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DOULEURS ABDOMINALES CHRONIQUES

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ABDOMINALES CHRONIQUES

Les douleurs abdominales chroniques posent au clinicien un pro- blème diagnostique plus complexe que celui de l'étiologie des douleurs aiguës. Si, dans le cadre des douleurs aiguës, un dia- gnostic précis est posé chez environ 75 % des patients dès l'épi- sode initial, il n'en va pas de même des douleurs abdominales chroniques dont les causes, nombreuses, peuvent être intriquées.

L'interrogatoire du patient est souvent peu utile pour orienter la

démarche diagnostique, et de nombreuses causes ne peuvent être

formellement objectivées par les explorations complémentaires

puisqu'elles se rattachent à des syndromes douloureux chroniques

qui sont en fait des diagnostics d'exclusion. Il n’est pas prévu dans

le cadre de cet ouvrage de discuter tous les syndromes fonction-

nels digestifs caractérisés par des douleurs chroniques. Nous déve-

lopperons plus particulièrement les aspects de la sensibilité

viscérale en rapport avec l'un d'entre eux, le plus fréquent, le

syndrome de l'intestin irritable.

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Quelle est l'importance des troubles fonctionnels intestinaux dans l'étiologie

des douleurs abdominales chroniques ?

Le diagnostic différentiel des douleurs abdominales chroniques doit envisager les causes digestives les plus fréquentes, sans oublier les affections urologiques (rares) et, chez la femme, les très fréquentes causes gynécologiques. Certains patients rappor- tent par ailleurs des douleurs sans association avec des signes fonctionnels digestifs, cataloguées comme « syndrome des dou- leurs abdominales fonctionnelles ». Celles-ci se définissent comme des douleurs abdominales chroniques, présentes de manière conti- nue ou non, depuis au moins six mois, sans autre signe digestif et associées à une réduction des activités quotidiennes.

Dans la sphère digestive, le syndrome douloureux le plus

fréquent est le syndrome de l'intestin irritable. Il se définit comme

l'association de douleurs abdominales chroniques et d'anomalies

du rythme et/ou de la consistance des selles. Depuis sa descrip-

tion initiale le syndrome de l'intestin irritable a fait l'objet de

nombreuses études et publications. En 1989 et 1999, les cri-

tères de Rome ont été définis par un groupe d'experts interna-

tionaux pour en faciliter le diagnostic (tableau IV). En pratique

clinique, le syndrome de l'intestin irritable est souvent

diagnostiqué comme l'association de douleurs abdominales

chroniques et de troubles du transit, c'est-à-dire de constipation,

diarrhées ou de l'alternance des deux. Cette attitude néglige de

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fait un élément important du diagnostic, qui est l'association du début des crises douloureuses abdominales avec une modifi- cation de la fréquence et/ou de la consistance des selles. Ce critère de diagnostic est considéré comme restrictif par certains médecins et explique les différences qui sont observées dans la prévalence du syndrome, lorsque les critères de Rome II sont appliqués. Il faut par ailleurs noter que ces critères insistent sur le caractère chronique des douleurs qui est défini par leur pré- sence pendant au moins douze semaines au cours des douze derniers mois. Affirmer ce caractère chronique est difficile en pratique, dans la mesure où il fait appel à la mémoire des patients, sur une période longue (douze mois) et qu'une étude récente a montré que près de 40 % des patients qui répondent par ailleurs aux critères de Rome du syndrome de l'intestin irritable n'atteignent pas ce seuil de fréquence des douleurs abdominales.

Il convient cependant de distinguer les patients souffrant

du syndrome de l'intestin irritable qui présentent une constipation

chronique – chez lesquels les douleurs ne sont que rarement pré-

sentes et toujours associées à une stase stercorale – de ceux ayant

des diarrhées indolores. La physiopathologie de ces syndromes est

sans doute différente, et les douleurs abdominales y sont rares et

secondaires aux troubles du transit. À l'inverse, les douleurs abdo-

minales chroniques, non associées à d'autres signes digestifs, sur-

viennent généralement chez des patients qui présentent une

tendance marquée à se plaindre d'autres douleurs et symptômes

somatiques désagréables. Lorsque les douleurs persistent sur de

longues périodes, interfèrent de manière constante avec la vie

quotidienne et les activités du patient, et induisent des compor-

tements pathologiques à la recherche de bénéfices secondaires,

l'association à un trouble psychiatrique doit être fortement sus-

pectée.

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Chez la femme, le diagnostic différentiel doit être orienté en tenant compte des douleurs d'origine gynécologique. Ce dia- gnostic est souvent difficile, du fait de l'intrication des douleurs d'origines digestive et gynécologique. Les symptômes en rapport avec des troubles fonctionnels digestifs sont en fait augmentés au moment des règles chez de nombreuses patientes et l'interro- gatoire de la malade fait difficilement la différence entre les modi- fications du transit liées au cycle menstruel et aux signes fonctionnels qui en découlent, et les symptômes proprement digestifs.

Le syndrome de l'intestin irritable est le plus fréquent des troubles fonctionnels intestinaux et les conséquences écono- miques majeures que suscitent la demande d'examens à visée diagnostique et les soins ont motivé de nombreuses recherches épidémiologiques. Drossman a démontré que 15 à 20 % d'une population apparemment saine, c'est-à-dire ne consultant pas, présentait des symptômes semblables à ceux habituellement retrouvés chez les patients présentant un syndrome de l'intestin irritable. Dans cette population, seulement 10 % des sujets consul- tent pour ces symptômes, ce qui provoque chaque année 3,5 mil- lions de consultations aux États-Unis et représente 25 % des motifs de consultation chez les gastro-entérologues. D'autres enquêtes ont confirmé l'importance des plaintes digestives fonc- tionnelles dans la population générale. La prévalence du syndrome de l'intestin irritable a été évaluée à 6,6 % au Danemark, 9 % aux Pays-Bas, entre 13,6 % et 22 % en Grande-Bretagne, entre 9,4 % et 16,9 % aux États-Unis ; elle a atteint 22 % en Chine et 25 % au Japon. Tous ces chiffres sont fondés sur des définitions probablement différentes, ce qui explique au moins partiellement les variations constatées.

Pour interpréter ces différences de prévalence, il faut en

effet tenir compte de l'utilisation de critères plus ou moins res-

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trictifs ainsi qu'en témoigne une récente étude danoise, portant sur 4 581 personnes. Selon les critères sélectionnés (douleur soulagée ou non par la défécation, ballonnements ou borborygmes, consis- tance anormale des selles), la prévalence varie entre 5 et 65 % et l'incidence entre 1 et 36 %. En réalité, quand le syndrome de l'in- testin irritable est caractérisé notamment par des selles anormales, la prévalence est de 13,7 % ; par des douleurs soulagées par la défécation, elle est de 7 % ; et par l'association des deux critères de 11 % pour les hommes et de 20 % pour les femmes. Parmi les sujets ayant des symptômes, 4 à 18 % ont consulté un médecin.

En France, des symptômes fonctionnels digestifs ont été

retrouvés chez 61 % de la population française, entraînant une

consultation dans 12,5 % des cas et un traitement par ordonnance

ou automédication pour 27 % des sujets. Cette étude portant sur

4 817 sujets représentatifs de la population est basée sur la pré-

valence des plaintes fonctionnelles digestives déclarées sur un

auto-questionnaire utilisant des termes aisément compréhensibles

pour le grand public, excluant les définitions académiques du syn-

drome de l'intestin irritable ou des troubles fonctionnels intesti-

naux, mais reprenant leurs signes. Parmi les plaintes le plus

souvent retrouvées, que leur origine soit haute ou basse, appa-

raissent par ordre de fréquence : l'émission de gaz (59 %), les

douleurs abdominales (48 %), les ballonnements (47 %), la sen-

sation de mauvaise digestion (40 %), la constipation (35 %),

l'aérophagie (29 %), la diarrhée (28 %), la mauvaise haleine (22 %)

et la sensation d’évacuation incomplète de selles (19 %). Cette

étude a donc permis de démontrer que, vues sous un angle très

large, les plaintes fonctionnelles digestives avaient une prévalence

deux fois plus fréquente que lorsqu'elles étaient évaluées dans le

cadre du syndrome de l'intestin irritable ou de la dyspepsie puis-

qu'elles se retrouvaient chez vingt-huit millions de Français âgés

de plus de quinze ans.

