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à

DAL MA ZZO FRANCESCO

V A S C O

Op ere

s f

F O N D A Z I O N E L U I G I E I N A U D I

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F O N D A Z I O N E L U I G I E I N A U D I

Scrittori italiani di politica, economia e storia

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-F O N D A Z I O N E L U I G I E I N A U D I

SCRITTORI ITALIANI DI POLITICA, ECONOMIA E STORIA

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Dalmazzo Francesco Vasco

OPERE

a cura di Silvia Rota Ghibaudi

« hostinato rigore »

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Gli studi, coronati dalla pubblicazione del presente volume, sono stati resi possibili da generosi contributi della Rockefeller Foundation e del Consiglio Nazionale delle Ricerche: a entrambe queste benemerite Istituzioni si rivolge ilpih vivo ringraziamento.

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I.

SUITE DU «CONTRACT SOCIAL»

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S U I T E D U « C O N T R A C T S O C I A L » 1

AVANT-PROPOS

Monsieur Rousseau, dans son ouvrage intitulé le Contract social2,

a cherché s'il pouvoit y avoir dans l'ordre civil quelque règie d'admi-nistration légitime et sure, en prenant les h o m m e s tels qu'ils sont et les loix telles qu'elles peuvent ètte. Je v e u x maintenant voir s'il est possible de mettre en exécution les maximes et les vérités q u i i a dé-montré. Je v e u x imaginer une f o r m e de gouvernement, dans laquelle elles puissent se trouver. E n un m o t j e v e u x deviner quelle seroit la f o r m e de gouvernement que monsieur Rousseau approuveroit. C e n'est pas d'abord une f o r m e de gouvernement si parfaite qui ne puisse s'affoiblir et ensuite se détruire que j e prétends de proposer. Rousseau est d'accord qu'un tei ouvrage n'appartient pas à un h o m m e3.

N i tous les États, ni tous les h o m m e s ne sont pas susceptibles d'une m è m e f o r m e de gouvernement et d'une m è m e législation. La seule chose qui est c o m m u n e à tous les climats, quoiqu'en dise le célèbre président de M o n t e s q u i e u4, lequel en ceci n'a j u g é que par le fait,

est que l ' h o m m e est né libre et doit ètte libre au N o r d c o m m e au Midi, de fa$on qu'aucun gouvernement despotique ne peut ètte légitime.

D e cette proposition il suit que j e devrois proposer autant de diffé-rentes formes de gouvernement qu'il y a des États dans le monde, ce qui m'est impossible. Je m e suis donc borné à proposer celle qui me paroit la plus propre pour un État, tei que celui que Rousseau j u g e le seul en Europe capable aujourd'hui de recevoir une bonne législation5.

Je dois avertir: i . Q u e l'on ne peut pas comprendre cet ouvrage sans avoir bien compri [s] le Contract social que j e cite une fois pour toutes, afin de ne pas ennuyer le lecteur en le citant à chaque ligne. 1. Pubblicata da F. VENTURI, D. F. Vasco (1732-1794)' Paris, 1940, pp. 96-129. Il Vasco inviò a Rousseau la scrittura, che è un piano di legislazione destinato alla Corsica, con una lettera datata Torino, 22 giugno 1765 (qui alle pp. 626-627).

2. La prima edizione del Contratto sociale uscì ad Amsterdam nell'aprile del 1762. 3. Cfr. J. J. ROUSSEAU, DU contrat social, lib. ILI, cap. XI.

4. Cfr. C . MONTESQUIEU, L'esprit des bis, libri X I V - X I X .

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1 0 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

2. Q u ' o n ne doit pas s'attendre à trouver dans cet ouvrage des idées

tout à fait neuves. Je serai très content quand o n ne saura m'imputer d'autres défauts. Je suis bien aise d'avoir su rassembler les idées éparses pour en former une pièce utile.

LIVRE PREMIER

O Ù L'ON PROPOSE UNE FORME DE GOUVERNEMENT ET LES LOIX FONDAMENTALES QUI Y ONT RAPPORT.

CHAPITRE I .

Quii est plus avantageux de confier le gouvernement à une seule personne qu'on nomme roy.

L ' h o m m e est né libre et indépendant. Cette proposition est d é m o n -trée dans le Contract social1, mais il ne faut pas croire que l ' h o m m e

soit né dans une indépendance totale, car dans l'état de nature il étoit maitre de disposer de sa personne et de ses biens de la manière qu'il auroit j u g é la plus convenable à son bonheur, mais toujours dans les termes de la loi naturelle, c'est-à-dire à condition qu'il n'abuseroit pas de sa liberté au préjudice des autres hommes, de faeton que cette m è m e liberté établit une obligation dans chaque h o m m e de respecter la liberté des autres h o m m e s et ne pas les troubler dans l'usage qu'ils en font, tandis qu'ils n'en abusent pas. C'est à quoi se réduit ce que l ' o n appelle loi naturelle. Q u e cette loi ait été gravée dans le coeur des h o m m e s par l'auteur de la nature, ou q u e l l e résulte nécessairement des idées primiti-ves et de cet instinct, ou sentiment interne, par lequel l ' h o m m e est entraì-né à faire ce qui lui paroit le plus utile, et par conséquent à chercher son bonheur, peu importe au sujet que j e traite, sufht que tout le genre humain soit d'accord que le principe que j e viens d'établir appartient à l'état naturel de l ' h o m m e .

Il suit de ceci qu'il n'est pas impossible de réunir en un corps poli-tique une société d'hommes sans donner atteinte à leur liberté naturelle, puisqu'il ne s'agit pas de les laisser dans une entière indépendence.

Il n'est pas possible aujourd'hui qu'une petite société d ' h o m m e s réunie en un corps politique, quand m è m e elle auroit la f o r m e de

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LIVRE PREMIER 1 1

gouvernement la plus parfaite, puisse subsister l o n g terns sans l'appui d'un'autre société. C'est un effet du sistème présent du m o n d e et des dé-fauts des formes de gouvernement qui s'y trouvent. C e t appui elle ne le peut esperer qu'en tant qu'un'autre société trouvera son avantage à lui accorder sa protection; elle ne jouiroit donc que précairement de la liberté naturelle et civile.

Le but d'une bonne f o r m e de gouvernement ne peut ètre que celui d'assurer à chaque individu la paisible jouissance de sa liberté naturelle et civile; en un m o t de son bien-ètre. T o u t ceci a deux rapports. U n est intérieur, l'autre extérieur. Il appartient à l'intérieur: i . L'admi-nistration de la justice, c'est-à-dire q u e l l e soit rendue avec toute l'intégrité et connoissance de cause, dont les h o m m e s peuvent ette capables. 2. Q u e la propriété des biens à chaque particulier soit bien assùrée. 3. Q u e chàcun jouisse dans la vie civile de cette liberté natu-relle qui lui est restée et qui n'a pas été cédée par le contract social. L'extérieur n'est autre chose que se défendre des autres h o m m e s et se faire rendre d ' e u x ce qui peut appartenir, soit à la société en général, soit à chàque individu de cette société.

Il a été démontré dans le Contract social1 que plus ceux qui c o m

-posent le gouvernement sont n o m b r e u x , plus il est foible, mais il est foible par rapport à l'extérieur, c'est-à-dire à la force rélative; mais, quant à l'intérieur, les délibérations d'un plus grand n o m b r e doivent ètre assùrément plus prudentes. Il est donc question de savoir lequel des deux inconvéniens est le plus à craindre et auquel des deux l'on peut trouver plus aisément du remède. Le sistème présent des gouver-nemens qui se trouvent établis, et sur tout de ceux que l'on appelle monarchiques (par respect o u par crainte, car cette f o r m e n'existe plus que dans les livres: c'est un ètte imaginaire), étant dans le f o n d guidé par l'ambition, il est évident qu'une société, quand m è m e elle seroit composée des h o m m e s les plus vertueux, les plus humains, les plus justes, auroit toujours bcaucoup à craindre du coté des autres sociétés, ne fusse-t-il que par envie, ou par un effet de cet art funeste que l'on ose appeller politique et que j e ne saurois n o m m e r autrement que duperie; il y auroit toujours quelque chef des autres sociétés qui cher-cheroit à la subjuguer. Q u a n d un peuple devient la proie d'un vain-queur, à qui la basse flatterie donne le titre de héros, il perd tout d'un seul coup, il n'a plus de liberté ni naturelle, ni civile, il faut plier le cou au j o u g et recevoir la loi du plus fort. A u contraire, quand la

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12 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

forme d'un gouvernement est bonne, les désordres et les vices par rapport à l'intérieur ne peuvent se glisser que très lentement, de faeton qu'il n'est pas si difficile à la société d'en arrèter les progrés et m è m e d'y trouver le remède. Il est donc évident que les inconvéniens qui dérivent de l'extérieur sont les plus à craindre et en mème tems il n'est pas douteux qu'il est plus aisé de trouver des remèdes pour ceux de l'intérieur que pour les autres.

