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Centro sociale A.09 n.47-48. Problemi attuali di sviluppo comunitario

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Academic year: 2021

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(1)

Centro

Sociale

n. 47-48, 1962

P r o b le m i a ttu a li

di sv ilu p p o

j

co m u n itario

(2)

Centro Sociale

inchieste sociali

servizio sociale di gruppo educazione degli adulti sviluppo della com unità a. IX - 47-48, 1962 - un fascicolo L. 400 - un fascicolo doppio L. 650 abb. a 6 numeri L. 2.200 - estero L. 4.000 - spedi?, in abbonamento postale gruppo IV - c.c. postale n. 1/20100 - Direzione Redazione Amministrazione: piazza Cavalieri di Malta, 2 - Roma - tei. 573.455 Periodico bimestrale redatto a cura del Centro di Educazione Profes­ sionale per Assistenti Sociali. Comitato di direzione: Achille Ardigò, Vanna Casara, Giorgio Molino, Ludovico Quaroni, Giovanni Spagnolli, Paolo Volponi, Angela Zucconi. Direttore responsabile: Anna Maria Levi.

Edizione internazionale

esce due volte all’anno a cura di Albert Meister e sotto gli auspici della

International Federation o f Settlements and N eighbourhood Centres. Al­ l’estero la rivista è diffusa sotto il titolo di International Review o f Community Development.

Comitato di direzione dell’edizione internazionale

G. Balandier, Sorbonne, Ecole des Hautes Etudes, Paris. - W. Baker, University of Saskatchewan. - R. Bauer, Società Umanitaria, Milano. -

R. Berrurier, Association des Maires de France. - R. Clémens, Istitut de Sociologie, Université de Liège. - E . Clunies-Ross, Community Deve­ lopment Clearing House, London University - H. Desroche, Sorbonne, Ecole des Hautes Etudes, Paris. - J. Dumazedier, Centre National de la Recherche Scientifique, Paris. - A . Dunham, University of Michigan. -

M . Kelber, Verband Deutscher Nachbarschaftsheime. - O. Krabbe, Dansk Seulement Samvirke, Copenhagen. - E . Lopes Cardozo, Université d’U- trecht. - C. Louwerse, School of Social Work, Driebergen. - J. McDowell, Boston University. - M . Margot Noblemaire, Fédération Française des Centres Sociaux, Paris. - M . Meirelles, Serviço Social do Comercio, Rio de Janeiro. - F . S. Milligan, National Federation of Community Asso­ ciations, London. - L. M iniclier, International Coopération Administra­ tion, Washington. - R. Nisbet, University of California. - C. Pellizzi, Università di Firenze. - E. Pusic, Université de Zagreb. - J. C. Ram- chandani, Development Commissioner, Delhi State Government. - P. Rock, Ministère de Instruction Publique, Bruxelles. - B. Rodgers, University of Manchester. - M . G. Ross, University of Toronto. - H. Schelsky, Universität, Hamburg. - M . Smith, London Council of Social Service. -

J. Spencer, University of Bristol. - P. Volponi, Rivista « Centro Sociale », Roma. - E . de Vries, Institute of Social Studies, The Hague. - A . Zucconi, CEPAS, Roma.

Manoscritti, pubblicazioni per recensione, notizie riguardanti l’edizione internazionale devono essere indirizzati al Direttore, piazza Cavalieri di Malta, 2 - Roma.

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Current Problems in Community Development

Nr. 10 11,62

CO N TENTS SOMMAIRE IN D IC E

H. DESROCHE Animation coopérative et plan de développe­

ment r u r a l ... 3

E. de VRIES Le strutture sociali r u r a l i ... 25

R. DUMONT Le projet de développement communautaire

en I n d e ... 33 G. HUIZER Some Community Development Problems in

Partinico, Western S i c i l y ... 47

R. ROCHEFORT Réflexions à propos du partage des terres en

S i c i l e ... 57

W . E. STYLER Workers’ Education and Community in the

S u d a n ... 57

G. J. BRETONÊS Expériences de développement communau­

taire en H a ï t i ... 75

G. LE FLOCH L a scelta delle strutture in un programma

di sviluppo di co m u n ità... 89

M. DOMERGUE L a formazione dei q u a d r i ... 93

J. DREYFUS Groupes nouveaux d’habitation en France. 97

P. COLLISON The Community Association Movement in

England - Some Statistical Perspectives . 113

J. LUCENA DANTAS I problemi sociali dell’urbanizzazione nel-TAmerica L a t i n a ... 119

H. DARIN-DRABKIN L es quartiers de taudis en Israël . . . . 131

D. CLAESSENS Problemi di urbanizzazione nelle città satel­

liti ... 139

N. ANDERSON Rethinking Our Ideas about Community . 143

W . J. HAYES The Problem of Community Intelligence . 153

F. C. SWEZEY and American Origins of Community

Deve-J. Deve-J. HONIGMANN lo p m e n t ...155

J. DUMAZEDIER et Associations volontaires et de loisir - E ssai

CL. GUINCHAT bibliograph iq ue...177 International Review of Community D eve­ lopment - 1958-1962. N . 1 - 1 0 ... 199

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Animation coopérative et plan de développement rural *

I - In t r o d u c t io n - Le s d i l e m m e s

Les structures coopératives constituent une base sérieuse, presque émi­ nente, de toute opération d’envergure de développement communautaire. Je partirai donc de la structure coopérative pour postuler la nécessité d’une certaine animation spécifique, ceci étant bien entendu valable pour les pays en voie de développement, en fonction de leur niveau écono­ mique et culturel.

Depuis plusieurs années ces problèmes ont fait l’objet de nos travaux avec nos étudiants du Collège Coopératif et de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes; notre recherche s’est basée soit sur la documentation comparative, soit sur des expériences de pays divers approchés au cours de quelques voyages d’études ou enquêtes : Yougoslavie, Pologne, Israël, et surtout le Sénégal dont le cas a été étudié un peu plus à fond : ce qui expliquera nos références en cours d’exposé.

* Texte d’une conférence faite au Centre de Formation des Experts de la Coopération Technique Internationale. Le Centre de Formation des Experts de la Coopération Technique Internationale, créé en France en 1957 par le Ministère des Affaires Etrangères, organise dans le cadre de la Fondation Nationale des Sciences Politiques à Paris des sessions d’études à l’intention de spécialistes dans les diverses disciplines qui font l’objet de demandes d’experts de la part des pays en voie de développement. Le but de l’enseignement est de familiariser ce personnel supérieur de l’Assistance Technique avec les données générales du Tiers-Monde et les structures nationales et internationales de la Coopération Technique afin de mieux le préparer aux missions qui pourraient lui être confiées.

En plus de ses sessions normales, le Centre organise également des stages d’information de plus courte durée et d’un objet plus spécialisé. Ainsi, en avril 1962, fut tenu un séminaire sur le développement communautaire conçu en vue de faire connaître à des spécialistes d’expression française — ayant déjà une expérience de l’organisation de la vie des villages — l’orientation et les méthodes élaborées au cours des dernières années et, en particulier, celles qui ont été mises au point sur le plan international par les services compétents des Nations Unies et des institutions spécialisées.

Le programme de ce stage comportait une trentaine d’heures d’entretiens dirigés par diverses personnalités internationales et françaises ayant une compétence particulière dans les divers aspects du milieu social des pays en voie de développement.

