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Une autre possibilité : la formation en famille 1. Un privilège des maîtres

de Venise au XVIIe siècle

2. Une autre possibilité : la formation en famille 1. Un privilège des maîtres

Les « fils de maître », et plus généralement les membres d’une même famille, peuvent être formés par leurs parents sans aucun contrat ni déclaration. La délibération déjà citée, qui en 1498 fixe les modes de déclaration et la durée minimum de l’apprentissage, précise que les fils des maîtres nés dans les terres vénitiennes ne sont pas soumis à cette règle. Par la suite, cet acquis n’est plus jamais mentionné, preuve qu’il n’est pas remis en cause. Nous possédons dans tout le corpus un seul cas d’un orfèvre signalant à la Giustizia Vecchia qu’il forme un de ses parents. En 1610, Giacomo déclare ainsi enseigner son métier à son jeune frère, Antonio.33 L’apprentissage a en réalité commencé depuis un an et demi au moment de la déclaration. Gia-como ne verse rien à son frère qui continue à résider chez lui.

Les formations des fils d’orfèvres ne sont soumises à aucune obli-gation de déclaration, et pour cette raison, elles demeurent fort peu connues. Aucun membre de la famille Rizzo, par exemple, qui four-nit pas moins de 14 orfèvres, n’est jamais mentionné en appren-tissage, et il en va de même pour toutes les autres grandes familles d’orfèvres, par exemple Copadoro, Cortese, Gasparini, Romieri ou

33. Ivi, b. 117, reg. 161, f.o 175.

Girardi. Les archives paroissiales nous renseignent parfois sur la pré-sence d’enfants de la famille du patron dans sa boutique. Andrea, fils de Carlo Teodori, orfèvre à l’enseigne des Trois Couronnes, s’empoisonne par erreur à l’âge de 11 ans dans la boutique de son père en avalant de l’arsenic, en 1645.34 A cette époque la famille Teodori réside à Santa Marina, tandis que la boutique familiale se trouve à San Zuan di Rialto, de l’autre côté du Grand Canal.35 Le jeune Andrea semblait donc bien en train d’apprendre le métier.

Partager la pratique professionnelle avec un membre de sa famille s’avère confortable. Non seulement les deux hommes peuvent réu-nir leurs techniques mais ils peuvent aussi compter l’un sur l’autre pour assurer la protection des outils et des objets. Ils ont tous les deux intérêt à voir prospérer leurs affaires.

Pourtant, nous voyons quelques fils d’orfèvres entrer en appren-tissage auprès de collègues de leur père. Ce fonctionnement ne pré-sente donc pas que des avantages.

2.2. Les risques et les limites du fonctionnement

Tous les orfèvres ne forment pas leurs fils. En 1622, Francesco Oli-vi, orfèvre à la Vida, amène son fils Zuanne auprès de son collègue, Bortolo Moretti, orfèvre au Tabernacle, pour qu’il lui apprenne le métier. Francesco et Bortolo travaillent tous les deux au Rialto, sans doute dans la même rue. Le contrat d’apprentissage ressemble à tous les autres : Zuanne, âgé de 13 ans, s’engage auprès de son maître pour 5 ans et demi. Passée cette période, nous retrouvons Zuanne Olivi, travaillant avec son père sous l’enseigne familiale de la Vie.36

34. ASPVe, Santa Marina, Morti 6, p. 57, acte 5.

35. Pour la demeure, voir l’acte de décès du jeune Andrea ci-dessus. Le lieu de la boutique est indiqué lorsqu’elle est inventoriée, à la mort de Carlo, en 1652 : ASVe, Giudizi di Petizion, Inventari, B 364, n° 55.

36. ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b.118, reg. 163, date du 19 avril 1622. Pour des mentions de Zuanne Olivi adulte, travaillant dans la boutique de la Vie, voir par exemple ASPVe, San Polo, Matrimoni 5, acte 468 ou San Silvestro, Battesimi 3, date du 25 décembre 1646.

Ce cas n’est pas isolé. En 1644, l’orfèvre Zuanne Amadio place son fils Lorenzo en apprentissage auprès de Domenico Vale, orfèvre à l’enseigne de la Pastèque.37

Deux explications peuvent être proposées. La formation en famille est réservée aux seuls maîtres. Dans ce cas, Francesco Olivi, bien que patron de boutique, ne se serait pas présenté à la preuve de l’art, et ne pourrait donc pas former son fils. La situation pourrait être identique pour Zuanne Amadio, qui travaille en tant qu’indépendant. Notons que, s’il n’a pas le droit de former son fils, cela ne l’empêche nulle-ment de recruter lui-même un apprenti quatre ans plus tard.38

Placer son fils en apprentissage extérieur peut être aussi une ma-nière d’acquérir de nouvelles techniques, de nouveaux savoir-faire, tout en renforçant son réseau.

Enfin, il peut s’agir d’une sécurité. Former son fils en personne présente un risque : en cas de décès du père, le fils ne pourra pas faire valoir son commencement de formation, faute d’en avoir les preuves. Ces raisons ont peut-être guidé le choix de Marco Vio.

Cet orfèvre a créé de toutes pièces, suite à un héritage, l’enseigne du Coussin d’or, où il travaille seul. Quand vient le moment pour son fils Pasqualin d’entrer en apprentissage, en 1644, Marco le place auprès de Domenico Vale, orfèvre, à l’enseigne de la Pastèque, dans la Ruga del Specier, à proximité immédiate du Rialto. Trois ans plus tard, Marco Vio meurt, à 54 ans. Son enseigne du Coussin d’Or dis-paraît avec lui. De cette manière, le jeune Pasqualin peut au moins terminer sa formation auprès de son maître. Sinon, la mort de son père l’aurait laissé dans une position délicate.39

Bien que très discret dans les sources, l’apprentissage en famille ne doit pas être négligé, car de nombreux orfèvres sont formés ainsi, et sans doute une grande partie des patrons de boutique du Rialto.

37. ASVe, Giustizia Vecchia, Accordi dei Garzoni, b. 119, reg. 166, date du 11 jan-vier 1643 m. v. (1644 nv. st.).

38. Ivi, b. 120, reg. 168, f.o 231.

39. Aucune mention de Pasqualin Vio adulte et orfèvre n’a pu être retrouvée. Visi-blement, dans ce cas, la précaution n’a pas suffi.

Assurément, il s’agit, pour les maîtres, d’un véritable privilège. En raison d’une forte natalité, ceux-ci peuvent compter sur plusieurs paires de mains, jeunes et dociles, pour aider à la conduite des af-faires familiales. Comme pour l’apprentissage extérieur, là encore, toutes les compétences ne sont sans doute pas transmises à tous de la même manière. La place dans la fratrie, les aptitudes, mais aussi peut-être les sentiments du père entrent en jeu à ce moment. Faute d’éléments, nous restons dans le domaine de l’hypothèse.

En comptant les orfèvres formés en famille et tous ceux recrutés via la Giustiza Vecchia, chaque année, de nouveaux orfèvres apprennent le métier. Ce flux continu a des conséquences sur l’activité économique.

3. Les répercussions du renouvellement des effectifs sur l’activité