Pour éviter les inconvéniens qui dérivent de l'extérieur, il faut augmenter la force relative. C'est pourquoi il faut confier le g o u v e r -nement à une seule personne. Cette personne doit ètre décorée d'un titre digne d'une charge si importante et si pénible. O n la n o m m e ordinairement r o y et on a ensuite attaché beaucoup de privilèges à la majesté royale, dont une partie en est vraiment propre. N o u s verrons dans la suite que le reste ne lui appartient point.

Le gouvernement d'un seul est d'ailleurs sujet à beaucoup d'incon-véniens par rapport à l'intérieur. Le plus considérable est de dégénérer en despotisme. N o u s allons essayer d'opposer, s'il est possible, des digues assez fortes pour contenir dans les bornes le torrent impétueux d'un gouverneur ambitieux et habile.

CHAPITRE 2 .

De l'élection du roy.

U n peuple, dit Grotius peut se donner à un roy. Rousseau re-prend: un peuple est donc un peuple avant de se donner à un r o y2.

Il dit vrai, mais il me paroit qu'un peuple peut ètre associé par des intérèts particuliers, dont il résulte un intérèt général. Par exemple, pour se défendre des insultes d'un tiran et n'avoir aucune f o r m e de gouvernement, ne pas ètre réuni en un corps politique, en un m o t ne pas ètre un peuple, l'association tacite que l ' o n pourroit trouver dans cette agrégation d'hommes n'est pas le contract social, de favoli que cette société n'auroit encore aucun droit légitime de faire contri-buer supposons un des associés à l'avantage public. C'est le hazard qui, réunissant beaucoup d'intérèts particuliers, les réunit à un mème but, qui peut ètre considéré comrne un intérèt général sans Tètre en effet, car il n ' y a point en cela de véritable volonté générale. Supposons donc qu'un tei peuple voulut se réunir en un corps politique, se donner

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LIVRE PREMIER 1 3

une f o r m e de gouvernement; il faut: i . Q u ' i l le veuille par une déli-bération unanime; et c'est ici la première démarche qui le méne au contract social et qui m è m e pourroit prouver qu'il a été tacitement stipulé. 2. Elle peut n o m m e r un certain nombre de personnes les plus sages pour examiner d'entre les différentes formes de gouvernement celle qui peut ètre la plus propre. 3. Supposant que le peuple veuille n o m m e r un r o y avec les modifications que j e proposerai ci-après ou autres, elle le peut faire, p o u r v u que le consentement soit unanime, à moins que par une loi précédente le peuple ne soit soumis à suivre le sentiment du plus grand nombre, o u d'un n o m b r e fixe. C e t acte est celui qui achève la réunion de cette société en un corps politique. Q u a n d tout ceci soit arrangé, si le peuple veut n o m m e r pour r o y un d'entr'eux, il faut qu'il soit n o m m é par une assemblée générale, car les individus de la société sont sensés ètre mieux connus par la société entière que par quelques uns seulement. Si au contraire il s'agissoit de chercher un étranger digne de le gouverner, il faut que le peuple n o m m e les plus sages d'entr'eux pour en faire recherche, car l'habileté d'un étranger ne peut pas ètre à la portée du peuple ignorant, faute de rapports avec lui. Lorsque les sages n o m m é s auront fait choix de la personne, ils doivent la proposer au peuple, afin que l'élection soit unanime (quand j e dis unanime j e comprends également celle du plus grand nombre quand il a été arrèté par une loi précédente que le plus petit soit obligé de s'y soumettre). Enfin, si la personne accepte l'élec-tion aux condil'élec-tions proposées, l'élecl'élec-tion est parfaite et il m e paroit que ce gouvernement est le plus légitime du monde.

Je prie le lecteur de ne pas tirer d'ici la conséquence que l'élection d'un vrai despote faite de cette fa^on fut légitime, car j'ai déjà dit que jamais o n peut renoncer à la liberté, et c'est toujours à cette condition

que j'entends parler du r o y et de son élection.

L'acte, par lequel le peuple a n o m m é un r o y , ou une famille royale, pour le gouverner n'est pas un contract, c'est un acte de législation, c'est ce que Rousseau a d i t1; mais, cornine il en déduit une

consé-quence qui ne m e satisfait pas, j'exposerai d'avance à ce propos mes idées. L'acte, dis-je, par lequel un peuple élit un r o y est un acte de législation; mais, avant que la personne n o m m é e soit effectivement r o y de ce peuple, il y a encore un autre acte (sur tout si c'étoit un étranger): c'est l'acte par lequel cette personne accepte la charge aux conditions adjointes et par lequel, ensuite de son acceptation, le peuple

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14 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

prète le serment de fidélité. C e t acte est un contract dans toutes les formes, et qui est par conséquent obligatoire pour les deux parties. C'est un contract stipulé en conséquence d'une loi, mais c'est toujours un contract. Rousseau, en conséquence de son principe, dit que le peuple, par la m è m e raison qu'il peut rompre le pacte social, peut révoquer l'élection du r o y quand bon lui semble, c'est-à-dire m è m e par caprice K C'est à quoi j e ne souscris pas, car, j e demande, si un particulier de cette société par un contract stipulé suivant les loix avoit fait acquisition de quelque droit, j e demande, dis-je, si le peuple pour-roit, en révoquant par caprice les loix, dépouiller le sudit m e m b r e de la société de la propriété de ce droit légitimement acquis. C ' e n est de m è m e du contract stipulé avec le r o y . Le peuple peut révoquer ses loix, mais il ne peut pas faire un acte qui e n d o m m a g e un h o m m e quel-conque par cela seul qu'il lui en prend la fantesie, car la chose seroit contraire à la loi naturelle, laquelle ne permet pas aux h o m m e s d'user de leur liberté au préjudice des autres, si ce n'étoit pour se défendre.

CHAPITRE 3.

Des deux pouvoirs : législatif et exécutif.

N o u s avons dit que la liberté n'est pas aliénable. La souveraineté ne l'est pas plus. Le r o y n'est donc qu'un gouverneur. Il suit de ceci que le pouvoir législatif ne peut appartenir qu'au peuple qui est le véritable souverain et, au contraire, le pouvoir exécutif ne peut appar-tenir qu'au r o y qui est le gouverneur. Par ces principes il est aisé d'assigner les véritables bornes de pouvoir du gouverne[u]r. T o u t ce qui a rapport à l'exécution des loix appartient au r o y . C'est ainsi qu'il est de son ressort de faire administrer la justice, de faire subir les peines prescrites par les loix aux criminels etc. et, au contraire, c'est au sou-verain de donner des loix, de déterminer les peines pour les criminels, de leur faire grace etc. Il y a cependant deux sortes de loix. Il y en a que l'on appelle loix fondamentales o u politiques et d'autres qui ne sont que loix civiles. L ' o n demande si le souverain peut déroger à une loi fondamentale. Il est sur que celui qui a fait la loi peut la dé-truire et mème c'est une partie de la liberté à laquelle o n ne peut jamais renoncer, mais, s'il est permis de céder une partie de la liberté naturelle pour s'en assurer le reste (ce qui à la rigueur n'est pas céder, car la liberté que l'on perd est pour ainsi dire une liberté matérielle

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LIVRE PREMIER 15 et celle que l'on conserve, que l'on s'assure et q u ' o n augmente m é m e par le contract social est une liberté morale, la véritable liberté selon les principes démontrés), la question proposée ne peut se résoudre que par le fait. Si par une loi fondamentale, supposons dans l'élection d'un roy, la société s'est engagée d'avoir une famille royale pour la g o u v e r -ner et que l'aìné soit le r o y , il faut voir si la raison qui a déterminé la société à cette loi n'a point un but politique qui tende à conserver la liberté morale (je parlerai à sa place du droit de déposer le roy, des cas dans lesquels il est permis de le faire et de quelle faeton cela peut se faire). i . C'est une des conditions du contract stipulé avec le pre-mier r o y . La loi naturelle veut que tous les h o m m e s soient fidèles à ses engagemens et il n ' y a rien ici qui donne atteinte à leur liberté natu-relle. 2. Si le peuple a j u g é à propos de se n o m m e r un r o y , les inter-règnes qui arrivent à la mort du r o y sont contraires à la loi fondamen-tale et d'ailleurs entraìnent des inconvéniens. Le peuple, en n o m m a n t une famille royale, l'a donc fait pour éviter des m a u x auxquels les inter-règnes pourroient l'exposer et pour tenir constamment la m é m e f o r m e de gouvernement. Elle ne doit donc pas changer cette loi qu'en tant qu'elle puisse devenir dangereuse à sa liberté, car alors tout est fini, la première loi est la conservation de la liberté. T o u t ce que la raison nous apprend ètre mal les h o m m e s ne le peuvent faire que physique-ment, ainsi ce que nous avons dit que la société ne doit pas faire, on peut dire aussi qu'elle ne peut pas le faire, par la m è m e raison que tout h o m m e peut se faire du mal, mais il ne peut pas se le faire légi-timement, puisque sa propre conservation est la première loi de tous les hommes. D e cette m è m e fa^on on peut j u g e r des autres loix f o n -da mentales.

