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de Venise au XVIIe siècle

1. L’apprentissage des orfèvres d’après les Accordi dei garzoni Abondance et diversité des profils dans les archives de la

1.2. L’insertion professionnelle des apprentis

Parmi ces 983 apprentis orfèvres, seuls 107 sont par la suite men-tionnés en tant qu’orfèvres, soit moins de 11%. Certes, il faut gar-der à l’esprit les jeunes qui meurent pendant leur formation, les quelques étrangers qui repartent pour leur patrie, et ceux qui ne peuvent être individualisés faute d’une identité suffisamment com-plète au moment de l’inscription. Malgré tout, le fossé entre ap-prenti et orfèvre n’en demeure pas moins considérable.

Bien sûr, toutes les archives paroissiales du siècle n’ont pas été intégralement dépouillées, et il en est a fortiori de même pour les archives notariées. La tâche dépassait les délais d’une thèse de doc-torat. La poursuite du dépouillement permettrait inévitablement de retrouver dans la profession d’autres anciens apprentis, mais pas d’inverser de façon significative le résultat.

Il faut garder à l’esprit que tous les individus ne sont pas mentionnés de la même manière dans les sources. Les chefs de famille, les patrons de boutique, les artisans bien établis, aisés et stables, mentionnés dans les recensements fiscaux et ceux à vocation sanitaire,13 éligibles aux charges de la corporation, susceptibles de s’engager à tout moment dans un procès, ou d’organiser leur succession en rédigeant un tes-tament sont beaucoup plus documentés dans les sources. De l’autre côté, se trouvent les indépendants, les employés, ceux qui vivent de sous-traitance, ceux qui changent de profession après quelques années, ceux qui exercent en marge de la corporation… Tous ces hommes ne peuvent être connus que dans les archives paroissiales, sous réserve que le clerc prenne la peine d’indiquer leur profession, ce qui n’est pas toujours le cas, ou, précisément, dans les contrats d’ap-prentissage, une source d’archives soumise à de nombreuses lacunes.

Bien des hommes ont ainsi exercé l’orfèvrerie, pour une période plus ou moins longue, mais nous échappent, faute de retrouver une men-tion claire. Parmi eux, se trouvent inévitablement d’anciens apprentis.

13. Nous entendons par là le recensement mené par les Dieci Savi sopra le Decime, en 1661, et les différents recensements menés par les Provveditori sopra la Sanità en 1607, 1624, 1632, 1642 et 1670.

Le taux d’insertion professionnelle est donc vraisemblablement bien plus important que 11% mais nous ne possédons pas les docu-ments pour le dénombrer précisément.

Il n’en reste pas moins qu’il existe des écueils. L’entrée en forma-tion est un moment délicat, qui peut ouvrir les portes à une carrière professionnelle, mais cela n’est nullement automatique. Certaines formations sont, dès le départ, inutiles.

En étudiant attentivement les contrats de formation, il apparaît que certains apprentis semblent exclus d’office. Deux causes princi-pales se dessinent : des formations vides de sens, et des formations dépourvues de cadres juridiques.

Tous les contrats de la Giustizia Vecchia, et ce quelle que soit la profession, rappellent que les maîtres ont l’obligation d’enseigner à leur apprenti leur art et leur savoir-faire. Cette donnée, si souvent specifiée, ne devait pas être respectée. Pendant la période de forma-tion, aucun contrôle n’est effectué. L’apprenti qui ne reçoit aucun enseignement de son maître peut éventuellement s’en plaindre à la Giustizia Vecchia, mais il en retirera difficilement un bénéfice per-sonnel. Chaque patron est donc libre de transmettre ou non son savoir à ses apprentis. La corporation mentionne le cas d’apprentis qui se révèlent, à la fin de leur formation, ignorants au point de ne pas pouvoir se présenter à la preuve de l’art : le cas est donc suffisam-ment courant pour faire l’objet d’une délibération.14

Certains orfèvres prennent des apprentis en grand nombre. Do-menico Vale, à l’enseigne de la Pastèque, en embauche 6 selon les sources à notre disposition, dont 2 le même jour.15 Antonio Ber-nardi, à l’enseigne de la Toscane, en recrute pas moins de 9.16 Ces résultats sont encore plus élevés pour certains groupes familiaux

tra-14. BMCVe, Mariegola 139, f.o 54.

15. ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b. 118, reg. 163, date du 24 mai 1622 / b. 118, reg. 164, date du 12 juin 1625 / b. 119, reg. 166, date du 11 janvier 1644 (deux apprentis) / b. 120, reg. 168, f.o 198v et b. 122, reg. 171, f.o 88.

