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Structuré, organisé et surtout obligatoire : c’est ainsi qu’est présen-té l’apprentissage dans les mariegole. Ces dernières insistent

particu-6. Stephan R. Epstein, « Craft Guilds Apprenticeship, and Technological Change in Pre-Industrial Europe», Journal of Economic History, 1998, 58, 3, p. 684-713.

7. Clare Haru Crowston, « L’apprentissage hors des corporations. Les formations professionnelles alternatives à Paris sous l’Ancien Régime  », Annales, Histoire, Sciences Sociales, 2005, 60, 2, p. 409-441.

8. Archivio di Stato Venezia (dorénavant ASVe), Consiglio dei Dieci, Deliberazioni, Misti, reg. 43, f.o 79r.

lièrement sur le temps du garzonato, qui varie d’un art à un autre. Si pour les artisans verriers le statut ne précise pas la durée d’appren-tissage, elle est d’au moins quatre ans pour les tisserands de soie et d’or,9 de cinq ans pour les miroitiers10 et de trois ans pour la guilde des fabricants de saucisses.11 Nous pouvons déjà relever que pour les arts du luxe, le temps d’apprentissage est plus long, ce qui s’explique notamment par la complexité des tâches que ces métiers exigent.

Le statut des orfèvres-joailliers, quant à lui, se distingue des autres statuts. Ainsi, en 1498, même si le temps d’apprentissage est d’abord défini par un contrat stipulé entre le maître et l’apprenti, les garzoni doivent tout de même attendre sept ans avant de se présenter à la maîtrise.12 On peut d’ores et déjà avancer l’hypothèse selon laquelle, au XVe siècle, les contrats d’apprentissage ont une valeur aux yeux des autorités, mais celles-ci ne leur accordent pas la préséance sur les mariegole, étant donné le délai de sept ans – incluant le temps d’ap-prentissage – imposé aux artisans avant de pouvoir « tenir boutique ».

Les statuts fixent donc la durée des formations. Par conséquent, aux XIVe et XVe siècles, les contrats d’apprentissage – principalement en-registrés auprès de la Giustizia Vecchia – pour un même métier ne devraient pas voir leur durée varier ou du moins ne devraient pas afficher une période inférieure à celle établie par le règlement.

L’âge des novices varie en fonction des métiers, et ce pour dif-férentes raisons. Les futurs verriers, par exemple, qui ne sont pas nommés par le terme commun d’apprentis, mais désignés par le terme de disciples, sont admissibles dans l’art dès quatorze ans.13 Dans la guilde des luganegheri, cependant, la limite a été fixée à quinze ans en réaction au fait que les maîtres sont accusés de vouloir faire entrer leurs fils dans le métier dès leur plus jeune âge.14 Dans le

9. Biblioteca del Civico Museo Correr di Venezia (dorénavant BMCVe), ms. Classe IV 49, Testori de panni de seda e d’oro, f.o 2.

10. BMCVe, ms. Classe IV 70, Specchieri, f.os 7-8.

11. BMCVe, ms. Classe IV 2, Luganegheri, f.o 36v.

12. BMCVe, ms. Classe IV 205, Oresi e zogielieri, f.os 11v-12r.

13. BMCVe, ms. Classe IV 13, Fioleri o verieri de Muran, f.o 13v.

14. BMCVe, ms. Classe IV 2, Luganegheri, f.o 27v.

corps de métier des miroitiers, enfin, les fils de maîtres peuvent exer-cer le métier jusqu’à vingt ans s’ils sont chez leur père, mais ne sont alors considérés ni comme apprentis, ni comme lavoranti – c’est-à-dire compagnons. Ce n’est qu’à partir de leur vingtième année qu’ils doivent s’inscrire en tant que lavoranti et sont dès lors comptabilisés dans le quota dont leur père, maître, doit disposer, fixé par le statut : quatre compagnons et deux apprentis.15

Les règlements taisent les engagements des garzoni envers leurs maîtres et ne nous informent que très peu sur l’activité des jeunes gens. On sait seulement qu’ils se forment auprès d’un maître chez qui ils habitent.16 Les fils de patron de fours peuvent travailler la nuit « pour apprendre le métier », nous dit le statut.

La formation terminée, les jeunes gens doivent compléter leur formation en tant que compagnons, avant de pouvoir se présen-ter à la maîtrise. Les aspirants maîtres orfèvres-joailliers, une fois le contrat rempli, deviennent lavoranti. Il leur est dès lors consenti de pratiquer leur profession dans n’importe quelle boutique avec un temps de travail réduit : « a parte, zoè a terzo, over a mità », jusqu’à cumuler sept années d’exercice à Venise et ce sans interruption.17 Cette mariegola marque une réelle insistance à propos de l’immobi-lité de ses artisans, y compris des garzoni.