CHAPITRE 4 .

Moyen d'avoir la volontà generale sans assembler tout le peuple.

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20 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

un r o y a u m e ne seront pas en petit nombre), j e demande si ce seroit une assez bornie raison pour les obliger à obéir à une loi à laquelle ils n'eurent point de part et si l ' o n peut avancer que cette loi soit une émanation de la volonté générale.

Je voudrois donc que l'État fut partagé en provinces, lesquelles eussent chacune une capitale et des autres villes, bourgs ou villages qui en fussent membres. Q u e dans chaque ville, b o u r g ou village o n tint une assemblée générale de tous les chefs de famille, de ceux en un m o t qui ont droit de voter, et dans cette assemblée on n o m m a t des représentants pour assister à l'assemblée provinciale; [que] dans la ville chef de province on tint: i . U n e assemblée générale de tous les chefs de famille c o m m e ci-dessus pour n o m m e r des représentants de la ville 2 [Que] les représentans n o m m é s tinsent un'autre assemblée pour n o m m e r les représentans de la province pour se rendre à l'assem-blée générale, laquelle ne fòt composée que de représentants. [Que] ces représentans fussent tirés de toutes les classes de personnes, ahn qu'une n'écrasat pas l'autre dans une assemblée générale. Q u e le nombre des représentans fòt tei qu'on pùt regarder l'assemblée générale c o m m e telle E n un mot, que l'assemblée fòt composée de ce n o m b r e qui sans représentans s'y trouveroit probablement, car alors la diminution de ceux qui également ne pourroient pas s'y rendre n'est pas une di-minution, ce n'est au contraire que le m o y e n unique, selon mot, par lequel ceux-ci, quoique absens, peuvent avoir part à la déliberation de l'assemblée. Ainsi j e pense que Rousseau, tout contralte q u i i est aux représentans1, ayant raison dans le sens qu'il le dit, ne pourra pas se

récrier sur les représentans que j e propose, car j e reviens toujours a ma première difficulté. T o u t e loi, dit-il, que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle, ce n'est point une loi. T o u s les Etats ne sont pas une ville et ne peuvent l'ètte. Dans un r o y a u m e il n e s t pas pos-s a l e de rapos-spos-sembler toupos-s ceux qui on droit de voter, et le nombre de ceux qui ne se trouveront point présens à l'assemblée sera toujours considérable. La loi donc que cette assemblée passeroit seroit toujours nulle par rapport aux absens et ne seroit jamais une émanation de la volonté générale. R o m e m è m e , qu'il cite à ce propos, ne prouve rien contre moi, car la ville étoit très nombreuse et grande, mais le peuple d'une ville peut s'assembler. Après quoi, j e voudrois bien savoir si tous les peuples qui, après avoir été conquis obtinrent le droit de

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LIVRE PREMIER 17 bourgeoisie, et par conséquent celui de voter, se trouvoient présens aux assemblées qui se fesoient à R o m e , ce qui étoit impossible. O r , j e demande, par quel droit le peuple de la ville de R o m e p o u v o i t obliger les autres peuples, qui fesoient une partie de la souveraineté autant que lui, à obéir aux lois qui passoient dans les assemblées tenues à R o m e ? Sans examiner d'avantage cette question, j e dis que tout ce qui est physiquement impossible ne peut ètre dans le droit, ni de nature, ni des gens, ni civil. D'ailleurs les inconvéniens qui peuvent résulter des représentans ne sont pas impossibles à éviter, et c'est ce qui me paroit devoir résulter du sistème que j e viens de proposer. Et enfin il y aura toujours des inconvéniens, mais j e tiens pour sur qu'ils seront toujours plus petits que ceux qui résulteroient de l'impossible idée d'assembler tout le peuple d'un r o y a u m e .

CHAPITRE 5.

De la convocation des assemblées.

U n m o y e n par lequel le r o y pourroit un j o u r devenir despote ce seroit en empéchant les assemblées. Pour prévenir u n tei désordre il faut que les assemblées se tiennent constamment une o u deux foix par an, o u moins encore, si l'on veut, sans ètre convoquées par aucun et que le j o u r en soit fixe. N o u s donnerons ensuite quelques autres remèdes, afin que les assemblées ne puissent ètre troublées et contrain-tes dans ses délibérations. Il y aura donc une o u d e u x assemblées géné-rales tous les ans à un j o u r marqué; outre celles-ci, le r o y pourra de-mander un'assemblée générale, si quelque besoin pressant l'exigeoit; si une province la demandoit, de méme. P o u r quelque besoin pressant le r o y sera obligé de la convoquer. C o m m e l'assemblée générale doit ètre précédée des assemblées provinciales, celles-ci des assemblées subal-ternes, le j o u r en sera de m è m e marqué, afin que les représentans n o m m é s ayent le tems de se rendre au lieu destiné pour l'assemblée générale. Les assemblées provinciales, c o m m e elles regardent toutes les affaires de la province, soit de police, soit de commerce, soit d'oecono-mie, soit de droit civil, se tiendront plus fréquamment et à mesure que le besoin l'exigera. C e seront les magistrats des provinces, dont j e parlerai à sa place, qui convoqueront ces assemblées et qui auront droit de proposer à l'assemblée ce qu'ils j u g e r o n t nécessaire.

Les assemblées subalternes seront de m è m e plus o u moins fréquen-tes, suivant que le besoin l'exigera.

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18 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL » CHAPITRE 6 .

Des délibérations des assemblées.

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LIVRE PREMIER 1 9

il s'agit ne doivent pas faire nombre, car ils sont sensés ètre de l'avis de la délibération provinciale qui demande l'approbation.

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20 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

ce fut lui-méme qui fit l'aveu de son crime. N o u s trouverons dans la suite des autres remèdes à ces petits trous, par lesquels la tirannie se glisse insensiblement.

CHAPITRE 7 .

Que l'assemblée générale peut déposer le roy et comment.

N o u s avons dit que la liberté et la souveraineté ne peut jamais ètre aliénée. O r si la nation ne p o u v o i t plus, par quelque raison que ce soit, déposer le r o y qu'elle a n o m m é , elle cesseroit d'ètre libre et d'avoir la souveraineté. D'ailleurs j e m e flatte d'avoir démontré que l'acte par lequel un r o y accepte l'élection aux conditions qu'elle a été faite et [par lequel] le peuple lui prète le serment de fidélité est un contract. J'ai dit à ce propos que le peuple, ensuite de ce contract, ne peut pas déposer son r o y par caprice. D e tous ces principes il suit: 1. Q u e , si le r o y n'observe pas les conditions du contract, le peuple est en droit de les lui faire observer, car il ne suffit pas toujours pour résoudre le contract qu'une des parties contractantes ne soit pas fidèle à ses engagemens; un oubli, une négligence peut causer cet inconvé-nient. Il y auroit peu de contracts durables, si à la moindre inobser-vation le contract étoit dissous. O n a droit dans ce cas d'avertir la

partie qui manque et de la sommer de faire son devoir. 2. Q u e , si le r o y étoit de son coté infracteur du contract, le peuple n'est plus obligé de l'observer et il peut alors déposer son r o y . L'infraction du contract peut arriver de trois manières: 1. Si dans le contract o n eut convenu que dans tei cas les engagemens réciproques soient dissous

ipso iure et facto, alors la résolution est une partie du m é m e contract.

2. Si le r o y fesoit une violence ouverte contre quelques conditions du contract, car par cette violence il rénonce tacitement au contract et il se rend ennemi de l'autre partie contractante. 3. Si le r o y , après avoir été averti et s o m m e de faire son devoir suivant ce qui est con-venu dans le contract social, continuoit à n'en rien faire, car alors c'est aussi une rénonciation tacite au contract.

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22 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL » CHAPITRE 8.

Des contributions.

Entr'autres droits que les politiques attachent à la royauté, un des plus essentiels est celui d'exiger des individus de la société des contri-butions. C'est ce que j e v e u x examiner.

Chaque individu de la société, en vertu du contract social, s'est obligé de contribuer de toutes ses forces à l'avantage de la société, parce que celle-ci s'oblige en revanche de contribuer de toutes ses forces au bien-étre de chaque individu. O r , en chargeant un r o y du soin de gouverner la société en tout ce qui appartient à ce dont il est chargé, tous les individus sont obligés d ' y contribuer de toutes ses forces et en tant qu'il sera nécessaire. La société doit d o n c : i . Assigner au r o y u n revenu annuel pour son entretien, j e v e u x dire l'entretien d'un r o y et non celui d'un particulier. Si l ' o n donne des salaires aux personnes en place, pourquoi doit-on le refuser à celui qui couvre la première, la plus importante et la plus difficile charge de l'Etat? U n tei revenu est à lui: c'est son patrimoine. Il est obligé de se tenir décem-ment. Quelque fois l'intérèt de la société exige que le r o y éblouisse les étrangers par un extérieur brillant, mais d'ailleurs, si le r o y fesoit sur son entretien des épargnes, la société n ' y pourroit avoir aucun droit. 2. Le peuple doit fournir au r o y les moyens de procurer le bien de la société. Q u a n t aux contributions de cette nature, il suit des principes que j'ai posé ci-dessus: i . Q u e les contributions n'appar-tiennent pas au r o y c o m m e roy, mais c o m m e gouverneur. 2. Qu'elles ne doivent pas surpasser les forces des individus. 3. Qu'elles ne sont dues qu'en cas de besoin.

