toujours de dialoguer le plus possible avec les autochtones, peu importe le sexe, l’âge ou leur position dans le système social.

L’acte de raconter une histoire (personnelle ou communautaire) est essentielle, et c’est peut-être la partie la plus importante d’une étude ethnologique, car à travers un récit, il s’entame un processus de reconstruction de l’histoire et de réappropriation de l’identité. C’est ce que l’on voit chez les peuples colonisés dans le passé, par exemple, car, en linguistique, une langue qui est codifiée et écrite, est une langue de pouvoir, et donc c’est la langue qui a plus de « voix ».

Ici Ilyès, personne qui habite dans une cité, qui raconte son histoire et le fonctionnement de sa communauté, a le même objectif : se réapproprier de sa vie, de la vie de la communauté, de son histoire et donc, de sa dignité.

Cette importance presque ethnologique du récit de communauté est d’autant plus évidente quand on se rend compte que l’auteur a inséré également le point de vue de cette « la langue du pouvoir ».

(23)

19 II. Le point de vue de la presse

Dans tous les quatre chapitres qui composent le roman, on retrouve, de temps en temps, des articles de journaux qui introduisent le lecteur au deuxième point de vue de la narration. Il s’agit d’extraits d’articles de journaux comme Le Figaro, 20 Minutes et Le Parisien qui présentent la situation de délinquance de certaines zones de la banlieue parisienne avec un ton plus ou moins objectif. La présence de ce point de vue politique montre à quel point, parfois, la culture « dominante » dévoile seulement quelques facettes de la réalité. Prenons par exemple le premier article cité dans le roman (dont l’auteur tient à clarifier l’authenticité) :

« En quinze ans, la situation dans les cités s’est encore détériorée. Sur les cinquante circonscriptions de police de France les plus exposées aux agressions, trente-sept se trouvent en Île-de-France. La Seine-Saint-Denis rafle les sept premières places du classement des villes les plus violentes. On dénombre à Saint-Denis près de dix agressions par jour, deux fois plus que partout ailleurs en banlieue parisienne ».17

Dans cet extrait, l’on constate la situation dégradante de la ville de Saint-Denis, en se basant sur des statistiques. Cependant, à part le fait de montrer la gravité de la situation, le lecteur lit uniquement le point de vue des autorités, sans aller plus loin et en découvrant la réalité à travers le récit des habitants de ces zones. Il s’agit donc d’un parfait exemple de la voix autoritaire de la presse, qui parfois montre la réalité de manière un peu trop simpliste. Il se peut que l’auteur ait inséré le point de vue de la presse pour élargir les horizons de ces jeunes lecteurs de banlieue.

Comme on a déjà rappelé, lors de son interview pou France Info, Rachid Santaki nous a dévoilé le but principal de la publication de son roman : faire lire les jeunes des quartiers sensibles. En proposant des thèmes et un environnement dont ils connaissent les codes, il espère ainsi leur donner envie de lire. En ajoutant donc le point de vue de la presse, très probablement, il veut faire comprendre à ses jeunes lecteurs, la perception que les externes ont de ces zones.

17 Renvoi au site https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/06/24/01016-20080624ARTFIG00276-l-le-de-france- concentre-les-deux-tiers-des-points-noirs.php

(24)

20 III. Le point de vue de l’auteur

Le troisième point de vue est celui de l’auteur, qui parle à la troisième personne pour raconter l’histoire des personnages qui orbitent autour du Marseillais. Ce dernier point de vue est présent entièrement dans le quatrième chapitre, et alterné dans le deuxième et troisième. Il est intéressant de noter que l’auteur a choisi de laisser la parole au protagoniste quand il s’agit de parler de son histoire et de son parcours. C’est comme si ce choix représentait le respect pour ce personnage et pour l’authenticité de son histoire.

L’auteur raconte uniquement les péripéties des policiers corrompus et de quelques délinquants qui ont des commerces avec le protagoniste. Le langage de l’auteur est standard par rapport à la manière de parler du protagoniste, avec seulement quelques mots en argot. Ce choix de narration est sûrement fait pour créer une coupure assez nette entre le récit du protagoniste, et les autres personnages qu’en fin de compte, on ne connaît pas beaucoup.

