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UNIVERSITÀ CATTOLICA DEL SACRO CUORE DI MILANO UNIVERSITÀ DEGLI STuDI DI TORINO

DOTTORATO DI RICERCA IN

LINGUA, LINGUISnCA, STORIA DELLA LINGUA FRANCESE Xlii ciclo

TESI

DICTIONNAIRES POUR ENFANTS EN LANGUE FRANçAISE

Tutore:

Cotutore:

L'ACCES AU SENS LEXICAL

\

Candidato: Dott.ssa Micaela ROSSI l f J

Ch.ma Prof.ssa Hélène GIAUFRET COLOMBANI ~[{~~J~(fo.Y)

Università degli Studi di Genova

Ch.ma Prof.ssa Mariagrazia MARGARITO

Università degti Studi di Torino "" ~)' ~ ~

Coordinatore: Ch.mo Prof. Camillo MARAZZA Università degli Studi di Brescia

(2)
(3)

PREMIERE P ARTIE : ETUDE DES DICTIONNAIRES POUR ENF ANTS

Chapitre l. Histoire des dictionnaires pour enfants Chapitre 2. La structure d'un dictionnaire scolaire 2.1 Macrostructure

p.7 p.l6

Dimensions de la nomenclature et nombre des entrées p.l6

Choix de la nomenclature p.21

Critères formels et linguistiques : sta tut de l'unité de

traitement lexicographique p.21

Les unités linguistiques supérieures au mot graphique p.24

Le mot composé p.24

La lexie et la locution p.25

Le sigle p.28

Les unités linguistiques inférieures au mot graphique p.30 Les monèmes liés

Les noms propres p. 3 3

Les entrées à plusieurs formes p.36

Critères idéologiques et sociolinguistiques p.40

Les mots archalques p.41

Les néologismes p.42

Les emprunts étrangers p.45

Les termes techniques p.4 7

Les mots métalinguistiques p.48

Les mots bas et vulgaires p. 50

Les mots familiers, populaires, argotiques p. 50

Les régionalismes p. 53

Présentation et organisation de la nomenclature p. 56

Respect de l'ordre alphabétique p. 56

Regroupement des mots par familles p. 58

Renvois analogiques p.64

Renvois - homonymes p.66

Traitement homonymique/polysémique d es entrées p.6 7

Conventions typographiques p.81

Annexes p.94

(4)

L'orthographe La prononciation

La catégorie grammaticale Les niveaux de langue

L'étymologie et l'histoire du mot

Chapitre 3. Le métalangage dans l es dictionnaires pour enfants

Chapitre 4. Les livrets d'accompagnement dans les dictionnaires scolaires: pédagogie du lexique ...

ou pédagogie du dictionnaire ?

DEUXIEME PARTIE: L'ACCES AU SENS LEXICAL Chapitre 5. Pratiques définitionnelles dans les dictionnaires pour enfants

Théories du sens lexical

Définition lexicographique et description du sens dans les dictionnaires scolaires

p.l04 p.l06 p.l07 p.l08 p. l lO

p.ll2

p.l22

p.l33 5.1. Modèles lexicographiques traditionnels de la définition

De l'analyse différentielle à l'analyse componentielle L'importance du contexte.

L'analyse en sèmes de François Rastier Pour une définition référentielle.

La théorie du prototype de Rosch

Théories sur l'acquisition du sens lexical chez les enfants

Le mot comme expression des compétences cognitives L'importance du concept : la lignée de Bruner

L'hypothèse du « noyau fonctionnel » de Nelson L'hypothèse du « noyau formel-perceptif »

de Clark

L'hypothèse du prototype de Rosch

Le mot comme expression du développement social et communicatif de l'enfant

p.l37 p.l39 p.l40

p.l44 p.l46 p.147 p.l48 p.l48 p.l49 p. l 50

(5)

Procédés de définition spontanée : constantes et suggestions heuristiques

Procédés définitoires émotifs Procédés définitoires rationnels L'apport fondamenta! des techniques de définition enfantine

5.2. Modèles définitionnels à l'reuvre dans les dictionnaires scolaires

La forme de la définition

Etude du corpus et suggestions d'analyse

Modèles de définition lexicographique « traditionnels »

Définition par synonyme/antonyme Définition formelle

Définition morpho-sémantique Définition logique

L'aménagement du métalangage : la définition phrastique La définition contestée : la procédure de l'exemple glosé Formes hybrides : définition par énumération,

définition par l'exemple, définitions multiples

Chapitre 6. Ròle et fonction des exemples dans la pratique définitionnelle

L'exemple -phrase complète L'exemple - syntagme

L'exemple narratif L'exemple citation

Chapitre 7. Le contenu de la définition. Réflexions et suggestions didactiques

Entre le monde et les mots : la nature hétérogène du lexique Entre le monde et les mots : le texte du dictionnaire

Du monde aux mots : un parcours didactique possible ? En marche « à la conquete du sens » :

p. l 54 p. l 55 p. l 55 p. l 59

p.l61

p.l63 p.l65 p.l67 p.l71 p.l79 p.l85

p.l93

p.l98 p.l99 p.202 p.203 p.206

p.210 p.212 p.215

(6)

Vers une définition linguistique: une forme adaptée aux compétences de l'enfant

Du monde aux mots : un parcours didactique à réaliser

Chapitre 8. Le code sémiotique de la définition : formes et fonctions de l'illustration dans les dictionnaires

pour e~ants

Typologie d'illustrations dans les dictionnaires pour enfants La photo

Le dessin Le schéma

Fonctions sémantiques de l'illustration

L'illustration comme appoint encyclopédique L'illustration « définitoire »

Illustration de référent, illustration de signe

Illustration paradigmatique, illustration syntagmatique Illustration et polysémie