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Pour bénins qu'ils soient, les troubles fonctionnels intes- tinaux, et en particulier le syndrome de l'intestin irritable, entraî- nent des dépenses cliniques, endoscopiques et thérapeutiques.

Pour mieux approcher le problème des coûts directs (liés à la prise en charge du problème), des coûts indirects (liés aux arrêts de tra- vail) et des coûts intangibles (expliqués par les conséquences de la douleur sur l’activité physique et psychique), une étude fran- çaise a évalué le « coût » du patient atteint d'un syndrome de l'in- testin irritable à 534 euros par an, 25 % des patients ayant dépensé moins de 152 euros et 6,5 % plus de 1 982 euros. Aux États-Unis, les dépenses annuelles, estimées par patient, s'élèvent à 742 dol- lars US, pour les patients ayant un syndrome de l'intestin irri- table typique (n = 536), à 429 dollars US pour les sujets contrôles, c'est-à-dire sans symptômes gastro-intestinaux (n = 775), et à 614 dollars US pour les sujets présentant quelques symptômes digestifs, mais ne rentrant pas dans la définition stricte du syn- drome de l'intestin irritable (n = 1 711). L'impact économique du syndrome de l'intestin irritable est donc important et significatif.

En toute logique, les sujets qui présentent le plus de symptômes coûtent plus que ceux qui n'en ont pas. L'âge intervient égale- ment dans les paramètres économiques, ainsi que le degré d'édu- cation, mais il n'y a aucune différence selon les sexes.

Les douleurs abdominales fonctionnelles isolées sont net- tement moins fréquentes que le syndrome de l'intestin irritable.

Dans des enquêtes réalisées parmi la population générale, les dou-

leurs abdominales isolées sont retrouvées chez 1,7 % des sujets,

principalement des femmes, alors que les mêmes études mon-

trent une prévalence de 9,2 % pour le syndrome de l'intestin irri-

table lui-même. Il est difficile de déterminer si ces enquêtes

réalisées dans la population générale surestiment la prévalence

des troubles fonctionnels digestifs. Néanmoins, ces patientes per-

dent en moyenne 11,2 jours de travail par an (4,2 jours chez les

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sujets sans symptômes digestifs), consultent trois fois plus souvent et subissent en moyenne 2,7 interventions chirurgicales, princi- palement une hystérectomie ou une laparotomie exploratrice.

Comment intégrer les facteurs étiologiques des TFI

pour expliquer les douleurs abdominales ?

L'approche classique de la physiopathologie d'une entité clinique est de déterminer la maladie qui explique les symptômes pré- sentés par le patient et qui peut être diagnostiquée par des tests biologiques objectifs et mesurables ou par des examens morpho- logiques qui permettent au médecin d'affirmer ou d'exclure la présence de cette maladie. L'expérience montre que cette démarche est prise en défaut pour la compréhension des troubles fonctionnels digestifs pour plusieurs raisons :

– une cause unique n'a pu être mise en évidence pour expliquer l'apparition des symptômes chez ces patients ;

– les facteurs déclenchant les symptômes sont multiples et peu- vent s'associer chez un même patient ;

– les symptômes sont inconstants dans le temps et s'associent de manière variable chez un même patient, rendant le tableau clinique incertain ;

– aucun marqueur biologique n'est apparu comme spécifique ni

suffisamment sensible pour discriminer patients et sujets normaux.

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Récemment, Drossman a proposé un modèle biopsycho- social (Figure 9) qui intègre ces spécificités des troubles fonction- nels digestifs et se fonde sur l'interaction entre le SNC et le tractus digestif, conceptualisée dans l'axe cerveau-intestin (voir plus haut).

Comprendre ce modèle est important pour le clinicien, car il per- met de regarder les symptômes du patient comme l'expression de désordres multiples des fonctions digestives (motricité, sensibilité, etc.), sous l'influence de facteurs socioculturels et psychologiques.

Malgré les différences entre syndromes, liées à l'organe à l'origine des symptômes, un certain nombre de points communs consti- tuent la base physiopathologique concernant l'ensemble des troubles fonctionnels intestinaux :

– les troubles de la motricité digestive peuvent expliquer des symptômes tels que vomissements, diarrhées et douleurs abdo- minales aiguës. De plus, chez le sujet normal, le stress ou une émotion forte peuvent stimuler la motricité des différents seg-

Fig. 9 – Physiopathologie du syndrome de l'intestin irritable

Schéma physiopathologique du syndrome de l'intestin irritable, montrant les différents facteurs étiologiques reconnus dans la littérature et leurs rapports avec l'axe cerveau-intestin dont les perturbations rendent compte des symptômes qui caractérisent le syndrome.

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ments du tractus digestif. Chez les patients atteints de troubles fonctionnels digestifs, ces réponses peuvent être exacerbées.

Cependant, ces réponses motrices sont peu spécifiques et rare- ment corrélées avec l'apparition ou la persistance des symptômes ; – l'hypersensibilité viscérale a été reconnue récemment comme une caractéristique fréquente mais non systématique des patients avec troubles fonctionnels digestifs. Ces patients perçoivent de manière plus intense des stimuli douloureux (hyperalgésie) ou ressentent comme douloureux des stimuli physiologiques (allo- dynie). L'origine de cette hypersensibilité n'est pas bien connue ; – l'inflammation de la muqueuse intestinale ou des terminaisons nerveuses du plexus myentérique peut également contribuer à l'apparition de symptômes évoquant des troubles fonctionnels intestinaux et à l'hypersensibilité viscérale, comme nous l'avons vu plus haut.

Ces différents aspects physiopathologiques des troubles

fonctionnels intestinaux sont intégrés dans le modèle bio-

psychosocial présenté dans la figure 9. Certaines sensations

extéroceptives, venant du milieu environnant (vision, goût…) et

intéroceptives, propres à l'individu (émotions, expériences pas-

sées…) influencent les fonctions digestives (sensibilité, motricité,

sécrétions, processus inflammatoire) par leur action sur les centres

nerveux supérieurs. De même, les sensations d'origine viscérale,

notamment les perceptions nociceptives (douleurs, réflexes

viscéraux anormaux…) affectent la perception centrale de la dou-

leur, l'humeur et donc le comportement de l'individu. Expérimen-

talement, des contractions coliques provoquées chez le rat

stimulent des noyaux hypothalamiques étroitement reliés aux

centres cérébraux de l'émotion. À l'inverse, l'anxiété comme

l'hypervigilance sont associées à une inhibition des complexes

moteurs migrants intestinaux.

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Les perturbations de l'axe cerveau–intestin peuvent aussi influencer la réponse de l'organisme à une agression infectieuse du tractus digestif. La comparaison entre des patients qui déve- loppent un syndrome de l'intestin irritable après une gastro-enté- rite et ceux qui ne le font pas, montre que les troubles psychologiques ou sociaux sont plus fréquents chez les premiers.

Cependant, les modifications des fonctions sensori-motrices de l'intestin, conséquence de cet épisode de gastro-entérite, étaient présentes chez les patients des deux groupes, mais l'infiltrat inflammatoire de la paroi intestinale était plus important chez les patients ayant développé des symptômes. Donc, l'existence de facteurs psychosociaux contribue à la pérennité des symptômes chez certains patients, à travers une exacerbation de réponses adaptatives de l'organisme à l'agression initiale. Le même modèle physiopathologique peut s'appliquer pour expliquer le rôle du stress, qui sensibilise le SNC et entraîne une réaction de l'axe hypothalamus-hypophyse-surrénales et la libération de cytokines.