En effet, on peut affirmer que le lecteur arrive à connaîtrede près seulement le protagoniste, car pendant sa narration, il laisse transparaître ses pensées, ses regrets vis-à-vis de la famille et ses préoccupations par rapport à ses trafics.

L’auteur introduit deux personnages à travers la troisième personne : Stéphane et Michael. Il s’agit de deux policiers corrompus qui profitent de leur puissance pour contrôler les trafics.

5. Avant-propos aux spécificités linguistiques

Comme il a été anticipé dans les paragraphes précédents, afin de comprendre toutes les spécificités linguistiques du roman, qui ont été le cœur de mon travail de traduction, il est nécessaire, tout d’abord, d’assimiler les éléments diatopiques, diastratiques et diaphasiques qui entourent ce langage, que l’on va appeler français contemporain des cités (FCC), pour rappeler la définition du linguiste Jean-Pierre Goudailler.

Premièrement, ces éléments, mieux connus en linguistique sous le nom de variations, représentent les différentes relations que la langue, ou mieux le locuteur, a avec l’extérieur. Comme l’affirme Françoise Gadet : « C’est ainsi que les variétés peuvent être qualifiées à travers des paramètres relevant de l’espace et du temps, mais aussi de la diversité socio-culturelle des locuteurs, de leurs activités et de leurs interactions langagières ». On le sait déjà depuis longtemps : la langue n’est pas

(25)

21

homogène, et chacun d’entre nous la manie de façon très personnelle, y compris les locuteurs qui font partie du même groupe social. C’est pour cette raison, que pour rentrer en contact et comprendre la langue de cet ouvrage, il faudra parcourir ces variations externes.

Il faut, cependant, remarquer qu’il est difficile de présenter ces éléments contextuels en compartiments étanches, car ils sont strictement liés les uns avec les autres. Cependant, pour des raisons de clarté, j’essaierai de les exposer en catégories.

5.1 Les variations diatopiques

Jusqu’à présent, on a dit à plusieurs reprises que le roman se déroule dans la banlieue Nord-Est de Paris, précisément dans certaines cités de cette zone. Mais qu’est-ce qu’une banlieue pour les lecteurs italiens ? Et qu’est-ce qu’une cité ? Les traductions les plus évidentes de banlieue en italien sont periferia, sobborgo ou encore zona residenziale. Néanmoins, aucune de ces trois propositions renvoie aux caractéristiques de l’urbanisation française, qui est très différente de la structure des villes en Italie. Bien évidemment, cela dépend de l’histoire des deux pays. Commençons donc par l’histoire urbaine de France, en soulignant surtout l’architecture qui se développe autour de la Capitale.

Tout d’abord, le mot banlieue ne doit pas seulement faire référence aux quartiers sensibles, car en réalité, à partir de la moitié du XIXème, les zones en dehors de Paris ont été occupées par deux classes sociales très différentes. Pour simplifier, on rappellera qu’une partie de la périphérie a été occupée par les riches familles parisiennes, qui s’installaient dans leurs résidences secondaires, ou qui déménageaient pour s’éloigner du chaos de la ville. La zone la plus prisée est le Sud-Ouest de la Capitale, zone très calme et entourée de beaucoup de verdure.

La deuxième couche sociale, qui commence petit à petit à s’installer dans les zones limitrophes, est celle des ouvriers. Vers la fin du XIXème siècle, l’essor industriel pousse beaucoup d’usines à bâtir leurs locaux en dehors de la ville, premièrement parce que le coût était beaucoup moins important, et également à cause des grands espaces disponibles. À ce propos Jean-Marc Stébé rappelle que :

« Cependant, à partir des années 1860, commence à se dessiner une partition sociale de la banlieue parisienne, mais sous une forme différente de celle qu’elle prendra par la suite. En effet, les différents secteurs géographiques ne présentent pas encore les contrastes prononcés observables au XXe siècle. À l’époque, il