Condusions Bibliographie

p.222 p.224

p.226

p.232 p.233 p.235 p.242 p.242 p.249 p.252 p.256 p.261 p.265 p.268

(7)

ETUDE DES

DICTIONNAIRES POUR ENF ANTS

(8)

Introduction

« un dictionnaire, c'est la vérité »

Le Gros Dico des tout petits

Une thèse de doctorat sur les dictionnaires pour enfants ... le sujet pourrait paraltre peu sérieux, à un premier abord ! En réalité, la rédaction d'un dictionnaire destiné à un public scolaire représente aujourd'hui un véritable défi, meme pour le lexicographe le plus compétent ; ce genre d'ouvrages, qui est pourtant très récent (le premier dictionnaire spécifiquement conçu pour les enfants ne date que des années 50), représente désormais l'un des domaines de recherche et de production lexicographique les plus actifs, où s'exerce une concurrence acharnée parmi de nombreuses maisons d'édition : des dictionnaires Robert - Benjamin, ]unior ... - aux dictionnaires Larousse - Maxi Débutants, Mini Débutants, Su per Major ... - passant par Bordas ]unior, Hachette ]unior, Hachette Benjamin. .. une liste exhaustive des dictionnaires scolaires actuellement sur le marché est presque impossible à dresser.

Une thèse de doctorat sur les dictionnaires pour enfants se révèle donc etre une affaire sérieuse - et complexe : l'élaboration d'un ouvrage d'apprentissage, qui se veut destiné à une didactique du lexique efficace, plutot qu'à la simple consultation, dépasse les limites de la seule lexicographie, pour aborder la lexicologie, la didactique des langues, la sémantique, la psycholinguistique, la psychologie, la pédagogie... la création d'un dictionnaire souple, accessible, vraiment adapté aux exigences, aux compétences linguistiques et cognitives de ses mini-consultants, d'un dictionnaire qui ne soit pas la simple copie, réduite et joliment illustrée, d'un dictionnaire de langue pour adultes, peut s'avérer plus compliquée que la rédaction d'un dictionnaire pour un public d'adultes.

Le ròle du dictionnaire à l'école primaire est fondamenta} selon les programmes ministériels pour la didactique du français langue maternelle1 ; c'est grace au dictionnaire que les enfants doivent parvenir à une conscience adulte du lexique en tant que code autonome, régi par ses propres lois, abandonnant progressivement une conception du langage comme un

1 A ce propos, voir chapitre l.

(9)

magma informe vers une compétence lexicale de plus en plus élaborée et complexe : loin d'etre simplement un « gros bouquin », le texte lexicographique devient un des textes fondamentaux pour la formation des jeunes locuteurs.

Malheureusement, jusqu'à une date assez récente, ce genre d'ouvrages n'a pas attiré l'attention de l'analyse métalexicographique, qui les considérait en quelque sorte comme un genre « mineur », « secondaire » ; les premières études relatives aux dictionnaires pour enfants apparaissent en 1983, dans les

« Cahiers de lexicologie », mais il s'agit d'une tentative isolée ; leur « age d'or »

n'arrive en revanche qu'au début des années 90, lorsque josette Rey-Debove présente le Petit Robert des enfants, un modèle de dictionnaire pour enfants tout à fait novateur, une gemme dans le domaine des ouvrages scolaires : la célébrité de l'auteur et une structure originale, jusqu'à présent inégalable, sont sans doute à la base du succès du Petit Robert des enfants, qui engendre un mouvement de redécouverte du dictionnaire pour enfants, comme en témoigne le nombre considérable d'articles sur ce sujet2• Pendant ces demières années pourtant, alors que la production de ce genre d'ouvrages augmentait sensiblement, le flot des études semble etre en quelque sorte tari: très récemment seulement, quelques auteurs ont recommencé à s'occuper de dictionnaires pour enfants, notamment à la suite de la parution des premiers dictionnaires d'apprentissage électroniques. La variété et la richesse de ce domaine méritent cependant un traitement plus approfondi et plus systématique : le but initial de cette recherche est donc d'offrir une synthèse la plus exhaustive et la plus complète possible sur ce genre lexicographique.

L'analyse

La première parti e de cette thèse na1t don c sous le signe de l' analyse, essentiellement centrée sur un corpus de huit dictionnaires3 que nous avons choisi parmi les ouvrages les plus fréquemment adoptés par les écoliers (à l'exception du Petit Robert des enfants de Josette Rey-Debove, que nous avons retenu, en dépit de son age . . . vénérable, en raison de ses atouts

2 A ce propos, voir Bibliographie, § 6.

3Les dictionnaires Robert Benjamin, Robert ]unior, Petit Robert des enfants, Larousse Mini Débutants, Maxi Débutants, Super Major, Bordas ]unior, Hachette ]unior ..

(10)

lexicographiques et didactiques). Notre recherche commence par un bref aperçu d' histoire des dictionnaires sco/aires: du Dictionnaire d es débutants de Micbel de Toro (1948) jusqu'aux Dictionnaires Robert et Larousse de l'an 2000, nous avons retracé les lignes fondamentales de l'évolution de ce genre d'ouvrages - un genre qui, né comme une simple adaptation du dictionnaire général, a désormais acquis une pbysionomie tout à fait spécifique, riche en perspectives didactiques. À l'intérieur de ce monde en pleine expansion, quelques tendances fondamentales se dégagent :

• La diversification de la structure du dictionnaire en fonction de l' Q.ge de ses petits consultants; les maisons d'édition cboisissent désormais des ciblages de plus en plus précis, élaborant des modèles différents pour chaque tranche d'age : des pré-dictionnaires4 (4-6 ans), des dictionnaires d'initiation (6-8 ans), des dictionnaires « débutants » (8-12 ans) et des dictionnaires