Si le passage de la condition d’apprenti à celle de compagnon est relativement aisé dans le statut des orfèvres-joailliers, il est particu-lièrement singulier dans celui des miroitiers. En effet, pour devenir lavorante, les jeunes gens doivent soutenir une première épreuve18 et, en cas d’échec, les candidats doivent renouveler leur apprentis-sage le temps d’une année, après quoi ils peuvent se présenter à nou-veau à l’épreuve. On rompt ainsi avec la vision schématique d’une épreuve qui n’aurait lieu seulement à la fin de toute la période de formation et qui marquerait uniquement le passage entre la

condi-15. BMCVe, ms. Classe IV 70, Specchieri, f.os 24-25.

16. Ivi, f.os 7-8.

17. BMCVe, ms. Classe IV 205, Oresi e zogielieri, f.os 11v-12r.

18. BMCVe, ms. Classe IV 70, Specchieri, f.o 9.

tion d’employé à la fonction de maître d’ouvrages. L’apprentissage, ici, correspond à une durée et, partant, il peut être une expérience renouvelable et ponctuée par plusieurs épreuves.

Si de nombreuses mariegole omettent de décrire les modalités de l’épreuve à laquelle les postulants à la maîtrise doivent se sou-mettre,19 le statut des miroitiers, en revanche, évoque la casa des experts, espace dans lequel se déroule l’examen. Il nous renseigne non seulement sur les personnes en mesure d’évaluer le candidat, les soprastanti, mais aussi sur la taille des verres que ceux-ci devront façonner : « un vero grezo da X over da XVII ». Enfin, le statut nous livre également les termes techniques renvoyant à un savoir-faire très précis : « sguarado, spianado, lustrado».20

La guilde des miroitiers, d’abord rattachée à celle des merciers – leur séparation ne sera totale qu’en 1569 –, dispose tout de même de normes autonomes bien avant cette date.21 Déjà en 1564, le conte-nu de l’épreuve décidait des futures matières premières que le maître serait habilité à faire travailler et à vendre en boutique : le candidat souhaitant vendre des miroirs de cristal22 doit fabriquer un miroir

19. Pour les conditions de l’épreuve dans la guilde des fabricants de saucisses, voir ASVe, Giustizia Vecchia, b. 5, reg. 12, f.o 41r.

20. BMCVe, ms. Classe IV 70. Specchieri, f.os 10-11. « Capitolo XVI Qual sia la prova del’arte e in che modi si debba dar//11//il modo veramente de far la prova per capi maistri se intendi in questa forma, che li soprastanti in casa de uno de loro siano quelli che li diano un vero grezo da X over da XVII ; il qual vero per colui che vorà far la prova debba esser sguarado, spianado, lustrado e messali la fogia e, conosciuto che sia per li soprastanti, overo doi de loro per sua consientia ditta prova star bene e non patir opposition alcuna, sia admesso per capo maistro e non altramente. Dechirando che ditti soprastanti siano obligati dar uno ferro giusto a tutti coloro venirano a far ditta prova ».

21. A ce propos on peut consulter : Trivellato, Fondamenta dei vetrai, cit., p. 137 et 141. En 1526, un chapitre évoque l’éventuelle séparation de la guilde des miroi-tiers de celle des merciers : ASVe, Arti, b. 312, Mariegola dei Marzeri, f.os 97r-97v.

22. A propos de la définition de cristal, voir : Trivellato, Fondamenta dei vetrai, cit., p. 300. Et sur la problématique de ce terme, voir : Corine Maitte, « L’arte del vetro  : innovazione e trasmissione delle tecniche », in Philippe Braustein, Luca Molà (dir.), Il Rinascimento italiano e l’Europa. Volume terzo. Produzione e tecniche,

de cristal lors de l’examen tandis que celui souhaitant vendre des miroirs d’acier devait s’atteler à la fabrication d’un miroir d’acier.23

De la même manière que pour les miroitiers, l’exercice pratique imposé aux aspirants tisserands de soie et d’or détermine leur future activité. Les tisserands se composent en deux catégories qui depuis 1488 ne forment qu’une même guilde,24 l’une qui travaille les tissus pelucheux c’est-à-dire les veloutiers et les tisserands de tissu ras, qui sont quant à eux spécialisés dans la confection de samits et de da-mas.25 Les futurs soyeux peuvent choisir de se spécialiser ou bien de se dédier aux deux activités pour cela il est nécessaire de valider une épreuve pratique qui consiste à savoir se servir d’un métier à tisser.26 Ce sont les provéditeurs et les juges qui observent et valident ou non l’épreuve. En 1509, il est affirmé que la création des maîtres soyeux est « ce qui maintien la réputation de l’art de la soie ».27 A cette date l’épreuve pratique est complétée par une évaluation théorique. Il s’agit là d’un véritable examen qui se présente sous forme de ques-tions orales émises par les examinateurs. Cependant, on distingue deux types de candidats : ceux n’ayant pas été formés à l’écriture et ceux qui sont en mesure d’écrire. Les premiers doivent répondre oralement à des questions posées par les experts, leurs réponses sont alors mises sur papier par un scribe. Tandis que les seconds, eux, doivent répondre directement sur papier. Leurs réponses sont gar-dées secrètes et sont conservées pendant huit jours par le scribe,28 délai au cours duquel les candidats peuvent faire opposition à la dé-libération des interrogateurs. Dans ce cas, la mise par écrit constitue une preuve essentielle dans ce monde corporatif au sein duquel les examinateurs ne sont pas toujours impartiaux et semblent, parfois,

Trévise, Angelo Colla, 2007, p. 235-259 ; en particulier voir p. 238.