16. Ivi, b. 120, reg. 168, f.o 152v / b. 121, reg. 169, f.o 82 et f.o 139v / b. 121, reg.

170, f.o 165v et 190 / b. 122, reg. 171, f.o 138 (deux apprentis le même jour) / b.

122, reg. 172, f.o 295 / b. 123, reg. 174, f.o 224v.

vaillant dans la même boutique : la famille Rizzi, qui tient la bou-tique à l’enseigne de l’Oranger, en forme 14, et la famille Donato 15.17 Les Rizzi et les Donato ne peuvent prendre le risque de former des concurrents en trop grand nombre, car cela pourrait compro-mettre l’activité familiale. Dans une boutique d’orfèvrerie, se font sentir des besoins distincts du travail du métal : le ménage, bien sûr, mais aussi le rabattage de clients, fort important pour l’orfèvrerie où nombre des boutiques sont regroupées au même endroit. Enfin, se pose la question de la vente. Parallèlement aux calices, aux plats de grande valeur, dont la vente incombe assurément à un personnel hautement qualifié, les orfèvres vendent aussi en grande quantité des objets de faible montant : aiguilles, anneaux, boucles d’oreille, cure-dents… et autres objets de la vie quotidienne. La vente de ces objets requiert du personnel presque à temps plein pour des bénéfices très modestes. Nombre d’apprentis étaient probablement engagés pour effectuer uniquement ces tâches. La faiblesse de la rémunération des contrats d’apprentissage rend cette forme de collaboration extrê-mement profitable. Les patrons disposent ainsi à faible coût d’une main-d’œuvre jeune, sans doute docile.

Les fugues, régulièrement mentionnées dans les registres de la Giustizia Vecchia, s’expliquent peut-être ainsi. Parfois, un apprenti s’enfuit pour se réinscrire chez un autre patron, distant de quelques rues seulement. Zuanne Lanza quondam Ercole fugue ainsi de chez son premier patron, Francesco Sabadin, après un an de formation, et se rengage auprès d’Andrea Tiozzi. Le premier contrat était de type gratuit, tandis que dans le second, son nouveau maître s’engage à lui verser 30 ducats à l’issue de ses 4 ans et demi de formation.18

17. Ivi, respectivement, pour les Rizzi, b. 119, reg. 166, date du 23 octobre 1642 / b. 120, reg. 167, f.os 57v, 152 et 167v / b. 121, reg. 169, f.o 168 / b. 121, reg. 170, f.os 108 et 200v / b. 122, reg. 171, f.os 85, 94 / b. 122, reg. 172, f.os 78 et 146 / b.

123, reg. 173, f.o 232 et b. 123, reg. 174, f.o 132v et pour les Donato, b. 119, reg.

166, date du 13 août 1643 / b. 121, reg. 169, f.o 146 / b. 122, reg. 171, f.os 33, 58v et 133, b. 122, reg. 172, f.os 40, 243 et 259v / b. 123, reg. 174, f.os 66v, 84, 131v et 282v / b. 124, reg. 175, f.os 20, 35 et 160.

18. Ivi, b. 123, reg. 173, f.os 12v et 276v.

La promesse du salaire final constituait sans doute déjà un argu-ment, mais peut-être aussi la formation dispensée par Andrea Tiozzi se révélait-elle plus intéressante que celle de Francesco Sabadin.

Assurément, et malgré l’engagement contenu dans le contrat d’apprentissage, les patrons ne transmettent pas à tous leurs appren-tis l’ensemble de leurs savoir-faire. De cette manière, ils ne risquent pas de former de concurrents. Ils disposent d’une main d’œuvre à faible coût sans aucun risque.

Certains maîtres se protègent aussi en omettant de déclarer leurs apprentis. L’inscription auprès de la Giustizia Vecchia est pour-tant obligatoire. Dès 1498, la corporation des orfèvres prévoit une amende de 50 lires pour le maître employant un apprenti non ins-crit, amende partagée en trois entre le dénonciateur, la corporation et la Giustizia Vecchia.19 Cette décision ne met pas terme à la pra-tique. Au cours du siècle, la Giustizia Vecchia organise des cam-pagnes de vérification et trouve à chaque fois des apprentis non dé-clarés. Dans ce cas, les contrats sont « bonificati » : les membres de la Giustizia Vecchia infligent une amende au maître fautif et procèdent à l’inscription rétroactive de l’apprenti, reconnaissant le temps de service effectué.

Avant 1686, le nombre d’apprentis présents simultanément dans une boutique n’est pas limité, et ceux-ci sont souvent nombreux.

Les patrons n’agissent pas ainsi pour faire travailler plus d’apprentis qu’ils n’en auraient le droit. La raison est donc ailleurs.