«adolescents » (12-15 ans). Aux fins de notre recherche, nous n'avons retenu que les deux tranches d'age centrales, car c'est pendant le CE et le CM que l'enfant acquiert progressivement la maltrise de la langue en tant que code d' expression 5•

• Une étude de plus en plus approfondie sur les potentialités du dictionnaire scolaire en tant qu' outil didactique, complément aux méthodes de classe, ce qui implique notamment l'élaboration d'un nouveau modèle de texte lexicographique, qui puisse guider progressivement l'enfant vers l'acquisition correcte et consciente des structures lexicales, aussi bien du point de vue morphologique (règles de composition, dérivation, formation de familles de mots ... ) que sémantique (rapports de synonymie/antonymie, hyperonymie/hyponymie, homonymie ... );

• Une importance croissante de l'illustration: le recours aux illustrations représente sans doute un argument publicitaire séduisant, et presque tous les dictionnaires actuels vantent le nombre des illustrations en couverture;

néanmoins, il peut aussi jouer un ròle important dans les processus d'apprentissage linguistique6 •

4 L'expression est empruntée à P. CORBIN, para!tre).

5 A ce propos, nous renvoyons le lecteur aux chapitres suivants.

6 Voir à ce propos chapitre 8.

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Nous avons ensuite consacré une partie considérable de notre thèse à une

« étude linguistique et... didactique» de la structure des dictionnaires scolaires contemporains, essentiellement centrée sur les choix fondamentaux des lexicographes rédigeant un dictionnaire spécifiquement conçu pour un public d'enfants, aussi bien au niveau de la macrostructure qu'au niveau de la

microstructure :

• dimensions de la nomenclature : autrement dit, les dictionnaires scolaires se veulent-ils forcément des « gros bouquins »?

• critères formels et conceptuels à la base de la sélection des entrées : ou mieux, les dictionnaires scolaires s'avèrent-ils des « petits Vaugelas à l'usage des écoliers » ?

• présentation et organisation de la nomenclature: autrement dit, les mini-consultants de ces dictionnaires sont-ils censés penser et parler en ordre alphabétique ?

• structure des articles : quelles sont les informations fondamentales que le dictionnaire doit présenter pour que l'enfant puisse élaborer un portrait fidèle des mots ?

• traitement du métalangage : par quels moyens le dictionnaire pour enfants peut-il introduire progressivement ses mini-consultants à la ma'ìtrise de plus en plus parfaite du discours sur la langue ?

La recherche

Les descriptions spontanées que les enfants proposent pour le mot dictionnaire présentent toutes un trait commun : pour eux, le dictionnaire contient avant tout « le sens des mots »7 ; la deuxième partie de cette thèse est justement centrée sur le problème capitai de la définition du sens lexical dans les dictionnaires pour enfants. Autrement dit, quel est le modèle de la « bonne définition » dans un dictionnaire scolaire? Et surtout, existe-t-il vraiment un modèle univoque de « bonne définition » ?

Notre parcours à la recherche de la « bonne définition » commence par la théorie : un premier chapitre de cette partie de la thèse passe donc en revue :

7 Pour ce qui concerne les recueils de définitions spontanées, voir Bibliographie, § 9.

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• Les modèles sémantiques traditionnels- de la définition aristotélicienne à l' analyse sémique-componentielle ...

• Les modèles psycholinguistiques les plus récents pour une définition naturelle du sens lexical chez l'enfant - de la théorie du prototype jusqu'aux théories plus récentes du noyau fonctionnel et d es catégorisations ...

• Les constantes de la pratique définitoire spontanée des enfants, car c'est souvent à travers l'analyse des définitions élaborées par ces linguistes nalfs que la recherche linguistique peut élaborer des modèles de description sémantique tout à fait adaptés aux compétences linguistiques et cognitives des mini-locuteurs.

Toutefois, comme « ce qui n'est pas expérimental n'est pas scientifique »8:

le deuxième volet de cette partie de notre thèse consiste donc dans une analyse détaillée9 des différents modèles de définition à l'reuvre dans les dictionnaires de notte corpus, afin d'établir quelles sont les caractéristiques essentielles d'une « bonne définition » :

• au niveau formel: la définition la plus accessible, pour un enfant, se présente sous la forme de la définition logique, morpho-sémantique, synonymique, traditionnelles, ou des modèles les plus récents de la définition phrastique et de l' exemple glosé, don t la syntaxe suit le modèle des énoncés du langage ordinaire ?

• au niveau du contenu : une bonne définition, pour un enfant, porte essentiellement sur la dimension interne au lexique - qui définit le mot par ses rapports avec d'autres unités du lexique (synonymes, hyperonymes ... ), ou bien sur la dimension extra-linguistique - qui définit le mot par le renvoi à la réalité, à l' expérience concrète (pratiques d'assimilation, d'exemplification ... )?

• au niveau de code sémiotique - le choix se pose alors entre une définition linguistique et une définition iconique, réalisée par le biais de l'illustration: comme on le verra, il s'agit d'un choix difficile, car l'illustration

8 C. Renan.

9 Pour réaliser cette recherche, nous avons créé une base de données électronique, qui nous a permis aussi d'élaborer des études statistiques sur ces modèles définitionnels ; à ce propos, voir les Annexes de cette thèse, où nous avons réuni les tableaux et les graphiques relatifs à cette partie de notre étude.

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peut jouer, dans l'économie du dictionnaire, un role plus important que celui de simple information supplémentaire, s'avérant un facteur fondamenta! dans le procès de décodage et d'accès au sens.