23. BMCVe, ms. Classe IV 70, Specchieri, f.os 18-20.

24. Simone Rauch, Le mariegole delle arti dei tessitori di seta: i Veluderi (1347-1474) e i Samitari (1370- 1475), Venise, Fonti per la Storia di Venezia, 2009.

25. BMCVe, ms. Classe IV 48, Testori de panni de seda e d’oro, ms. IV 48, f.os 6r-6v.

26. Ivi, f.os 15v-16r.

27. Ivi, f.o 59v.

28. Ivi, f.os 60r-61r.

vouloir empêcher le renouvellement des maîtres.29 Pour les velou-tiers, le déroulement de cette épreuve théorique reste ambiguë mais semble toutefois plus rigide.30

Comme c’est le cas dans nombreux corps de métiers, dans la guilde des miroitiers l’évaluation a un coût. Il est demandé aux aspirants maîtres de débourser un ducat, somme qui n’est jamais restituée, même lors d’un échec.31 Dans ce cas précis, le candidat réintègre sa place de compagnon pour une année supplémentaire au terme de laquelle il pourra se présenter une nouvelle fois à l’épreuve. Le but de l’apprentissage étant de former de futurs maîtres qualifiés qui excelleront par la qualité de leur production, l’information relative à la possibilité d’échec nous renseigne sur la difficulté de l’examen tout en mettant en évidence un niveau d’exigence élevé.

Cela soulève une question qui reste ouverte : combien d’enfants entrent en période de formation, passent l’épreuve, accèdent à la maî-trise ? La transmission du métier est-elle toujours à concevoir comme ce que nous considérons aujourd’hui comme la réussite profession-nelle, autrement dit la validation de la maîtrise finalisant le parcours de formation et se concrétisant par l’obtention du titre de maestro ? La carrière professionnelle n’est pas décidée à l’avance. Il est tout à fait possible que certains individus restent compagnons dépendants toute une vie, à cause d’échecs répétés ou peut-être même par choix.

L’expérience, l’enregistrement, la non-mobilité et parfois le paie-ment de frais d’épreuve sont les conditions sine qua non pour pré-tendre à la maîtrise. L’apprentissage est le parcours légal et obliga-toire que l’aspirant doit affronter et apparaît comme un rituel de passage vers l’âge adulte, marqué, parfois, par plusieurs examens et

29. En effet, des plaintes contre les décisions arbitraires des observateurs qui éli-minent injustement les postulants à la maîtrise parviennent aux Consoli des Mer-canti pour les soyeux, tandis que le statut des miroitiers précise que les examina-teurs ont pour obligation de fournir un verre de qualité aux candidats. Eléments qui prouvent l’injustice dont peuvent être victimes les candidats. C’est d’ailleurs pour éviter cela, dans la guilde des tisserands, que les écrits doivent être conservés pendant deux semaines et non moins.

30. BMCVe, ms. Classe IV 48, Testori de panni de seda e d’oro, f.os 60r-61r.

31. BMCVe, ms. Classe IV 70, Specchieri, f.os 9-10.

entériné par une épreuve finale. Lorsque cela est précisé, les jeunes sont contraints d’effectuer le temps d’apprentissage fixé par les sta-tuts. Au sein de la guilde, cependant, ils n’ont aucun moyen d’inte-ragir avec la hiérarchie du corps de métier : les travailleurs en deve-nir ne sont pas acceptés lors des réunions, ni même autorisés à voter lors des différentes élections. L’apprenti est « celui qui n’a pas droit à la parole ».32 Être apprenti est donc moins un titre professionnel qu’une condition : les apprentis doivent satisfaire à leurs obligations dont il nous est impossible, ici, de dresser une liste étant donné que les statuts ne sont pas exhaustifs à ce propos. Valider l’épreuve équi-vaut à témoigner d’avoir appris l’art et d’avoir développé les tech-niques requises, mais c’est aussi certifier avoir incorporé une identi-té de métier tout en s’appropriant les valeurs propres à la profession et à la ville. Si la fin de l’apprentissage est synonyme d’inscription à la guilde et à la confrérie, elle est aussi synonyme de participation à la vie « politique » du corps de métiers. L’apprentissage réglé – surtout réservé aux garçons – semble par conséquent, en théorie, l’unique voie garante d’un réel avenir professionnel.