Les patrons des apprentis en position irrégulière constituent sou-vent des figures centrales de la profession. Parmi eux, Marc’Aure-lio Nave, prieur de la corporation en 1641, de nouveau élu à la Banque20 en 1656, est contrôlé en 1664. L’enquête prouve la pré-sence à son atelier d’un apprenti non déclaré depuis deux ans.21 Famille d’orfèvres bien connue du Rialto, dont les sept membres

19. BMCVe, Mariegola 139, f.o 11.

20. La Banque est le comité directeur de la corporation, composé du prieur, du scrivan et des compagni.

21. ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b. 123, reg. 173, f.o 30.

tiennent les enseignes du Soleil et de l’Etoile, les Busello sont verba-lisés à trois reprises : Lorenzo en 1650 et 1653 et Piero en 1664.22 Parallèlement, ces mêmes orfèvres ont parfois des apprentis léga-lement déclarés. Zuanne Simonetti, par exemple, a engagé tout à fait régulièrement trois apprentis en 1658, 1662 et 1663. Une en-quête le 15 mai 1662 démontre qu’il employait aussi un autre jeune homme illégalement depuis huit mois.23

Ces apprentis illégaux sont originaires de Venise et chrétiens. Leur âge moyen de 14 ans et demi montre qu’ils ont commencé leur for-mation vers 12 ou 13 ans, ce qui correspond tout à fait à la moyenne générale. Leur salaire annuel varie entre 3 et 6 ducats, pour une moyenne à 4,5. Ils sont donc en tout point semblables aux apprentis régulièrement inscrits à la Giustizia Vecchia. Ils auraient donc pu être déclarés comme apprentis et pourtant, cela n’a pas été le cas.

Sans le contrôle de la magistrature économique, ils n’auraient ja-mais possédé la moindre preuve pour attester de leur formation, ce qui leur aurait de fait fermé tout espoir de pouvoir un jour s’inscrire à la corporation. En prenant des apprentis non déclarés, les maîtres s’assurent qu’ils ne deviendront jamais des concurrents.24 Cette cer-titude vaut peut-être une amende.

Au cours du siècle, nous avons repéré vingt-trois apprentis bo-nificati. Pour ces 23 contrôlés et officialisés, combien d’apprentis sont restés dans l’illégalité ? Tous les jeunes garçons contrôlés l’ont été dans les boutiques du Rialto ou des abords immédiats. Assuré-ment, il était plus facile de contrôler ces espaces que les boutiques des paroisses périphériques ou que les chambres. La pratique devait pourtant exister là aussi.

22. Ivi, b. 121, folio détaché hors de tout registre, date du 17 août 1650 / b. 121, reg. 169, f.o 75 et b. 124, reg. 173, f.o 64.

23. Ivi, respectivement b. 122, reg. 172, f.o 49 (pour Piero Pelli quondam Michiel, le garzon bonificato) et b. 122, reg. 171, f.o 12 / b. 122, reg. 172, f.o 202v / b. 123, reg. 173, f.o 298v et b. 123, reg. 174, f.o 159v pour les autres.

24. Sur les 23 apprentis « bonificati », seuls 2 sont ensuite mentionnés en tant qu’orfèvre soit 8,7%.

Parmi les apprentis qui fuguent, comme parmi les apprentis bo-nificati, nous ne rencontrons jamais de fils d’orfèvre. Bien sûr, les pères de ces jeunes garçons connaissent ces écueils et s’assurent que leur fils conclue un apprentissage en bonne et due forme. Pour les garçons sans attache familiale dans la profession, en revanche, le risque est bien réel.

Trouver un maître pour se faire accepter en apprentissage ne suffit donc pas pour devenir orfèvre. Le jeune apprenti doit également s’assurer de posséder un contrat en bonne et due forme, ce qui n’est pas toujours acquis d’avance. Il doit également obtenir de son maître qu’il lui enseigne suffisamment de son savoir-faire pour pou-voir par la suite faire son chemin dans la profession.

Parmi les apprentis qui parviennent finalement à s’insérer dans la profession, tous ne connaissent pas la même carrière. Certains deviennent patrons, d’autres sont employés d’une enseigne, d’autres encore pratiquent en tant qu’indépendants. Quelques uns évoluent au cours de leur carrière et passent successivement par ces différentes étapes, d’autres conservent le même statut pendant toute leur carrière.

En effet, tous les apprentissages, loin de là, ne se ressemblent pas.