Notre analyse des procédés définitionnels à l'reuvre respectivement dans les dictionnaires de notre corpus et dans la pratique spontanée10 nous permettra enfin de formuler quelques suggestions didactiques pour l'élaboration d'un modèle de description lexicographique qui, en tant que dictionnaire d'apprentissage, « doit répondre à certaines exigences : développer les fonctions de décodage et d'encodage, cultiver la redondance, inciter à la réflexion métalinguistique »,mais qui ne peut pas oublier son essence d'ouvrage destiné à un public de mini-consultants, pour lesquels il représente aussi - voire parfois surtout - « un outil de dénomination des référents, un instrument d'appréhension et de représentation du réel, car. chez l'en(ant. l'apprentissage de la langue va de pair avec le développement de la connaissance du monde »11

10 Notre expérience dans le domaine de l'analyse des définitions spontanées s'est considérablement enrichie depuis quelques mois, grace à notre participation à un projet de didactique du lexique organisé par le CNR de Genes ce propos, voir Bibliographie, § 5).

11 LEHMANN, A., Les dictionnaires pour enfants: diversité, diversification, uniformisation, « Le Français aujourd'hui », 131, septembre 2000.

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HISTOIRE DES DICTIONNAIRES POUR ENF ANTS

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Histoire des dictionnaires pour enfants

Une histoire récente

Comme le remarque justement René Lagane, dans une des premières synthèses consacrées à l'évolution des dictionnaires français pour enfants,

"jusqu'à une date assez récente, on aurait difficilement pu citer un dictionnaire de langue française spécialement conçu pour un public scolaire"1Le genre des dictionnaires destinés à l'école primaire représente donc un acquis récent dans le panorama de la lexicographie française: le premier dictionnaire

« spécifiquement conçu selon une formule nouvelle correspondant à l'attitude mentale d'un enfant de 8 à 11 ans » est le Dictionnaire des débutants de Michel de Toro (1948); toutefois, ce n'est que depuis les années 70 que les progrès de la linguistique, de la didactique des langues et de la psycholinguistique ont permis la conception et l'élaboration d'un ouvrage souple, adapté aux exigences du public scolaire, permettant aux écoliers d'exploiter au maximum la richesse des structures lexicales.

La nécessité d'un dictionnaire spécifique, un complément didactique aux méthodes d'enseignement du français langue maternelle, représente toutefois une préoccupation majeure dans la didactique du français langue maternelle, en particulier pendant les dernières années, comme il ressort du bref aperçu des programmes ministériels consacrés à l'enseignement de la langue française à l'école élémentaire que nous proposons ci-dessous2:

arreté 7 mai 1963: «les élèves auront entre les mains et conserveront pendant toute la durée de leurs études une grammaire française et un dictionnaire de langue francaise»;

1 LAGANE, R., Les dictionnaires sco/aires: enseignement de la langue maternelle,

"Encyclopédie Internationale de le:xicographie", Walter de Gruyter, Berlin, New York, 1989, voi II, p.l369.

2 C'est nous qui soulignons.

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pian Rouchette (1971): «il est indispensable de prévoir, dès le C.E., une préparation à l'usage du dictionnaire, notamment en faisant ordonner des listes de mots selon l'ordre alphabétique, car le dictionnaire ne sera un

auxiliaire efficace que si le maniement en est su(fisamment dominé»;

circulaire juin 1976 ("Enseignement de l'orthographe dans les écoles et les collèges") - parmi les "compétences orthographiques assignées comme objectif à la fin de la scolarité élémentaire", on cite: «savoir recourir au dictionnaire»;

B. O. n.1 du 5 mai 1989: «il convient que /es élèves quittant le CM2 sachent gérer le temps réservé à leur travail personnel, soient familiarisés avec l'utilisation des différentes ressources documentaires (dictionnaires. encyclopédies ... »;

arreté 22 février 1995 - PROGRAMMES ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE - «le maitre insistera sur l'utilisation d'un dictionnaire adapté pour comprendre ou préciser le sens d'un mot ou pour en vérifier l'orthographe»;

circulaire pour les écoles élémentaires de juin 1996 - parmi /es tiìches de vocabulaire, on lit: «trouver le sens d'un mot, d'une expression dans un dictionnaire courant».

De leur coté, les didacticiens et les pédagogues qui se penchent sur l'enseignement du français langue maternelle à l'école élémentaire conseillent aux instituteurs d'exploiter au maximum les potentialités de l'objet dictionnaire en tant que complément à leurs méthodes; s'ils se déclarent favorables à la création de dictionnaires spécialement conçus pour le public scolaire, ils mettent en meme temps en évidence la difficulté de créer un ouvrage lexicographique vraiment adapté aux exigences et aux compétences des écoliers: si donc d'un coté, comme le déclare par exemple Paul Bogaards3,

"l'école est le lieu idéal, non seulement pour se servir du dictionnaire. mais encore (et surtout) pour apprendre à s'en servir", on ne peut pas oublier,

3 BOGAARDS, P., Dictionnaires pédagogiques et apprentissage du vocabulaire, "Cahiers de lexicologie", 1991, p.97.

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d'ailleurs, que "le dictionnaire sco/aire, comme tous les objets «dictionnairiques», représente un compromis entre des principes lexicographiques et un ensemble de contraintes techniques et commerciales"4; la préoccupation la plus évidente des didacticiens et des instituteurs est donc que ce genre de dictionnaires, souvent produits et élaborés à la hate, sous la pression de contraintes commerciales, se révèlent incomplets et pauvres au niveau de la pédagogie du lexique: "le dictionnaire destiné à l'école élémentaire laissera son public insatisfait ( .. .) et ne sera jamais, finalement, qu'une «adaptation» plus ou moins réussie des dictionnaires pour adultes"5; cette image stéréotypée est d'ailleurs fortement enracinée dans l'imaginaire collectif des usagers, pour lesquels "l'idée de

«dictionnaire d'enfants» s'appuie contrastivement sur celle de «dictionnaire d'adultes» (. . .) Pour un grand nombre de personnes, l'opposition est pensée en termes quantitatifs: un livre moins gros. un nombre de mots et de sens limité aux emplois l es plus (réquents. d es informations moins variées et moins fin es(. . .)'16