Bien que l'existence de facteurs psychosociaux ne soit pas requise pour définir les troubles fonctionnels digestifs ni en poser le diagnostic, ils influencent largement l'expérience personnelle et le comportement du patient et, donc, son évolution clinique. Le rôle des facteurs psychosociaux revêt trois aspects principaux : – le stress psychologique exacerbe les symptômes d'origine diges- tive. Chez les sujets normaux, le stress émotionnel influence les fonctions digestives et cet effet est amplifié chez les patients atteints de troubles fonctionnels digestifs ;

– les troubles psychologiques modifient l'expérience de la mala-

die et le comportement du malade, notamment sa demande de

soins. Les études épidémiologiques montrent que ces facteurs ont

une influence plus importante chez les patients fonctionnels les

plus sévères, qui consultent dans des centres spécialisés, alors que

les patients qui ne consultent pas ou rarement ne sont pas diffé-

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rents de la population générale. Les antécédents de traumatisme psychoaffectif (abus sexuel ou violence physique notamment) sont associés à une hypersensibilité viscérale et un pronostic péjo- ratif ;

– le retentissement des troubles fonctionnels digestifs sur la qua- lité de vie des patients a été démontré : capacité diminuée d'as- sumer une vie sociale ou professionnelle, capacité de réaction face aux symptômes et à la maladie, vie familiale, etc.

Le lien entre facteurs physiologiques et psychologiques est donc essentiel pour comprendre les mécanismes physiopa- thologiques des troubles fonctionnels digestifs. Ces liens sont représentés par le modèle présenté dans la figure 9. Au début de la vie, les facteurs génétiques et environnementaux (apprentis- sage de la propreté, expérience familiale des problèmes digestifs, antécédent d'abus sexuel ou physique…) ou des antécédents pathologiques (infection…) peuvent influencer le développement psychosocial de chacun (susceptibilité au stress, capacité de réac- tion face à la maladie ou aux événements de la vie, aide et com- préhension de la part du milieu social ou familial) ou le développement des fonctions digestives (sensibilité et motricité).

La survenue d'un trouble fonctionnel digestif et sa nature sont donc déterminées par cette interaction des facteurs physiolo- giques et psychologiques au niveau de l'axe cerveau–intestin.

À partir de ce modèle, on comprend donc qu'il est inutile

de rechercher lequel de ces facteurs, psychologiques ou physio-

logiques, est responsable de la survenue de douleurs abdominales

ou d'autres symptômes digestifs. Les troubles fonctionnels diges-

tifs doivent être interprétés comme l'expression d'un dysfonc-

tionnement de l'axe cerveau–intestin, et le but de l'examen

clinique et des investigations complémentaires sera de préciser la

part de responsabilité de ces différents facteurs.

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L'hypersensibilité viscérale est-elle présente chez tous les patients présentant un syndrome

de l'intestin irritable ?

L'exploration de la sensibilité viscérale chez les patients présen- tant un syndrome de l'intestin irritable repose surtout sur les tests de distension luminale, réalisés au moyen d'un barostat (voir p. 65). L'hypersensibilité à la distension est fréquente chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable, mais ne concerne pas tous les patients. Soixante pour cent des patients ont des seuils de perception et de douleur abaissés par rapport aux témoins. Une étude suggérait que la distension rectale pourrait être utilisée comme un marqueur objectif pour le diagnostic de syndrome de l'intestin irritable, mais tous les patients n'étaient pas hypersen- sibles lors d'une première distension et il était nécessaire de pra- tiquer une première série de distensions, pour « sensibiliser » le patient et démasquer l'hypersensibilité chez certains d'entre eux.

La plupart des études ont démontré que les patients présentant un

syndrome de l'intestin irritable avec diarrhées étaient plus sen-

sibles à la distension rectale. Cependant, quelques études ont éga-

lement démontré l'existence d'une hypersensibilité à la distension

du côlon ou du rectum chez les patients constipés. Dans une

étude, le test de la distension rectale entraînait la séparation des

patients constipés en deux groupes : les patients avec sensation

incomplète d'évacuation étaient hypersensibles et les patients

sans aucune sensation de besoin, mais avec un important incon-

fort abdominal étaient plutôt hyposensibles. L'hypersensibilité à

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la distension n'est donc pas corrélée à un trouble particulier du transit. La raison pour laquelle cette hypersensibilité n'est pas constamment retrouvée chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable n'est pas connue. Certains patients n'étant pas hypersensibles à la distension rectale peuvent percevoir de manière exagérée la distension d'un autre segment du tractus digestif, par exemple du jéjunum.

Il existe, en outre, une corrélation entre l'abaissement des seuils de perception de la distension rectale et l'intensité des symp- tômes dus au syndrome de l'intestin irritable. Chez un petit nombre de malades, ces auteurs ont montré que, lorsque les symp- tômes s'améliorent, l'hypersensibilité disparaît. Cela constitue un argument supplémentaire pour ne pas considérer l'hypersensibi- lité rectale comme un marqueur constant, permettant un dia- gnostic positif de syndrome de l'intestin irritable. D'autres études n'ont pas retrouvé cette relation entre l'intensité des symptômes et l'abaissement des seuils de perception de la distension rectale.

Ces tests ont permis de démontrer que cette hypersensi- bilité n'était pas limitée aux organes considérés comme les plus impliqués dans la genèse du syndrome, par exemple le côlon et le rectum chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable.

Plusieurs études ont montré que la distension de l'œsophage et des

différentes parties de l'intestin grêle, du duodénum à l'iléon, était

également perçue de manière exagérée par les patients avec syn-

drome de l'intestin irritable.

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L'hypersensibilité viscérale ne concerne-t-elle que le syndrome de l'intestin irritable ?

Les troubles de la sensibilité viscérale et notamment l'hypersen- sibilité ne sont pas limités à la physiopathologie du syndrome de l'intestin irritable.

Le concept d'œsophage hypersensible ou d'œsophage acido-sensible a été proposé, voici plus de vingt ans pour expliquer les symptômes de reflux ou les douleurs thoraciques survenant chez des patients ayant un bilan coronarien négatif et aucun signe objectif en faveur d'un reflux gastro-œsophagien acide. Vingt à 30 % de la population des pays occidentaux présente des symp- tômes évoquant un reflux gastro-œsophagien, en fonction du seuil définissant le caractère pathologique de ce reflux. Seule une minorité de ces patients (environ 20 %) va consulter et bénéficier d'investigations complémentaires. On peut dès lors estimer que moins de 20 % des patients qui consultent pour ces symptômes ont des signes objectifs de reflux gastro-œsophagien. Parmi les patients ayant des symptômes compatibles avec le diagnostic de

« pyrosis fonctionnel », on retrouve une faible proportion qui pré- sente une hypersensibilité aux stimuli intra-luminaux. Cette hypersensibilité s'exprime par rapport à divers modes de stimu- lation tels que la distension de l'œsophage par un ballonnet, la per- fusion d'une solution acide (test de Bernstein) ou d'une solution hyperosmolaire, la perfusion de liquide chaud ou froid ou la sti- mulation de la paroi œsophagienne par un stimulus électrique.

Chez les patients qui souffrent de douleurs thoraciques

non cardiaques, on observe une hypersensibilité aux mêmes sti-

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muli, pouvant s'accompagner de contractions anarchiques du corps de l'œsophage. Dans cette pathologie, il est d'ailleurs pos- sible de recourir à un test de stimulation par le Tensilon®, ago- niste cholinergique qui provoque des contractions œsophagiennes anormales et fréquemment douloureuses chez un certain nombre de patients (jusqu'à 50 % de réponses positives selon les études).

Toutefois, ce test ne peut être réalisé qu'après avoir obtenu la confirmation d'un bilan coronarien négatif. L'hypersensibilité observée chez ces patients relève effectivement d'un mécanisme d'allodynie, c'est-à-dire de perception douloureuse d'événements non douloureux. Ainsi, dans un groupe de patientes présentant des douleurs thoraciques non cardiaques, environ 75 % d’entre elles percevaient de manière douloureuse des biopsies œsophagiennes qui sont, bien entendu, non douloureuses chez des sujets nor- maux et ces patientes pouvaient distinguer en aveugle les vraies biopsies des fausses.

Le problème de l'œsophage acido-sensible reste cepen- dant une entité débattue. La similitude des symptômes et la pro- gression continue du pyrosis fonctionnel au reflux gastro- œsophagien sévère avec œsophagite ulcérée rendent difficile la classification des patients. La plupart des patients répondent d'ailleurs à un traitement antisécrétoire, si celui-ci est prolongé suf- fisamment longtemps (au moins quatre mois) afin de diminuer les phénomènes inflammatoires au niveau de la paroi de l'œsophage lorsqu'il existe un réel reflux n’ayant pu être mis en évidence.