D e la première de ces conséquences j e conclus que le r o y ne peut jamais faire usage des contributions qu'en ce qu'elles ont été destinées. D e la seconde, que jamais il pourra tourmenter un individu qui ne sera pas dans la possibilité de payer la contribution qu'il lui demande. D e la troisième, que le besoin doit ètre assuré.

Ensuite de ce que j e viens de dire j e crois pouvoir résoudre en ces termes la question que j e m e suis proposée d'examiner. Le r o y peut exiger les contributions et les demander à la société en cas de besoin, mais il ne peut pas de son autorité imposer des contributions au peuple.

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LIVRE PREMIER 23 question par rapport aux contributions qu'on peut nommer c o m m e l'on veut, c'est tout égal.

Le roy pourroit faire dresser un calcul des dépenses qu'il j u g e nécessaires o u utiles pour le bien de l'État afin de savoir à quelle somme elles peuvent monter, ensuite la présenter à l'assemblée générale, laquelle doit examiner la nécessité et lTitilité des dépenses, car ceci, ayant un objet général, est d'abord un acte qui appartient à la législation. Il y a beaucoup de vues éloignées, et mème de celles qu'il est utile de ne point publier. Si le roy étoit obligé de les développer à l'assemblée générale, on risqueroit de perdre l'avantage qu'on trouve à confier le gouvernement à une seule personne, on s'exposeroit, en un mot aux inconvéniens des démocraties et des aristocraties par rapport à la force rélative. C'est pour quoi j e voudrois que l'assemblée générale ne cher-chat pas d'examiner avec trop de précision ce que ci-dessus et qu'elle marquat une noble confiance dans son r o y en lui décernant la somme demandée. D'ailleurs, pour ne pas s'exposer à ètre la dupe d'un roy avare, l'on peut ajouter une précaution, c'est que le r o y soit obligé au bout d'un certain tems de rendre compte à l'assemblée générale des deniers publics, dont il n'est qu'administrateur. U n bon roy n'aura pas de peine à s'y soumettre. Pour un mauvais roy on ne prend jamais trop de précaution.

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24 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

est de gagner la faveur du r o y en lui procurant des avantages, en par-ticulier des hommes qui n'ont jamais su comprendre c o m m e n t les deniers publics n'appartiennent pas au r o y , parce qu'ils regardent tout l'État et tous les individus sous le m è m e point de v u e qu'un pàtre regarde ses brebis (si ce n'est pire encore). Pour moi, j e voudrois bannir cette odieuse classe d'hommes et j e pense que ce seroit déjà une épargne considérable de fraix. L'assemblée générale, en décernant la s o m m e qui a été demandée par le roy, peut ensuite en faire une répartition sur les provinces, les assemblées provinciales sur les villes, bourgs et v i l -lages et celles-ci sur les individus de la société. Les mèmes thrésoriers des deniers publics des villes et des provinces peuvent retirer des indi-vidus le contingent que chacun doit payer et ensuite le faire passer au thrésorier général. Je ne dis pas qu'il ne puisse arriver des circonstances dans lesquelles l'imposition de quelques douaines puisse ètre utile, mais j e soutiens que le cas sera très rare et qu'au moins c'est l'assemblée qui doit en décider, jamais le r o y .

CHAPITRE 9 .

Des charges subalternes de l'État.

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LIVRE PREMIER 25 fùt rendile prompte et intègre autant qu'il est possible et qu'ensuite le r o y , aidé par son conseil, jug'eat en dernier ressort; par conséquent que le r o y dùt assister aux séances de son conseil de justice et j u g e r selon la pluralité des avis du conseil. Sa présence en imposeroit et peut-ètre on ne verroit plus cette dangereuse coutume d'inventer des mots c o m m e celui d'équité pour s'arroger le droit d'interpréter les loix et rendre par ce m o y e n la justice arbitraire, ce qui est à la rigueur une usurpation manifeste du pouvoir législatif. Les juges doivent j u g e r si le cas qui est porté devant eux est défrni par la loi, et par quelle loi, ou non. Si la loi est obscure, ou qu'elle n'ait pas p o u r v u au cas dont il s'agit, le magistrat ne doit rien décider, mais remettre l'affaire à l'assemblée générale, à laquelle il peut représenter son avis sur ce dont il s'agit.

N o m m e r les magistrats (sous le n o m de magistrats j'entends aussi les conseillers de justice du r o y , dont j'ai parlé ci-dessus) appartient à la puissance exécutive, par conséquent au r o y . Mais, c o m m e la distri-bution des charges est un des ressorts qui peuvent mener au despo-tisme un r o y ambitieux, il me paroit essentiel de trouver quelque remède à cet inconvénient. L ' o n pourroit laisser au r o y le droit de nommer les magistrats et aux assemblées celui de les renvoyer s'ils étoient ignorans, o u méchans. La chose étant cependant assez délicate, il faudroit une unanimité c o m m e celle que nous avons exigé pour les loix. D ' u n tei établissement il résulteroit que le r o y ne s'en rapporte-roit pas si légèrement à ses courtisans dans la distribution des charges et que les ignorans n'oseroient peut-étre pas en demander pour ne point s'exposer à un opprobre public.

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26 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

de veiller sur ces inconvéniens et de représenter à l'occasion soit au r o y soit au peuple ses devoirs, seroit bien utile. C e parlement ne devroit jamais ètre j u g é et les membres pour le composer devroient ètre n o m

-més par l'assemblée générale.

CHAPITRE IO.

De la religion.

O n ne doit pas s'attendre ici à une dissertation théologique. Je ne parie de la religion qu'en tant qu'elle a rapport au gouvernement. Je n'entrerai pas mème à décider de tant de cultes qu'il y a au m o n d e lequel soit plus utile à un b o n gouvernement. Rousseau en a parlé K Je ne m'aviserai pas ni de blàmer, ni d'approuver ce qu'il en a dit. Je

m e contenterai de dire que tout ce qui est démontré f a u x et supersti-tieux ne peut ètre dans la bornie religion, ainsi les cultes des ridicules divinités, le eulte mahométan ne peuvent jamais ètre regardés c o m m e des religions.

J'ajouterai qu'un b o n gouvernement ne doit pas souffrir des chan-gemens de religion. La dominante doit ètre soutenue, protégée et tout h o m m e qui viendroit à l'attaquer ouvertement doit ètre regardé c o m m e un perturbateur du repos public.

Q u e tout ce que le clergé s'aviseroit de vouloir ajouter à la religion, tout b o n gouvernement ne doit pas le souffrir. C'est une autorité dont le clergé n'est pas revètu.

Q u e la fa?on de penser ne doit pas ètre gènée. U n h o m m e , qui a le malheur de ne pas penser juste, n'est pas criminel pour cela seul; il ne peut devenir tei que lorsqu'il cherche à faire des prosélytes, qu'il veut faire tourner la tète aux autres. Il seroit bien plus injuste encore et dangereux de ne pas souffrir des h o m m e s de differente c o m m u n i o n . O n demande si un h o m m e , né et élevé dans la religion dominante, arrivé à l'àge de la connoissance, venoit à ètre plus persuadé des dogmes d'un'autre c o m m u n i o n , s'il lui doit ètre permis de passer dans celle-ci. Q u a n d j e dis l'àge de la connoissance, j e n'entends pas celui de 14 ans, ni celui de 25, j e v e u x dire lorsqu'un h o m m e aura fait des réflexions sérieuses sur la rehgion et sur ses dogmes. Je dis q u ' o n ne doit pas lui en faire un crime. T o u t h o m m e est né libre et rien n'est plus libre dans l ' h o m m e que la f a?o n de penser. U n e religion, quand m è m e elles