Furent abordés les différents facteurs du développement communautaire, sous la forme de présentation générale et d’étude de cas d’espèce. Les problèmes généraux traités étaient: fondement et évolution du développement communautaire, ses principes, ses structures, l’animation des communautés, la formation, les aspects économiques et sociaux du dévelop­ pement communautaire. Quant aux cas d’espèce, ceux-là passèrent des problèmes de l’édu­ cation à ceux de santé, de l’agriculture, des coopératives, etc... chaque fois se situant dans un contexte géographique déterminé. Il est vraisemblable que l’ensemble des conférences sera publié sous la forme d’un volume qui paraîtra au printemps 1963.

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4 HENRI DESROCHE

Le problème posé par le développement coopératif dans ces pays se traduit par une question capitale : est-il possible de transférer des régimes, des rythmes, des modèles de développement relativement valables chez les ouvriers et les paysans d’Europe Occidentale à des populations sous- développées, en majorité paysannes et analphabètes?

Bien que les paysans danois ou les ouvriers français de 1848 n’aient pas été tellement plus cultivés que les populations marocaines ou sénégalaises d’aujourd’hui, étant donné leur caractère massif, ces problèmes présen­ tent des spécificités qui ne permettent pas de penser ce transfert en termes trop simplistes. L a preuve en est que depuis les premières ten­ tatives d’internationalisation du développement coopératif en 1885, jus­ qu’en 1945, le mouvement coopératif n’avait presque pas touché le Tiers-Monde. Les pays d’Asie, d’Afrique du Nord, d’Afrique Sud-Saha­ rienne, d’Amérique du Sud, dont pourtant certains sont les plus lourds démographiquement, figurent à peine aujourd’hui encore dans les ef­ fectifs recensés des affiliations coopératives internationales. M algré l’acui­ té des problèmes que pose leur développement, ces pays sont longtemps restés en dehors des préoccupations de l’internationalisme coopératif, malgré une tentative faite en 1904 au Congrès de Budapest en direction de l’Orient; tentative à laquelle la première guerre mondiale, la révolution russe, puis la dernière guerre barrèrent la route de l’actualité.

En 1945, la « Coopération aux Colonies », comme on disait encore, rete­ nait quelque peu l’attention des Anglais, des Belges et des Français; mais les problèmes coopératifs dans le Tiers-Monde ne prirent vraiment leur importance qu’avec l’indépendance de la plupart des pays sous-dévelop­ pés avec toutes les conséquences politiques et économiques que cela comporte; et cette entrée en scène de nouveaux protagonistes n’a pas manqué de ranimer un très vieux débat, qui dominera d’ailleurs toute notre étude: le problème des rapports entre la coopération et l’Etat, entre l’autorité centralisatrice et de planification et la spontanéité des associations volontaires h

A) Aspect théorique du dilemme.

Classiquement la coopération repose sur le volontariat; c’est une asso­ ciation volontaire basée sur l’entraide, le « self help » des Anglais. Née dans une atmosphère de libéralisme frisant le libertarisme, elle aspirait i

i Ce problème a fait l’objet d’un colloque en janvier 1962 dont le compte rendu et les communications sont publiés par les Archives Internationales de Sociologie de la Coopé­ ration, no. 11 et 12.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 5

à se développer en dehors de l’Etat et même, éventuellement, contre l’E t a t 2.

Ces rapports entre la coopération et l’Etat, qui ont connu des vicissitudes diverses, marquées par les vingt et un congrès de l’Alliance Cooperative Internationale et correspondant aux grandes phases de son histoire, ont reçu trois types de solutions :

1) La solution libertaire.

Cette solution a longtemps prévalu. Dans les premiers congrès de l’Inter­ nationale Coopérative, pionniers et fondateurs sont à peu près unanimes à estimer que les coopérateurs ne doivent compter que sur eux-mêmes, sans aucune intervention de l’Etat. Mieux, au deuxieme congrès de Paris, certains prétendaient même faire passer par là la ligne de démarcation entre coopéra­ tion et socialisme; doctrine défendue en particulier par l’historien de la coopé­ ration, G. J. Holyoake.

2) La solution autoritaire.

Elle a vu le jour en plusieurs phases: a) première phase: avant 1914.

Certaines influences politiques, notamment celles de la deuxième internationale, provo­ quèrent de très vives discussions au congrès de la deuxième Internationale à Copenhague et au Congrès de l’Alliance Coopérative à Hambourg en 1910. Tenants du coopératisme et du socialisme s’affrontèrent au cours de débats auxquels prirent part Jaurès et Lénine. La coopération peut-elle s’allier à un certain socialisme, et le socialisme se dire coopératif? Quels peuvent être les termes de cette alliance? Et les partenaires seront-ils ou non indé­ pendants? Ces questions exposées par les congressistes à la lumière de leur expérience nationale, permirent pour la première fois de dégager l’existence de rapports entre la coopération et un certain type de société globale 3.

b) deuxième phase: entre 1918 et 1945.

De nouveaux dilemmes entre coopération et Etat furent soulevés au cours de cette phase marquée en particulier par l’incidence du modèle soviétique. L affiliation a 1 Internationale des très nombreux coopérateurs russes posait des questions nouvelles, car la coopération soviétique, ouvrière ou paysanne, instituait des rapports tout à fait spécifiques entre une économie en voie de planification et des sociétés coopératives désormais mises plus ou moins en tutelle. L ’avènement des régimes autoritaires (mussolinien et hitlérien) venait d’ailleurs bientôt poser un problème analogue dont les termes envenimés se heurtaient à une fin de non-recevoir.

c) troisième phase: entre 1945 et 1960.

Dans un premier temps, la coopération dans les Démocraties Populaires posa des questions qui prolongeaient celles du modèle soviétique, d’où une série de démélés qui durent encore avec les coopérations polonaise et hongroise en particulier.

2 Sur l’évolution historique de ces rapports, voir notre introduction au colloque cité, Archives Internationales de Sociologie de la Coopération, 1962, no. 11, pp. 3-9.

2 Le rôle de Jaurès dans cette option est brillamment commenté dans une plaquette de

Jean Gaumont. Jaurès coopérateur : au confluent de deux grandes idées. Collection « Co­ opération et Société Moderne >, Editions de la Fédération Nationale des Coopératives de Consommation, 1959.

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6 HENRI DESROCHE

Le deuxième temps est caractérisé par l’émergence de développements coopératifs possibles dans les pays sous-développés.

Ces mouvements se feront-ils naturellement par le libre choix d’initiatives volontaires, ou entreront-ils dans un plan d’ensemble de développement? Puisqu’il est généralement admis que le développement d’un pays sous-développé ne peut se faire que selon un plan appuyé par l’autorité de l’Etat, le développement coopératif ne doit-il pas y être intégré et de la sorte bénéficier d’un programme, d’un financement et d’un encadrement apportés par l’Etat? Pratiquement tous les congrès internationaux de la dernière après-guerre ont tourné largement autour de tels débats.

3) Solution combinant l’expansion planifiée et l’association volontaire.

Quand cette question se posa après 1945, la théorie générale du mouvement coopératif avait évolué doublement: du fait d’abord du recul général de l’éco­ nomie libérale et de l’adoption par les économies modernes de différents types de planification à l’intérieur desquels émergeaient avec une urgence variable les dimensions nouvelles de la décentralisation régionale ou sectorielle (celles aussi, et surtout, de l’auto-gestion ouvrière et des participations paysannes); inversement, les sociétés coopératives avaient implicitement ou explicitement abandonné leur « spontanéisme » ; non seulement du fait de leur fédéralisation et des contrôles déontologiques impliqués par celle-ci, mais aussi du fait de l’auto-planification représentée par les sociétés de développement de types divers et du fait aussi des institutionalisations recherchées ou acquises au sein des sociétés globales.