Cette observation suggère une origine inflammatoire à l'hyper-

sensibilité œsophagienne, comme cela a été montré plus haut

pour l'hypersensibilité observée au niveau abdominal chez les

patients présentant un syndrome de l'intestin irritable. En

revanche, les mécanismes physiopathologiques de l'œsophage

acido-sensible sont peu connus. Lors d'une stimulation magné-

tique des hémisphères cérébraux chez des volontaires sains, il est

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possible de provoquer des douleurs thoraciques. Plusieurs études ont également montré que les patients avec des douleurs thora- ciques non expliquées avaient des schémas de projection centrale des stimuli œsophagiens différents de ceux observés chez des sujets sains. Plus récemment, quelques études ont attiré l'attention sur l'étirement de la couche musculaire longitudinale de l'œso- phage qui pourrait médier la réponse sensitive.

Chez les patients présentant une dyspepsie non ulcéreuse, l'hypersensibilité gastrique est aujourd'hui considérée comme un facteur important parmi les mécanismes physiopathologiques.

Alors que la sensibilité somatique (test de la main dans l'eau froide, électrostimulation cutanée) est normale chez les patients dyspeptiques, il existe une hypersensibilité à la distension de l'es- tomac. Celle-ci se traduit par des seuils de perception de la dis- tension abaissés chez les patients par rapport aux sujets contrôles.

De plus, les patients perçoivent un stimulus donné, plus intensé-

ment que les sujets normaux, ou décrivent une sensation dou-

loureuse, pour des stimuli perçus comme indolores par les sujets

contrôles. L'hypersensibilité à la distension n'est pas cantonnée à

l'estomac chez les patients dyspeptiques, puisque ces malades

sont également hypersensibles à une distension duodénale ou

jéjunale. Les causes de cette hypersensibilité gastrique ne sont

pas connues. D'une manière générale, plusieurs mécanismes ont

été identifiés à l'origine des troubles de la sensibilité viscérale

comme des troubles de la motricité. Les études cliniques n'ont pas

permis de mettre en évidence une corrélation parfaite entre les

troubles de la sensibilité et de la motricité et les symptômes carac-

téristiques de la dyspepsie. Néanmoins, récemment, l'utilisation

de nouvelles méthodes de mesure de ces fonctions a permis d'éta-

blir un lien plus solide entre l'hypomotricité responsable de la

stase gastrique et des symptômes tels que la sensation de pléni-

tude post-prandiale ou les nausées ; entre la diminution de l'ac-

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commodation gastrique et la satiété précoce ; entre la distension antrale et les sensations d'inconfort post-prandial. Enfin, les pro- priétés élastiques de la paroi gastrique ne sont pas modifiées chez les patients dyspeptiques, la compliance de cette paroi à la dis- tension n'étant pas différente de celle mesurée chez les sujets contrôles.

Chez les patients présentant des douleurs abdominales

fonctionnelles non associées à d'autres signes digestifs, le rôle de

l'hypersensibilité viscérale a été moins bien documenté. Dans les

situations de douleurs chroniques, il existe une hyperstimulation

des voies antinociceptives descendantes (voir ci-dessus), qui

modulent l'influx des afférences viscérales digestives vers le cer-

veau et, en particulier, la transmission des sensations doulou-

reuses. Dans une étude de la sensibilité viscérale par la réponse à

la distension rectale, des patients qui présentent une maladie de

Crohn ont une réponse témoignant d'une hyposensibilité à la dis-

tension, avec des seuils de douleur plus élevés que ceux des

contrôles et des patients avec syndrome de l'intestin irritable. Il

n'est pas possible dans l'état actuel des connaissances de relier de

manière spécifique les douleurs abdominales chroniques non asso-

ciées à des troubles du transit à une véritable hypersensibilité

viscérale.

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Est-il utile d'explorer

la sensibilité viscérale chez les patients atteints de troubles

fonctionnels intestinaux ?

Comment mesurer la sensibilité digestive chez l'homme ?

L'hypersensibilité viscérale a surtout été démontrée grâce aux

tests de distension luminale, chez les patients avec syndrome de

l'intestin irritable. Ces tests ont été rendus plus faciles par l'utili-

sation du barostat (Fig. 6) qui permet une mesure plus précise et

reproductible de la pression et du volume de distension. Les résul-

tats de ces études de distension sont influencés par de nombreux

facteurs (voir ci-dessous) qui dépendent du patient comme de la

technique utilisée et des protocoles de distension. L'hyper-

sensibilité est mise en évidence par des protocoles de distension

phasique, c'est-à-dire constitués d'une série de distensions rapides

(vitesse d'insufflation du ballon égale à 40-60 ml/s) et de courte

durée (une à deux minutes), jusqu'à provoquer une sensation dou-

loureuse (méthode des limites ascendantes). A contrario, la

distension lente et progressive du rectum ne montre pas de

différence entre les témoins et les patients avec syndrome de

l'intestin irritable. Plusieurs auteurs ont émis l'hypothèse de l'exis-

tence de biais psychologiques de perception de la distension au

cours de ces protocoles simples, l'intensité du stimulus étant tou-

jours croissante et donc prévisible par le patient. Pour remédier à

ces possibles interférences avec les résultats des études de

distension, des protocoles plus complexes de distension ont été

proposés. Ceux-ci sont destinés à rendre l'intensité du stimulus

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imprévisible par le patient. La méthode dite du « tracking » consiste à déterminer le seuil de douleur et à répéter les disten- sions autour de ce seuil, en fonction de la réponse des patients, par exemple en diminuant la pression de distension après une réponse positive, ou en la laissant au même niveau, ou en l'augmentant après une réponse négative. La pression déterminant le seuil de douleur est alors égale à la moyenne des distensions ayant entraîné une réponse positive. La technique du double random staircase utilise la combinaison de deux escaliers de montée en pression, alternés de manière imprévisible par l'ordinateur du barostat, sans contrôle de l'investigateur. L'utilisation de ces tech- niques « plus objectives » a confirmé l'existence d'une hypersen- sibilité viscérale chez les patients présentant un syndrome de l'intestin irritable. Cependant quelques études récentes n'ont pas mis en évidence de différence entre les seuils de perception déter- minés par la seule méthode des limites ascendantes et les autres méthodes, chez les volontaires sains et chez les patients avec syn- drome de l'intestin irritable. Dans une autre étude comparant les différents protocoles de distension, l'écrasement des différences entre sujets contrôles et patients – qui restaient toutefois hyper- sensibles – était interprété comme le résultat de l'hypervigilance des patients pour toutes les sensations abdominales. Ce résultat doit être rapproché d'une l'étude qui a montré que les patients avec syndrome de l'intestin irritable perçoivent davantage de sen- sations douloureuses au niveau de l'abdomen que les contrôles, alors qu'aucune anomalie de la motricité intestinale ne distinguait les patients des contrôles.

En complément de la mesure des seuils de perception, on

peut également évaluer l'intensité des symptômes déclenchés par

des distensions progressives ou réalisées à quelques niveaux de

distensions susceptibles de provoquer une sensation. Les résultats

des études de distension sont exprimés en termes de seuils, c'est-

(20)

à-dire de pression moyenne à laquelle est perçu le gonflement du ballonnet pour la première fois : soit le seuil de perception ou la pression à laquelle est perçue une sensation douloureuse, soit le seuil de douleur.

Au cours des tests de distension, l'utilisation d'un barostat électronique permet, d'une part, de réaliser des distensions par- faitement reproductibles et à une vitesse d'insufflation de l'air qui est constante et, d'autre part, de mesurer précisément, et en même temps, le volume et la pression du ballonnet de disten- sion. Pour des raisons techniques, il est souhaitable de définir les pas de distension par la pression qui est imposée et qui est moins sensible aux artefacts, plutôt que le volume qui est influencé notamment par les variations anatomiques des sujets. La mesure simultanée de la pression et du volume du ballonnet à chaque distension permet de construire une courbe pression-volume, dont la pente reflète la compliance de l'organe étudié. La com- pliance est une mesure des propriétés élastiques de la paroi de l'or- gane creux qui est étudié. Elle se calcule en ml/mmHg (Fig. 6).