L'essor du genre lexicographique des dictionnaires d'apprentissage date des années 70, et "ce changement de situation résulte de la convergence entre une incitation d'ordre économique (. . .)et l'incidence sur la lexicographie et sur le projet pédagogique de l'orientation nouvelle de la linguistique"7C'est lors de la création d'un dictionnaire de langue française complètement nouveau, le Dictionnaire du français contemporain dirigé par jean Dubois (Larousse, 1966), que les apports fondamentaux de la linguistique structurale trouvent leur expression dans le domaine lexicographique. Le DFC représente en quelque sorte l' ancetre des dictionnaires pédagogiques contemporains, en ce qu'il privilégie une description lexicographique fondée sur les structures inhérentes

4 CHANSOU, M., Pour une réflexion sur la nomenclature des dictionnaires à l'école élémentaire. Compte rendu d'enquete, "Études de linguistique appliquée" 49, janvier- mars 1983, p.127.

5 BUZON, C., Au sujet de quelques dictionnaires monolingues français à l'école élémentaire: réflexions critiques et éléments de proposition, ELA 49, 1983, P.173.

6 REY-DEBOVE, J., Dictionnaires d'apprentissage: que dire aux enfants? "Le Français dans le monde", n.s. "Lexiques", 1989, p.18.

7 LAGANE, R., 1989, cit., p.1369.

(18)

au lexique, favorisant ainsi une "prise de conscience et une mise en pratique systématique des règles de fonctionnement du lexique"8 La conception de l'ensemble lexical comme une structure organisée, dont les règles sous- jacentes doivent etre explicitées et mises en évidence par le travail du lexicographe, se révèle partout dans le DFC, qui se propose de faciliter la compréhension et l'acquisition des structures lexicales par un traitement approfondi et détaillé des relations de sens et de forme entre les mots: ce n'est donc pas par hasard que les auteurs donnent un ròle de premier pian dans leurs articles à l'étude des familles de mots, et aux renvois analogiques à synonymes et contraires; la rédaction du DFC fonde ainsi une nouvelle démarche pédagogique dans le domaine des dictionnaires, destinée à influencer profondément tous les dictionnaires d'apprentissage suivants, et d'autant plus les ouvrages destinés au public scolaire.

Les principes fondateurs du DFC donnent naissance, pendant les années qui suivent, à bien des dictionnaires, spécifiquement et explicitement orientés vers l' apprentissage de la langue française: le Micro-Robert («dictionnaire d'apprentissage du français», première édition sous la direction de Paul Robert, 1971) et, quelques années après, le Robert Méthodique (1982), exploitent au maximum les possibilités du texte lexicographique afin de donner aux consultants une image précise et complète des relations de forme et de contenu entre les lexèmes: les renvois analogiques occupent une piace de premier pian, et les liens entre des mots appartenant à la meme famille morphologique sont clairement explicités; en outre, le Robert Méthodique présente meme un traitement approfondi, encore que quelque peu obscur, des

"éléments formateurs"9 du lexique, c'est-à-dire des morphèmes liés, préfixes et suffixes.

Pendant les dernières années, les dictionnaires d'apprentissage de langue française se sont multipliés: les lexicographes et les didacticiens insistent sur la nécessité de rendre l'objet lexicographique un instrument actif

8 Ibidem.

9 L'expression est empruntée à C. Buzon.

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de compréhension et de production lexicale10, stimulant la créativité linguistique des usagers: nous citerons encore à ce propos le Dictionnaire du français vivant (Bordas, 1972), et le tout récent Dictionnaire d'apprentissage du français, dirigé per Josette Rey-Debove (Clé Internationale, 1999).

Le genre lexicographique du dictionnaire pour enfants se développe selon les memes principes formateurs, dans une optique essentiellement pédagogique et didactique, afin d'offrir aux enfants de l'école primaire un instrument de travail souple, aisément consultable, voire agréable. Le premier exemple de ce genre d'ouvrage est sans conteste le Larousse des débutants (1948): dans une optique didactique, les auteurs suivent justement l'exemple du DFC, et ils adoptent la démarche du regroupement par famille de mots.

Meme si ce dictionnaire représente encore une sorte de transition hybride vers les dictionnaires pour enfants contemporains, et qu'il ne semble pas complètement adapté aux exigences et surtout aux compétences lexicales et métalinguistiques des élèves de l'école primaire, les auteurs ont le grand mérite de créer un nouveau genre dictionnairique, et de stimuler l'intéret de la réflexion métalexicographique à l'égard de la nécessité d'un ouvrage spécifiquement destiné aux enfants.

En 1977, on assiste à la publication du Nouveau Larousse des débutants, qui marque une nouvelle étape dans l'évolution des dictionnaires pour enfants: le texte lexicographique est considérablement aménagé, afin d'etre compréhensible et clair pour les jeunes consultants, la métalangue devient plus simple et plus immédiate; c'est cette orientation pédagogique que l'on retrouve, quelques années après, dans la nouvelle édition du Larousse Maxi- Débutants (sous la direction de René Lagane, 1986). Les autres maisons d'édition suivent l'exemple des dictionnaires Larousse, comme le démontre la prolifération de plus en plus rapide de dictionnaires scolaires: le Hachette ]uniors date de 1980, et c'est pendant la meme période que les éditions Bordas publient leur dictionnaire M es l 0.000 mots, qui restera pendant longtemps l'un des ouvrages les plus connus par les écoliers français; ces dictionnaires

10 Selon R. Galisson, le dictionnaire doit devenir un instrument d'encodage plutot que de décodage linguistique.

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suivent de près les principes fondateurs du Larousse Maxi-Débutants:

regroupement par familles de mots, renvois analogiques à synonymes et contraires, aménagement du discours lexicographique traditionnel en vue d'une meilleure communication avec les mini-usagers.