Au-delà des théories libertaires et autoritaires réduites pour autant à la fonc­ tion de « types idéaux » on en arrive ainsi à une conception théorique plus nuancée située entre l’étatisation du développement coopératif, et la fameuse et nostalgique coopératisation de l’Etat.

Davantage même, car il ne s’agit pas tellement dune position de juste milieu entre deux extrêmes. Il s’agit plutôt d’une conjugaison organique entre pla­ nification et volontariat; celle-là fomentant celui-ci, celui-ci fécondant celle-là; planification participée et participante, entreprise de planification et planifi­ cation d’entreprise.

C’est du moins à l’intérieur de ces pointillés que, nées dans des horizons divers, des recherches et des développements semblent désormais s’amorcer 4.

B) Aspect pratique du dilemme: coopération volontaire et rapide.

Si sur le plan théorique, un juste équilibrage — mieux une stimulation réciproque — entre les facteurs volontaires et autoritaires dans le déve­ loppement coopératif semble une solution satisfaisante, il se pose dans la réalité des faits un problème pratique extrêmement grave; à savoir l’anti­ nomie qui existe entre les deux caractères que doit prendre la coopération dans un pays sous-développé, c’est-à-dire qu’elle soit volontaire et rapide :

4 On pourra dans le compte rendu du colloque déjà cité, consulter les etudes consacrées à divers plans de développement régional européen, à certaines fédéralisations et institu­ tionalisations françaises, aux expériences israéliennes ou polonaises ainsi qu a plusieurs cas africains.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 7

volontaire elle est lente, rapide elle est obligatoire; donc d’une façon ou d’une autre ne répond pas à ce que l’on en atten d 5.

L e mouvement coopératif né en 1888 au Danemark a parfaitement réussi sans intervention de l’Etat, mais cela a tout de même pris deux généra­ tions. C’est en gros le temps qu’il faut à une population travailleuse, mais inculte et analphabète pour devenir apte à gérer un développement coo­ pératif d’échelon macro-sociologique.

Cette vitesse de formation correspond également à la vitesse de fédéra­ lisation; il a fallu trente à quarante ans aux coopératives ouvrières de consommation pour passer de la phase de l’expérience-pilote à la phase de fédération nationale. En Angleterre, où cette fédération a été la plus rapide, il a fallu quinze ans (1844 -1859).

Or le temps est une des préoccupations primordiales des dirigeants des pays sous-développés, auxquels il est difficile de faire admettre que la solution de leurs problèmes réside dans la coopération, mais qu’ils devront attendre l’an 2000 pour que le système soit vraiment en place. L à est pourtant le vrai problème car si l’on veut éviter l’écueil de la lenteur en accélérant artificiellement l’évolution, on risque fort d’aboutir à de trompeuses réalisations, squelettes sans chair, échafaudages sans édifices, appareils sans sociétés, ou sociétés sans sociétaires, discours sans échos, pays légal sans pays réel.

Cette rétrospective sur les deux dilemmes, théorique et pratique, précise donc les problèmes à résoudre:

— ou bien expansion coopérative planifiée par l’E tat et ses agents avec tous les risques que cela comporte : fonctionnarisation des projets et des décisions, impossibilité de participation familiale et villageoise aux déci­ sions économiques fondamentales; l’obligation de participer entraînant indifférence, absentéisme, grèves perlées, absence de loyalisme, lenteurs, détournements, gaspillages et finalement non rentabilité des investisse­ ments techniques mis en oeuvre;

•— ou bien expansion coopérative abandonnée à des initiatives « popu­ laires », avec des risques aussi sérieux : l’opération peut trainer sur des générations, se fixer sur des activités secondaires, favoriser certains grou­ pes privilégiés ou s’enliser dans la faiblesse des niveaux économiques et culturels mis en oeuvre.

Ce problème devait être précisé car il est fondamental et conduit à une double recherche :

5 Sur ce point, voir les pertinentes analyses de René Dumont in Archives Internationales

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8 HENRI DESROCHE

— la planification participée qui fera l’objet des première et deuxième parties de cette étude;

— la coopération participante, qui fera l’objet de la troisième partie,

II - Le p l a n d e d é v e l o p p e m e n t

COMME CADRE DU DEVELOPPEMENT COOPERATIF

Certains doctrinaires ont établi le programme d’une république coopé­ rative qui équivaudrait à la coopératisation totale d’une société, mais ces projets n’ont jamais été réalisés; et malgré l’importance de certains secteurs coopératifs dans des économies globales, il semble qu’un plan de développement coopératif ne puisse pas se passer d un plan de développement général, élaboré par des techniques propres et dans lequel ü trouvera son secteur parmi d’autres secteurs 6.

L e problème des « cadres a priori » du développement coopératif doit donc être posé, et en fait il l’est, comme on pouvait l’observer par exemple en Espagne en février 1962, lors de la première Assemblée Coopérative tenue depuis la guerre civile. Les organisateurs demandaient avant toute chose: un cadre juridique (statuts), un programme (cadre planifié), un organe de financement et des organes economiques connexes (cadre financier), sans parler des organes pedagogiques (cadre culturel). Donc, il existe des cadres dont l’E tat est sollicité de prendre, de permettre ou de favoriser l’initiative et dont il semble impossible qu’un développement coopératif puisse se passer pour être accéléré.

Ces cadres sont de trois types: les domaines, les régimes et les instru­ ments.

A) L es domaines d’application.

1) Sectoriels:

Les pionniers de 1844 s’ils ne se sont probablement pas posés le problème d’une planification globale, ont toutefois pense a un certain cadre general dans lequel ils envisageaient d’inscrire leur expérience-pilote. Aujourdhui toute improvisation est exclue et il existe des bureaux specialises dans 1 etude des conditions de lancement (ou comme on dit « de promotion » ) des entre­ prises. Dans le domaine coopératif, on a créé depuis longtemps déjà (1910 - 1914) des sociétés de développement, chargées de rationaliser le développe­ ment coopératif régional, aussi bien pour les cooperatives de consommation

« La définition d’un tel « secteur » coopératif est naturellement un problème différent des deux autres démultiplications majeures proposées à un plan général: à savoir sa régiona­ lisation géographique, sa sectoralisation technologique. La ventilation par type economique dominant (privé, coopératif, public) représente une troisième entrée du tableau.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 9

que de production. En Angleterre, une enquête célèbre — celle dite de la Commission Indépendante — a préconisé récemment la création d’une société de développement pour l’ensemble du mouvement; en Israël, dans les trois fédérations de kibboutzim groupant chacune quelques 70 colonies de volon­ taires, il y a un bureau de promotion d’entreprises; bureau dont le rôle est de mettre à la disposition des fondateurs éventuels d’industries villageoises tous les dossiers qui leur sont nécessaires pour la réalisation de leurs projets. Dans les pays sous-développés, l’expansion coopérative doit donc a fortiori s’articuler dans le plan général de développement, pour choisir ses secteurs; d’où des choix bien déterminés :

— secteurs progressifs plutôt que régressifs (en 1960 il ne serait plus venu à l’idée de personne de fonder une coopérative de cochers alors qu’en 1860 l’idée était fort logique; de même qu’une association de porteurs d’eau ne se justifie pas quand l’adduction d’eau est décidée). Il faut toutefois tenir compte des mutations de productions toujours possibles dans les pays en voie de développement et lancer les mouvements coopératifs en connexion avec les préférences sectorielles émanant d’un plan général d’expansion;

— secteurs massifs plutôt que marginaux. Il faut toucher l’ensemble d’une population plutôt que de fonder des coopératives qui peuvent d’ailleurs très bien réussir mais reposant malheureusement sur des métiers privilégiés donc marginaux;

— secteurs à haute composition de travail plutôt qu’à haute composition de capital. L ’utilisation des millions de journées de travail perdues, selon la procédure décrite dans Le Monde en friche de G. Ardant presente un interet beaucoup plus grand que la mise en oeuvre pleine de risques de capitaux importants.