(26)

22

s’agit plutôt d’alternances, à l’est comme à l’ouest, au sud comme au nord, de communes bourgeoises et de communes populaires ».18

Il est donc important de comprendre que, si dans le passé les périphéries de la ville pouvaient être occupées si bien par les bourgeois que par les classes populaires, avec le temps, chaque zone est devenue représentative de groupes sociaux précis. Aujourd’hui, il existe des quartiers uniquement populaires, et d’autres uniquement aisés : il y a donc une grande différence géographique entre les différentes couches sociales. Et c’est exactement cela qu’il faut retenir en tant que réflexion diatopique : les variétés langagières qu’on retrouve dans le roman, renvoient à des locuteurs de quartiers populaires, qui ne se mélangent jamais avec des parlants d’autres zones périphériques ou non.

Au début du XXème siècle, des plus en plus d’ouvriers vont s’installer dans les zones limitrophes aux usines. Cette importante vague cause la formation de ce que les historiens appellent la zone : une ceinture de terre qui se trouve entre le périmètre de Paris et les quartiers périphériques. On rappelle que cet anneau de terre n’était pas consacré à la construction, ce qui a emmené les ouvriers les plus pauvres, y compris une grande partie d’immigrés, à s’y installer de manière illégale. Ce processus, qui a duré les premières décennies du XXème siècle, est l’un des épisodes fondateurs de préjudices à l’égard de la banlieue parisienne. Un grand nombre de Parisiens ont développé un avis négatif de toute la périphérie, et cela était plutôt compréhensible, si l’on constate que la zone était la première partie périphérique qu’ils voyaient. À partir de ce moment-là, les avis généraux à propos des banlieues ont persisté, et c’est pour cette raison que ce terme a développé une connotation négative avec le temps.

Pour simplifier les étapes de ce long développement urbain hors centre-ville, on établira le début de la préoccupation politique à la question du logement, vers 1925. En effet, jusqu’à ce moment-là, le monde politique français ne s’était pas soucié de la situation, parfois très précaire, dans laquelle vivait une partie de la population. Et cela à cause de la vision libériste qu’il avait, et qui était centrée sur l’idée que l’homme était une puissance autonome qui n’avait pas besoin de se faire aider par l’état. Avec la fin de la Première Guerre, on constate un changement de pouvoir politique. En effet, les partis du mouvement ouvrier et le Parti Communiste, commencent à avoir beaucoup de succès, car ils sont les premiers à essayer de gérer la question de ce qu’on appelle désormais le logement social. Ces forces politiques développent les premiers plans urbains pour tenter de sortir des milliers d’ouvriers des lieux insalubres où ils logent.

18 J-M. Stébé (2010), La crise des banlieues, Presse universitaire de France, Paris, p. 15

Riferimenti

Documenti correlati

famiglie e della comunità al processo di tutela della salute in tutte le fasi della vita (FNOPI, 2019; Tavolo tecnico scientifico della professione infermieristica in relazione

Methods: In a double masked prospective randomized clinical study, endothelial cell count of patients undergoing cataract surgery (controls) or cataract and Hydrus stent

The theory of linear perturbation outlined in the previous sections is able to describe the evolution of density and metric perturbations on large scales and in the early phases of

Il provvedimento adottato è depositato presso l’amministrazione competente per sessanta giorni dalla data di pubblicazione del relativo avviso sul Bollettino

Nel corso delle ricerche sul genere Amaranthus in Italia (condotte da D. Iamonico), tese a chiarire gli aspetti sistematici, tassonomici e distribu- tivi di questo difficile

Il potere cittadino originario è nelle mani di un gruppo di persone alleate tra loro e che combattono a cavallo: milites (chiamati anche grandi i magnati), a questi si

After some attempts, they observe that the area of the rectangle is twice the area of the rhombus; first they observe this property in the numerical register, since

This paper presents a novel numerical model, based on the finite element (FE) method, for the simulation of a welding process aimed to make a two- pass V-groove butt joint,