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LIVRE PREMIER 27 Il faut donc que les hommes se gènent à une religion, mais il faut aussi que, dans le choix, ils y donnent un libre consentement. U n enfant, pour lequel son pére a promis au font sacré du baptème, n ' y a pas eu la moindre part, il est catholique sans le savoir et il est élevé tei sans l'avoir voulu. Pour quoi donc sera-t-il permis de le forcer de Tètre, lorsqu'il n'en a pas envie ? Je prouverai à sa place que les enga-gemens des pères ne sont pas obligatoires pour les enfans. L'on m e dira que le pére en ce cas est en droit de le déshériter et la société de le bannir. Je dis que non, car ètre d'une communion ou d'un'autre n'a aucun rapport avec le but pour lequel la religion est liée au sistème politique. Après quoi nous avons dit qu'il faut tolérer les autres c o m -munions et que tout homme qui se contente de penser comme il faut, sans chercher que les autres pensent c o m m e lui, n'est pas criminel: on a pas droit de le punir. L'on me dira qu'en souffrant un tei abus la religion dominante pourroit aisément s'affoiblir au point de se trouver peut-ètre un jour annéantie. Je reponds: i . Que le changement de religion est dangereux quand il vient tout à coup et par une cause violente, mais, s'il, se glissoit insensiblement, il ne choqueroit jamais la constitution de l'État, parce que les individus y sont préparés. 2. O u la religion dominante est la véritable, ou elle ne l'est pas (qui est-ce qui en décidera? Jamais un homme). Si c'est la bonne, j e dis qu'il ne faut pas supposer que la plupart des hommes doivent penser faux, sur tout lorsqu'ils n ' y sont pas for^és et, en cas qu'un tei malheur vint à arriver, est-ce au gouvernement de soutenir les droits de la divinité malgré elle? Si le Créateur ne le voulut pas, croit-on qu'il n'eut assez de force pour l'empècher? Et enfin ces hommes seroient assez malheu-reux d'ètre dans l'ignorance en matière de religion; pourquoi faudroit-il encore en faire des méchans par la contrainte et les rendre malheureux dans la vie? Si la religion dominante n'étoit pas la bonne, pourquoi fermer les y e u x à la lumière et l'empècher de pénétrer?

Par tout ce que j e viens de dire l'on voit que tous les tribunaux de contrainte en matière de religion qui se trouvent dans les pays catholiques sont insopportables, contraires à tous les droits et aux maximes mème de la religion catholique.

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28 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL » CHAPITRE I I .

De la guerre et de la paix.

N o u s avons jusqu'ici parlé des loix fondamentales qui ont rapport à l'intérieur. N o u s avons borné l'autorité du r o y autant qu'il est pos-sible et que nous [1'] avons j u g é nécessaire. N o u s allons maintenant parler de celles qui ont rapport à l'extérieur. N o u s avons j u g é utile le gouvernement d'une seule personne par la seule raison qu'on aug-mente de cette faeton la force relative. C'est donc ici que le r o y doit avoir plus de pouvoir. N o u s tàcherons cependant de trouver le m o y e n que le peuple ait toujours des bonnes cautions de sa liberté.

Il y a deux sortes de guerres: offensive et défensive. Elles peuvent étre également justes, ou injustes. Il est juste de défendre ce qui nous appartient et que nous possédons et il ne l'est pas moins de le deman-der et se le prendre en cas de refus. D e m é m e il est injuste de demandeman-der ce qui nous est pas du, tout c o m m e de vouloir retenir ce qui appar-tient à un autre.

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LIVRE PREMIER 29 toutes les opérations de guerre, le r o y en doit ètre chargé et ne doit pas ètre gèné à cet égard. C'est pourquoi les troupes doivent ètre sous ses ordres en tems de guerre et au contraire elles doivent dépendre du souverain en tems de paix.

Le c o m m a n d e m e n t de l'armée a servi souvent de m o y e n pour monter au tròne. A celui qui y est déjà placé il pourroit bien servir pour se rendre despotique. C'est ce grand inconvénient, auquel nous cherchons du remède. Si l'armée n'obéit pas aveuglement, il n'est pas possible de réussir dans la moindre entreprise. Ainsi il ne faut pas gèner le r o y en tems de guerre, nous l'avons dit, d'autant plus que le souve-rain peut faire cesser la guerre quand b o n lui semble. T o u t ce que l ' o n pourroit ajouter, c'est à l'égard des charges militaires. Les premières charges, c'est-à-dire de général et lieutenant général jusques aux colonels

inclusive, pourroient étre distribuées par le roy, mais moyennant la

ratification de l'assemblée générale, dans laquelle, pour les récuser, l'unanimité dut ètre des trois quarts des votans; les charges de lieute-nant colonel et major fussent distribuées par l'assemblée militaire des généraux et colonels; les autres subalternes par l'assemblée composée du colonel, lieutenant colonel, major et six capitaines du régiment dont il s'agit.

CHAPITRE 1 2 .

Des ambassadeurs.

Les ambassadeurs étoient autre fois des h o m m e s qui, chargés d'une commission par un souverain, le représentoient auprès d ' u n autre en s'en acquittant et se retiroient ensuite. L'imprimerie, la bussole et le commerce, ayant multiplié les rapports d ' u n peuple à l'autre, les c o m -missions devinrent plus fréquentes, et si fréquentes m è m e q u ' o n a j u g é à propos d'envoyer des h o m m e s à faire sa résidence chez les peuples avec lesquels on a quelque rapport et leur donner, à mesure que l'oc-casion se présente, les commissions, afin d'épargner tant de voyages inutiles. Q u a n d les ambassadeurs ont été arrangés de cette fa^on, l ' a m -bition et la crainte réciproque d'un coté et la c o m m o d i t é de l'autre a introduit des abus. Il a été des ambassadeurs, qu'on auroit pu n o m m e r de véritables espions, protégés du droit des gens conventionnel, ou coutumier.

Si un peuple p o u v o i t parvenir à ce point de force qui le mìt à l'abri de tout insuite et en état de n'avoir rien à craindre des autres nations, j e crois q u ' o n pourroit bien épargner les considérables fraix de ces

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30 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

le sistème présent de l'Europe met quelque peuple que ce soit dans la nécessité d'avoir des résidens auprès des souverains, avec lesquels il a quelque rapport. Espier les démarches d'un ennemi n'est pas faire l'espion; ainsi un ambassadeur résident à une court qui est attentif pour savoir si le cabinet a des mauvaises intentions au préjudice de sa nation, ce qui ne signifie autre chose que de s'informer s'il est ami, o u ennemi, n'est pas un espion; mais, si ce résident veut pénétrer tous les sécrets de la nation, chez laquelle il fait sa résidence, quelquefois pour lui faire du mal sans raison, quelque fois par une curiosité de coutume, c'est un espion et c'est ce que tout honnéte h o m m e ne doit jamais faire. O n peut donc donner des instructions honnétes et des commissions honorables à un ambassadeur et faire des reproches, si les étrangers en venoient à user autrement.

Les ambassadeurs peuvent étre n o m m é s par le r o y et recevoir de lui ses instructions; mais le souverain en cas de besoin peut toujours les faire rappeller, leur donner des ordres contraires à ceux que le r o y leur eut donné. Q u a n d je dis en cas de besoin, j e v e u x dire si la liberté de la nation étoit en danger, et pas autrement, car dans le reste leur fonctions n'appartient pas au pouvoir législatif.

CHAPITRE 1 3 .

Si les engagements des pères sont obligatoires pour les enfans, ou non.

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LIVRE DEUXIÈME 31 peuvent jamais ètre forcés à cela, mais il faudra qu'ils en sortent sans rien emporter de ce qui appartient à ses pères et, s'ils restent dans le pays, ou qu'ils prétendent au bien de ses pères, par cet acte m é m e ils donnent son consentement tacite aux loix et ils sont obligés à les observer.

LIVRE DEUXIÈME

O ù L'ON PROPOSE QUELQUES MAXIMES POLITIQUES POUR SERVIR DE MODÈLE AU GOUVERNEMENT.

CHAPITRE I .

Des différentes classes de personnes.

Si j'ai peut-ètre développé quelques idées neuves dans le premier livre, j e ne m e date pas qu'il s'en trouve dans celui-ci, car tant d'habiles politiques ont traité les mémes matières qu'il est difficile que j ' a y e pensé plus q u ' e u x ; mais, si d'autres ont pensé avant moi, ce n'est pas ma faute. D'ailleurs j e crois nécessaire, afin que l'ouvrage soit complet, d'efleurer aussi les matières qui appartiennent à la politique interne. Ainsi j e m e soucie fort peu qu'on m e dise que j e n'ai fait que répéter. E n tout cas, il n'est pas mal de redire des vérités q u ' o n ne voit point encore mises en exécution.