2) Géographiques:

Le développement coopératif doit impérativement tenir compte du plan général d’aménagement qui est l’organisation du pays dans l’espace, en utili­ sant pour son appareil coopératif allant du village à la capitale, les réalisations existantes — réseau administratif, voies de communications, zones de forte densité démographique — et en choisissant pour son implantation coopérative le village, ou plus généralement le groupe de villages, faisant fonction de « cel­ lule de développement », donc en travaillant en accord étroit avec les services d’aménagement du territoire.

3) Ethnologiques:

Dans ce domaine, le problème de l’acculturation est primordial, et son examen attentif conditionne l’implantation en prenant en compte ses obstacles ou ses spécificités; deux en particulier:

a) La diversité des ethnies. Malgré l’accord des animateurs du développement, il est parfois très difficile de faire bénéficier d’un dispositif commun plusieurs villages ou groupes appar­ tenant à des ethnies différentes, tant les relations entre celles-ci sont insuffisantes, ou grevées par des méfiances ou des hostilités ancestrales.

b) Les persistances communautaires. Il convient d’aborder ce problème des persistances communautaires avec d’autant plus de prudence que depuis cent ans il a rencontré l’écueil

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10 HENRI DESROCHE

théorique le plus varié et que pratiquement les analyses en profondeurs sont encore rares 7. Faut-il les remplacer purement et simplement par des structures modernes ou les conserver? La solution n’est pas tellement entre les deux, que selon le cas, l’un ou l’autre on peut-être l’un et l’autre. Seules de sérieuses études du milieu permettront ou non de les utiliser comme tremplin du mouvement coopératif. Il n’y a dans ce domaine pas de solution a priori, tant les questions posées dépendent du degré et de la nature des survivances communautaires des pays et du genre de coopératives à implanter.

Il s’agit là d’un problème typique d’acculturation touchant les régimes familiaux, écono­ miques, fonciers, voire religieux, etc..., et partant extrêmement complexe. Des études en profondeur seraient souhaitables comme préliminaires à un décollage coopératif, et un tri — ou mieux une certaine action research — permettant de prendre ou de laisser de côté les éléments favorables ou non des persistances communautaires.

B) L es régimes d’application.

Si l’on parle de « socialisme coopératif » dans certains pays du Tiers-Monde — et on en parle beaucoup et au plus haut niveau — il faut bien admettre que leurs régimes économiques, politiques et sociaux sont des régimes mixtes empiriquement bâtis sur un pluralisme de secteurs (privé, public et coopé­ ratif).

Il importe donc essentiellement de tenir compte des types de régimes domi­ nants dans le calcul de l’implantation coopérative:

— en économie privée dominante: capital et motivations de profit détermi­ neront les secteurs coopératifs selon leur mot d’ordre : « Enrichissez-vous ». Les secteurs coopératifs tendent ainsi à jouer le fameux rôle de counterwailing power selon l’expression de Galbraith;

— si l’économie publique l’emporte, le pouvoir jouera un rôle prépondérant, imposant une stricte discipline au mouvement coopératif, dont l’agent de développement à la base risque de devenir surtout un agitateur et un pro­ pagandiste (agit-prop). L ’expérience coopérative cherchera dès lors sa propre consistance en misant sur les facteurs de décentralisation, voire de décollecti­ visation, en tout cas de participation, ou même de privatisation (Pologne, Yougoslavie);

— dans le régime coopératif enfin — qui n’existe d’ailleurs pas à l’état pur — dans la mesure où il est dominant, les motivations relèveront de 1’« Entraidez- vous » ; mot d’ordre qui n’est d’ailleurs pas un monopole du mouvement coopératif puisque ce dernier, aux origines, était lié a bien d’autres mouve­ ments: pré-syndicalistes, mutualistes, coopératifs, et qu’il se nommait encore « association », au sein de laquelle les fonctions étaient encore indifférenciées. Encore aujourd’hui cette prépondérance de l’entraide, du « self help », ne caractérise pas seulement le mouvement coopératif, mais aussi le syndicalisme, l’éducation populaire, la mutualité, l’éducation de base et des adultes, les services sociaux, le développement communautaire et même une certaine acti­ vation politique. C’est dire l’importance de cette matrice indifférenciée pour le développement coopératif.

(13)

ANIMATION COOPERATIVE 11

C) Les instruments dapplication.

1) Le cadre juridique.

Le manque de statuts a été une cause de la lenteur du développement coopératif eu Europe, et bien que dans les pays sous-développés on ait tendance à sous-estimer l’importance des statuts, ceux-ci semblent indispensables pour permettre le passage des liens coutumiers aux liens contractuels et assurer une existence légale au mouvement coopératif.

L’établissement d’une liste des sociétaires, le versement d’une part, montrent que le statut est l’occasion d’un minimum de formation administrative, d’un apprentissage économique et social, d’une prise de responsabilité pour des gens qui s’engagent solidairement les uns vis-à-vis des autres, soit par le versement de leur part, soit, quand l’argent fait défaut, par leur entrée dans une entreprise collective, dont le produit (champ collectif par exemple) servira à payer — sous forme divisible et indivisible — la part sociale.

2) L’instrument financier.

Le financement de la société coopérative doit être le fait d’une banque de développement spécifique 8, car sans parler du respect de l’orthodoxie financière, elle doit assurer un con­ trôle social et économique, garantissant l’utilisation correcte des crédits alloués en vue du développement plutôt que de la consommation; elle assure aussi, le moment venu, la parti­ cipation à l’accumulation primitive sous la forme d’une mobilisation de l’épargne indivi­ duelle ou collective.

3) L’instrument commercial.

Dans les pays à monoculture dominante, comme c’est souvent le cas pour le Tiers-Monde, l’exportation de la production constituant la richesse principale du pays doit être contrôlée; de même que l’approvisionnement en vivres de soudure doit faire l’objet de mesures spéciales.

Ces trois instruments (juridique, financier et commercial) ne sont pas les seuls possibles, mais leur recherche laisse entière la question de l’homogénéité de l’instrument de développement coopératif; celle-ci demeurera subsidiaire et effritée aussi longtemps que n’existe pas une certaine contrepartie aux dépen­ dances multi-latérales par rapport aux organismes et services gouvernemen­ taux: Ministères du Travail, de l’Agriculture, des Finances, du Commerce, par exemple. On peut certes se contenter d’une telle situation en espérant qu’à long terme la contre-partie se découvrira dans un rassemblement confédéral et volontaire des forces coopératives du pays.

Mais si le mouvement coopératif doit fournir une base stratégique du déve­ loppement général, on peut se demander si n’est pas requise, sous une forme ou une autre, une coordination institutionnelle de ses organismes ou de ses services. Commissariat au développement coopératif ou Ministère du déve­ loppement coopératif, office, conseil supérieur — peu importe le titre — et on peut même estimer que les arguments peuvent être des plus divers à condition toutefois que soit donné un lieu géométrique des actions et agences coopératives nationales leur assurant homogénéité et réelle possibilité d’action, de programmation et de contrôle.

Après avoir passé en revue ce qui dans un plan général de développement peut servir de cadre au développement coopératif, nous allons envisager celui-ci comme instrument de participation au plan.

8 On peut observer en Afrique Sud-Saharienne l’émergence un peu partout de telles banques de développement en liaison avec l’action de la C.C.C.E.; voir sur les coopératives de crédit l’exposé de L. Schmandt, in A.I.S.C., no. 11, pp. 145-162.