Aucune étude n'a pour l'instant démontré une différence de com- pliance entre patients présentant ou non une hypersensibilité à la distension, ni entre sujets contrôles et patients. Une étude récente a cependant suggéré que les patients avec syndrome de l'intestin irritable à prédominance de diarrhées auraient une compliance diminuée de la paroi rectale.

La mesure des seuils de sensibilité est influencée par de

nombreux facteurs dus aux conditions techniques de réalisation

des tests de distension, d'une part, et aux sujets eux-mêmes,

d'autre part. L'âge des patients a une influence puisque les sujets

sains âgés ont des seuils de perception plus élevés que des volon-

taires plus jeunes. Le sexe des sujets influence également les seuils

de perception. Les femmes sont plus sensibles que les hommes,

quelle que soit la période de leur cycle menstruel. La plupart des

(21)

études ont été réalisées chez des patients à jeun. En période post- prandiale, la motricité colique et rectale est stimulée par la réponse au repas qui se traduit par une augmentation de l'activité contrac- tile et du tonus. Lorsque les distensions sont réalisées au cours de cette période d'hypertonie post-prandiale, les seuils de percep- tion sont plus élevés chez les patients avec syndrome de l'intes- tin irritable. L'activité du SNC influence également la perception de la distension rectale, chez les sujets, comme chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. Dans une première étude réalisée chez des volontaires sains, un stress psychique (écoute dichotique) ou physique (main dans l'eau froide) abaisse de manière durable les seuils de perception de la distension rectale.

Dans une autre étude, l'intensité de la réponse à des distensions rectales est plus marquée en période de stress qu'en période de relaxation. Cependant, d'autres études ont montré un effet de distraction lors de l'application d'un stress psychologique, se tra- duisant par une élévation des seuils de perception. Dans cette dernière étude, une diminution de la compliance rectale est également observée au cours du stress qui pourrait être due à une augmentation de la motricité. Une étude a comparé les patients avec syndrome de l'intestin irritable et les sujets contrôles, elle a montré que les patients avec syndrome de l'intestin irritable étaient plus attentifs que les sujets contrôles aux sensations déclen- chées par la distension. L'effet de distraction dû au stress s'en trouve supprimé chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable.

Nous avons montré plus haut qu'il existait une relation

entre l'intensité des symptômes dus au syndrome de l'intestin

irritable et l'abaissement des seuils de perception. L’influence des

troubles du transit quant à elle, n'a pas été démontrée de manière

définitive. De nombreux travaux ont initialement montré une

prévalence plus importante de l'hypersensibilité viscérale chez

(22)

les patients présentant un syndrome de l'intestin irritable avec diarrhées. Cependant d'autres études ont montré que les patients avec syndrome de l'intestin irritable et constipation étaient tout aussi hypersensibles à la distension rectale ou colique.

La mesure de la sensibilité digestive a-t-elle une utilité clinique ? L'hypersensibilité viscérale, bien que caractéristique des troubles fonctionnels intestinaux et permettant d'en comprendre la physiopathologie, n'est pas présente chez tous les patients ayant un syndrome de l'intestin irritable. Environ deux tiers des patients ont des seuils de sensibilité abaissés lors des tests de dis- tension rectale ou d'autres segments du tractus digestif. Ces seuils de sensibilité sont d'ailleurs variables dans le temps chez un même patient et sont notamment corrélés à l'intensité des symptômes liés au syndrome de l'intestin irritable. On ne peut donc considé- rer les tests de distension rectale comme un moyen de diagnos- tic positif du syndrome de l'intestin irritable. Dans une étude portant sur plus de cent patients, Poitras et coll. (voir p. 95) ont tenté de déterminer quels seuils de pression permettent de distinguer les patients avec syndrome de l'intestin irritable au cours des épreuves de distension rectale. En pratique, cette distinction est très difficile, car, comme le montre cette étude, seules les pressions de distensions inférieures à 28 mmHg ne se retrouvent que chez les patients avec syndrome de l'intestin irri- table, alors qu'aucun patient ne se retrouve dans le groupe de sujets ayant un seuil de douleur supérieur à 40 mmHg. Entre ces deux valeurs discriminantes se situent en fait de nombreux sujets contrôles et patients que le test de distension ne peut donc séparer.

L'utilisation des tests de distension en pratique clinique se

heurte également à de nombreuses difficultés techniques. Les

tests de distension rectale sont longs à réaliser et demandent une

bonne coopération du patient. Leurs résultats sont influencés par

(23)

de nombreux facteurs liés à la technique, au patient et aux trai- tements qu'il reçoit. Les résultats des tests de distension sont notamment influencés par la subjectivité des patients et sont donc peu reproductibles. Quelques études ont montré que cette influence de la subjectivité des sujets était plus importante chez les patients qui présentaient des troubles fonctionnels que chez les volontaires sains. Ainsi, l'effet de distraction d'un stress modéré était perçu chez des volontaires sains, mais pas chez des patients avec un syndrome de l'intestin irritable, dont l'attention est constamment orientée vers la sphère digestive.

Le diagnostic des troubles fonctionnels intestinaux repose donc davantage sur l'association de symptômes en syndromes caractéristiques, comme l'a proposé le système des « critères de Rome ». Le diagnostic, établi au moyen de ces critères fondés sur les symptômes des patients, est utile puisqu'il permet au clini- cien de rattacher la symptomatologie du patient à un syndrome défini précisément et que le diagnostic de trouble fonctionnel posé de cette manière s'avère stable chez 95 % des patients sui- vis à cinq ans.

Les troubles fonctionnels intestinaux diminuent-ils la qualité de vie des patients ?

Le concept de qualité de vie a été introduit récemment en

recherche clinique. Les premières études de qualité de vie ont en

fait évalué les conditions de vie quotidienne des patients rece-

(24)

vant une chimiothérapie anticancéreuse de manière à mesurer la réponse au traitement sous forme d'une amélioration fonction- nelle en dépit des contraintes et effets secondaires du traitement.

La plupart des outils développés pour mesurer la qualité de vie ont donc été initialement validés par ces études et ne sont pas néces- sairement adaptés à des patients atteints de troubles fonction- nels, sans risque vital et faisant face à une pathologie chronique.

Des questionnaires mieux adaptés ont été produits ultérieure- ment, mais tous n'ont pas été validés par des études convain- cantes. Certains de ces questionnaires n'ont été validés qu'en langue anglaise. Or les particularités culturelles doivent être prises en compte pour le développement d'outils réellement adaptés.

La qualité de vie est un concept large qui inclut la percep- tion du patient par rapport à sa maladie et l'influence de celle-ci sur les événements de sa vie quotidienne. La qualité de vie est influencée par des facteurs sociaux, culturels, physiologiques et en rapport avec la maladie. Pour certains auteurs, la fréquence et la sévérité des symptômes sont également à prendre en compte.

Cependant, ce qui caractérise le concept de mesure de la qualité de vie, c'est la prise en compte de l'impact de la maladie sur la vie quotidienne du patient. Cet impact est mesuré par rapport à l'ac- tivité du patient (vie professionnelle, vie familiale…), la percep- tion par le patient de ses besoins de santé et de leur prise en compte par la démarche de soins (autonomie, socialisation…), la perception de la maladie elle-même par le patient et ses inquié- tudes quant aux conséquences de la maladie, comme par exemple le risque de cancer.

Les études de qualité de vie ont démontré que le syn-

drome de l'intestin irritable a un réel impact sur la qualité de vie

des patients. Plusieurs facteurs augmentent cette influence de la

maladie sur la vie quotidienne du patient : association à des

troubles psychologiques (dépression, anxiété), antécédents d'abus

(25)

sexuel ou physique, association à d'autres syndromes doulou- reux chroniques. La relation entre qualité de vie et sévérité des symptômes reliés au syndrome de l'intestin irritable a fait l'objet de quelques études, mais n'a pu être formellement démontrée dans la mesure où la réponse du patient aux questionnaires de qualité de vie est directement influencée par de nombreux facteurs autres que les symptômes et les conséquences de la dysfonction sensori-motrice digestive.