Depuis les années 70, le marché des dictionnaires scolaires s'est donc rapidement développé, au point que, comme le remarque encore René Lagane,

"aujourd'hui, le marché du dictionnaire sco/aire de langue est un marché important où s'exerce, à divers niveaux, une active concurrence"; le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France Opale Plus enregistre plus de 70 dictionnaires pour enfants édités pendant les trente dernières années. Pendant cette période, le genre lexicographique des dictionnaires pour enfants a bien sùr évolué, suivant les nouvelles tendances de la lexicographie, et surtout de la didactique des langues; s'il faut, d'une part, reconnaltre que le modèle des premiers Larousse des débutants (en particulier pour ce qui est des regroupements par familles de mots et de la recherche d'une métalangue adaptée aux compétences métalinguistigues de l'enfant) influence encore considérablement l'élaboration ce genre d'ouvrages, force est de constater, par ailleurs, que les dictionnaires scolaires actuellement en commerce constituent un genre lexicographique varié et multiforme, une étiquette désignant diverses réalités dictionnairiques: dictionnaires de langue, dictionnaires encyclopédiques, dictionnaires en images ...

A l'intérieur de ce panorama hétérogène, une constante s'impose : la tendance à la diversification ; la rédaction du texte lexicographique varie avant tout en fonction de l'age de ses petits consultants, ce qui nous permet d'établir une première distinction fondamentale entre dictionnaires 6-8 ans et dictionnaires 8-12 ans. Les ouvrages destinés à la tranche d'age entre 6 et 8 ans représentent des dictionnaires d'initiation, spécifiquement conçus afin de

"susciter chez les tout jeunes élèves le plaisir de manipuler les livres consacrés aux mots"11 Caractérisés par une nomenclature restreinte (de quelques centaines de mots jusqu'à 6.000-8.000 mots), par un traitement lexicographique le plus clair et précis possible, par une métalangue très simple, au niveau des mini-consultants, toujours joliment et abondamment

11 LAGANE, R., 1989, cit., p.l377.

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illustrés, ces dictionnaires peuvent représenter une aide précieuse pour stimuler la curiosité linguistique des élèves et favoriser l'apprentissage lexical.

Nous avons choisi d'inclure dans notre corpus d'analyse deux de ces dictionnaires d'initiation: le Larousse Mini-Déhutants (Larousse, sous la dir. de Claude Kannas, 1997) et le Robert Benjamin (Dictionnaires Le Robert, sous la dir. de Christine de Bellefonds et Christiane Laporte, 1997). Une lecture sommaire de ces ouvrages révèle que les traits fondamentaux de ces dictionnaires suivent l'exemple du modèle ci-dessus:

• tous les deux ont une nomenclature réduite (5.400 entrées pour le Mini- Débutants, 6.000 pour le Benjamin);

tous les deux sont définis comme de "vrai(s) dictionnaire(s}"12, afin de garantir leur qualité au niveau lexicographique, et de les distinguer des simples livres d'images;

• ils sont présentés comme des auxiliaires dans l"'apprentissage de la lecture et de l'écriture", ce qui garantit leur valeur au niveau pédagogique et didactique;

• ils sont caractérisés par l'abondance des illustrations ( "plus de 500 illustrations" pour le Mini-Débutants, et "de très nombreuses illustrations" pour le Benjamin), dont la fonction principale est celle d'"aider (ou d'inviter) à la compréhension des mots".

Ce qui différencie en revanche ces deux dictionnaires, qui représentent en tout cas des ouvrages agréables et apparemment bien adaptés au public scolaire, est la présence d'un atlas dans le Larousse Mini Débutant, ce qui témoigne - selon la tradition des dictionnaires Larousse - d'un esprit encyclopédique plus évident et plus développé par rapport au Robert Benjamin.

Les dictionnaires destinés à la tranche d'age 8 ans-12 ans présentent, par rapport aux dictionnaires 6-8 ans, une nomenclature beaucoup plus riche (16.000-20.000 mots), comme le demandent d'ailleurs les compétences lexicales des enfants du CM qui, selon les études psycholinguistiques les plus

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récentes, augmentent considérablement à partir de 8 ans. Ces ouvrages représentent donc une sorte de transition vers les dictionnaires de langue pour adultes, tout en gardant des caractéristiques typiques du dictionnaire scolaire (abondance des illustrations, métalangue allégée ... ). N otre corpus de départ accorde une piace privilégiée à ce genre d'ouvrages, en ce qu'ils constituent en quelque sorte le prototype emblématique du dictionnaire pour enfants13; nous analyserons donc le Dictionnaire Bordas ]unior (éd. de 1993, sous la dir. de jean Girodet), le Dictionnaire Hachette ]unior (éd. de 1998, sous la dir. de Emmanuel Fouquet); le Dictionnaire Robert ]unior illustré (éd. de 1997, sous la dir. de Christine de Bellefonds, Sophie Chantreau, Laurence Laporte), le Petit Robert des enfants (éd. 1990, sous la dir. de Josette Rey- Debove) le Dictionnaire Larousse Maxi-Débutants (éd. 1997, sous la dir. de René Lagane), le Dictionnaire Larousse Super Major (éd. 1997, sous la dir. de Paul Kannas). Pour l'instant, nous nous bornons à esquisser un portrait rapide de ces ouvrages, qui seront analysés de façon plus précise et plus approfondie dans les pages suivantes:

• les dictionnaires destinés aux enfants de 8-12 ans s'efforcent d'éveiller la curiosité des mini-usagers à l'égard des structures du lexique, afin de stimuler leur créativité lexicale et leurs réflexions métalinguistiques: ils consacrent donc une attention particulière au traitement des familles de mots ce propos, par exemple, le Larousse Maxi Débutants offre à ses jeunes consultants une aide précieuse), et aux renvois analogiques (qui nous semblent particulièrement clairs et complets dans le Petit Robert des enfants et dans le Robert ]unior).