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III - Le d é v e l o p p e m e n t c o o p é r a t i f COMME INSTRUMENT DE PARTICIPATION AU PLAN

A) L a question de T instrument humain du développement.

Les plans s’étendent généralement sur les domaines, les modes et objets du développement mais posent rarement la question pourtant impor­ tante : « Qui va développer? » ; cette question du « sujet », des forces en présence et des priorités à leur conférer ou a leur refuser, est differente par nature de la question du programme.

Cette question « Q u i ? » est donc celle de l’instrument du développe­ ment. En gros, trois types : le capital, le pouvoir, les hommes.

^ 2 HENRI DESROCHE

1) L e capital.

Le capital est la première réponse à la question « Qui ». Mais indépendamment de sa nécessité, il pose plusieurs problèmes :

a) Taux d’absorption limité.

S’il est relativement facile de trouver des capitaux, il est infiniment plus ardu quils soient utilisés à bon escient, en investissements véritablement productifs pour la collectivite plutôt que de prestige ou de simple consommation au profit d’individus ou groupes privilégiés, ce qui pose le problème des hommes qualifiés pour contrôler le dynamisme dune telle absorption (Cf. Rostov).

b) Taux des profits exportés.

Même si le capital est utilisé de façon rentable, son revenu peut très bien être exporté et non réinvesti dans le pays intéressé.

c) Rapports de classe importés.

L’apport de capital dans un pays donné peut purement et simplement déclancher des rap­ ports de classe inconnus jusque là et poser trois sériés de problèmes:

— rapports de classe greffés sur le circuit économique: achat de matières premières - vente de marchandises. Il existe un décalage entre la valeur des heures de travail du producteur de matières premières et celles du producteur de produits finis. L ’heure de travail de celui-là est susceptible d’acheter 10, 20, 30, ou davantage, heures de travail de celui-ci. L’économie de traite au niveau du village répercute un marchandage international qui per­ pétue la dépendance et obstrue l’indépendance; __ _ __ rapports de classe entre bourgeoisie et travailleurs; dans la mesure où la bourgeoisie commerçante et industrielle autochtone entre dans le système international, il se créé une classe de salariés avec les conséquences habituelles: syndicalisme revendicatif, obstruction, entraves à la productivité, lutte de classes;

__ clivage entre ouvriers et employés d’une part, et paysans d autre part: c est un des graves problèmes posés aux pays d’Afrique, où dans bien des cas l’employé ou 1 ouvrier gagne en un mois ce que le paysan gagne en un an 9, fomentant ainsi des situations propices à des jacqueries imprévisibles ou prévisibles.

9 Cf. L. Senghor. Nations et voie africaine du socialisme. Editions Présence Africaine, 1960, p. 130.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 13

2) Le pouvoir.

Le pouvoir dans les pays sous-développés, généralement fort, impliquant souvent le parti, le syndicat et la coopération uniques, est de fait connu comme un instrument essentiel du développement et si l’on ne peut en nier la nécessité, il faut bien en discerner les inconvénients :

a) La primauté des conformismes ou, si l’on veut, des loyalismes politiques.

Les préférences du pouvoir iront évidemment aux éléments politiquement surs, au détriment de la compétence et de la technicité. L ’apparition dune Nouvelle Classe, dénoncée a tort ou à raison par Djilas dans le cas yougoslave, a été déterminée comme une éventualité particulièrement redoutable dans la situation « mal partie » d une Afrique Sud-Saharienne. Il est difficile en tous cas de ne pas redouter un certain clash entre une bourgeoisie « politi­ quement arrivée » et une autre bourgeoisie généralement plus jeune et « techniquement arrivante » ;

b) La faiblesse de l’esprit d’entreprise et le poids du fonctionnariat.

L’entreprise coopérative, autant et plus même que 1 entreprise individuelle, exige une vo­ lonté de création, un esprit de conquête car elle est à la fois prise de conscience de risques accrus, responsabilité solidaire et action technique. Or ces qualités risquent de manquer a des cadres possibles, si la sécurité offerte par un poste administratif vient a les intéresser davantage que le labeur, les risques, les travaux « de terrain » auxquels s exposent les pionniers de l’action coopérative. Cette hypothèque, que fait peser le fonctionnariat, le « mandarinat » sur le développement des pays du Tiers-Monde, est un réel danger dénoncé par plusieurs observateurs ou responsables.

c) Les aléas de l’expertise internationale.

Il n’y a pas de commune mesure entre le capital d espérances suscite par la venue d un expert, et la relativité des résultats généralement obtenus, sans d’ailleurs que la personnalité de cet expert puisse être mise en cause. C’est l’institution meme qui est ambiguë, car quelles que soient les qualités d’un homme, si on lui demande trop, dans des conditions défavora­ bles en temps ou d’autorité, il n’obtiendra que des résultats relativement médiocres ou passablement superficiels.

Tout cela est une conséquence de la structure autoritaire de l’instrument de développement, car dans la mesure où un pouvoir si fort a cependant plus ou moins conscience de ses faiblesses, son réflexe n’est-il pas de s’adresser aux organisations internationales en leur de­ mandant un right man escompté excessivement comme un homme-miracle. Mais celui-ci, soit qu’il soit placé dans des conditions de travail peu favorables, soit qu il s y place lui-meme en se laissant prendre au jeu de la surenchère ou des compétitions dont il est bénéficiaire ou victime, risque fort de demeurer désembrayé sinon postiche.

3) Les hommes.

L ’instrument « travailliste » suppose une population mise en état d auto­ conscience, d’auto-organisation et d’auto-développement par un instrument à déterminer dont le rôle serait l’absorption du capital, 1 intégration du pou­ voir, l’assimilation de l’aide internationale, l’agencement social de toutes les forces syndicales, politiques, éducatives, locales, régionales ou centrales, et une structuration économique susceptible d’accueillir finalement les etagements

d’auto-gestion. ; .

Cet instrument paraît très complexe et pourtant 1 exemple israélien peut, ou du moins a pu en démontrer la possibilité, car en Israël, c est la coopération qui a fait l’Etat, à l’inverse de ce qui se passe dans les pays sous-développes où l’Etat fait ou tente de faire la coopération. En Israël, tout était a base

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14 HENRI DESROCHE

coopérative, bien avant la naissance de l’Etat: l’instrument syndical avec l’Histadrouth, une grande partie de l’économie ouvrière et agraire, le crédit, les travaux publics et même la jeunesse armée; et c’est ce réseau coopératif qui, permettant à la population de prendre conscience d’elle-même, a été l’arbre qui a porté l’Etat, alors qu’en pays du Tiers-Monde, la coopération est encore trop souvent le fruit de l’arbre-Etat.

Sans vouloir comparer des situations qui ne sont pas comparables, on peut en retenir que l’instrument humain du développement est fondamental, ne serait- ce que pour être requis par et pour le fonctionnement d autres instruments comme l’investissement des capitaux ou les décisions des pouvoirs publics. L’exemple d’Israël qui ne ressemble économiquement et sociologiquement à aucun autre, prouve simplement qu’il peut exister et permettre d’en étudier le mécanisme. C’est par son biais que le problème du développement cooperatif peut et doit être posé, en termes globaux, autant comme instrument de mo­ bilisation des ressources humaines du pays, que comme complément oblige des instruments capitalistes et étatiques.

B) Etudes de cas.

1) L’instrument de développement agraire en Israël10 *.

Ce mouvement, qui a débuté en 1910, groupe 10 % de la population, et représente 75 % de la production agricole a été lent, et se caractérise par plusieurs traits:

a) instrument à la fois coopératif et syndical.