La parfaite égalité de condition est l'état naturel aux hommes, mais aussi elle ne convient qu'à l'état de nature et la plus parfaite démocratie (qui n'existe aucune part) auroit peine à conserver l o n g tems cette égalité; affisi ce seroit un projet inutile celui d'établir une parfaite égalité. Cependant on peut très-bien exécuter ce que dit monsieur Rousseau, d'éviter la parfaite misère de qui que ce soit et l'excessive richesse de quelque particulier1. Je n'espererois pas d'obtenir tout-à-fait

le but que Rousseau se propose, c'est-à-dire d'éviter qu'il y soit des hommes qui se vendent par nécessité et des autres qui soient en état de les acheter, car, exceptés les valétudinaires, les infirmes, les estropiés, il faudroit que la législation fut détestable, si un h o m m e bien organisé ne fut pas en état de gagner en travaillant sa subsistance. L'fficonvénient dont il s'agit dérive de la nature de l ' h o m m e ; il n ' y a q u ' u n philosophe qui puisse parvenir à ètre content de son sort. La plus part des h o m m e s se croyent misérables parce qu'ils ne regardent que devant eux et tout

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32 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

h o m m e qui est obligé de travailler pour gagner sa subsistance sou-tiendra toujours qu'il est misérable. O r , [comment] trouver le m o y e n que tous les hommes ayent toujours de quoi vivre sans travailler? Je doute fort qu'il soit impossible, outre que ce seroit probablement le m o y e n de les rendre tous paresseux. Il est vrai qu'en banmssant la véritable misère, en occupant les hommes, en leur donnant une bonne éducation, c'est-à-dire vertueuse, peut-étre le plus misérable dédaigne-roit-il les offres qu'un lache et riche seigneur pourroit lui faire pour obtenir de lui une action honteuse. Puisfque] donc que nous ne p o u -vons obtenir une parfaite égalité, j e suis d'avis que le plus utile m o y e n pour éviter les trop grandes richesses soit de former une gradation en établissant différentes classes de personnes. Plus il y aura de gradation et moins de distarne d'un degré à l'autre, plus nous approchons du but. La classe des nobles se trouve dans toute l'Europe, mais presque partout un noble récemment admis à cette classe est confondu avec la plus ancienne noblesse, et ce sont les richesses qui font briller. C'est à m o n avis un grand inconvénient: i . Parce qu'il est contraire à l'institution. 2. Parce que toutes fois que les richesses seront le plus sur m o y e n d'acquérir les suffrages des hommes, la nation deviendra en peu de tems avare et friponne; il faut donc subdiviser la classe des nobles en plusieurs rangs. Je ne v e u x pas oublier à ce propos le droit féodal, dont la noblesse j o u i t c o m m u n é m e n t en Europe, droit qui tire son origine de l'usurpation o u publique, o u privée et qui retient toujours quelques traits de la tirannie. Il n'est pas si difficile de donner aux nobles des distinctions sans leur donner des fiefs. Q u a n d le r o y fait son devoir, quel besoin a-t-il de s'attacher plus étroitement quel-ques uns de ses sujets? N e doivent-ils pas l'exiger? Et s'il est un mauvais roy, il y en a que trop de ceux qui par lacheté s'y attachent, sans augmenter les armes de la tirannie. Suivant les principes que j e viens d'établir, l'on peut règler les autres classes de bourgeois, commen^ans, artisans, laboureurs de campagne et bas peuple.

CHAPITRE 2.

De Y éducation.

L'éducation est le plus essentiel ressort et peut-étre l'unique aujour-d'hui pour exécuter une bonne législation. Et c'est à quoi l'on pense le moins dans presque toute l'Europe. Je ne donnerai ici que quelques

maximes générale que j e crois incontestables.

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LIVRE DEUXIÈME 33 diriger à un but. Si un enfant à déjà acquis des idées et si elles se trou-vent enchainées dans sa mémoire avec u n rapport contraire à celui q u ' o n a envie de lui imprimer, il est évident qu'il faut c o m m e n c e r par détruire ce petit édifice qui s'est formé.

2. La contrainte des enfans soit physique, soit morale, leur f o r m e un physique méchant et les acoutume à l'esclavage (quand j e dis c o n -trainte morale j e ne prétens pas de comprendre la dépendance dans laquelle l'élève doit ètre vis-à-vis de son précepteur, ni le respect qu'il doit à ses parens, j e v e u x dire cette journalière et inutile négation de volonté, à laquelle o n travaille ordinairement à les acoutumer). L ' é d u -cation doit ètre douce; il faut persuader les enfans et savoir faire j o u e r tant de ressorts qu'ils se puissent persuader d ' e u x mèmes de ce que l ' o n n'a pas réussi à leur faire comprendre.

3. Il ne faut pas donner à un laboureur de la campagne l'éducation qu'on donneroit à un noble, et vice versa, c'est-à-dire elle doit étre adaptée à chaque classe de personnes.

4. L'éducation doit ètre un office public, par bien de raisons: i . Parce que, si elle doit servir pour former les h o m m e s tels que le législateur les désire, il faut que ceux qui en sont chargés soient avertis des principes, sur lesquels ils doivent diriger ses opérations, ce qui n'est pas possible de pouvoir dire à tous les pères. 2. Parce qu'il y a très peu de pères qui soient assez habiles, riches et désoeuvrés pour savoir et pouvoir donner une bonne éducation à ses enfans. Les labou-reurs de la campagne et les commer^ans sont les seuls qui puissent ètre exemts de l'éducation publique; les premiers, parce qu'il n'est pas possible de la leur donner: il faudroit bàtir des collèges immenses et d'ailleurs suffit que des maitres dans les bourgs et villages ayent attention à les instruire autant qu'ils sont susceptibles. Les seconds, parce qu'ils peuvent, sans se détourner de leurs occupations, apprendre le commerce à ses enfans et par conséquent il ne s'agit pour ceux-ci que du bas àgc, dans lequel il faut les consigner à l'éducation publique.

CHAPITRE 3.

Des ecclésiastiques.

C e chapitre suppose un État o ù la religion dominante soit la catho-lique romaine, c o m m e l'est en effet celui que Rousseau a j u g é capable de législation1. Les ecclésiastiques sont une classe d ' h o m m e s très-utiles

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3-3 4 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

à la société, non seulement par rapport à la vie à venir, mais aussi par rapport à celle-ci, tandis qu'ils ne sont que ce qu'ils doivent étre; s'ils s'en écartent c'est d'abord des hommes très dangéreux. C e qu'un ecclé-siastique doit étre, l'Évangile le dit, mais, c o m m e la dangéreuse mé-thode de l'interpréter s'est depuis long tems introduite, les plus mauvais d'entr'eux ne manquent pas de trouver des passages de l'Évangile pour appuyer ses dérèglemens; ainsi j'espère qu'on ne trouvera pas mauvais que je rapporte ici les règles pour ce qui intéresse le sistème politique. 1. Les ecclésiastiques doivent ètre décemment nourris et entretenus aux fraix de la société, mais ils ne doivent rien posséder en propre. Leur entretien doit ètre fixe et assuré, et par conséquent ils ne doivent jamais mendier, ce qui est indécent, soit pour eux, soit pour les

catho-liques qui le souffrent, et je pense que de cette fa$on les ecclésiastiques exécuteront le conseil de l'Évangile par rapport à la pauvreté. ^

2. Les ecclésiastiques ne doivent jamais se mèler que de l'église, c'est-à-dire que des consciences et jamais avoir rien à faire dans ce qui ne regarde pas la direction des àmes, sous quel prétexte que ce soit. Et c'est ici précisément le grand mal, car, sous prétexte de diriger les consciences, les ecclésiastiques ont osé porter leurs vues jusqu'à régner. Jesus Christ a dit aux apótres de prècher l'Évangile, mais il n'a jamais dit de contraindre les hommes. Ainsi les ecclésiastiques doivent prècher aux hommes, mais ils ne doivent pas se mèler de les faire contraindre et, tant moins, en avoir eux mèmes l'autorité.

3. Les ecclésiastiques doivent vivre, au moins dans l'extérieur, ima vie exemplaire. Je sais qu'ils ne peuvent pas ètre tous canonisables, ils sont hommes, mais ils se doivent à eux-mémes et à la société un extérieur qui ne donne pas lieu au public de se scandaliser.

4. Il n'est du tout point nécessaire d'avoir tant de différens uni-formes d'ecclésiastiques, dont la plupart sont ou ignorans, ou méchans. Ainsi j'aimerois que le souverain fit choix d'un de ces uniformes et remerciat les autres.

5. Les disputes théologiques ont été de tous tems la source de tant de dissentions dans l'éghse, qui ont ensuite causé tant de maux au genre humain. Ainsi je ne les voudrois point souffrir. La théologie spéculative est nulle, car, que prétent-on; Démontrer les mistères? Il faut ètre foux. Le reste n'est qu'un bon cathéchisme. Q u i veut le croire, le croit; qui ne veut pas, laisse, tant pis pour lui.

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LIVRE DEUXIÈME 35 qu'il n ' y a rien à redire la dessus), j e pourrai aisément résoudre toutes les questions qui agitent depuis l o n g tems les courts catholiques et que, si jamais j e devois conseiller les princes, il m e paroit que j e voudrois finir en peu de tems et sans beaucoup de peine.