Dans la lointaine paroisse de San Marcuola, les frères Moro for-ment au moins 7 apprentis, parmi les sources à notre disposition, et 3 d’entre eux seront par la suite mentionnés en tant qu’orfèvres.25 Piero Bugiato qui tient l’enseigne du Levantin à San Marcilian, prend 3 apprentis dont 2 se retrouveront orfèvre,26 et il en va de

25. Il s’agit de Guglielmo q. Guglielmo Pre, formé en 1664 (ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b. 119, reg 166, date du 12 octobre 1643), de Marc’Antonio Tiozzi q. Andrea, formé en 1645 (ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b.

120, reg. 167, f.o 122) et enfin de Domenego Traini q. Zuan Battista, engagé en 1664 (Ivi, b. 123, reg. 173, f.o 113). Guglielmo Pre est mentionné en 1649 dans un acte de baptême (Archivio storico del patriarcato veneziano (dorénavant ASPVe), San Trovaso, Battesimi 4, lettre C, date du 6 juillet 1649). Marc’Antonio Tiozzo est mentionné dans les enquêtes de 1672 et de 1693 (ASVe, Milizia da Mar, b. 548, registre 1672, lettre M et registre 1693). Enfin, Domenico Traini est connu pour avoir épousé la femme de son ancien patron (ASVe, Notarile Atti, b. 11192, f.o 7v).

26. Piero Bugiato forme successivement Carlo Battagia quondam Bernardin,

Ales-même pour les 3 apprentis d’Alessandro Garzi aux Deux Vieillards à San Nicolo dei Mendicoli.27 Les boutiques du Rialto n’affichent pas les mêmes résultats. Antonio Bernardi dirige à San Zuan di Rialto la boutique de l’Aurore, numériquement la plus importante de la ville, mais des 9 apprentis qu’il déclare, aucun n’est mentionné en-suite dans la profession. Les 6 apprentis déclarés dans la boutique des Trois Roses, tenue par Benetto Fantini à San Zuan di Rialto, ne se retrouvent pas davantage, ni les 8 apprentis de la boutique de San Rocco, tenue par la famille Doria dans la même paroisse. Les Rizzo embauchent, à travers le siècle, 18 apprentis, mais le seul à être mentionné comme orfèvre est l’élève de Mattio Rizzo, un des premiers à porter ce patronyme au tout début du siècle.

En simplifiant, nous pouvons indiquer que l’apprentissage dans les boutiques périphériques ouvre aux apprentis une carrière offi-cielle, avec des mentions régulières dans les sources. Inversement, dans les boutiques du Rialto, tenues par des familles en place de-puis des décennies, pour ne pas dire un siècle, l’apprentissage dé-bouche beaucoup plus rarement sur une carrière officielle. Cela ne signifie pas que les anciens apprentis ne deviennent pas orfèvres : ils demeurent fort probablement dans la mouvance des maîtres qui les ont formés, mais cantonnés à la sous-traitance, ils sont au-jourd’hui pratiquement invisibles pour l’historien. En revanche,

sandro Dall’Oglio quondam Ercole et Simone Pelosato quondam Lorenzo. Pour les contrats d’apprentissage : ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b. 118, reg.

164, dates du 3 juillet et du 7 août 1625 et du 15 mars 1627. Les deux derniers sont ensuite connus en activité. Voir respectivement : ASVe, Milizia da Mar, b. 548, oresi, Rollo 1672, lettre A et ASPVe, Santa Maria Maddalena, Matrimoni 1, p 149.

27. Alessandro Garzi forme successivement Iseppo Poretto quondam Mattio, Francesco Rimondo quondam Marco et Alvise Palma quondam Piero. Pour les contrats d’apprentissage : ASVe, Giustizia Vecchia, Accordo dei Garzoni, b. 122, reg.

172, f° 27 et 238 et b. 123, reg. 174, f° 54. Le premier et le troisième sont ensuite officiellement cités comme orfèvres. Pour les mentions des hommes établis, voir successivement  : ASVe, Notarile Testamenti, b. 185, n° 1109 (témoin) et ASVe, Militia del Mar, b. 548, oresi, Rollo 1690, « oreffici cappi maestri lavoranti qualli lavorano et serve li botegieri negocianti e vivono solo di manifatture ».

dans les modestes boutiques des paroisses périphériques, le patron, isolé, ne peut fournir du travail à tous ses anciens apprentis ; ceux-ci doivent donc créer leur propre voie, et deviennent alors visibles dans les sources.

Selon les cas, l’apprentissage permet donc d’acquérir des compé-tences et des techniques différentes. Un seul apprentissage ne permet pas toujours de se lancer et de se maintenir dans la vie active. Cer-tains apprentis contractent donc plusieurs contrats dans le temps.

1.3. La prolongation de l’apprentissage par une formation