Les études de qualité de vie se sont révélées plus utiles comme critère de jugement secondaire des essais cliniques des nouveaux traitements du syndrome de l'intestin irritable. Comme nous le verrons plus loin, ces traitements sont destinés en premier lieu à traiter les douleurs abdominales, mais la plupart ont des effets moteurs et donc une influence sur les troubles du transit, constipation ou diarrhées. Il est donc difficile, à partir des résul- tats de ces essais, de définir le poids des douleurs abdominales dans la baisse de la qualité de vie observée chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. Le score de qualité de vie est en effet largement influencé par les troubles du transit, notamment les diarrhées chroniques qui interfèrent avec la vie quotidienne des patients.

Quels sont les moyens thérapeutiques disponibles ?

Le traitement du syndrome de l'intestin irritable repose avant

tout sur la qualité de la relation que le médecin peut établir avec

(26)

son patient. Les facteurs étiologiques étant nombreux, on ne peut proposer un seul schéma thérapeutique et la prescription ne peut être constante dans le temps. Un ensemble de moyens thérapeu- tiques doit être utilisé en fonction des symptômes prédominant chez chaque patient. En outre, aucun traitement proposé aujour- d'hui ne modifie l'histoire naturelle du patient, et donc l'évolution à long terme, sauf la prise en charge psychologique qui relève d'une prise en charge spécialisée.

Mesures hygiéno-diététiques

Les problèmes diététiques doivent être abordés avec tolérance et bon sens. La question du régime est une des premières que pose le patient. En effet, le patient relie souvent les symptômes à l'in- gestion de certains aliments. Il s'agit là d'intolérances alimentaires et non d'allergies vraies. Expliquer cette distinction au patient va permettre de réintroduire certains aliments au cours du traite- ment.

L'intolérance au lactose et l'intolérance au gluten justifient davantage une démarche diagnostique rigoureuse que des conseils diététiques à l'emporte-pièce qui ne feraient que renforcer les exclusions alimentaires spontanément réalisées par le patient.

Les autres prescriptions diététiques doivent être maniées

avec prudence, chez des patients qui ont tendance à volontaire-

ment réduire la diversité de leur alimentation sur la base d'into-

lérances variées, réelles ou supposées. On peut proposer des

mesures générales d'hygiène alimentaire : repas à heures régu-

lières, repas en ambiance sereine, diminution de la ration calorique

absorbée sous forme de graisses.

(27)

Le régime sans résidus peut être utile temporairement et de manière exceptionnelle pour atténuer les symptômes d'une poussée aiguë chez un sujet non constipé. Mais, poursuivi sur le long terme, il peut aboutir à un déséquilibre nutritionnel et une aggravation du ralentissement du transit, surtout quand il est appliqué rigoureusement par des patients trop scrupuleux et trop anxieux.

Le rôle des fermentations coliques semble plus réel. Même si toutes les sensations de ballonnement ne peuvent être rappor- tées à une augmentation significative des gaz intestinaux, l'hyper- sensibilité viscérale provoque probablement des douleurs pour de faibles volumes gazeux. Une mauvaise digestion de l'amidon ou exceptionnellement de certains sucres (fructose ou sorbitol) peut également entraîner des fermentations excessives.

Généralement, mise à part l'exclusion de nutriments trop fer- mentescibles (légumes secs, haricots blancs, choux, jus de pomme, prunes), aucune mesure n'a fait la preuve de son efficacité.

L'enrichissement en fibres alimentaires est une théra- peutique proposée de longue date, mais son efficacité n'a pas été prouvée par des études contrôlées, en raison d'un effet placebo élevé (voir ci-contre) et de l'effet thérapeutique souvent modeste.

On peut par exemple prescrire du son de blé, administré à dose

progressive, pour atteindre 20 à 30 g de son par jour. L'effet

thérapeutique s'exerce chez les patients constipés, car le son

augmente la fréquence des selles, diminue l'émission de selles

dures et les efforts de poussée pour expulser les selles. Il a donc

été recommandé dans les formes avec constipation prédomi-

nante, mais des patients ont également décrit un effet sur les

diarrhées ou les douleurs. L'utilisation du son est cependant

limitée en raison d'une fréquente mauvaise tolérance,

marquée par l'apparition de ballonnements dus aux fermenta-

tions provoquées par les fibres.

(28)

Effet placebo et prise en charge thérapeutique

L'effet placebo est une constante des essais thérapeutiques réali- sés chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. Ce phé- nomène se retrouve d'ailleurs de manière aussi fréquente dans d'autres pathologies fonctionnelles, digestives ou non. En effet, à court terme sur deux à trois mois, l'évolution des patients avec syndrome de l'intestin irritable est le plus souvent favorable sous traitement, quel qu'il soit. Le placebo peut atteindre 70 % d'effi- cacité dans certaines études, la moyenne se situant entre 35 et 50 %. L'importance de l'effet placebo ne dépend pas seulement du patient, mais aussi de la nature des symptômes, de la métho- dologie de l'essai et du médecin prescripteur qui est un facteur important de la réponse du patient, par la qualité de la relation qu'il établit avec lui : capacité d'écoute, propos rassurants, enthou- siastes ou persuasifs, induction d'une stratégie d'acceptation… Il est probable que cet effet placebo intervienne également dans les résultats à moyen et à long termes.

Il faut aussi tenir compte, dans l'évaluation de l'effet d'un

traitement, de l'évolution spontanée de l'affection qui se carac-

térise par des périodes de rémission spontanée et par une varia-

tion importante de l'intensité des symptômes dans le temps,

notamment en fonction de l'évolution des facteurs psychoso-

ciaux. Dans une étude longitudinale de suivi des patients avec

syndrome de l'intestin irritable, la durée des périodes sympto-

matiques et donc des douleurs abdominales n'excédait pas trois

semaines chez la plupart des patients. Il est donc difficile de dif-

férencier l'effet du traitement de l'évolution spontanée des

symptômes.

(29)

Moyens médicamenteux

De nombreux traitements médicamenteux ont été proposés dans le syndrome de l'intestin irritable, mais ils n'ont pas toujours fait l'objet d'études cliniques de bonne qualité. L'expérience clinique montre que certains patients répondent mieux à ces traitements, sans qu'il soit possible de définir les facteurs prédictifs de la non- réponse, facteurs qui pourraient aider à mieux sélectionner les patients à qui prescrire le traitement. Les écueils méthodologiques de ces essais, l'effet variable de ces traitements dans le temps et la variabilité même des symptômes ont limité la puissance des études comparatives. Comme les molécules développées plus récemment, les antispasmodiques doivent être considérés comme un traitement symptomatique puisqu'ils sont destinés à soulager les symptômes et n'influencent pas l'histoire naturelle de la maladie.

Antispasmodiques et modificateurs de la motricité digestive

Une classification pharmacologique permet de distinguer sché- matiquement les antispasmodiques inhibant le spasme induit par l'acétylcholine (anticholinergiques ou neurotropes) de ceux levant le spasme provoqué par le chlorure de baryum (musculotropes).

Les premiers agissent essentiellement sur la transmission ner-

veuse muscarinique à différents niveaux. Les seconds agissent

directement sur la fibre musculaire lisse. En fait, les effets phar-

macologiques de ces molécules ont été réévalués avec des

méthodes d'investigation modernes, qui ont montré que ces effets

(30)

pouvaient être multiples et s'exercer sur des cibles différentes du système muscarinique.

L’efficacité des antispasmodiques musculotropes a été éva- luée par des essais cliniques. Ces études ont inclus des patients sélectionnés sur la base de critères diagnostiques stricts ; les effec- tifs étaient souvent limités et beaucoup de patients perdus de vue. Dans une étude reprenant tous les essais publiés à l'époque, Klein avait ainsi mis en évidence les insuffisances méthodolo- giques de ces essais et l'impossibilité de conclure à l'efficacité ou non des ces traitements. Cependant, utilisant les mêmes essais cli- niques, trois méta-analyses ont démontré une supériorité statis- tiquement significative des musculotropes (hyoscine, trimébutine, mébévérine, pinaverium) par rapport au placebo avec en moyenne une fréquence de réponses positives au traitement supérieure de 27 % par rapport au placebo.