D ' a b o r d il n'est plus question de l'immunité réelle, car j'ai dit qu'il ne faut pas que les ecclésiastiques possèdent en propre des biens fonds. L'immunité personelle, c'est-à-dire l'exemtion des contributions personelles, par ce que j'ai dit, leur est due en conséquence. Reste l'immunité locale, le plus risible de tous les privilèges, qui tire son origine des payens; et pour se persuader de l'indécence d'un tei privi-lège il n ' y a qu'à se rappeller ce que Jesus Christ dit (Math., cap. 21, n. 13): Scriptum est: domus mea domus orationis vocabitur; vos autem

fecistis illam speluncam latronum. N'est-ce pas le véritable portrait de

l'immunité locale?

La jurisdiction a plusieurs rapports. Il y a la jurisdiction ecclésias-tique interne, c'est-à-dire celle qui regarde les consciences et celle-ci appartient sans doute aux ecclésiastiques, moyennant cependant qu'ils n'en abusent pas, c o m m e j'ai dit et s'en servent pour usurper les droits de la souveraineté. Cette jurisdiction s'étend également sur les ecclé-siastiques que sur les layques. Il y a la jurisdiction judiciaire et celle-ci est ou cuminelle, o u civile; en ce qui est de criminel, que les supé-rieurs ecclésiastiques corrigcnt par des chàtimcns spirituels le clergé pour le contenir, cela est à sa place, mais que, si un ecclésiastique a commis un crime punissable selon les loix, il soit exemt de la peine parce qu'il est ecclésiastique, c'est ce qu'il ne faut pas souffrir, car c'est un si grand inconvénient que j e ne crois pas nécessaire de le démontrer et c'est un privilège usurpé par le clergé dans les siècles d'ignorance. Je ne m'arrcte pas à en donner les preuves, car d'autres avant m o i ont jetté assez de j o u r sur cette matière. La civile enfin est de m è m e une usurpation qui n'a pas le moindre fondement et d'ailleur la chose la plus mal placée que l'on ait su imaginer c'est le véritable status in

statu qu il faut étre aveugle c o m m e les taupes et ne jamais avoir

en-tendu parler des principes de politique pour le souffrir.

CHAPITRE 4 .

Des soldats.

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36 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

a introduit en Europe l'usage des troupes qu'on appelle en pied, c est-à-dire d'avoir un'armée pendant la paix en état de marcher au moindre démèlé, il n'est plus possible de s'en passer entièrement : i . Parce que si quelqu'un venoit à attaquer on auroit peut-étre pas le tems de ras-sembler un'armée. 2. Parce qu'une armée de troupes en pied, étant sans doute mieux disciplinée qu'un'armée composée à h hàte, celle-ci, quoique supérieure en nombre, doit succomber. Je n'ignore pas que le couragì et la passion du patriotisme on fait faire des prodiges, mais peut-étre ces mèmes hommes ne les feroient-ils plus aujourd'hui que le plus chétif soldat qui lache son coup de fusil tue le plus vaillant capitarne du monde et qu'une douzaine de pièces de canon placées par un habile général massacrent l'élite d'un'armée. Il faut donc avoir un certain nombre de troupes en pied qui soit proportionné au nombre des habitants du royaume. Cette proportion est relative au nombre d'hommes qui sont nécessaires pour l'agriculture, pour les arts et pour les sciences. C'est pourquoi il n'est pas aisé de donner là dessus une règie générale. Tout ce que l'on peut dire c'est qu'en enrolant des étrangers on épargne les regnicoles, on se met en état de soutenir un'armée plus nombreuse et on augmente la population.

Nous avons dit qu'il est nécessaire d'avoir des troupes en pied, parce qu'il faut avoir en cas de besoin un'armée bien disciplinée et aguerrie à opposer à un ennemi. Il suit que les troupes ne doivent pas rester dans l'inaction en tems de paix, car le mème inconvénient revien-droit. Il faut donc les exercer, et ce n'est pas monter la garde à une porte que personne ne veut forcer que j'appelle exercer. Tout le tems que la saison est à propos, l'armée doit camper, décamper, manoeuvrer et se tenir en haleine. En tems de guerre il arrive qu'il faut abbattre des murs, en bàtir, faire des ponts sur les rivières, creuser des fossés etc. Il faut que l'armée s'exerce de mème, en temps de paix, à ces sortes de travaux et, pour ne pas les faires mal à propos, on peut entre-prendre des ouvrages publics utiles à l'État et y faire travailler l'armée. D e cette fagon la société ne nourrit plus des fénéans en tems de paix, mais des hommes doublement utiles et par conséquent respectables.

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LIVRE DEUXIÈME 37 et les braves officiers, à qui il appartient d'enróler les hommes, de-vroient bien se garder d'admettre un qui fut indigne.

Il n'est guère possible d'entretenir en tems de paix un'armée assez nombreuse qu'à l'occasion d'une guerre il ne fut pas nécessaire de l'augmenter. C'est un'autre difficulté qui n'est cependant pas sans remède. O n enròle un'autre espèce d'armée qu'on appelle troupes des provinces. Chaque province en fournit un certain nombre. Ces troupes ne font que passer en revue une ou deux fois par an et s'exercer pen-dant quelques jours aux manoeuvres militaires et le reste de l'année restent chez soi à faire ses affaires. À la déclaration de la guerre cette troupe est bientòt rassemblée et, quoique elle ne soit pas assez disci-plinée, on en mele une partie avec le reste de l'armée, une partie garde les places et, en attendant, apprend le métier.

Les troupes plus o u moins ont par tout un salaire. Si les soldats dont je parie n'étoient destinés qu'à défendre sa patrie à l'occasion d'une guerre, il seroit indigne d'un bon citoyen de recevoir un salaire pour se défendre lui-mème, mais, comme l'armée peut étre destinée à ime guerre offensive et qu'elle doit s'occuper en tems de paix aux ouvrages publics qui méritent un salaire soit pour dédommagement, soit pour récompense, on peut très bien le leur accorder. Les troupes des provinces, qui ne sont pas dans le mème cas, ne doivent pas avoir de salaire que lorsqu'il[s] servent la patrie. Il ne faut pas confondre ici le salaire avec la nourriture et l'habillement d'uniforme, car c'est bien différent. Pendant qu'un h o m m e sert sa patrie il abbandonne le métier dont il tiroit sa subsistance; la société y doit suppléer; ainsi les troupes des provinces doivent étre habillées pour les tems qu'elles passent en revue et s'exercent aux manoeuvres militaires, nourries et payées dans ce tems de guerre comme le reste de l'armée.

Les soldats doivent avoir un habit uniforme. C e t habit doit ètre aussi léger qu'il est possible, afin de ne point gèner les soldats dans la marche. Enfin, maxime générale, le soldat doit étre bien entretenu; il faut se donner toute l'attention possible pour que sa nourriture soit bonne et simple, pour le garantir des intempéries de l'air et des saisons, pour le faire soigner dans les maladies, et penser quand il est blessé; car de cette faeton il sera plus en état de travailler et il travaillera plus volontiers. L'art de la guerre est un art qui exige la connoissance de beaucoup d'autres et par conséquent elle doit ètre enseignée méthodiquement.

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38 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL » CHAPITRE 5.

Des sciences et beaux-arts.

Je ne crois pas nécessaire de prouver la nécessité et l'utilité des sciences et beaux-arts pour toute société polissée. Ainsi j e ne parlerai que de la fasori d'en favoriser les progrès et de s'en servir.

Les sciences et beaux-arts ne sont pas toutes également nécessaires et utiles, i' y en a qui le sont plus ou moins par elles-mèmes, o u par rapport à une société plutòt qu'à un'autre; il y en a qui ne sont abso-lument ni nécessaires ni utiles et enfin il y en a qui sont dangereuses.

Toutes les sciences et beaux-arts qui sont nécessaires o u utiles à l'entretien de l ' h o m m e tiennent la première place; ainsi l'agriculture est la première science. Celles qui sont nécessaires ou utiles à l ' h o m m e pour lui procurer une vie plus c o m m o d e tiennent la seconde. Ainsi tous les arts qui y ont rapport, c o m m e l'architecture, la mathématique sublime et la méchanique etc. Je place au m é m e rang toutes les sciences qui ont pour but d'apprendre aux h o m m e s la fa^on de conserver tranquillement sa vie, son bien et sa liberté sociale.

U n e société par exemple qui occuperoit des cótes de mer et un terrein ingrat ne pourroit subsister que par le c o m m e r c e et la navi-gation; alors pour cette société le commerce et la navigation sont de première nécessité et par conséquent la première science.

U n e société qui par malheur seroit entourrée de voisins inquiets, de fa^on qu'elle se trouvat dans la nécessité d'avoir souvent les armes à la main pour ne pas étre subjuguée, ne pourroit se passer d'apprendre l'art de la guerre; alors cet art est de la seconde nécessité pour cette société.

La peinture, la connoissance des médailles antiques et de toutes les pièces de l'antiquité, la poésie etc., sont des sciences ni nécessaires, ni absolument utiles; ce n'est que par hazard qu'elles pourroient le devenir.