• c'est surtout dans le domaine de la définition des mots que l'originalité des dictionnaires 8-12 ans se révèle complètement: s'il est vrai d'ailleurs, comme le soulignent la plupart des études psycholinguistiques relatives à

12 Nous soulignons par l'italique les expressions tirées des avant-propos de ces dictionnaires.

13 C'est justement dans ce genre de dictionnaires que la recherche des lexicographes se révèle plus active : alors que les dictionnaires d'initiation présentent des limites intrinsèques - nomenclature limitée, articles « forcément » réduits à une explication simple et concise du mot - les dictionnaires destinés au CM manifestent un travail intense sur l'élaboration de nouveaux modèles définitionnels et sur l'aménagement du métalangage propre au texte du dictionnaire.

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l'acquisition linguistique, que l'àge de 8 ans marque un tournant significatif dans l'évolution de la compétence lexicale des enfants, qui passent alors de la simple acquisition de nouveaux mots à l' explication d es mots connus, le choix des lexicographes, qui accordent à la définition des entrées un ròle de premier pian, semble pleinement justifié: le Dictionnaire Bordas junior souligne la présence de "définitions simples", le Robert ]unior met en évidence son choix pour de "vraie(s) définition(s) ...

• le Dictionnaire Larousse Maxi-Débutants et le Dictionnaire Larousse Super Major (comme on a déjà eu l'occasion de le remarquer à propos du Larousse Mini-Débutants) semblent en revanche caractérisés par un intért~t plus spécifiquement encyclopédique, comme il ressort nettement de l'avant-propos du Larousse Super-Major: "notre souhait a été celui de familiariser l'enfant avec tous les types d'informations qu'il pourra trouver plus tard dans un dictionnaire encyclopédique plus important"

Pour conclure, nous citerons enfin dans notre corpus deux dictionnaires spontanés, le Gros dico des tout petits (Lattès, 1993, sous la dir. de Claude-Alain Duhamel et Carole Balaz), et le dictionnaire en ligne du site internet Premiers pas sur l'internet (www.momes.net) qui, en tant que dictionnaires rédigés pour des enfants, et par des enfants, peuvent représenter un bon point de départ pour une comparaison entre les dictionnaires scolaires créés par des lexicographes, les exigences et les compétences linguistiques réelles des mini- consultants14.

14 A ce propos, voir surtout chapitre 5.

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lASTRUCTURE

D'UN DICTIONNAIRE SCOLAIRE

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La structure d'un dictionnaire scolaire Macrostructure

l. Dimensions de la nomenclature et nombre des entrées dans Ies dictionnaires pour en{ants

Si l'on attribue au dictionnaire de langue une "image mythique plus ou moins consciente" dans l'imaginaire linguistique des usagers, telle que la décrivent les auteurs d'un des ouvrages fondateurs de la métalexicographie en France, une sorte d'idéal chimérique élaboré autour du dictionnaire parfait, alors une des "utopies lexicographiques"2 les plus profondément enracinées dans l'imaginaire des locuteurs est celle qui conçoit le dictionnaire comme une photographie précise, un miroir fidèle et e:xhaustif de la réalité linguistique, répertoriant toutes les réalisations possibles de l'usage: "tout mot français figure dans les dictionnaires, et tout mot qui n'y figure pas n'est pas français. "3 Ce mythe du lexique totar est sans doute l'un des plus consolidés dans l'imaginaire collectif du locuteur moyen, malgré les nombreux efforts des linguistes et des lexicographes qui, vu l'impossibilité d'enregistrer la totalité du lexique, multiforme et changeante, s'efforcent de mettre en évidence l'essence nécessairement sélective d'un dictionnaire général:

"Affirmer d'un dictionnaire qu'il contient tous les mots de la langue relève de l'ignorance ou de l'imposture publicitaire (. . .) La nomenclature est nécessairement limitée en extension, quelle que soit son étendue"5

1 L. COLLIGNON, M. GLATIGNY, Les Dictionnaires. Initiation à la lexicographie, coli.

"Textes et non textes", Paris, Cedic, 1978, p.14.

2 J. REY-DEBOVE, La linguistique du signe, Paris, Colin, 1998, p.277.

3L. COLLIGNON, M. GLATIGNY, 1978, cit., p.15.

4]. REY-DEBOVE, Etude linguistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains, Paris, La Haye, Mouton, 1971._

5 L. COLLIGNON, M. GLATIGNY, 1978, cit. p.74-75.

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Les enfants, mini-usagers de l'objet dictionnaire, n'échappent pas à la règle, et ils gardent aussi bien que leurs parents une image en quelque sorte fabuleuse et idéalisée de ce "gros bouquin", qu'ils considèrent comme un répertoire global du savoir sur la langue et sur le monde, comme il ressort très clairement de ces définitions spontanées du mot dictionnaire:

«C'est un gros livre où il y a plein de feuilles avec des images et les explications des mots et des choses»6

«C'est un livre où il y a tous les mots de la langue (rancaise.»

«Un dictionnaire c'est tous /es mots de la langue (rancaise, des mots avec leurs définitions.»7

Evidemment, en dépit de cette confiance naive et absolue, les dictionnaires destinés aux enfants ne correspondent pas du tout à cette image globalisante; d'autant plus si l'on considère que l'une des caractéristiques essentielles du prototype d'un dictionnaire d'apprentissage est justement une nomenclature réduite: selon René Lagane, par exemple, "Un dictionnaire d'apprentissage est nécessairement sélectif'8; et Josette Rey-Debove d'ajouter:

"Le dictionnaire d'enfants se trouve caractérisé par un nombre restreint d'informations"9, de sorte que le stéréotype des dictionnaires pour l'enfance est souvent décrit comme une version réduite, joliment illustrée, d'un dictionnaire général destiné aux adultes.