Cette organisation formée d’une part de l’Histadrouth (le syndicat) et d’autre part de la Hevrat Ovdim (l’économie ouvrière et coopérative) a pour base l’assemblée générale des travailleurs salariés et coopérateurs qui, d’échelon en échelon, donnent les instances suprêmes de l’Histradrouth, celles-ci ayant elles-mêmes un rôle planificateur dans l’économie ouvrière, aussi bien agricole qu’industrielle. Il s’agit donc là d’un syndicalisme coopératif, et d’une coopération syndicalisée.

b) Coopération agro-industrielle.

En Europe Occidentale et Orientale, le mouvement coopératif a été lancé et organisé plutôt par des militants industriels alors qu’en Israël, ce sont des militants agraires, membres de Kibboutzim qui ont été à l’origine du développement économique, culturel, social et po­ litique du pays.

c) Pluralisme politique.

L’instrument Histadrouth-Hevrat Ovdim intègre en son sein en Israël les trois grands partis de gauche, chacun correspondant d’ailleurs à une fédération kibboutzique, et les trois fédérations esquissant de plus en plus des actions communes sur le plan régional comme sur le plan national.

d) Pluralisme sociologique-agraire.

En Israël, à l’encontre de ce qui s’est passé en U.R.S.S. où le kolkhoze a été finalement proposé ou imposé au pays tout entier n , les responsables ont pensé unitairement le

dévelop-io Pour des détails, voir les études et ouvrages de Henri Desroche. Au pays du kibboutz;

de A. Meister. Principes et tendances de la planification rurale en Israël; de H. Darin- Drabkin; articles in A.I.S.C.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 15

pement national mais ont historiquement préservé la liberté de choisir les formes du déve­ loppement coopératif agraire. Dans son utopie Altneuland, Théodore Herzl pronostiquait déjà cette floraison, à l’instar des projets plus anciens et aujourd’hui plus ou moins oubliés tels que ceux de Penn pour la Pensylvanie et de V. Considérant pour le Texas. Certaines de ces tentatives israéliennes ont pu dépérir tel le Gdoud Havoda, réédition ou anticipation d’une phase « Commune ». Mais d’autres — la plupart — se sont différenciées et affermies : le Kibboutz où production, propriété et vie sont collectives, forme la plus multifonctionnelle et mère de toutes les autres; le Moshav Ovdim caractérisé par sa production privée et ses services collectifs, sa vie privée et sa propriété mixte; le Moshav Shitoufi, ferme collective à vie privée; le Moshav Olim, ferme individuelle dans un corset coopératif; et enfin, la coopérative de petits propriétaires terriens, de forme traditionnelle i2.

Ces diverses formes de développement constituent un ensemble original où les rapports entre planification et volontariat donnent lieu à un système fort complexe d’articulations entre coopération et syndicat, partis politiques et familles kibboutziques, coopération agraire et coopération industrielle; système dont la cohésion est fermement — d’aucuns disent bureaucratiquement — assurée par la centrale de l’Histradouth. S y fait remarquer natu­ rellement la forme plus spectaculaire du Kibboutz, sans qu’on relève assez son paradoxe: combinaison d’un commando de volontaires qui avait entrepris la lutte contre le marais ou le désert sans aide extérieure, le Kibboutz qui en effet n’en est pas moins le lieu d’une intense planification interne touchant jusqu’aux activités les plus minimes, est de plus en plus en plus l’objet d’une planification fédérale soucieuse de s’ajuster aux prospections non seulement du pays mais du marché mondial; planification et volontariat forment ainsi un « mixte » d’un originalité certaine. Le même « mixte » se retrouve d’ailleurs dans le système si minutieux de la fondation des nouveaux villages d’immigrants12 13.

De même que le courant des universités populaires a accompagné le démar­ rage de la coopération en Europe, quinze ou vingt ans de militantisme social, politique, culturel et international ont précédé le démarrage des Kibboutzim et en ont assuré la réussite. Les Kibboutzim furent bâtis sur une immi­ gration en majorité slave, fuyant pogroms et persécutions. Des équipes de gens d’éducation supérieure, animés de l’idéal profond du retour à leur terre, de la « rédemption » de leur terre et de leur réenracinement en elle sont arrivés en Palestine; plus riches de ce capital idéologique que de capitaux financiers. La nature de ce capital humain a été déterminante dans l’anima­ tion de cette entreprise de développement national; car Kibboutzim et Moshavim en même temps qu’instruments de mise en valeur sont de véritables pépinières qui détachent leur membres soit pour aider de nouvelles colonies, soit pour entrer dans les Ministères, l’Armée, le Gouvernement, ou pour rem­ plir des missions à l’étranger. C’est la cellule d’origine à lequelle ils appartien­ nent toujours qui profite de leur réussite, de leur rayonnement. Le Kibboutz, le Moshav sont donc des centres d’animation à la fois centripètes, et cen­ trifuges.

Cet instrument de développement considéré globalement et même mis à part ce que peut avoir de trop spectaculaire le Kibboutz plus riche de capital humain que de moyens financiers, animé à la fois par un idéal socialiste et un esprit d’entreprise, représentant 75 % de la production agricole et 25 % de la production industrielle, constitue la démonstration de facto d’une certaine forme de développement, qui peut avoir une valeur d’exemple. Il n’est pas étonnant que se multiplient chaque année en Israël des stagiaires africains

12 Cf. H. Damn-Drabkin, dont l’ouvrage récent sur l’ ensemble de ces formes sera publié prochainement en version française.

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16 HENRI DESROCHE

venus soit à l’Institut Coopératif-Syndical afro-asiatique, soit dans le cadre de missions plus spécialisées.

2) L’instrument de développement agro-industriel.

a) En Israël.

Dans les années 1920, des immigrés russes avaient voulu réaliser la « Com­ mune israélienne », c’est-à-dire une association générale des travailleurs agri­ coles et industriels du pays, mettant tout en commun et où l’activité des uns aurait profité aux autres sur une base assez égalitaire. Ce fut un echec. Echec en général dans les tentatives de création du Kibboutz industriel. La péné­ tration coopérative de l’industrie israélienne aura été accomplie ou entamée par d’autres voies. En gros, les trois principales:

— L ’entreprise syndicale:

Elle a été créée avec les fonds propres des syndicats alimentés par les cotisations indivi­ duelles et les cotisations d’entreprises. L’Histadrouth disposant ainsi d’un budget important et s’écartant du rôle traditionnel de défense et de revendication des syndicats, a créé du travail, formé des ouvriers qualifiés, acheté et implanté les instruments et les équipements de travail; c’est le secteur industriel le plus important : une tentative de « conseils ouvriers » y a été amorcée ces dernières années mais ne semble pas avoir abouti.

— La coopérative industrielle:

Elle se crée comme les coopératives de production de nos pays, par l’association d’ouvriers, démarre comme une entreprise indépendante mais conserve avec la centrale histadroutique des liens assez étroits, soit pour la composition de son capital, soit pour le membership de son Conseil d’Administration.

— L’usine kibboutzique :

D’abord grande ferme collective, le Kibboutz devient de plus en plus une fondation agro- industrielle offrant déjà un bon échantillonnage d’industries villageoises. Il s’y trouve amené par des raisons d’équilibre économique, de plein emploi du personnel, et aussi de psychologie du travailleur. Les Kibboutzim ont ainsi mis au point des usines rurales d im­ portance très variable, allant de la menuiserie groupant une dizaine de compagnons, à la grande fabrique de jus de fruits groupant plusieurs centaines d’ouvriers, et dont le rôle est de transformer sur place, ce qui est logique, les productions du pays.

b) En Yougoslavie.