En France, ces traitements sont utilisés depuis de nom- breuses années et ont prouvé une certaine efficacité, fondée sur l'expérience clinique. L'effet est cependant inconstant, variant dans le temps chez un même patient et de patient à patient. Le tableau IV reprend ces différents médicaments et indique leur site d'action. Ils sont utilisés, soit dans le traitement de la crise dou- loureuse aiguë, soit dans le traitement d'entretien, pour prévenir la récidive de ces crises. La durée du traitement est adaptée à la durée des troubles. La récidive est d'ailleurs fréquente à l'arrêt du traitement.

Comme le montrent les données présentées dans le

tableau IV, des études chez l'animal et chez l'homme ont mis en

lumière le mécanisme d'action de ces molécules à effet antispas-

modique. Il s'agit en fait d'un groupe hétérogène de molécules qui

exercent leurs effets à travers des cibles pharmacologiques très dif-

férentes. Pour certaines molécules, plusieurs sites d'actions ont été

reconnus. Il est toutefois difficile de conclure quant au mécanisme

(31)

prépondérant chez l'homme. Pour certains antispasmodiques, des effets ont été démontrés au niveau des afférences digestives (citrate d'alvérine) chez l'animal ou sur la perception de la dis- tension rectale chez l'homme. Des effets moteurs ont également été démontrés.

Pansements et adsorbants

Les médicaments dits adsorbants (argiles, charbon, kaolin, méthylpolysiloxane, simeticone etc.) sont couramment utilisés dans le traitement du syndrome de l'intestin irritable. Leur objec- tif n'est pas uniquement de « couvrir » la muqueuse, mais ils agissent aussi en adsorbant les gaz intestinaux, responsables de ballonnements excessifs et très gênants. Le pouvoir adsorbant de certaines argiles (attapulgite, montmorillonite beidellitique) a été démontré chez des volontaires sains par évaluation de la concentration d'hydrogène expiré après ingestion de lactulose.

Des spécialités peuvent être présentées sous la forme d'asso-

ciations thérapeutiques comportant non seulement des « adsor-

bants », mais aussi des enzymes et des régulateurs de la motricité

digestive, et il est alors bien difficile de déterminer le rôle thé-

rapeutique de chacun des composants. Ces préparations sont

souvent utilisées en auto-médication. Par leur pouvoir adsor-

bant, elles peuvent diminuer l'absorption d'autres médicaments,

notamment des contraceptifs oraux. Autrement, ils ont peu d'ef-

fets secondaires. Ils peuvent être utiles en complément de trai-

tement chez les patients avec prédominance de diarrhées ou se

plaignant d'un important ballonnement.

(32)

Traitements des troubles du transit

Le traitement des troubles du transit associés au syndrome de l'in- testin irritable apporte souvent au patient une amélioration clinique importante. Ces traitements seront prescrits à la demande, en fonc- tion des symptômes et en évitant leur utilisation prolongée. Les patients les utilisent souvent en auto-médication et le rôle du méde- cin sera avant tout d'orienter le choix du traitement et de conseiller le patient pour une utilisation sûre de celui-ci.

Dans le traitement des diarrhées, le lopéramide est efficace et réduit la fréquence des selles diarrhéiques lorsqu'il est absorbé avant les repas, si le patient se plaint de diarrhées post-prandiales de type diarrhée motrice, ou avant une activité qui s'accompagne souvent d'une crise aiguë avec diarrhées. Quelques essais cliniques ont, en revanche, démontré l'inefficacité de la cholestyramine. Dans ce cas, les adsorbants intestinaux et les fibres alimentaires peuvent aider certains patients à contrôler les diarrhées.

La constipation peut être traitée par des laxatifs de lest ou des mucilages, mais ces derniers peuvent augmenter le ballonne- ment abdominal et sont alors mal tolérés par les patients. Dans les cas avec constipation plus sévère, des laxatifs osmotiques tels que le lactulose ou les dérivés du polyéthylène glycol peuvent être utilisés sans danger pendant quelques semaines. Les autres laxa- tifs seront plutôt déconseillés, notamment en raison du risque d'abus d'utilisation en auto-médication.

Nouveaux traitements agissant sur la sensibilité viscérale

L'identification des neurotransmetteurs et de leurs récepteurs au

niveau des afférences nerveuses d'origine digestive et la connais-

(33)

sance de leur rôle dans la transmission des sensations viscérales a ouvert de réelles perspectives pour le traitement des douleurs abdominales, chez les patients avec syndrome de l'intestin irri- table (voir ci-dessus). Ces nouveaux traitements exercent une action pharmacologique au niveau, soit des neurones afférents, soit des neurones efférents, ou le plus souvent des deux. Agissant sur les deux versants de l'axe cerveau-intestin, ces nouvelles sub- stances exercent donc des effets sur la sensibilité viscérale et des effets moteurs. Ce sont particulièrement ces derniers qui impo- seront une classification précise des patients avec un syndrome de l'intestin irritable, afin de limiter la prescription aux groupes de malades qui pourront réellement bénéficier de tels traitements.

Les substances agissant sur les récepteurs de la sérotonine ont été parmi les plus étudiées au cours de la dernière décennie et comprennent les molécules les plus proches d'une autorisation de mise sur le marché. Les sous-types de récepteurs les plus étu- diés ont été les récepteurs 5-HT

3

et 5-HT

4

, dont les effets sur la motricité et la sensibilité digestives ont été explorés chez l'animal et chez l'homme.

Les antagonistes des récepteurs 5-HT

3

inhibent la motri-

cité intestinale et l'hypersensibilité décrite chez les patients pré-

sentant un syndrome de l'intestin irritable. L'ondansétron et

l'alosétron provoquent un ralentissement du transit intestinal et

colique chez des volontaires sains et chez les patients avec syn-

drome de l'intestin irritable. Les antagonistes 5-HT

3

de la séroto-

nine modifient également les seuils de perception de la distension

intra-luminale, au niveau du côlon et du rectum. Le granisétron

augmente les seuils de perception de la distension rectale chez des

patients présentant un syndrome de l'intestin irritable avec diar-

rhées. Au niveau du côlon, dans une étude réalisée au moyen

d'un barostat électronique et fondée sur la mesure de la pression

dans le ballonnet de distension, les seuils de perception et de dou-

(34)

leur, définis par la pression de distension, n'étaient pas modifiés par l'alosétron, mais le volume du ballonnet de distension aug- mentait, témoignant d'une modification significative de la com- pliance colique, c'est-à-dire des propriétés élastiques de la paroi colique. Enfin, une étude a montré que l'alosétron augmentait l'absorption d'eau au niveau jéjunal. Aucune donnée n'existe au niveau du côlon, et la relation entre cet effet de l'alosétron et celui sur la sensibilité à la distension n'est pas connue.

Sur le plan clinique, plusieurs essais contrôlés ont démon-

tré l'efficacité de l'alosétron dans le traitement du syndrome de

l'intestin irritable avec prédominance de diarrhées, mais unique-

ment chez les femmes. La différence entre la réponse des hommes

et des femmes au traitement par l'alosétron n'est pas clairement

expliquée. Il pourrait exister une différence de métabolisme de la

sérotonine entre hommes et femmes, ces dernières produisant des

quantités plus importantes de sérotonine. Les études cliniques sui-

vantes ont donc été réalisées uniquement chez des femmes pré-

sentant un syndrome de l'intestin irritable avec prédominance de

diarrhées et ont toutes montré une efficacité significativement plus

élevée de l'alosétron sur l'impression globale d'amélioration des

patients par rapport à la mébévérine ou au placebo. Le gain est

d'environ 25 % de réponses au traitement par rapport au placebo

et se maintient sur toute la durée du traitement. Sur la base de ces

essais cliniques, l'alosétron a obtenu en 2000 l'autorisation de mise

sur le marché aux États-Unis et a été prescrit entre avril 2000 et

novembre 2000 à environ 350 000 patients. En novembre 2000, il

a été retiré après l'apparition de 49 cas de colite ischémique dont

certains ont nécessité des transfusions ou une intervention chirur-

gicale, et d'environ 70 cas de constipation sévère, quelques cas

requérant une intervention chirurgicale. D'autres antagonistes 5-

HT

3

sont actuellement en cours de développement, notamment le

cilansétron, dont les effets sur la motricité colique semblent moins

(35)

importants que ceux de l'alosétron. Plusieurs études publiées récem- ment ont montré un effet clinique comparable à celui de l'alosétron chez des patients présentant un syndrome de l'intestin irritable non associé à une constipation. Le cilansétron paraît, par ailleurs, être efficace chez les patients masculins.