6 C.A. DUHAMEL, C. BALAZ, Le Gros dico des tout petits, Paris, Lattès, 1993

7Définitions spontanées du site PREMIERS PAS SUR INTERNET (http:/ /www.momes.net)

8 LAGANE, R., Les dictionnaires scolaires: enseignement de la langue matemelle, in Encyclopédie internationale de lexicographie, Walter de Gruyter, Berlin-New York, 1989, vol.II, pp. 1368-1378.

9 ]. REY-DEBOVE, Dictionnaires d'apprentissage: que dire aux enfants? "Le Français dans le monde", n.s., "Lexiques", 1989, p.18.

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Néanmoins, s'il est sans doute nécessaire de limiter le nombre d'informations et d'opérer une sélection préalable dans la rédaction de la nomenclature d'un ouvrage de ce genre, vu l'étendue et la complexité du lexique, compte tenu du jeune age et de la compétence linguistique encore embryonnaire des usagers, cela ne signifie pas par conséquent qu'un dictionnaire pour enfants doive à tout prix limiter ses dimensions et sa nomenclature, surtout en raison de critères purement pratiques ou commerciaux. Du point de vue du lexicographe, le choix d'une nomenclature réduite - le modèle standard n'excède pas d'habitude les 25.000 entrées du premier prototype des dictionnaires d'apprentissage français, le Dictionnaire du Français Contemporain (DFC) - n'est justifié que s'il permet par là la rédaction d'une microstructure plus complète et surtout plus précise, visant à fournir une analyse plus concrète et plus approfondie des sens et des structures à la base des rapports lexicaux: "La réduction de la nomenclature au vocabulaire le plus usuel permet une microstructure plus riche"10

En général, sur la base de l'analyse concrète des dictionnaires présents sur le marché, on peut dégager deux ordres de nomenclatures, en fonction de l'age des petits consultants. Pour ce qui est en particulier de la tranche d'age entre 6 et 8 ans, c'est-à-dire du CP et du CE, le nombre des entrées jugé comme suffisant est d'environ 6.000 mots, alors que les dictionnaires destinés aux élèves de CM comptent environ 20 000 entrées en moyenne, comme il ressort du tableau ci-dessous:

AGE DICTIONNAIRE ENTRÉES

6-8 ROBERT BENJAMIN 6.000

6-8 LAROUSSE MINI DEBUT ANTS 5.400

7-11 PETIT ROBERT DES ENFANTS 1990 16.500

8-12 ROBERT JUNIOR ILLUSTRE 20.000

10 LAGANE, R., 1989, cit., pp. 1368-1378.

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8-11 DICTIONNAIRE HACHETTE 1998 20.000

9-11 DICTIONNAIRE BORDAS JUNIOR 16.000

8-11 LAROUSSE MAXI DEBUTANTS 20.000

9-12 LAROUSSE SUPER MAJOR 23.800

Il semble évident que le nombre des entrées augmente considérablement lorsqu'il s'agit des dictionnaires destinés aux enfants à partir de 8 ans - la tranche d'age du CM - et le vocabulaire moyen des petits usagers est estimé autour de 20.000 mots: les études psycholinguistiques relatives à l'acquisition et à l'apprentissage du lexique démontrent d'ailleurs que c'est justement à l'age de 8 ans que le développement linguistique de l'enfant présente un décalage significatif: le répertoire lexical augmente considérablement et s'organise de façon systématique, selon le modèle typique des adultes11: "Si, au regard des performances de beaucoup d'élèves (et de beaucoup d'adultes), certains pensent que 16 000 mots c'est trop, j'aimerais dire que cette ambition me parait normale, utile au Cours Moyen, cette classe, ou plut6t ces classes, où se produisent de grandes métamorphoses psychologiques, où I'on voit s'épanouir /es enfants de l'école élémentaire"12

Un vocabulaire de base de 20.000 mots représente d'ailleurs très bien le lexique fondamenta! courant, puisque, selon Josette Rey-Debove, "Le lecteur moyen cultivé verrait sa compétence tourner autour de 30.000 mots"13 Un dictionnaire pour enfants d'environ 20.000 entrées fournirait donc aux élèves le nombre de mots dont ils peuvent avoir besoin dans la communication familière et quotidienne, mais aussi dans leurs devoirs scolaires, comme le démontre la rigoureuse étude récemment publiée en Italie, concernant le lexique fondamenta! des enfants à l'école primaire, répertorié sur la base de l'analyse lexicale des textes scolaires en usage à l'école, les livres de lecture, les bandes dessinées les plus populaires chez les élèves, et leurs compositions

11 Voir à ce propos BOSCHI, F., APRILE, L., SCIBETIA, L, Le parole e la mente, Firenze, Giunti, 1992; ERLICH, S. et al., Le développement des connaissances lexicales à l'école primaire, Presses Universitaires de France, 1978.

12 Préface du Dictionnaire Bordas ]unior.

13 Oté par COLLIGNON, GLATIGNY, 1978, cit., p.76.

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écrites, pour un total de 1.088. 72 5 occurrences. Selon l es auteurs de cette recherche, le lexique global qui ressort de ces sources est de 20.000 mots environ (19.624 mots, noms propres exclus), dont 6.000 environ (6.095) sont considérés comme essentiels (taux de fréquence >3,98)14•

14 MARCONI, L., OIT, M., PESENTI, E., RA ITI, D., TA VELLA, M., Lessico elementare, in collaborazione con il CNR e l'Istituto di Tecnologie Didattiche di Genova, Bologna, Zanichelli, 1994.

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