Après l’échec et la liquidation en 1949 de la tentative de « kolkhozification » w, l’expérience coopérative se fait sur la base de la coopérative générale qui est une coopérative de village, elle-même affectée depuis quelques années par la loi sur l’auto-gestion ouvrière.

La coopérative générale — semblable au départ a la cooperative agricole d’Europe Occidentale, qui passe de la vente des produits à leur conditionne­ ment et à leur transformation en utilisant pour cela des « salariés collectifs » — se trouve ainsi en pleine évolution, selon les phases suivantes:

1 - les usines exploitées par des coopératives agricoles ont été soumises a la loi d’auto-çestion ouvrière, c’est à dire gérées par un conseil ouvrier de gestion propre à î usine; 14

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ANIMATION COOPÉRATIVE 17

2 - puis on a créé le Conseil Coopératif, organe commun aux deux organismes de production et de transformation, d’abord facultatif, et dont le nombre des membres était proportionnel aux effectifs des ouvriers et des paysans;

3 - enfin, on a décidé de rendre obligatoire le conseil coopératif et la repre­ sentation en son sein est devenue proportionnelle, non pas au nombre des membres paysans et ouvriers, mais au revenu des exploitations agricoles ou industrielles. Or, comme le produit transformé a plus de valeur que le produit brut, la représentation ouvrière s’est accrue notablement, tant au Conseil Coopératif, qu’au conseil d’administration où la proportion des membres

ouvriers est encore plus grande. . -c„

Nous avons là une entreprise d’industrialisation de 1 agriculture, qui vise, sans porter atteinte au statut du paysan, à la modernisation de sa technique, de son matériel, et où les rapports entre le collectif et 1 individuel sont regis par contrat. C’est sur ce système de contrats que se développe tout un pro­ cessus d’interaction entre le secteur industriel collectif et le secteur agraire familial et individuel, aboutissant à mm operation de développement agro­ industriel à base de développement coopératif15.

c) En Pologne.

Le développement agro-industriel vise à la modernisation de 1 artisanat, en particulier de l’artisanat rural, et a fait l’objet dune politique planifiée. Ce mouvement très important groupe 4000 sociétés, pour 400 000 sociétaires, soit environ deux millions de personnes vivant dans ce secteur.

Au cours d’une première phase, la modernisation de 1 artisanat commence par la création de coopératives artisanales telles quelles existent dans nos pays, et qui groupent autour d’elles des ateliers familiaux. Puis, au cours dune deuxième phase, à côté du centre administratif et commercial de la coope­ rative, on crée des ateliers de montage dont certains atteignent es dimensions d’une petite ou moyenne entreprise, ce qui aurait ete impossible a un atelier L iT c a Íd’une coopérative artisanale rurale aux environs de Cracovie illustre ce développement agro-industriel. Créée par des forgerons du village, il y a 20 ans, elle groupe aujourd’hui 800 ouvriers, et fait vivre une agglomeration de 4000 habitants. Devenue une usine moderne, bien que nee de la tradition d’une caste de forgerons, elle a réalisé sur le plan communautaire, grace a la contribution de ses membres: une école complémentaire, une crei J e’ colonie de vacances, un centre médical, une maternité, une sa e

rences, un orchestre et un groupe théâtral. Au moment ou je 1 observais, elle pouvait passer pour un pôle de développement regional .

Ces trois cas (israélien, yougoslave, polonais) peuvent donner une idée de la diversité des approches possibles dans ce problème dune option cooperative en tant qu’instrument d’un développement agro-industriel.

15 L’évolution et le mécanisme de cette institution nouvelle sont exposés par M. Vutchko

-vitch. A.I.S.C., 1962, no. 11, pp. 109-126. . .. o

-1« Pour des détails sur le cas polonais, voir H. Desroche. « Cooperation et sociahsme - homo­ graphie du secteur coopératif polonais ». Cahiers de Recherches. Pans, Bureau dEtudes Coopératives et Communautaires, 1961, 50 pp.

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18 HENRI DESROCHE

IV - L ’a n i m a t i o n c o o p é r a t i v e - Se s s e c t e u r s e t s e s n i v e a u x

Après avoir traité de la coopération comme instrument de participation au plan, nous abordons maintenant l’étude de la coopération participante. A) De l’animation comme préalable à l’encadrement.

L ’organisation des pays où doit s’implanter la coopération est constituée sur le plan général par des échelonnements territoriaux: départements, arrondissements et villages (anciennement cercles, districts ou régions, subdivisions, etc.) avec tout en haut le pouvoir avec un Commissariat au Plan et sa hiérarichie et, sur le plan coopératif, une persistance des anciennes institutions, avec souvent des unions ou pseudo-unions de coopératives.

Très souvent la filière coopérative profite des structures administratives, mais malgré la présence d’un corps d’encadrement de la coopération — et du fait des relations ambigües avec les anciennes S.M .D.R. ou organismes assimilés ayant pris leur relève — il est impossible à cette filière d’assurer ou de gérer l’ensemble du circuit de bas en haut ou de haut en bas. Cette situation présente souvent les risques d’un fonctionnariat mobili­ sant les sociétés coopératives par mode de prescriptions ou d’impositions obligatoires. Or, dans ce domaine, l’action doit porter sur la base, au niveau des paysans analphabètes pour 85 %, et de leurs administrateurs dont l’élection est souvent télé-commandée ou télé-sollicitée; c’est le problème de l’animation coopérative compliqué encore par toutes les questions coutumières posées par la paysannerie de base.

On me permettra d’aborder ce problème en référence à l’expérience séné­ galaise observée récemment et aussi susceptible d’être tenue pour no­ vatrice.

Au Sénégal, le Commissariat au Plan comporte deux divisions : d’une part la planification, et d’autre part l’animation, conçue pour échapper aux aléas, tant d’une simple vulgarisation technique que d’une propagande sociale indûment politisée. Son projet essentiel est d’établir, d’affermir ou de sauvegarder la communication dans les deux sens entre, d’une part les techniciens, agents administratifs ou techniques des services publics, d’autre part la population paysanne elle-même dont l’action ou la réaction est sollicitée à la base. Pour ce faire, les « centres d’animation » avec un effectif réduit de permanents sont localisés au plus près des populations et se rapprochent au maximum de leur mode de vie. Une simple case à usage de chambrée et de salle de réunion, un personnel réduit, un budget modeste font ainsi directement la plateforme de départ des trois opéra­ tions de l’animation de b ase: sélection, formation et structuration.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 19

1) Sélection.

La sélection est précédée par les tournées répétées dans les villages avec réunions, explications, ayant pour but de faire comprendre aux habitants le sens de l’indépendance, de la libération et de provoquer ou, mieux, de catalyser l’apparition d’une conscience globale et les motivations propices au progrès technique. Plusieurs expériences ont en effet démontré la nécessite dune certaine mutation psychologique de base comme préalable a 1 accueil positif des novations techniques. Ce conditionnement n’est pas pour surprendre apres les célébrés études de Weber et de Tawney sur les « correspondances » éthi­ ques au décollage économique de l’Europe Occidentale. Et s agissant simple­ ment des décollages coopératifs, on sait qu’ils se sont enracinés dans des prises de conscience fomentées, par exemple, en Angleterre par 1 agitation culturelle de l’owenisme ou en France par les fameuses chambrées mmoises, puis un peu plus tard les universités populaires ou, plus près de nous encore, par l’activité culturelle jaciste dans un certain revival coopératif des jeunes Parallèlement, la tournée préparatoire de l’animation métamorphose la palabre en cercle d’étude éveillant globalement la conscience villageoise aux valeurs du développement national puis en fomentant un élémentaire centre de de­ cisions; la première de ces décisions étant la désignation à 1 unanimité de deux ou trois jeunes cultivateurs délégués pour participer à la première cession de formation et en rendre compte à l’assemblée du village.