La théologie que l'on appelle spéculative, qui a produit toutes les dissentions dans l'église et ensuite tant de guerres et de m a u x au genre hurnain; la réthorique, c'est-à-dire l'art de persuader de ce qui n'est pas, ou de grandir les objets (car l'art de rendre avec netteté ses pensées, c'est-à-dire donner son propre n o m à toutes les choses, n'est pas réthorique) sont des sciences, des arts très pernicieuses.

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LIVRE DEUXIÈME 39 ceux qui se d i s t i n g u e r en icelles. Pour les faire enseigner il faut des écoles publiques; mais, avant de parler des sciences et beaux-arts, il faut parler des connoissances qui sont pour ainsi dire preparatone.

Lire et écrire est la première cbose qu'il faut apprendre et pour ceci il faut qu'il y ait des maitres par tout, mais il n est du tout point nécessaire d'apprendre à lire et écrire des langues mortes; c est les vivantes, et i. Celle du pays. 2. Les autres qui sont plus communes. Quand on sait lire et écrire il faut apprendre à parler juste, a n o m -mer toute chose par son nom, car j e soutiens q u i i n y a point de véritables sinonimes et cet art est celui qu'on n o m m e aussi rethorique, mais qui ne doit point se confondre avec les figures qu on enseigne communément pour apprendre à deffigurer la vérité.

Lorsqu'un jeune h o m m e sait parler juste et éviter par la tant de disputes de mots qui ne signifient rien, il faut lui apprendre a penser juste, c'est-à-dire à faire un bon sillogisme et à ne point ; tirer de con-séquences qui ne dérivent point des principes, dont il les veut tirer Ceci est ce qu'on appelle philosophie, mais qui dans e fond n est autre chose que les élémens de la philosophie. Il est très utile d y joindre les élémens de la géométrie et l'arithmétique pour lui rendre plus facile la juste combinaison et pour l'y acoutumer de plus en plus. Tous ces élémens doivent étre enseignés par tout ou il y a une certame population, afin que ceux qui sont à méme de s apphquer aux sciences et beaux-arts puissent se mettre en état de faire choix de celle qui leur est plus propre. O n peut ajouter aussi les elemens du dessein, qui est nécessaire pour l'architecture.

Pour les sciences et beaux-arts sublimes il faut une umversite, dans laquelle elles soient enseignées méthodiquement et par des maitres habiles. „ . . . ,

L'université doit étre placée dans une ville, ou 1 air soit la plus pure, les occasions de divagation moins fréquentes, les denrées nécessaires a la vie à bon marché, et qui soit autant qu'il sera possible a la portee de tout l'État. r i Les maitres doivent donner des épreuves à ses écoliers et taire don-ner par le magistrat des lettres patentes d'habileté à ceux quils auront

jugé tels. , , Il doit y ètre un magistrat qui veille sur lumversite, soit pour la

protéger, soit pour empècher tout désordre et pour juger tous les différends de ceux qui y sont enròlés écoliers.

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40 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

grand mérite. Le souverain et le gouvernement doivent la protéger; il faut des prix, des récompenses publiques et sur tout secourir ceux dont la basse fortune put étre d'obstacle à s'appliquer sérieusement.

CHAPITRE 6 .

De l'agriculture.

L'agriculture est la première science du monde, parce qu'il y a toute apparence que les hommes dans le premier àge du monde, avant toute chose, ont cherché le m o y e n de se nourrir; et c o m m e , à mesure que la population augmentoit, les fruits que nous appellons sauvages, c'est-à-dire les simples productions de la terre, ne pouvoient peut-étre plus suffire pour nourrir tant d'hommes, ainsi ils auront cherché le m o y e n d'augmenter par l'industrie les productions de la terre. L'agriculture est de m é m e aujourd'hui la première science parce que c'est la plus nécessaire à la vie.

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LIVRE DEUXIÈME 4 1

La meilleur m o y e n que j e connois pour favoriser l'agriculture est de ne rien faire qui puisse la décourager et ce sont les impòts mal réglés dont j e parlerai à sa place ; de ne rien faire qui puisse géner le débit des denrées, et ceci appartient aux règlemens du c o m m e r c e ; j ' e n parlerai aussi à sa place; et enfm de favoriser les découvertes. Pour ceci la meilleure méthode est d'établir: i . U n e école d'agriculture. 2. D e s académies, o u sociétés dans chaque province, lesquelles se c o m -muniquent réciproquement leurs découvertes. Le souverain doit leur fournir les m o y e n s nécessaires pour y travailler, donner des r é c o m -penses à ceux qui s'y appliquent et qui se rendent utiles par ses tra-veaux. Je sais qu'il arriverà souvent q u ' o n fera des essaix inutiles, mais n'importe; ime bonne découverte d é d o m m a g e avec usure l'État des autres dépenses. Il faut que tout ce que les sociétés auront découvert soit c o m m u n i q u é au gouvernement: i . A f i n qu'il puisse règler ses projets et ses opérations. 2. Parce que quelque fois le concours de beaucoup d'autres circonstances peut faire qu'une découverte qui seroit utile d'un coté à l'agriculture soit d'ailleurs dangereuse à l'État. Par exemple, s'il s'agissoit d'une cultivation dangereuse à la santé des hommes, ou qui occupat plus d ' h o m m e s de ce que le produit en peut nourrir etc.

CHAPITRE 7 .

Du commerce.

Il ne s'agit pas ici d'un traité sur le c o m m e r c e . T a n t d ' h o m m e s éclairés et habiles y ont travaillé. Il n ' y a qu'à les consulter. P o u r moi j e ne parie du c o m m e r c e que par rapport au sistème politique et j'entends donner quelques règles générales.

T o u t État, qui ne peut pas se dispenser d'avoir quelque rapport avec les autres, ne peut pas se passer entièrement du c o m m e r c e ; c'est d'en faire une plus ou moins grande occupation. Les nations tout à fait commer^antes avec toutes ses richesses sont ordinairement foibles et m è m e , tòt o u tard, subjuguées, parce que précisément leurs richesses excitent l'envie des nations. La république de Cartage dans l'histoire ancienne et le M e x i q u e dans les siècles passés fournissent une assez frappante preuve de ce que ci-dessus. Les inconvéniens que monsieur Rousseau trouve dans la petite république de G e n è v e1 (inconvéniens

assurément incontestables) peut-ètre ne sont-ils que le triste effet de

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42 SUITE DU « CONTRACT SOCIAL »

l'esprit de commerce qui y est dominant, lequel, affoiblissant les àmes, doit nécessairement produire cette inaction dans la bourgeoisie, par laquelle, stupides spectateurs des injustices de ses tirans, les meilleurs citoyens n'osent réclamer ses droits pour s'opposer à l'infraction des loix et à l'oppression des innocens. C'est donc un certain milieu qu'il faut chercher et qui est la véritable richesse. Celui est riche qui a tout ce qu'il lui faut pour vivre avec aisance et c'en est de mème d'un Etat. Quand un État, au moyen du commerce, a de quoi fournir à la vie aisée des individus et de quoi fournir aux fraix nécessaires pour le maintien de l'État, alors il est riche. Le pur luxe ne fait jamais richesse. Par rapport aux particuliers on appelle luxe les dépenses inutiles qu'ils font; par rapport à l'État, au corps moral, j'appelle luxe un amas immodéré ou de denrées ou de monnoies. Le commerce est donc ce qui peut fournir le nécessaire, c'est-à-dire suppléer à ce que l'État ne fournit pas et c'est de lui-méme qui peut fournir le pur luxe. Il faut tàcher de le contenir dans les bornes du nécessaire; afin que le c o m -merce fournisse le nécessaire, il faut que la balance générale panche en faveur de l'État. Pour le contenir il faut: i . Par des voyes indi-rectes faire de sorte que des individus qui composent l'État il en soit qu'une partie qui s'applique au commerce. 2. Quand les commer^ans venoient à intraprendre un commerce trop étendu, s'y opposer et chercher des prétextes adroits. 3. Faire des loix somptuaires. C e remède est comme le vénein, qui bien préparé et en petite dose est excellent; si la dose est trop forte, ou qu'il ne soit pas bien préparé, tue le malade; il faut s'en servir avec beaucoup de précaution. Par exemple il ne faut pas óter aux riches particuliers tout m o y e n de mettre en circulation les sommes qu'ils ont dans ses coffres, car nous tomberions alors dans le pur luxe de l'État; il faut qu'elles soient proportionnées à l'étendue et aux forces de l'État, car en général les loix somptuaires sont très nécessaires à un État qui acheteroit tout, et n'eut rien à donner aux étrangers, comme la république de Gènes. Elles sont dangereuses à un grand royaume, comme la France; elles sont utiles, à un certain point, à un État mediocre; sur tout un État qui fait importation et exportation doit les combiner de fa?on que l'importation ne soit pas abolie et que les étrangers n'ayent pas lieu de se dégouter. Pour éviter un amas immodéré des monnoyes le gouvernement peut entreprendre des ouvrages publics.

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