Les agonistes des récepteurs 5-HT

4

de la sérotonine exer-

cent une action stimulante sur la motricité digestive en favori-

sant la libération d'acétylcholine. Le tégasérod (HTF 919) exerce

une activité d'agoniste partiel au niveau du récepteur 5-HT

4

. Cette

action se traduit par un effet prokinétique qui a été observé chez

l'homme. Dans une étude scintigraphique chez des patients avec

syndrome de l'intestin irritable et constipation, le tégasérod accé-

lère le transit oro-cæcal de manière significative et tend à accélé-

rer le transit colique. Quelques études cliniques ont montré

l'efficacité du tégasérod dans le traitement des patients avec syn-

drome de l'intestin irritable et constipation. Une première étude

de phase III a montré un bénéfice clinique important pour le téga-

sérod, supérieur au placebo pour améliorer les douleurs abdomi-

nales et la constipation chez des patients présentant un syndrome

de l'intestin irritable avec constipation. Une nouvelle étude a

confirmé cette impression clinique favorable. Cette étude a inclus

799 patients avec syndrome de l'intestin irritable et constipation,

et montré que le tégasérod était supérieur au placebo pour le trai-

tement des douleurs abdominales et du ballonnement, au cours

d'un traitement de douze semaines. En revanche, aucune étude n'a

jusqu'à présent démontré un effet du tégasérod sur la sensibilité

digestive, en particulier sur les tests de distension luminale. Chez

l'animal, le tégasérod aurait un effet limité sur la perception d'une

distension rectale douloureuse, dépendant de la dose. Au cours des

essais dont les résultats sont disponibles, aucun effet secondaire

n'a été observé sur l'électrocardiogramme ni sur les paramètres

cardio-vasculaires. Lorsqu'il sera disponible, le tégasérod devrait

(36)

être prescrit aux patients présentant un syndrome de l'intestin irritable avec constipation et devrait améliorer les douleurs abdo- minales et la constipation.

Les autres molécules exerçant des effets sur la sensibilité viscérale sont actuellement en cours d'évaluation. Les études réa- lisées chez l'animal et chez l'homme ont permis de mettre en évi- dence de nombreux récepteurs sur les terminaisons nerveuses des afférences digestives et donc de définir de nouvelles cibles théra- peutiques. Actuellement, aucune de ces nouvelles molécules n'a atteint le stade de la mise sur le marché et de l'enregistrement par les autorités réglementaires.

La fédotozine et l'asimadoline agissent comme agoniste des récepteurs opiacés de type kappa, avec une bonne sélectivité.

Les études chez l'animal ont permis d'exclure une action centrale.

Chez l'homme, la fédotozine a peu d'effet sur la motricité diges- tive, en situations physiologique et pathologique. Chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable, la fédotozine ne modifie pas le tonus colique. Plusieurs publications ont démon- tré, en revanche, un effet antinociceptif des agonistes kappa, plus marqué dans des situations pathologiques telles que l'inflamma- tion et limité à une action périphérique, sans aucune action au niveau du SNC. Chez l'homme, la fédotozine diminue la per- ception de la distension gastrique chez le volontaire sain et la per- ception de la distension colique, sans modifier la compliance colique chez des patients avec syndrome de l'intestin irritable.

L'asimadoline a des effets semblables. Seule la fédotozine

a fait l'objet d'études cliniques ayant montré un effet modeste-

ment significatif par rapport au placebo sur les douleurs abdomi-

nales. L'asimadoline n'a pour l'instant fait l'objet d'aucun essai

clinique publié. Aucun effet secondaire significatif n'a été retrouvé

au cours des études cliniques avec la fédotozine. Malgré les résul-

tats positifs, la fédotozine n'a pu obtenir l'autorisation de mise sur

(37)

le marché, les autorités considérant que les différences mises en évidence par rapport au placebo n'étaient pas suffisantes. Le déve- loppement de la fédotozine a néanmoins fourni une expérience importante pour la conduite des essais thérapeutiques dans le syndrome de l'intestin irritable.

Parmi les nombreux neurotransmetteurs mis en évidence au niveau du plexus myentérique, quelques-uns ont fait l'objet d'études chez l'homme. Ces études ont mis en évidence des effets moteurs et/ou des effets sur la sensibilité digestive, principale- ment par l'étude des seuils de perception d'une distension intra- luminale (Tableau 6). Il n'est pas possible de détailler ici les résultats obtenus avec toutes ces molécules. Les études réalisées sur des modèles d'hypersensibilité chez l'animal ont attiré l'at- tention sur des molécules comme les tachykinines, la substance P, les neurokinines A et B, qui agissent sur les récepteurs NK

1

, NK

2

et NK

3

, et dont les antagonistes pourraient inhiber l'activité des afférences digestives. Chez l'animal, les antagonistes NK

2

dimi- nuent la perception de la distension colique.

Récemment, l'attention s'est également portée sur les anta- gonistes du CGRP (calcitonin gene-related peptide). Le CGRP est un neurotransmetteur impliqué dans les réponses de l'organisme au stress, tant au niveau central qu'au niveau périphérique. Des études préliminaires sur quelques malades ont montré, d'une part, des effets des antagonistes du CGRP sur la sensibilité viscérale et, d'autre part, un effet bénéfique sur les douleurs en rapport avec un syndrome de l'intestin irritable. Toutefois, des études cliniques comparatives sont nécessaires.

Anxiolytiques et antidépresseurs

Les anxiolytiques et les antidépresseurs ont été proposés depuis

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de nombreuses années dans le traitement des patients atteints d'un syndrome de l'intestin irritable. Ils sont utilisés de deux manières, soit à un dosage correspondant à leur indication psy- chiatrique, soit, pour certains d'entre eux, à des doses plus faibles ayant montré une action sur les fonctions motrices et sensitives du tractus digestif et une efficacité clinique. Le recours aux anti- dépresseurs dans le traitement du syndrome de l'intestin irritable est plus fréquent aux États-Unis et au Royaume-Uni qu'en France (imipramine, desipramine).

À des doses quotidiennes inférieures à celles prescrites pour le traitement antidépresseur lui-même, les antidépresseurs tricycliques ralentissent la motricité intestinale. L'effet des anti- dépresseurs a également été étudié sur la perception de la dis- tension. Chez les volontaires sains, l'amitryptiline (50 mg/j pendant vingt et un jours) ne modifiait pas la perception de la distension rectale ni œsophagienne alors qu'elle diminuait la per- ception d'une électrostimulation cutanée. Chez des patients avec syndrome de l'intestin irritable ne répondant pas à une psycho- thérapie et présentant une hypersensibilité viscérale, l'amitripty- line, à la dose de 50 mg/j, apportait une amélioration des symptômes du syndrome de l'intestin irritable et élevait les seuils de perception de la distension rectale. La desipramine avait les mêmes effets dans une autre étude. Dans une étude portant sur quelques patients présentant une dyspepsie fonctionnelle, l'ami- triptyline apportait une amélioration clinique après quatre semaines de traitement, mais ne modifiait pas les seuils de per- ception de la distension gastrique, qui restaient abaissés.

Sur le plan clinique, plusieurs études ont montré l'effica-

cité des antidépresseurs à faible dose dans le traitement du syn-

drome de l'intestin irritable. Une étude rétrospective a montré

que l'utilisation d'antidépresseurs à la dose moyenne de 50 mg/j

pour les antidépresseurs tricycliques apportait une rémission des

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