2) La formation.

Elle s’effectue en deux types de session. La première — du 1er degré — dure en moyenne 17 jours et réunit 35 jeunes gens dont la vie au centre ne différé guère de celle des villageois, ce qui évite le très grave écueil du depaysement

et des stages dans des villes lointaines. . .

Le programme en est simple: chaque matin, confrontation entre les stagiaires et un représentant des Ministères techniques, au cours d « entrevues centrées » du type du « focussed interview » décrit par R. K. Merton17, conduites par e chef du centre, qui, après l’exposé de l’agent technique suscite les reactions, les réflexions des stagiaires et les stimule à s’exprimer librement en mettant en regard les prescriptions du plan, exposées par les techniciens et les réalités locales vécues par les paysans eux-mêmes; échange qui ne va pas toujours sans vives, voire âpres, discussions, mais favorise une compréhension, un dialogue entre une population tout entière et les représentants de son Gou­

vernement. . . , . ., .

L ’après-midi est consacré à des travaux pratiques: visites de stations-pilotes, d’infirmeries, etc., et à l’initiation à certain travaux agricoles.

Le soir — forme inédite de théâtre négro-africain — les stagiaires reconsti­ tuent eux-mêmes sous forme d’un sociodrame improvise 1 ensemble des acti­ vités de la journée, manifestant ainsi leur assimilation. L a meme sociodrame est d’ailleurs repris, raffiné, amplifié au cours de soirées successives comme autant de répétitions, avant la représentation finale et récapitulatrice du der-Ce dernier jour de la session en effet a lieu une sorte de récapitulation dyna-17 R. K. Merton et al. The focussed interview. Columbia University.

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20 HENRI DESROCHE

mique dans un village choisi, village dans lequel les stagiaires s’essaient aux gestes et aux comportements attendus d’eux dans l’exercice de leur activité future. Une première partie tourne autour de l’enquête collective: la séance commence par une série de questions du type monographie de village, sous forme d’interview collective avec, d’un côté les 35 stagiaires, et de l’autre les habitants du village. Elle se poursuit par une visite du village en groupes de sept ou huit accompagnés par un villageois, visite au cours de laquelle ils comparent la réalité avec ce qu’ils ont appris; elle se termine enfin par un compte rendu collectif, véritable passage au crible du point de vue des « exigences du développement » de toutes les activités et structures du village. La seconde partie plus joyeuse est précisément la représentation officielle et humoristique des sociodrames répétés au cours des soirées de session. La session du deuxième degré a un objectif spécialisé et ne dure que trois jours. Une session du 2e degré est précisément consacrée à la coopération. En ces trois jours de travail intensif, les stagiaires envoyés par les sociétés coopératives locales (trois personnes par société: le président, le secrétaire et un animateur) étudient, selon des consignes qu’on croirait empruntées à Sir Darlingls, la gestion de la coopération de base dont le fonctionnement est d’ailleurs très simple, les façons d’éliminer les fraudes et les conditions con­ crètes d’un commerce « équitable et véridique ».

3) La structuration.

Si les choses marchent bien, on peut concevoir qu’avec la multiplication de telles expériences, s’amorce ainsi un quadrillage « animation » jumelé au quadrillage coopératif, que ce double quadrillage soit systématiquement con­ signé et complété par reports sur cartes, que cet outil enfin devienne le dos­ sier de base pour une planification éducative aussi bien que coopérative avec des objectifs à court terme: faire passer chaque responsable par une session; disposer à la base d’un ou deux administrateurs avertis, probes, pour la gestion de la société locale; assurer un contrôle élémentaire de cette gestion par les animateurs, cultivateurs eux-mêmes, formant l’embryon d’un syndicalisme rural de développement, syndicalisme de secteur primaire comblant la lacune laissée par le transfert ou le démarquage des syndicats européens du secon­ daire ou du tertiaire. Cette animation sera étendue et défendue par plusieurs moyens :

1 - tournées du chef de centre, qui ainsi collectera de nouveaux délégués, contrôlera ou aidera l’action des animateurs en place, vérifiera si l’impulsion des sessions est suivie d’effet, colportera éventuellement les résultats obtenus ici ou là;

2 - journées inter-villageoises réunissant la population de plusieurs villages en véritables petits congrès coopératifs locaux. C’est un signe que des initia­ tives de ce genre ont pu être prises déjà par des spontanéités régionales; 3 - délimitation active de la cellule de développement. Cette question est a l’heure actuelle à l’ordre du jour. Un village ne suffit pas toujours à justifier

i* Cf. Sir Darling. « Problèmes pédagogiques de l’expansion coopérative - L ’expérience de l’Inde ». AJ.S.C., 1960, no. 7, pp. 95-113.

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ANIMATION COOPÉRATIVE 21

l’implantation d’un équipement collectif, aussi les services de l’aménagement du territoire cherchent-ils à les grouper pour former des plates-formes suf­ fisantes.

En fait ce travail technique, basé sur des études géographiques, économiques et ethnologiques, va au devant des convergences réalisées pratiquement par des animateurs de villages, se choisissant mutuellement et compte-tenu de leurs particularismes vécus, pour rassembler dans une action commune les villages qu’ils représentent et qui leur paraissent presenter des affinités ou des intérêts communs et requérir éventuellement une fonction cooperative A la base de toutes ces opérations, se place une conscience quasi effervescente du « nous » (national, régional ou local) avec une volonté collective dagir e le cas échéant, d’innover en responsabilité solidaire. L importance de cette éthique économique collective ne peut être mise entre parenthèse.

B) L ’encadrement coopératif comme facteur d’autogestion.

Les agents de l’encadrement de base seront à suivre, car ils devront né­ cessairement devenir les véritables agents de leur société et constituent les pivots essentiels de l’opération toute entière. L e problème est spé­ cialement aigu, peut-être, en Afrique de langue française où la fonction­ narisation de l’agent descend plus bas dans la hieiarchie. ^

Par ses fonctions mêmes, cet agent a une position intermédiaire car, encore fonctionnaire, il représente, certes, l’E tat auprès des paysans, mais il représente aussi et déjà les paysans auprès de l’Etat. Or, au terme de l’évolution, il ne devra plus être le préposé fonctionnarisé de plusieuis sociétés, mais le secrétaire général intercoopératif, choisi, payé, reconnu par les sociétés coopératives. Il sera le catalyseur, pourra suppléer aux administrateurs incompétents, en attendant que dans un développe­ ment ultérieur, les administrateurs eux-mêmes puissent au fur et à me­ sure des transformations de leurs sociétés en devenir de plus en plus les véritables auto-gestionnaires. Donc, dans un plan d’animation des coope­ ratives, les motivations, la sélection, la formation, la reprise, la promotion de ce personnage constituent des éléments fondamentaux, car il faut qu i devienne de plus en plus près des paysans et que la représentation qu il

exerce à leur niveau remonte la filiere. /

Dans ces perspectives à long terme d’un encadrement cooperatif auto­ gestionnaire, se pose avec acuité un problème de promotion culturelle à double dimension. Au point de vue de la planification éducative et de la promotion sociale, un clivage est à redouter parmi les futurs cadres. Il y a d’une part celui qui sera recruté systématiquement parmi ceux qui auront acquis des diplômes et des titres à l’étranger au terme d’une sco­ larisation prolongée dont il aura pu être le bénéficiaire; il y a d autie part,

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